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 reshape me (tyfy)

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Serena Gianelli

Serena Gianelli
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MessageSujet: reshape me (tyfy)   reshape me (tyfy) EmptyLun 24 Juil - 16:57


C’est rare qu’elle soit aussi obstinée Serena. Qu’elle refuse d’en parler, qu’elle refuse de changer d’avis. Elle est changeante d’ordinaire, prête à tout écouter, tout admettre, tout épouser, le coeur et la tête souple tant que c’est pour le mieux. Mais aujourd’hui, il n’y aura plus de mieux. Elle a enfin compris. Le sursis passé. Le trajet va s’arrêter là. Elle ne sait pas trop dans combien de temps. Ils lui ont juste expliqué ce à quoi elle devait s’attendre -la dégradation prochaine de son corps- pendant qu’elle signait les décharges pour formaliser le refus de traitement et tout autre refus de soins. Enfin “ils”, juste lui. C’est étrange de s’dire que quelqu’un de plus jeune en sait plus sur vous et votre avenir que vous-même. Il sait dans les moindres détails les détériorations qu’elle éprouvera... encaisse déjà. Il sait certainement quand elle va casser et plus se relever. Y a déjà des miettes de ses brisures. La boutique qu’elle n’ouvre plus aussi souvent parce que trop fatiguée, les membres et les muscles trop lourds comme atrophiés, la clouant au lit. L’énergie qui s’fait la mal sans prévenir, chamboulant tous ses plans. Le copinage avec la cuvette des toilettes qui s’fait de plus en plus fréquent, si ce n’est pas tous les jours. L’appétit qui s’perd entre deux fièvres subites. La porte de son appartement qu’elle ferme maintenant à clé, ne laissant plus aucune invitation possible. Faut prendre rendez-vous. Faut qu’elle dise oui. C’est un peu exagéré, mais c’est presque ça. C’est mieux comme ça. Dénouer les fils, défaire les liens, perdre les habitudes, plus pour eux que pour elle finalement. Faut déjà commencer à partir, non ? Même si il n’y a que son cousin au courant et ses parents qui veulent qu’elle rentre, elle finira par leur dire mais elle ne sait pas comment. Ça aussi c’est rare qu’elle ne sache pas trouver les mots justes. Pour ça qu’elle repousse l’échéance. Elle sait qu’elle ne doit pas trop tarder, elle n’aime pas mentir Serena. Mais elle a encore tellement de choses à faire. Faut qu’elle démissionne du Smoking Dog. Faut qu’elle signe les papiers de la cessation du bail de sa boutique toujours étalés sur son bureau. Qu’est-ce qu’elle va faire de toutes ses créations ? De tout ce tissu qui a envahit jusqu’à son appartement -son deuxième atelier de couture. En fait, elle sait très bien ce qu’elle va en faire, elle va tout donner. Faut aussi qu’elle fasse ses propres cartons aussi…

C’est ce qu’elle a entreprit tout à l’heure d’ailleurs. Elle fait des tas et des tas. Des grands et des petits. Des trucs qu’elle déballe et remballe. Des choses qu’elle avait oublié et d’autres qu’elle oubliera jamais. Puis y a tous ses pola. Bambi farouche et libre. Robin intimidée, Robin passionnée au milieu des plus belles pierres. Jaël et Rez enroulées l’une à l’autre, perdues entre deux coussins bariolés, des dessins d’une autre époque et des cadavres de bonbons épluchés. Pene et Tex en train d’se défier du regard et probablement des coeurs. Lola en pure starlette, Lola et ses zygomatiques bien trop relevés pour n’être qu’un sourire. L’ombre de Seven filant en descendant d’la scène. Ike en fuite, Ike en peine. Nash & Sil, empereurs de leur monde. Ace et Riley, vision d’amour. Les… cheveux de Leo emmêlés dans sa chèche ? Leo et ses bouts de peau près d’la sienne, impossible à capturer autrement en photo -ou alors seulement quand il dort. Caïn et son profil rieur. Caïn et sa tenue anti-soleil qui n’aura jamais assez d’épaisseur contre elle. Caïn et ses carnages, sourire ripailleur et regard généreux. Faut juste savoir déceler la lueur trouble, entre l’espiègle folie et les limites énamourées qu’il s’afflige. Elle revoit tout ça imprimé sur les morceaux d’son puzzle et elle a un hoquet de rejet qui l’oblige à tout quitter.

Ça cogne à sa porte alors qu’elle sort de la salle de bain avec cette sueur froide dans l’dos -elle ne s’y habituera jamais. Fatiguée et vidée. Elle vérifie son téléphone. C’est l’heure. C’est lui. L’historique de leurs échanges lui rappelant que y a que lui qu’elle fera rentrer à présent. Et c’est bien parce que c’est pour les autres qu’elle fait ça.

Salut, entre.” Les dents du bonheur aux abonnés absents. Y a pourtant ce petit réflexe, des pommettes qui se hissent pour rencontrer des cils. Mais avec lui, elle n’a pas besoin de faire semblant. Elle déteste ça, mais jusqu’à ce qu’elle retrouve un peu de courage pour une dernière bataille, elle s’en contentera. Même si ça ne lui ressemble pas. Même si dans l’miroir, elle ne se reconnaît pas. “J’ai fait comme tu as dit, j’ai tout noté.” Journal des bleus et des bosses, des bons et des mauvais jours, de ses faims et de ses jeuns, de tout et rien. Mais elle se doute que ça servira plus une fois qu’il aura commencé ses tests. C’est pas une tentative pour te soigner contre ta volonté, on l’sait tous les deux que ça fonctionnera pas de toute façon. Mais les autres, les prochains, ça pourra peut-être les aider. C’est bien la seule raison qui l’a poussée à dire oui. Qu’est-ce que ça peut bien faire de devenir un cobaye ? Comme il l’a dit, elle est déjà morte. “Tu veux boire quelque chose avant de commencer ? Fais comme chez toi, tu peux te servir.” Il ne la sauvera pas. Elle ne s’en remettra pas. Et peut-être que quelque part, elle s’dit qu’une erreur de sa part et elle partira plus vite, sans penser qu’au contraire, il peut rallonger le supplice...
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MessageSujet: Re: reshape me (tyfy)   reshape me (tyfy) EmptyVen 29 Sep - 9:27

C'est un spécimen fascinant que t'as chassé, que t'a capturée, même si elle se sent encore libre. Ça fait longtemps que tu l'observes, depuis que t'as commencé à roder dans l’hôpital. Elle était déjà mourante, avec ses yeux vides, sa peau morne, ses pieds las. Oh, elle aimait pas l’hôpital et ses odeurs, de mort et de vomis, de maladie. Du genre de personne qui préfère mourir ailleurs que dans ses murs aseptisés. Sauf que même sans ça elle finira ici. Y'a que les corps qu'on retrouvent pas, qui passent pas par l’hôpital. Pour constater le décès, avant la morgue. Là où t'aurais dû être, où t'aurais certainement été plus à ta place. Mieux. Ta folie moins difficile à contrôler que celle qui avait brillé dans tes yeux quand tu l'avais vue, que tu l'avais examinée. Suivie, même, jusqu'à son travail, sa boutique, jusqu'à ce qu'elle décide qu'elle ne voulait plus les traitements. Ce jour là, c'est comme si tu savais. Il manquait quelque chose dans ses yeux, l'espoir. Elle venait de mourir. T'as pris son dossier, quitte à trancher une tête pour le faire. T'as mis ton joli sourire de médecin et ton enthousiasme pour donner envie de vivre, sauf qu'elle était déjà morte, finie. Morte-vivante, tu savais. T'avais vu, le genre de truc que personne remarque, que les gens croient, quand elle dit qu'elle va bien, qu'elle fait un sourire. Menteuse. Comme toi, quand ton sourire disparaît à l'annonce de sa nouvelle. Elle veut arrêter les traitements, c'est parfait, parce que t'as une idée en tête. T'essaye de la dissuader, comme t'es sensé, parlant de nouvelle technologies, de trucs trop avancés qui font un peu peur. Elle refuses, t'acceptes son refus, tu lui dit que le choix est sien. T'avais malgré tout fait le gars vraiment bouleversé et t'avais pas résisté à lui filer ton numéro. Sans plus, si elle avait besoin d'une oreille, ou quelque chose du genre. Gentil, gentil Tyfy. T'avais été l'oreille, avant d'être la bouche invitante, le diable qui allait lui proposer, avant de se rétracter, rien que pour piquer la curiosité. En labo, vous travailliez sur une cure, bullshit. Vous travailliez surtout à semer le chaos sur le monde. Tu t'étais excusé, en répétant que tu savais qu'elle ne voulait pas de traitement, en rageant sur le système de santé, le système pharmaceutique qui parfois refuse les remèdes possibles, des remèdes qui pourraient sauver des vies. Pas les tiens.

Elle avait accepté et t'en rigolais encore. Tu t'en fascinais encore. Comment l'espoir pouvait à ce point quitter quelqu'un. Parce qu'elle ne le faisait pas pour elle. Parce qu'elle te donnait son corps, en entier, et que c'était grisant. Que c'était même la raison pour laquelle elle était encore en vie. Parce que quelque part, si t'aimais la détruire, tu perdais doucement l'envie qu'elle meurt. T'aurais jamais plus grisante relation avec une patiente. Pas dans la légalité. Tu te rendais chez-elle, sonnait, l'entendait venir de loin, sortir, son pas, son souffle, c'était pas une bonne journée. Il y en avait de moins en moins, de bonnes journées. Elle te faisait entrer, ne se forçant pas de sourire avec toi, pas plus que tu ne le faisait. T'entres dans l'appartement, refermes la porte derrière toi. Retire déjà ta veste, défait ta cravate, les pose sur une chaise alors que tu poses ta malle sur la table. « Tout ? » Que tu répètes. Incertain, déjà insatisfait. Parce que les patients ne notent pas tout. Parce qu'ils se gardent un pudeur, une réserve, un jardin intime, et que tu ne veux pas ça entre vous. Tu la veux à nue, entièrement, à genoux devant toi rien que parce que tu prétends que ça en aidera d'autres. Rien que parce que t'es égoïste. « Non, ça va. T'as mangé ? » Que tu questionnes en ouvrant le journal sur la page d'aujourd'hui, y'a pas grand chose et hier, y'a pas tout. « T'as pas mangé hier non plus ? T'as pas dormi ? Faut que t'écrives combien d'heures, comment était ton sommeil. J'veux que tu notes comment tes cheveux sont, ta peau, tes envies, tes pensées principales. Je sais que c'est chiant, mais j'peux pas être le seul à bosser, faut que tu m'aides... » Que tu lui souffles, refermant le journal que tu consulterais plus tard, le posant sur la table avant de t'approcher d'elle. Y'a ta main chaude qui retrouve sa nuque, la sueur de sa peau froide, l'autre qui se glisse sur le côté de sa gorge pour sentir son coeur au rythme un peu trop lent.  « Comment tu te sens, aujourd'hui ? » Que tu la questionnes alors que tu commences à la tripoter. Tes doigts sur les ganglions enflés, sur sa peau diaphane. Il doit pas lui rester plus que quelques mois. Peut-être trois. Sauf que t'as l'ambition de faire durer ça six. Six, voir jusqu'où, jusqu'où avant qu'elle ne craque.

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Serena Gianelli

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MessageSujet: Re: reshape me (tyfy)   reshape me (tyfy) EmptyMer 18 Oct - 19:31


Le lendemain, après avoir tout formalisé à l’hôpital, signé tous les bons papiers comme si ce n’était que des petits mouchoirs, après que Tyfy l’ait convaincue d’aider pour la science et les prochains malades… Son corps endormi a eu du mal à se réveiller - comme si il savait, comme si il avait une entité propre et que tout lui était égal. Quand elle s’est levée, elle semblait sortir d’un rêve tranquille. Peut-être bien vide. Impossible de savoir si elle a ressenti de la tristesse, ou juste du soulagement à l’idée que tôt ou tard, tout arriverait à son terme. Elle-même, elle ne sait pas ce qu’elle éprouve, mais elle ne se sent pas perdue pour autant.

Elle acquiesce au “tout ?”. S’asseoit sur le lit trônant au milieu de l’appart pour le laisser prendre ses marques ici, sur elle. Et puis elle hoche la tête par la négative. Non, elle n’a pas mangé. Pas faim. Pas la force de manger non plus. Mais ça va, c’est pas la première fois. Faut que je fasse une légende ? Quand y a rien d’indiqué c’est qu’il ne s’est rien passé. Il aurait dû comprendre la logique pour un scientifique. Mais elle ne répond pas comme ça d’ordinaire, ça ne lui ressemble pas. C’est peut-être une dernière trace d’hostilité provoquée par l’intrusion du médecin dans ce qu’il reste de son foyer. Pardon., qu’elle souffle en souriant mollement, en le regardant sans le voir. Je serai plus précise à l’avenir. Malgré l’ironie. Mais je savais que tu allais venir et juger par toi-même... Elle le laisse palper. La peau qui se défait, sans texture particulière. Les cheveux hirsutes, encore plus difficiles à discipliner qu’avant, et de moins en moins doux. Y aura probablement plus rien de doux chez elle. Non j’ai pas dormi, j’ai fait des cartons. Et j’ai pas d’envies particulières, même pas les soi-disant “plus vitales”. Elle le regarde l’osculter, commencer à déballer son attirail médical. Cette fois-ci, c’est pas une question de confiance mais plutôt d’indifférence. Il peut bien faire ce qu’il veut, au final, le résultat sera le même. Et pour une fois, elle ne visualise pas l’état de la route dans laquelle elle s’apprête à voyager entre maintenant et la fin. Toute cette histoire autour de l’importance du voyage plutôt que la destination, ça lui semble lointain. Le point de chute est si proche de toute façon… Mes pensées principales sont concentrées sur… ranger, trier, régler les papiers administratifs. Il aura fallu un diagnostique fatal et une résolution intouchable pour qu’elle devienne pragmatique et moins… hippie. Ça ne plairait probablement pas à ses parents, ou même à Leo ? Un peu molle. D’ordinaire, elle aurait même ri de son état. Mais là, elle est fatiguée. Faible. Il le sait. Ça s’voit rien qu’à sa façon de lever ses yeux clairs dans les siens. Ça s’voit dans ses gestes lents et éthérés.

Il l’allonge et elle s’y plie. Marionnette de chair, elle obéit à ses instructions, promet de suivre les prochaines à la lettre. Mais juste pour la forme, juste pour comprendre. Elle demande. Du coup, c’est quoi le programme exactement ? Et tout ça ? Les petites fioles et les seringues. Aujourd’hui, elle a le droit de demander à savoir, à déchiffrer rigoureusement. Elle n’a pas vivre le truc avec sentiment et émotion. Elle peut faire disparaître la magie. Sa magie. Qu’il va étouffer petit à petit dans tous les cas. Je ne sais plus… C’est la première fois que tu testes sur quelqu’un ? T’en as d’autres ? On est combien à crever entre tes doigts, même si tu ne fais qu’assister à cet acte mortel ?
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