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 hello stranger (bronnie)

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MessageSujet: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyVen 21 Juil - 12:42

Et une journée de plus de terminée. Le Geek Store est fermé et c’est paisiblement que tu retournes chez toi sur ton destrier de compétition… oui nous parlons bien de ton vélo que tu as rafistolé ce matin parce que le pneu arrière était mort. Ça ne te dérange pas de n’avoir pas une super voiture, d’être tributaire des transports en commun par jour de pluie. Tu n’as jamais été vraiment matérialiste même si tu as bien conscience que ça ne fait pas riche notamment que tu veux (enfin voudrais) emmener ta copine quelque part. Tu te consoles en te disant que plus tard, dans un avenir plus ou moins proche tu auras les moyens d’avoir cette voiture et que ce jour-là ta copine – que t’auras épousé sinon ce n’est pas un rêve – sera fière de porter le nom de Barton et de t’avoir pour mari. Autant dire qu’il y a du chemin encore à parcourir… mais les obstacles t’ont jamais fait peur même si t’as l’habitude de te les prendre en pleine figure. Et oui, tu es Ben après tout. Tu prends toujours la vie du bon côté, acceptant les épreuves de la vie et trouvant toujours la lumière au bout du tunnel. Si tu devais t’apitoyer sur ton sort, tu serais en pleine dépression à ne jamais quitter ton lit.

L’avantage de travailler au geek store c’est que t’es vraiment pas loin de chez toi – d’où l’intérêt d’avoir un vélo –. Tu ranges ton vélo à son emplacement, regardes s’il y a du courrier. Rien. Tu te méfies, on vous a peut-être encore volé votre courrier. Nota bene : rendre visite à la 2B histoire de dire bonjour et demander pour le courrier. Ces petites visites de courtoisie se terminent en général par du grabuge (pour toi) mais c’est pas méchant. C’est juste qu’il faut que jeunesse se fasse… même si t’avoue que t’aimerais bien ne plus devoir régulièrement réclamer ton courrier. Mais il y a eu des différents avec Francine alors ça ne changera plus maintenant. Tu décides de prendre les escaliers jusqu’au 4ème parce que tu le peux… enfin t’arrives quand même essoufflé au dit étage. C’est ça de faire le malin, tu sais bien que t’es pas sportif pour deux sous pourtant mais tu veux prendre de la masse. Donc c’est vélo tous les jours, escaliers tous les jours et t’attends de voir des résultats. Pour l’instant, aucun changement à percevoir. Tu ouvres la porte, tout est calme dans l’appartement. « Mamie, c’est moi je suis rentré. » Pas de réponse. Tu avances dans l’appartement à la recherche de Francine. Tu finis par la trouver dans sa chambre paisiblement endormie. Ses médicaments la crèvent. Ça ne t’étonne donc pas de la trouver endormie. Ça doit bien faire une semaine qu’à chaque fois que tu rentres du travail qu’elle dort. Tu ressors alors de la chambre fermant la porte derrière toi. Elle a bien mérité un peu de repos. Tu te diriges ensuite dans la cuisine, ranges deux trois trucs qui trainent. T’as l’impression d’être enfoncé dans cette monotonie un peu glauque. Tu tiens le logis, accompagnes Francine jusqu’au jour fatidique même si tu refuses d’y penser. Peut-être que les docteurs se sont trompés, peut-être qu’ils ont sous-estimé le délai. Bref, tu attrapes un jus de fruits dans le frigo et t’en sers un verre. Tu poses ton téléphone sur la table espérant un message ou mieux un appel de Graziella. Vous ne vous êtes pas vus depuis trois jours. Elle est « occupée », sortie avec ses copines, rendez-vous pro… bref que d’occasions où ta présence n’est pas souhaitée mais tu te dis que ce soir, c’est ton soir. Rien ne pourrait justifier que tu passes une nouvelle fois au second plan. N’est-ce pas ? Même toi t’as tes doutes, c’est triste.

Soudain la sonnette retentit. Qui cela peut-il être ? C’est pas comme si t’attendais de la visite. Un ami de Francine ? Elle t’aurait prévenu. Un mauvais coup des jeunes ? Il faut se préparer à tout. Tu te lèves et vas ouvrir la porte. « Veronica ? » Pour une surprise, c’est une surprise. Ton amie d’enfance se trouve devant toi en chair et en os. Cela fait des années que tu ne l’as pas vue… T’as du mal à comprendre ce qui l’amène alors qu’il serait tout à fait logique qu’elle vienne voir Francine. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Oui tu fais pas souvent dans la subtilité ou la délicatesse. Paraît-il que ça fait ton charme. On va vite le savoir…
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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptySam 22 Juil - 20:54



Ben & Ronnie
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Francine est malade.
Une conversation captée au détour d’une table de clients un peu âgés qui avaient choisi de manger au Diner ce soir-là. Une simple conversation. Elle n’a pas l’habitude d’écouter ce que les gens disent lorsqu’ils papotent entre eux, et elle ne sait même pas pourquoi elle l’a fait cette fois. Peut-être parce que le prénom, elle le connait, peut-être parce qu’il résonne un peu trop fort en elle, réminiscence d’un passé évanoui depuis longtemps. Qu’est-ce qu’elle raconte, y a pas de peut-être, c’est sûr. C’est sûr qu’elle a tendu l’oreille parce qu’elle a entendu Francine, parce qu’elle a revu le visage bienveillant de la grand-mère qui a trop souvent soigné ses petits bobos, la vieille dame avec qui elle a passé beaucoup trop de dimanches à jouer aux cartes. Son plateau avait tremblé un peu lorsqu’elle l’avait ramené en cuisine, pas totalement droite sur ses roulettes. T’es pâle, Ronnie, on lui avait soufflé. Rentre chez toi et elle n’avait pas moufté, avait obéi, s’était changé en trente secondes grand max et avait foncé chez elle, des larmes au bord des yeux. Elle avait passé la nuit à tourner les choses dans sa tête, à se demander ce qu’elle pourrait faire, ce qu’elle pourrait dire. Francine, c’était pas juste une mamie. C’était la mamie de Ben. C’était la mamie de son meilleur ami, de son compagnon de toujours. De celui qui était devenu un inconnu pour elle. Elle avait pris son portable, s’était connectée à Facebook, avait tapé Benjamin Barton dans la barre de recherche, par curiosité, l’avait reconnu tout de suite. Elle avait souri un peu, sans s’en rendre compte, parce qu’il n’avait pas changé depuis les quatre ans qu’ils avaient passés loin l’un de l’autre. Peut-être juste deux-trois boutons en moins. Elle avait pas regardé toute la page. Ça ne servait à rien, il était trop loin, Ben. Il était parti depuis trop longtemps, lui avait bien fait sentir qu’ils ne seraient plus jamais ce qu’ils avaient un jour été. Elle avait reposé son téléphone, avait essayé de fermer l’œil, sans succès. Elle avait donc passé toute la nuit derrière les fourneaux, à tenter de reproduire les petits gâteaux au chocolat de Francine, avant de fondre en larmes en voyant le résultat catastrophique. Donc, comme toute gamine trop têtue, elle avait recommencé. Six fois. La dernière étant carrément moins désastreuse. Ça ira bien, au pire, ça la fera rire. Elle avait regardé l’heure, mordu sa lèvre. Sept heures du matin, service dans une heure. Pas de repos pour cette nuit, apparemment, mais c’est pas grave. Y a des choses bien plus dramatiques dans la vie, comme d’apprendre que Francine est malade. Et le cœur qui loupe un nouveau battement alors qu’elle fourre les gâteaux dans son sac, enfile de nouveau ses patins et se précipite dehors.

La journée est longue. Trop longue. Surtout parce que la fatigue commence à se faire cruellement ressentir. Elle a mal aux muscles, Veronica, peine à garder ses yeux ouverts, fait tomber quelques verres aux alentours de quinze heures, n’en casse qu’un seul sur les trois, s’estime chanceuse. Y a pas Lars, ni Abel. Y a personne qui ne mérite qu’elle s’attarde vraiment après son service, et c’est sûrement pour ça qu’elle file sur ses roulettes à paillettes, qu’elle trace à travers les rues sans s’arrêter une seule fois. Elle tourne à peine la tête vers le 2B d’où émane une musique un peu trop forte, freine brusquement quand elle arrive devant la porte de la vieille dame. Elle respire un peu trop fort, Veronica, essuie ses paumes trop moites sur son short. Elle hésite, ne sait pas si c’est une bonne idée, se tâte à se barrer en quatrième vitesse histoire de ne pas se ridiculiser. C’est con d’être comme ça, non ? De se sentir bête à l’idée d’aller voir quelqu’un qu’elle n’a pas vu depuis des années, juste parce qu’elle a appris qu’elle était malade ? C’est con, ouais. C’est con mais elle sonne à la porte, et c’est trop tard, elle peut pas faire machine arrière. Y a les gâteaux qui semblent peser une tonne dans le sac qu’elle porte sur le dos, bloc de béton sur sa colonne, y a ses jambes qui tremblent un peu, les genoux qui grelottent. Et c’est pire lorsque la porte s’ouvre, parce que c’est Ben qui lui fait face et qu’elle ne s’y attend pas, Ben qui hésite un instant, Ben qui prononce son prénom en entier. Elle aurait presque oublié qu’ils sont devenus des étrangers. « Benjamin », elle répond donc, têtue comme une mule, sourcils un peu froncés. C’est pas dit méchamment, juste un peu trop solennellement pour être honnête. Elle aura aimé qu’il l’appelle Ronnie, elle aurait aimé qu’il la prenne dans ses bras. Elle aurait aimé qu’il lui colle des baisers sur la tempe et qu’ils se retrouvent. Mais c’est pas comme ça, dans la vraie vie. Dans la vraie vie, on est devenu des inconnus, alors on s’appelle par son prénom complet. Il aurait pu rajouter le Stanley, s’il avait voulu faire un effort. Ça aurait été plus efficace que n’importe quelle dague dans le cœur. « Je », elle commence, ne sait pas quoi dire. Ça lui arrive jamais, à Veronica, parce qu’elle a trop de fierté et trop de mots sur le bout de la langue, parce qu’elle dit toujours ce qu’elle pense et qu’elle a toujours trop de pensées qui l’encombrent. Mais là, elle bloque. Il l’impressionne, Ben. Elle s’imaginait pas avoir ce sentiment en se trouvant face à lui, mais c’est ce qu’il lui inspire. Un peu de crainte, beaucoup de regrets. Des regrets en demi-teinte, parce qu’elle pense toujours que Graziella est une pétasse et parce qu’elle a toujours un petit pincement au cœur quand elle se souvient qu’il l’a préférée à elle. De la fierté mal placée mêlée à de la jalousie. Ça fait jamais bon ménage, ça. « J’pensais pas que tu serais là, je suis désolée. » C’est pas une explication. C’est tout sauf une explication. Une excuse, peut-être, même si elle n’a aucune raison de s’excuser. « J’ai essayé de refaire ses petits gâteaux aux chocolat mais j’ai fait n’importe quoi, ça ressemble à rien et c’est sûrement dégueulasse, je sais même pas à quoi je pensais quand je suis venue ici, pardon », et elle recule d’un pas, d’un autre, dérape et tombe sur le côté, cuisse la première. C’est maladroitement qu’elle se relève, grimace en voyant sa peau un peu éraflée. « J’y vais, pardon, encore. » Ouais, c’est ça, file, te retourne pas. Elle voudrait bien, mais elle va pas aussi vite que prévu, parce que sa jambe lui fait un peu mal et qu’elle a du mal à s’appuyer dessus. Ça lui fait un bon prétexte, sans doute, parce qu’elle s’arrête après trois secondes à peine, tourne un peu la tête vers son ami. Regarde nous, Ben, qu’est-ce qu’on est devenu ? Et elle soupire, Veronica, alors qu’elle pose enfin la question qui lui brûle les lèvres : « comment elle va ? »

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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyDim 23 Juil - 23:54

T’arrives toujours pas à réaliser que c’est Veronica qui se tient devant toi. Veronica, c’est bizarre d’ailleurs e dire Veronica. Certes, c’est son prénom mais pour toi elle a toujours été Ronnie. Le fait est que tu l’aie appelée Veronica en dit beaucoup. Comment en êtes-vous arrivés là ? Ah oui, une fille s’est immiscée entre vous. Et pourtant, tu ne peux pas regretter qu’elle l’ait fait puisque cette fille en question tu en es dingue toujours aujourd’hui… et elle est à présent à toi, enfin officieusement mais autant dire que c’est un grand pas. On ne peut lutter contre les sirènes de l’amour mais tu aurais préféré ne pas perdre Veronica en chemin. « J’pensais pas que tu serais là, je suis désolée. » Ca répond pas franchement à ta question. Elle pensait pas que tu serais-là, ça veut dire quoi au juste ? Est-ce qu’elle sous-entend qu’elle aurait préféré que tu ne sois pas là ? Si c’est le cas, ça fait mal. Mais tu n’es pas du style défaitiste ou pessimiste, ça ne peut pas être ça. Elle fait juste référence au fait que tu avais quitté Savannah pour Cambridge et le MIT. « J’ai essayé de refaire ses petits gâteaux aux chocolat mais j’ai fait n’importe quoi, ça ressemble à rien et c’est sûrement dégueulasse, je sais même pas à quoi je pensais quand je suis venue ici, pardon » Elle recule et tombe. Ça te serre le cœur de la voir mal à l’aise comme ça. T’aimerais l’aider parce que jamais tu pourrais la laisser comme ça et pourtant tu bouges pas. T’es nul et t’en as conscience. « J’y vais, pardon, encore. » Alors c’est comme ça ? Elle va déjà repartir ? Mais dis quelque chose bordel. Tu vas rester planter là et la laisser partir. En plus mine de rien, elle a parlé de gâteaux mais elle les a gardés. Mais soudain, elle s’arrête et se retourne. « Comment elle va ? » T’en avais presque oublié la raison de sa présence. Ta grand-mère… Ce genre de phrase ça te fait revenir à la réalité direct. Fini la parade ou les grands gestes. A ce moment-là, t’es plus que le petit fils mort de peur de perdre sa grand-mère. Tu déglutis, essayant de garder une prestance avant de répondre. « Pas très bien mais là elle dort… Elle est très fatiguée. » Tu jettes un coup d’œil à sa jambe, là où elle s’est fait mal. L’éraflure commence à rougir : du sang. « Tu saignes. » Constatation. « Rentre, je vais te chercher du coton et de quoi désinfecter. » Tu te décales pour la laisser rentrer. Ce qu’elle fait. Ça te soulage un peu. Pendant un instant t’as eu peur qu’elle reste devant la porte.

Tu fermes derrière vous. « Je te laisse t’assoir au salon, tu connais l’appart. » Tu pars ensuite dans la salle de bain pour chercher ce que tu lui as promis. Tu trouves facilement puis tu te diriges vers le salon où Veronica s’est assise. Tu t’assois à côté d’elle et lui tend le coton et l’alcool. « Tiens. » Tu la laisses faire. Tu restes silencieux quelques instants avant de rajouter. « Elle sera très contente de savoir que t’es passée, tu sais. Encore plus de savoir que tu t’es donnée du mal à faire ses gâteaux. » Et qu’est-ce que ça te rend nostalgique. Les petits gâteaux ça te ramène direct à ton enfance et à quel point c’était facile à ce moment-là. Tu peux t’empêcher de dire. « Tout allait bien à cette époque. » Tu sais pas si Veronica comprendra. Pas grave, t’avais besoin que ça sorte.
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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyVen 28 Juil - 11:58



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C’est en plantant son regard dans celui de Benjamin qu’elle se souvient. Elle se rappelle le lycée, leur minuscule clan d’originaux, ceux avec qui on n’osait pas trop trainer de peur de sembler bizarre, elle se rappelle Graziella et tous les mecs qui bavaient dessus, elle se souvient de sa jalousie qu’elle portait en étendard parce qu’on est con, à quinze ans. Mais plus que tout, c’est le comportement de Ben qui lui revient en mémoire, la constance avec laquelle il évoquait la jolie brune, les coups qu’elle lui collait entre les côtes quand elle entendait son prénom parce qu’elle n’en pouvait plus. L’explosion, un jour, parce que ç’avait été la goutte d’eau. Elle a jamais vraiment aimé les gens obsessionnels, ceux qui rabâchent les mêmes choses, ceux qui radotent les mêmes pensées en boucle. La vérité, en fait, c’est qu’elle ne pouvait plus supporter Benjamin, à la fin. D’où leur « rupture ». D’où les soirées à pleurer parce qu’elle n’avait plus son meilleur ami avec elle. Sauf que de l’eau à coulé sous les ponts, depuis. Ils ont grandi, fait leur vie, Ben loin d’ici et elle, toujours coincée dans ce bled pourri à servir des gaufres à des péquenauds. Il y a une partie d’elle qui est jalouse et pourtant, c’est un sentiment qui ne lui ressemble pas. Veronica n’est jamais jalouse, elle se réjouit même trop souvent du bonheur des autres. Ben, c’est pas les autres. Ben, ça restera éternellement celui qui l’a laissée tomber. Et elle ne peut pas s’empêcher de répondre un « ça va, t’inquiète » quand il lui propose de rentrer pour soigner sa plaie. T’inquiète, je gère très bien ma vie sans toi, sans tout le drama, sans cette pétasse de Graziella. Je gère très bien ma solitude, mon statut de substitut pour quasi tout le monde. Y a une partie d’elle qui crève d’envie de faire la mauvaise tête, de pincer les lèvres et de rebrousser chemin. Mais d’un autre côté, elle n’est pas venu pour Ben. Elle est venue pour Francine, et c’est pas le moment de jouer la gamine rancunière. « Ok », elle finit par soupirer en s’engouffrant dans la maison.
Ça sent toujours pareil, ici. Un mélange de renfermé, de soupe, et du parfum à la rose dont s’asperge la grand-mère de Benjamin. C’est une odeur que certaines personnes pourraient trouver désagréable, mais pas elle. Elle, elle s’en imprègne, elle ferme même un instant les yeux pour prendre une pleine respiration et se remémorer toutes les heures passées ici. Ouais, y a du temps qui a passé. Non, y a pas moyen de le rattraper. Y a pas moyen, non plus, de pardonner totalement à Benjamin. Mais pour les apparences, juste aujourd’hui, on va faire comme si. On va prétendre s’apprécier alors qu’on a juste envie que l’un ou l’autre disparaisse du radar. C’est qu’on fait croire, hein Ben. Qu’on n’a plus envie de voir la gueule de l’autre. Ça serait plus simple. Plus simple que de prétendre que l’océan de glace entre eux n’existe pas. Elle attrape le coton, l’imprègne de désinfectant, pose le tout sur sa plaie. Ça fait un mal de chien mais elle ne cille pas. Elle n’a pas l’habitude de pleurer pour un petit bobo, surtout quand son cœur a trop souvent morflé. « C’est que tu t’souviens juste de ce qui allait bien. Mais tout n’allait pas bien, non », elle murmure, pas méchamment, comme s’il s’agissait d’un simple constat. C’est la vérité. Y a le souvenir de ce matin de printemps où son père s’est donné la mort, Ben qui a pleuré avec elle à l’enterrement, les jours, les mois qui ont suivi, l’éloignement discret et fourbe, les mots qu’elle n’arrivait pas à dire et qu’elle pensait malgré tout. « J’ai vu que t’étais étudiant au MIT », elle sort machinalement, un truc qui a attrapé son regard quand elle regardait sa page Facebook, hier. Il a toujours été brillant, Ben, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. Pas comme elle. C’est pas qu’elle est sotte, Ronnie, c’est qu’elle a arrêté trop tôt, foutue au boulot à seize ans, émancipée pour échapper à une mère ignoble. Y a que Grim qui relève le niveau dans sa famille, et elle pouvait pas rester juste pour lui, même s’il fait partie d’elle, même s’il est la personne qu’elle préfère au monde. « C’est chouette. » Heureusement que le commentaire est élogieux parce que son ton reste monotone, alors qu’elle tamponne doucement le coton contre sa plaie, évitant soigneusement de tourner les yeux vers Benjamin. « Tu veux faire quoi après ? » Elle s’en fout un peu, elle veut juste faire la conversation et ne surtout pas aborder Graziella. Elle se doute qu’ils sont toujours ensemble. Ben a le même air idiot que cinq ans auparavant, quand il en faisait des caisses sur cette meuf trop bonne qu’il rêvait de culbuter. Qu’il avait culbutée, même si personne ne le savait vraiment. Du coup, elle prie intérieurement pour qu’il ne parle pas d’elle, pour qu’il ne dévie pas sur ce sujet. Elle saura être civile et courtoise, mais la discussion risque de tourner court.

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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyMar 1 Aoû - 22:32

« C’est que tu t’souviens juste de ce qui allait bien. Mais tout n’allait pas bien, non » Sûrement. Toute façon, il paraît qu’on garde que les bons souvenirs. C’est peut-être ce que t’as fait ou alors c’est juste que Veronica, elle voit que le mauvais. Toi tu veux pas voir le mauvais. Y a eu beaucoup de choses négatives dans la vie, encore aujourd’hui, pas besoin de les ressasser. « J’ai vu que t’étais étudiant au MIT » Ouais. Ca veut dire qu’elle s’était renseignée, le minimum quoi. Tu sais pas si ça devrait te faire plaisir. Vu son ton, pas franchement. Tu dis ça pour faire plaisir, histoire de faire un peu la conversation. C’est triste que ça en arrive-là. « C’est chouette. » C’est clair que ça en a l’air. Bordel que cette conversation est triste. Peut-être que t’aurais mieux fait de laisser s’en aller, ça vous aurait évité ce moment gênant, malaisant au possible. « Tu veux faire quoi après ? » Assez machinalement, tu réponds : « Des maths. » Elle te pose la question, tu réponds même si tu reconnais que c’est pas très clair au final. Donc tu fais un effort et reprécise. « Des recherches en mathématiques. » Niveau précision, tu peux toujours repasser mais en même temps, elle comprendrait pas si tu le faisais. T’as l’habitude qu’en dehors de tes collègues, les gens comprennent pas. faut dire qu’ils comprennent même pas comment on peut faire des maths son boulot. C’est pas grave, t’as l’habitude d’être incompris. C’est comme ça depuis que t’es haut comme trois pommes. « Mais j’ai mis en pause, le temps… le temps de m’occuper de Francine. » Tu regardes le sol. Ça te fait mal de dire ça parce que ça rappelle que c’est temporaire parce qu’il lui reste que six mois. Et ça, ça te révolte et tu t’en veux de devoir programmer la suite, quand elle sera pas là. Qu’est-ce que tu feras ? Tu vendras tout ça pour t’enfuir à Boston ? Et tout ce que ça implique, laisser les gens d’ici, laisser… Non tu veux pas penser à elle maintenant, pas pendant que t’es en compagnie de Veronica.

Tu chasses tout ça de ta tête, bien décidé à changer de conversation. « Et toi qu’est-ce que tu fais maintenant ? » T’as jamais été trop réseaux sociaux. Tu fouines par sur Facebook. T’en as un parce que tu sais tout de même que c’est nécessaire pour un semblant de vie sociale mais t’en as un usage vraiment limité. T’es pas assez cool, toute façon pour en avoir besoin. Là encore, t’as abandonné l’idée d’être cool à peu près en première. Oui l’entrée au lycée, t’avais redonné une once d’espoir que des abrutis de footballeurs avaient bien réussi à réduire à néant. Chacun a une place dans l’échelle sociale, tu connais la tienne sans aucun doute. « Ca va ta jambe ? » Tu te sens obligé de demander parce que t’es quelqu’un de gentil et que mine de rien, t’espères qu’elle a pas trop mal. Certes c’est qu’un bobo mais on s’en fiche de la gravité de la blessure. Ça changera pas le fait de s’inquiéter, ça se contrôle pas ce genre de sentiment. Tant pis si ça te fait paraître hypersensible ou ridicule, t’es pas à une fois près.
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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyDim 6 Aoû - 10:04



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Y a quelque chose de pédant dans la manière qu’a Benjamin de lui dire ce qu’il voudrait faire plus tard, quelque chose qui souffle tu ne comprendrais pas et qui la vexe, Ronnie, parce qu’elle a souvent pensé qu’elle était intelligente et qu’elle avait été forcée de travailler tôt pour survivre, mais que quand elle l’écoute parler ainsi, elle n’en est plus si sûre. Elle est peut-être vraiment stupide, elle a peut-être vraiment pas idée de ce dont il lui parle, mais qu’il puisse le penser, c’est vexant, ouais. « Je comprendrais sûrement pas », elle ajoute en haussant les épaules, juste histoire de lui montrer qu’elle sait parfaitement pourquoi il n’a pas épilogué. Ça n’aurait servi à rien d’expliquer à cette pauvre cruche de Ronnie, celle qui va voir la grand-mère du meilleur ami qui était son inséparable hier et qui n’est plus qu’une ombre aujourd’hui. Ça n’aurait servi à rien parce que Ronnie aurait sans doute posé trop de questions aux réponses plus complexes les unes que les autres, et Benjamin aurait sûrement éludé rapidement pour ne pas avoir à lui parler de choses qu’elle ne comprendrait pas. Le voilà donc, encore, l’inévitable malaise des retrouvailles, celui qui laisse un goût amer en pleine bouche alors qu’ils ont à peine eu le temps de discuter. Mais elle est faible, Ronnie, quand il s’agit de Ben, elle est terriblement fragile et vulnérable, et lorsqu’il baisse les yeux en évoquant Francine, ses doigts attrapent les siens, caresse imprévue mais naturelle, geste qui s’était perdu dans les limbes du temps. Ils en ont fait du chemin depuis les premiers pas, depuis les bobos dans la cour et les rires aux éclats. Ils en ont fait du chemin depuis les malheurs, aussi, Francine toujours à leur côté, la silhouette de la grand-mère semblant presque apparaître à leurs côtés pour les réunir une fois encore. Avait-elle prévu le coup ? Savait-elle qu’ils seraient un jour assis là, dans ce salon, à l’évoquer comme si elle avait déjà disparu, les mains jointes comme ce n’était pas arrivé depuis de trop longues années ? C’est possible, elle n’a jamais cessé de surprendre Ronnie. Encore aujourd’hui, alors qu’elle repose ses yeux sur Ben et se dit qu’il est sûrement maladroit, qu’il ne la croit certainement pas idiote. Il n’est pas comme ça, Ben. Il ne peut pas être comme ça.
Sa question frappe l’air, reste un instant en suspens. Elle ne sait pas si elle doit répondre, Ronnie, parce que là encore, elle est un peu honteuse. Depuis cinq ans qu’ils ne se fréquentent plus, elle n’a pas vraiment bougé, pas vraiment évolué. Elle est toujours cette gamine perdue qui jongle entre plusieurs jobs pour joindre les deux bouts, qui enchaîne les sales corvées jusqu’à accumuler suffisamment pour vivre de manière décente. Est-ce que c’est le cas aujourd’hui ? Difficile à dire, quand y a toute sa vie qui s’entasse dans dix mètres carrés. « Je bosse toujours au Diner, et j’ai un petit boulot de fleuriste aussi, pendant mes heures de repos. » Elle n’a pas de congés, autrement dit. C’est pas comme si c’était un luxe qu’elle pouvait s’offrir, on est aux Etats-Unis après tout. C’est son tour de baisser les yeux lorsqu’elle sent ses joues rosir sous l’effet de la gêne qu’elle ressent, celle de vivre encore comme une mendiante alors qu’elle travaille cinquante heures par semaine au bas mot. Evoquer sa jambe, c’est plutôt une bonne idée, si ça peut l’éviter de disparaître sous les couches d’écarlate. « Ouais, ça va. J’ai l’habitude. » Et elle réalise rapidement que ça peut être mal perçu. L’habitude de quoi ? D’avoir mal, de subir les coups ? « Je me blesse souvent. » C’est vague, ça, mais elle n’a pas envie d’en dire plus, pas envie de parler du fait que sa principale passion soit un sport où des filles se tapent dessus en rollers. Ça va qu’elle joue de la guitare, sinon elle pourrait passer pour une violente. « Tu m’as manqué. » Ouhlà, ouais, c’était inattendu. A croire qu’elle n’a vraiment pas envie de parler d’elle, parce qu’elle préfère étaler sa fierté à ses pieds plutôt que d’évoquer les regards lubriques sur ses fesses quand elle sert des gaufres aux vieux clients du Diner ou les ecchymoses qui apparaissent après un entrainement trop rigoureux. « Tu m’as manqué et c’est stupide parce que j’ai envie de te détester, mais je crois que je n’aurai jamais la force de ressentir ça pour toi. » Parce qu’elle l’aime, Ben, elle l’aime quand il l’enlace et elle l’aime quand il la blesse, quand il enfonce des couteaux dans sa chair pour voir son sang dégouliner des plaies, quand il siffle des mots qui l’assassinent plus que ne le feraient des balles. Elle l’aime et elle ne sait pas le cacher, n’a jamais su. Le retrouver, c’est comme retrouver une partie de ses racines, une partie de son histoire. Le retrouver, c’est comme arrêter de se perdre et se remettre enfin sur les rails.

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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyMer 16 Aoû - 21:58

Elle travaille toujours au diner. Tu te souviens y aller régulièrement avant mais justement c’était avant. Tu te demandes si le lieu a changé. T’espères que non. C’est bizarre mais t’aimes à penser qu’un lieu, un endroit, quelque chose n’a pas changé depuis tout ce temps. Un espace réconfort et rassurant, comme arrêté dans le temps. T’aimes à dire que ça serait l’endroit où Francine serait pas malade, où Ronnie et toi ne seraient pas devenus des inconnus. Ça serait chouette comme endroit comme une pause, une bulle au milieu du chaos. C’est bien d’avoir un endroit comme ça mais tu sais pas trop pourquoi à cet instant t, t’as envie que ça soit le diner. Sûrement parce qu’elle en parle, parce que ce lieu te fait penser à elle et ce que vous étiez avant. Alors on est nostalgique, mon vieux ? Ouais sûrement. En même temps depuis que t’es revenu à Savannah, y a une part de toi qui a l’impression d’avoir été plongé dans un océan de souvenir et que t’arrives pas à regagner la surface. C’est pas tout à fait comme se noyer mais c’est clairement être submergé par des vagues de sentiments qui vont de la tristesse à la joie. Elle parle et ça te ramène à votre conversation. « Je me blesse souvent. » Tu fronces les sourcils. Comment ça ? Tu gardes cette information dans un coin de ta tête parce qu’elle nécessite des éclaircissements. Elle peut pas balancer ça comme ça et passer à autre chose comme si de rien n’était. La vie c’est pas aussi simple. Toute façon, rien que le fait de changer de sujet ça te semble suspect mais tu t’attendais pas au prochain sujet, ça non. « Tu m’as manqué. » Ca te scotche un peu sur ta chaise. Tu t’attendais pas à ce que ça soit elle qui sorte ce genre de choses. C’est vrai, elle a du mordant, Veronica et elle est pas forcément du style à dire ce qu’elle ressent, question de fierté et tu respectes. C’est vrai que t’es pas vraiment comme ça. Toi tu dis ce que t’as dans le cœur quitte à te prendre des gros murs dans la tronche. Ça t’a jamais arrêté les revers, à croire même que ça te nourrit et t’encourage. Faut voir comment en amour t’as persévéré. Tous les résultats sont pas encore là mais à ça avance bien. Oh bien sûr, t’en as eu des problèmes à cause de ça, des problèmes du type qui laissent des traces sur la peau comme sur le cœur. T’es abîmé par la vie mais tu sais ce qu’on dit, ce qui ne tue pas rend plus fort. « Tu m’as manqué et c’est stupide parce que j’ai envie de te détester, mais je crois que je n’aurai jamais la force de ressentir ça pour toi. » Ca te touche en plein cœur. C’est le genre de truc que t’aurais voulu entendre alors que t’avais dix-sept ans et que t’étais en train de la perdre. Alors c’est sûr qu’il vaut mieux tard que jamais mais ça renforce l’idée que vous avez tout gâché pour des futilités. Enfin… non, une partie de toi ne considère pas que c’était des futilités parce que si vous vous êtes embrouillés c’est en grande partie parce qu’elle n’appréciait pas Graziella alors que toi t’en es dingue. Sujet sensible à ne pas mettre sur la table même si tu sais bien que tôt ou tard il finira par être abordé.

Tu la regardes même si elle a les yeux rivés ailleurs. Après tout la gamine devant toi ça reste Ronnie, la gamine qui jouait avec toi et avec qui t’as construit tes plus belles cabanes de draps. « Tu m’as manqué aussi. » C’est sincère, tu le penses. Tu t’en rends encore plus maintenant qu’elle est chez Francine, chez toi avec toi. T’as pas envie de relever le fait qu’elle te déteste, ça servirait à quoi de parler de ça ? A rien, juste à remuer la merde et ça fera pas avancer le problème. Tu préfères te confier, ça marche mieux, enfin c’est ce que tu crois. « Quand j’ai appris pour la maladie de Francine, j’ai voulu t’envoyer un message tu sais mais je savais pas quoi écrire et puis j’étais loin et je me disais que c’était pas un truc qu’on envoyait par messenger. Mais t’es la première personne à qui je voulais le dire. » Tu sais pas si ça te fera du bien de l’entendre mais tu te sens mieux après l’avoir dit. Ça te semble approprié, ça te semble être le moment où jamais. « Mais maintenant je suis là… et j’ai pas envie de pas savoir quoi t’écrire à nouveau. Je pense qu’on vaut mieux que ça. » C’est pas un reproche, c’est juste un constat.  
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MessageSujet: Re: hello stranger (bronnie)   hello stranger (bronnie) EmptyDim 10 Sep - 10:59



Ben & Ronnie
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C’est difficile de détester quand on a trop aimé, il paraît. Et oh, comme c’est dur de haïr Benjamin. Elle devrait pourtant, et elle s’en veut de constater que ce n’est pas le cas, de remarquer comme son cœur s’emballe quand elle croise son regard et comme ses bras se languissent de se tendre vers lui pour enfin l’atteindre. T’es sûre que tu n’es pas amoureuse ? Elle avait entendu ça, de la bouche de trop de personnes, toutes celles qui la connaissaient un minimum. Amoureuse et ç’avait longtemps tourné dans son cerveau, amoureuse et ça l’avait empêchée de dormir la nuit, amoureuse et ç’avait secoué son cœur à chaque manifestation de Ben dans chaque chose anodine de la vie de tous les jours. Elle n’est pas amoureuse, Ronnie, ne l’a jamais été. Elle n’aime pas y penser, n’aime pas le dire, ne supporte pas de se ranger dans une petite case et de n’être rien d’autre qu’une amoureuse éplorée. Elle papillonne, elle flâne, elle embrasse et elle étreint, mais jamais elle n’aime vraiment, jamais de cet amour avec un grand A dont parlent trop de romans. Pourtant ouais, elle peut pas nier ce qui se passe à l’intérieur de sa cage thoracique quand elle pense à eux, quand elle se rappelle toutes leurs aventures, quand l’amertume vient briser ses lèvres et qu’elle vomit littéralement sa haine de Graziella. Quand elle s’aperçoit qu’elle aurait aimé, à une époque, être aussi importante pour lui que l’était la beauté brune, être aussi différente et aussi irremplaçable. Il l’a guérie, Ben. Il l’a laissée s’envoler loin de lui, se soigner, l’oublier. Amoureuse, si elle l’a été, elle ne l’est plus. Ça ne l’empêche pas d’avoir un pincement entre les côtes, au creux du cœur, quand il lui avoue qu’elle lui a manqué aussi. Elle ne le croit pas, bien sûr. Ben s’est trop éloigné pour qu’elle puisse gober un mot de tout ça. On ne quitte pas les gens qu’on aime, right Ben ? On ne les laisse pas croire qu’on les a oubliés ? C’est pourtant ce qu’il a fait, ce qu’il fait depuis des années. Ils n’ont plus rien des deux gamins qui batifolaient dans la boue, c’est pas la peine de se leurrer, d’essayer de retrouver des bouts d’eux qui ont été mis depuis longtemps aux ordures. Aujourd’hui, Ronnie est juste une ombre de son passé, un lambeau de souvenir qui ne demande qu’à être arraché du tissu de sa vie. Alors elle laisse les mots glisser sur elle. C’est mieux, de faire comme si elle était d’accord alors qu’elle est persuadée qu’il lui ment. « Je sais pas », elle finit pourtant par souffler quand il a terminé, quand il a dit ce qu’il avait sur le cœur et a laissé entendre qu’il souhaite rester en contact. Y a pas de justification à la réponse qu’elle formule, juste des faits. Elle ne sait pas, Ronnie. Elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle ne sait pas ce dont elle a besoin. Et si c’était deux choses totalement différentes ? Et si ce qu’elle voulait ne correspondait pas à ce qu’elle languit d’avoir ? Elle a besoin de Ben, mais elle ne veut pas lui laisse l’opportunité de la blesser, pas encore, pas comme quatre ans auparavant. Elle a trop donné, trop douillé, passé trop de soirées à pleurer toutes les larmes de son corps. Et même là, même chez Francine, même face à lui, elle n’a pas la tête à penser à tout ça. Elle veut juste arrêter de réfléchir, à Ben, au passé, à l’autre bouffonne. Elle veut arrêter de souffrir, Ronnie, surtout. « On n’a plus grand-chose en commun, Ben. » A part les comics, les films de super-héros, la passion des aliens. Plus grand-chose en commun, ou du moins pas suffisamment pour vraiment rester en contact. Y a ses lèvres qui se pincent, sa mâchoire qui se serre, ses yeux qui tentent vainement de retenir les larmes qui les submergent. Y en a une qui roule le long de sa joue. Putain. « Je sais pas si j’aurais la force. De refaire tout le chemin, de revivre les pires moments de mon adolescence, de risquer de te perdre encore. » Elle essuie presque rageusement la larme, agrippe ensuite ses genoux du bout des ongles, nerveusement, comme un chaton enragé se ferait les griffes sur une pelote. Elle sait pas si elle aura la force, surtout, de le voir préférer Graziella, toujours, la choisir envers et contre tout. Elle a donné, trop donné, trop longtemps. Et pourtant, elle ne lui a pas menti. Il lui a vraiment manqué, plus que n’importe quelle autre personne, plus qu’elle n’aimerait l’admettre. Il lui a manqué mais elle ne sait pas si c’est suffisant pour faire semblant. Pour reprendre contact, pour s’envoyer des textos débiles, pour prétendre encore être meilleurs amis. Pour plus avoir la trouille de sa réaction quand elle lui dit des choses comme ça. « Mais tu m’as vraiment manqué », elle corrige donc dans un souffle, les yeux paumés sur ses genoux pour éviter d’affronter son regard. « C’est juste compliqué. » Et elle aurait pu dire ces mots immédiatement, parce qu’eux seuls résument vraiment la situation. Ouais, c’est compliqué.
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