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| Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) | |
| Auteur | Message |
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envoie "voyance" au 3680 ▹ posts envoyés : 756 ▹ points : 9 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : miserunt & anesidora ▹ avatar : Joseph Gilgun ▹ signe particulier : foule de tatouages encrée sur le corps - vampire improvisé qu'a peur du soleil et des uv.
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| Sujet: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 19 Fév - 17:13 | |
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LONDRES - 1855
La pluie tombe depuis trop longtemps, son manteau est lourd et ses vêtements n’absorbent même plus l’eau. Pourtant il ne s’ne soucie pas. Il ne s’en soucie plus depuis longtemps. Il fend la foule, bouscule sans une excuse. Il n’a pas le temps. Il ne veut pas la perdre de vue, pas maintenant, pas après tout ce temps. Tous ses sens sont en alertes, son cœur bat fort, très fort, tellement fort. Il a l’impression qu’il va imploser d’un instant à l’autre. Il a besoin de la toucher de vérifier qu’elle est réelle et non pas une énième illusion que son cerveau s’amuse à lui envoyer. Elle tourne dans une ruelle et lui aussi, la foule se fait moins dense, et les lumières plus sombres. Il y est presque. Presque. Il tend le bras, la main, fend l’air un instant. Elena. Il a mal, terriblement mal. Elena. Il a peur soudain, peur de poser sa main sur son épaule et qu’elle disparaisse, qu’un tas de cendre entre ses doigts comme la dernière fois. Il inspire. Expire. Avance. « Je ne vais pas te faire du mal » promis. Jamais. Jamais il ne lui fera du mal. Ni dans cette vie, ni dans la suivante, ni jamais. Il ne peut pas. Un instant il la regarde se retourner et ses yeux noisette lui transpercent le palpitant. C’est elle. Il l’a retrouvé. Il a réussi. « Je…Tu… » Il a perd ses mots et soudain se sent rustre, malvenu avec ses vêtements élimés et sa barbe mal taillée. « Elena » Oui. Elena. Ou quel que soit la variation de ce prénom dans ce monde-là. « Tu ne dois pas te souvenir. Tu ne te souviens jamais » C’est leur malédiction à tous les deux, lui intemporel et elle fugace, évanescente entre ses doigts. Elena l’humaine et lui le fantôme, incapable d’oublier d’année en année, de siècle en siècle. Pourtant il y croit. Il espère. Cette fois ci ça sera différent. Cette fois ci il la sauvera. « Je t’ai enfin trouvée. » Sa voix est rauque et sa vision se trouble un instant. Il s’est toujours promis de ne pas pleurer mais la voir vivante en face de lui est plus fort que tout.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 19 Fév - 19:58 | |
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LONDRES - 1855 Engourdi. Le cœur pulse aux arrières goûts du poison dans ses veines. C'est la pluie qui se tue à la rendre sourde, c'est la pluie qui tombe incessante depuis des heures. T'inquiète pas, la pluie. Bientôt elle entendra plus rien. Ni l'averse, ni les passants. Juste les derniers battements, douze coups poignardés sur le cadran. Elle est trempée jusqu'aux os, les os qui baignent dans ce truc sirupeux. Et ça pompe la noirceur, dose létale pour imbiber les artères. Une artère, plus d'artère. Ça serait suffisant, qu'on lui avait dit. Un flacon, pas plus. Tomber, tomber, tomber. Tombe la pluie, tombe toujours, elle se sent presque heureuse de partir. Quitter Londres, quitter tout. Au beau milieu de la foule ; non. Pas comme ça. Difficilement, elle se traîne vers l'allée la plus proche. Les phalanges frôlent faiblement les briques. La robe est lourde, le corset est trop. Trop, ça prend trop de temps. Elle étouffe. Elle a froid. Elle a peur. « Je ne vais pas te faire du mal » Mais regarde comme elle a mal. Toi, l'inconnu qu'a osé porter une main à son épaule. Enveloppée par la torpeur, elle se retourne vers la voix. Vers l'homme. « Je…Tu… » La douce hallucination qui déteint entre les pavés. Mais les yeux sont tellement réels, et la réalité tellement réconfortante. Maudit poison. Maudit temps, vicieux temps. Laisse la s'échapper. « Elena » Comment. Elle se perd dans les prunelles pour essayer de comprendre. « Qui êtes-vous ? » Qui sommes-nous, égarés dans cette faille. Dans cette allée, ou dans une autre. C'est toujours pareil. C'est toujours triste. C'est toujours trop tard. Et dans l'ironie du destin, elle ne cherche pas à identifier le souvenir flou qui défile sur la blancheur du visage de son fantôme. « Tu ne dois pas te souvenir. Tu ne te souviens jamais » « Vous vous méprenez... » qu'elle murmure en reculant. Elle vacille. Elle manque de sombrer. Pas comme ça. Pas maintenant. « Je t’ai enfin trouvée. » Les traits apparaissent familiers, une fraction de seconde seulement. Un éclair. Une brèche. Tu ne te souviens jamais. Elle dépose une main sur sa joue, dans une douceur hésitante. « Vous... » Non. Elle grimace. Non, non, non. Elle suffoque. Maudit temps, vicieux temps.
Pas maintenant.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 19 Fév - 21:08 | |
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LONDRES - 1855 Qui êtes-vous ? Ca fait mal. A chaque fois c’est un peu plus douloureux, l’incompréhension dans son regard, l’ignorance aussi. Alors que lui il se souvient de chaque instant, de chaque baiser volé, de chaque étreinte. Il se souvient de la musique de leur deux cœurs battants à l’unisson mais il est bien incapable de la partager avec elle. « Un ami. » Plus que ça. Ton âme-sœur. Mais comment lui expliquer ça ? Comment expliquer qu’ils sont liés et qu’à chaque vie c’est le même cinéma ? Qu’ils sont condamnés à endossés les mêmes rôles pour l’éternité ? Il ferme les yeux, les rouvre rapidement, de peur qu’elle se soit évaporée en quelques secondes. Mais non elle est bien là, face à lui, si fragile et l’eau qui ruisselle de ses boucles, sur son visage. Si blanc. Si blême. Identique à celui d’avant. Identique à celui d’après. Il voudrait la toucher, faire glisser ses doigts sur ses joues, sur ses lèvres, essuyer ces gouttes qui creusent des sillons sur ses joues décolorées. Vous vous méprenez... Non. C’est impossible. Jamais il ne confondrait. Et la voir reculer lui brise un peu plus le cœur. Cœur déjà bien trop en miette. Il ne voit pas. Il ne voit pas que ça ne va pas. Il ne voit pas qu’il est arrivé trop tard, encore une fois. Il se contente de son bonheur fugace, de sa petite victoire contre le destin. Il est persuadé que cette fois ci sera différente, mais il ne voit pas qu’elle tangue, vacille. Il se rapproche et elle aussi. Sa main sur sa joue un peu rugueuse lui coupe le souffle. Elle est si douce. Si froide. trop froide Vous... « NON ! » Et soudain il comprend. « Non. Non. Non. Pas encore » Son joli visage de poupée défiguré par la souffrance, et la vie qui commence à s’envoler. Il panique, la serre contre lui, essaye de deviner comment. Pourquoi « Pas maintenant Elena. Pas maintenant ! ne me laisse pas. » Pas encore. Pas tout de suite. Il sent les larmes qui coulent sur ses joues et le désespoir qui l’envahit. « Où ? Comment ? Dis moi Lena ? Dis moi ! » Il se fait pressant, serre doucement son petit visage entre ses doigts pour qu’elle le regarde. Mais déjà la jeune femme se fait fantôme, pantin désarticulé entre ses doigts. Un dernier regard. Un dernier souffle. Et soudain plus rien. « Non… » Mais comme si ça pouvait changer quelque chose. Il se laisse tomber à terre, le corps sans vie dans ses bras. Et l’impression qu’on lui arrache une partie de son âme. Non, ce n’est pas une impression. Il hurle. Il hurle dans la nuit, hurle contre ce Dieu qui se moque d’eux depuis trop longtemps. Il hurle sa douleur, son agonie, avant de se laisser tomber aux côtés de la belle. Sa rage se calme, lentement, doucement, il pose son front contre celui d’Elena et ferme les yeux. « Bientôt. Je te promets. Bientôt »
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 19 Fév - 22:21 | |
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LONDRES - 1855 « NON ! » Le poison plus fort que tous les cris, et elle se sent partir comme si on venait d'ouvrir une trappe sous ses pieds. Un instant elle revoit ses doigts, fermement ancrés sur la joue de l'homme. Qui êtes-vous ? L'autre, elle ne sent que son cœur, et le battement de trop qui vient de faire tilter l'équilibre dans le néant. Un ami. Elle n'a pas d'amis, elle est seule. Elle n'a pas d'amis, pourtant quand elle vient à s'écrouler, on la retient. Quand elle loupe une autre mesure, on lui presse de ne pas abandonner. Quand elle relève la tête une dernière fois, on l'aime tellement qu'elle en oublie presque qu'elle est en train de crever de son plein gré. « Non… »
Bientôt. Je te promets. Bientôt.
HMHS SALTA - 1917 « Bientôt. » qu'on lui balance au dessus des bruits des machines. C'est seulement pour la faire taire, elle le sait. Ça fait des heures maintenant qu'elle attend qu'il se réveille, le patient. Son patient. Bientôt. Elle n'y croit pas. Bientôt est déjà parti se trouver un nouveau nom. Délicatement, elle recoiffe les quelques mèches qui se sont permises de s'attarder sur le front plissé du blessé. Sous ses doigts, il semble fiévreux. Quelque chose le trouble. Un cauchemar, peut-être. Ça aussi, elle le sait. Aucun soldat ne ressort vivant sans sa dose généreuse de démons. C'est les yeux qui le trahit, tandis qu'il se réveille brusquement. Un regard échangé, et elle sent la vague de mal-être l'envahir. Alors sans hésiter, ses doigts font pression entre les siens. Juste pour le rassurer. Juste pour dire, je suis là. « Tout va bien, tu vas bien. » qu'elle chuchote autant qu'elle peut ; assez pour qu'il puisse n'entendre qu'elle. C'est égoïste. C'est ridicule. Mais c'est son patient. Elle chérit le possessif contre sa poitrine. « Je m'appelle Hélène » elle a envie de se coudre les lèvres pour masquer l'affreux accent français qui ressort. Une infirmière française à bord d'un navire britannique et tellement, tellement de jeux de mots à son encontre qu'elle ne saisit toujours pas. Foutus anglais. « Je vais prendre soin de toi, tout ira bien. » Une nouvelle pression de la main, et elle daigne un second regard. Les larmes remplissent ses yeux sans prévenir. « Désolé... » Elle pleure. Elle n'est pas triste. Elle pleure juste, et dans sa tête résonne un cri. « Tu me rappelles quelqu'un. » Un ami. Non. Elle est restée trop longtemps dans ce bateau pour le bien de son esprit.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 20 Fév - 18:52 | |
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HMHS SALTA – 1917
Il a mal. La douleur lui vrille l’abdomen et à chaque respiration il a l’impression de sentir la balle s’enfoncer un peu plus dans sa chaire. Soldat. Il va crever avant de l’avoir retrouvé. Stupide. Il lui avait promis. Bientôt. Mais quand. Pas dans cette vie. Pas cette fois. C’est pas la première fois qu’ils se ratent, mais c’est toujours douloureux. Pour lui, surtout pour lui. Néant. Non. Non. Il ne peut pas, il refuse de se laisser avoir, pas tant qu’il a encore une chance, rien qu’une petite chance. Il s’extirpe des ténèbres, alpiniste, et laisse la lumière l’aveugler à nouveau. ça fait mal. Il tousse, halète, panique. Tout va bien, tu vas bien. Cruel destin. Un rire le transperce, suivit d’un gémissement de douleur, il s’agrippe à ses doigts. A elle. A ses yeux. Ses si jolis yeux. Je m'appelle HélèneJe sais. Mais les mots ne franchissent pas ses lèvres. Il se contente d’hocher la tête, d’assembler les pièces de puzzle qui lui sont tendu. Hélène. Française. Infirmière. Caïn. Anglais. Soldat. Ironie. Foutue ironie. Il ferme les yeux un instant pour lutter contre la douleur. Je vais prendre soin de toi, tout ira bien. Oui. Tout ira bien. Je t’ai trouvée. instinctivement il caresse le haut de sa main avec son pouce, incapable de détourner le regard. Il voit ses yeux noisette soudain s’emplir de larmes et ça lui vrille le cœur. Ne pleure pas. S’il te plait. Tu me rappelles quelqu'un. Doucement il se redresse, malgré la douleur, malgré le sang qui s’écoule lentement de son flanc. Il porte sa main au visage d’Hélène et essuie ses larmes du bout de ses doigts. Il a toujours détesté la voir pleurer. «C’est parce que tu sais » Les mots sont douloureux. « Caïn. Je suis Caïn » Il refuse de la lâcher, d’arrêter de la toucher, pas alors qu’elle est vivante, et lui entrain de crever. C’est l’inverse, pour une fois. « Tu te souviens pas mais moi oui. » Il articule doucement, lentement, chaque mot lui coute mais il a besoin de lui dire, besoin avant que le sablier ne soit écoulé. « Londres, 1855, poison. C’est là où je t’ai perdu, la dernière fois » Et aujourd’hui il l’a retrouvé.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 20 Fév - 23:57 | |
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HMHS SALTA – 1917
11h29. La douleur gémit presque aussi fort que l'océan racle les parois. Y a matière à attiser l'écho macabre, quelque part entre les rangées des lits de fortune et des amputés que la fortune elle-même a recraché sur le rivage. Pauvres gens. Satanée bataille. Y a de quoi raviver l'odeur de renfermé et de guerre et de sang. « Tiens toi tranquille » Son comateux, aussi éveillé que déterminé à saccager les sutures sur lesquelles elle a passé une bonne partie de sa journée. Sang. Comme un coquelicot qui fleurit écarlate sur son flan et déteint sa chemise. Il bouge beaucoup, même quand il dort. Elle reconnait là l’héroïsme increvable des soldats dans son genre. Prêt au combat, une main sur le fusil et l'autre qui retient maladroitement les tripes. Continuez pas sans moi. Tant que ça dégueule pas complètement, on est bon. Bon pour quoi, bon pour qui. Pour qui tu te bats comme ça. « C’est parce que tu sais » Sais quoi ? Elle plonge dans la perplexité un peu comme elle plonge dans ses yeux ; l'appréhension en collier de perles autour du cou et le fil, le fil qui tient tout le truc en place, beaucoup trop serré. « Caïn. Je suis Caïn » Elle sait. Non, elle sait pas. Elle est pas étonnée ; c'est normal ça ? « Qu'est-ce que je sais ? » Les larmes sont figées sur ses pommettes, l'instant présent se rejoue en boucle. Un disque rayé, une platine qui veut plus tourner. Tourne les minutes, tourne les heures. Et leurs mains, et leurs lèvres, et leurs rires qu'elle perçoit à peine sous leurs larmes. Il est triste. Elle est ignorante. Ils sont inévitables. « Tu te souviens pas mais moi oui » Peu probable. Elle n'avait pas rencontré un seul anglais avant de s'engager à bord du Salta. Elle remonte la couverture rêche sur Caïn, maternelle comme on pouvait se le permettre quand filait autant l'hémorragie. Allez, tient encore un peu, soldat. « J'en doute » Elle articule plus clairement, c'est à peine s'il a l'air capable de l'écouter. « Londres, 1855, poison. C’est là où je t’ai perdu, la dernière fois » Acre dans la bouche, lourd dans les jambes. Elle croit sentir des gouttes de pluie tomber de nul part. Non. Non. Non. Pas encore. « Garde tes forces, on arrive bientôt. » 11h37. « Raconte moi autre chose plutôt. Une histoire, celle que tu veux. Comment tu as fini à l'armée, ce que font tes parents, le nom de la fiancée que tu as laissée en Angleterre ? »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Mar 21 Fév - 12:46 | |
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HMHS SALTA – 1917
Le temps. Le temps joueur, le temps vainqueur, le temps mauvais. Il a passé une éternité à maudire le sable qui s’écoule de ce sablier. Une éternité à hurler aux horloges, aux montres, aux cadrans solaires et aux jours qui s’estompent encore et encore. Tiens toi tranquille Impossible, ils sont déjà à leur limite, à tirer la corde jusqu’à l’extrême. Il ne peut pas se tenir tranquille alors qu’elle est là, en face de lui, rayonnante de vie. Il grave l’instant dans sa mémoire. Pour ne pas oublier. La douleur est forte, et il a l’impression de sentir son esprit dériver. Il reconnait dans sa bouche le goût amer de la fin. De la défaite. Pour le reste il n’est qu’un soldat parmi tant d’autres, à crever la fleur au bout du fusil, touché par une balle qui ne lui était pas destiné. Mais pour eux deux c’est différent. Si différent. Il articule, se force, parle. Il doit. Il doit parler sinon ça sera trop tard et il faudra attendre encore une éternité avant de pouvoir recommencer. Qu'est-ce que je sais ? Les mêmes questions, encore et encore, un passage figé dans le temps qu’on repasse en boucle. « Au fond de toi, concentre-toi » chaque mot lui coûte bien plus qu’il ne voudrait laisser paraitre. Il voudrait que ça soit plus simple, il voudrait qu’elle se souvienne de chaque instant, égoïstement, qu’il ne soit pas seul. Elle remonte la couverture, il a envie de lui dire que ça ne sert à rien, qu’il ne ressent plus grand-chose déjà et que la seule chose à laquelle il se raccroche c’est à sa voix. A ses yeux. A son sourire un peu cassé. J'en doute Et pourtant c’est vrai. Il va lui prouver. Garde tes forces, on arrive bientôt. Bientôt ça sera trop tard, il n’a pas le temps d’attendre, pas dans cette vie. Raconte moi autre chose plutôt. Une histoire, celle que tu veux. Comment tu as fini à l'armée, ce que font tes parents, le nom de la fiancée que tu as laissée en Angleterre ? Il fait claquer se langue, secoue la tête. « Ca n’a pas d’importance » Non. Ce qui compte c’est maintenant. Un gémissement le trahit et il s’agrippe à la main de la brune, plus que jamais il a besoin d’elle. «Ce qui est important Hélène c’est qu’on soit réuni aujourd’hui » Il avale avec difficulté sa salive, cherche ses mots, comme à chaque fois. « C’est l’histoire qui se répète Hélène, encore et encore, à travers les âges, je te cherche et toi tu meurs. Toujours. Dans mes bras. Tu ne te souviens jamais de rien et moi je suis condamné à me rappeler chaque minute de mon existence. De notre existence. » Trop de mots, pas assez de temps. 11h42. Il lutte. Non. Pas encore. Pas maintenant. « Promets-moi de vivre heureuse Hélène » Quand je ne serais plus là Il ne ferme pas les yeux. Il ne détourne pas le regard. Il n’a pas peur. Il n’a jamais eu peur. 11h43 ce ne sera pas pour cette fois.
IMPACTE Et le feu qui embrase le navire, les hurlements. Il se redresse dans un dernier effort et l’attire à lui. « N’ai pas peur Hélène on se retrouvera » Promis. Il ferme les yeux pour la dernière fois.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Mar 21 Fév - 22:41 | |
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HMHS SALTA – 1917
11h38. Et elle veut qu'on lui raconte le monde. Est-ce que c'est aussi beau qu'on le dit ? Est-ce que c'est aussi grand qu'on aurait jamais assez d'une vie pour tout traverser à pieds ? Hélène, elle a jamais voyagé. En France, pour rendre visite à sa tante. Sur ce bateau, pour rendre visite à la mort. Plus. Elle veut voir le monde, le fouler de ses envies. Elle veut qu'on lui dise que c'est possible, que c'est à portée de main. Après la guerre, qui sait ? Avec Caïn, qui sait ? Et elle meurt qu'il lui raconte le monde, le sien. Tiens bon, l'anglais, elle en a pas fini avec toi. « C’est l’histoire qui se répète Hélène, encore et encore, à travers les âges, je te cherche et toi tu meurs. Toujours. Dans mes bras. Tu ne te souviens jamais de rien et moi je suis condamné à me rappeler chaque minute de mon existence. De notre existence. » Elle voit la cage thoracique qui se bat contre les mots, et les respirations qui se loupent sans se prévenir. Non. Parle lui encore, parle lui de tout et de rien. De tes drôles d'hallucinations, des époques que vous avez supposément visitées. Le monde attend encore. « Chut, tout va bien. Ça se finit bien cette-fois. » Elle l'encercle de ses bras, elle attire doucement sa tête vers le cœur comme on bercerait un enfant. « Promets-moi de vivre heureuse Hélène » Une main sous sa nuque, une autre pour l'obliger à la regarder. « Parle moi de Londres. Parle moi de 1855. Parle moi, s'il te plait. » 11h43. Le monde impatient s'écroule sans eux. « N’ai pas peur Hélène on se retrouvera » Elle n'a pas peur. Y a que les regrets qui font mal ; et le poids de son corps sans vie dans ses bras. Non, non, non, non. Elle ferme les yeux.
NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
« Caïn ? » La musique est suave, les conversations violentes contre les quatre murs du bar. C'est la contrebasse qui vient de réduire ses efforts à néant, à l'évidence. Elle jette un regard noir vers le musicien depuis l'autre bout de la pièce. Du haut de ses vingt ans et de ses talons, elle s'ose à répéter le prénom une seconde fois. Caïn. Le jeune homme se retourne, et ça devient compliqué de feindre l'ignorance. Au diable les hommes avec un visage pareil. Et au diable les joueurs de contrebasse. « Caïn, c'est ça ? » Elle sait que c'est ça. Il va lui dire que c'est ça. Autant de supercheries pour obtenir un simple regard, pourquoi est-ce que la tâche lui avait été attribuée ? Betty peut le faire elle-même. Betty peut se le permettre. Betty a des jambes qui filent comme le Mississippi et les cheveux comme l'herbe qu'a trop pris le soleil du sud. Eileen, elle a le chignon et les yeux qui se confondent dans la nuit. Mais Eileen n'a pas peur. « Voilà. J'ai une amie qui vous apprécie. » Eileen, elle balance les mots comme les notes de musique. En l'air, loin. Puis elle observe la chute. « Je sais déjà ce que vous pensez, et oui, il existe bien une amie. » Des fois qu'il penserait qu'elle parle d'elle à l'omniscient. Elle réunit ses deux mains sur une même hanche, et tilte la tête vers le fond de la salle. J'vais pas faire plus pour toi, Betty. Mais quand elle se retourne, Betty, elle a quitté l'ombre de leur recoin favori. Tu mérites pas tes jambes, lâche. « Je vous jure, elle existe. » Le rouge lui monte aux joues.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Jeu 23 Fév - 16:31 | |
| NOUVELLE-ORLÉANS – 1930 Batterie. Basse. Cymbales, et le piano qui vient se rajouter sournoisement. Musique, musique, musique, et le rythme qui coule dans la peau. Il voudrait danser, ne pas se limiter, sur le parquet, entrainer la première qui lui tombe sous la main pour la faire valser entre ses doigts. Il est connu pour ça. Caïn la bougeotte. Incapable de rester immobile quand il vient boire un foutu verre au club. Un verre. Les trompettes deviennent un peu trop fortes. Et l’alcool glisse dans sa gorge avec un feu bienvenu. Il aime cette ambiance entêtante, la sueur qui coule légèrement le long de sa nuque et le cœur qui palpite à cent à l’heure. Demain il ira travailler, mais ce soir il est là pour profiter, avec Danny, avec Tommy et avec n’importe quel sale gosse des rues qui voudrait se trainer à leurs côtés. Un verre. Encore. Pas assez. Et la basse qui se lance dans un solo endiablé. Caïn ? Il n’entend pas. Pas la première fois. Trop occupé à marquer le tempo du bout de ses doigts. Caïn. Et le cœur qui manque un battement cette fois-là. Caïn, c'est ça Impossible. Pas déjà. Pourtant quand il se retourne pour découvrir l’origine de la voix il sent les souvenirs s’éveiller. Silence. Un instant il cherche ses mots, il cherche l’air aussi, qui lui vient à manquer. Ça lui fait le coup à chaque fois, quand c’est elle qui vient le trouver. Voilà. J'ai une amie qui vous apprécie. Une amie ? Quelle amie. Il n’a pas besoin d’amie. Il se redresse lentement, l’observe. Aussi blonde qu’il est brun, à la différence de leurs yeux. Contraste amusant. Il est encore jeune, elle aussi, la vingtaine dans les dents et la vie qui coule dans leurs veines. C’est la bonne. Il espère. Il y croit. Je sais déjà ce que vous pensez, et oui, il existe bien une amie. « Vraiment ? » Sa voix se fait rauque, il camoufle sa panique avec un sourire un peu cassé. Mauvais garçon dans cette vie, il a les habitudes encrées dans sa peau. Je vous jure, elle existe. Il rigole doucement et fait mine de regarder autour de lui avant d’hausser les épaules. « Aurais-je ma chance avec un fantôme ? » Moitié sérieux, moitié moqueur, il sait qu’on ne rigole pas toujours avec le paranormal. Ils en sont la preuve. L’inexplicable. Il continue de l’observer, dans les moindres détails, sans gêne ni honte. Elle est belle, comme toujours, que sa peau soit brune ou blanche, ses cheveux de feux ou blanchit par le temps. Et ses yeux. Des yeux à en crever. « Et elle s’appelle comment cette amie ? » Et toi alors ? Comment tu t’appelles aujourd’hui ? Il attrape son verre, le fait tourner entre ses doigts. Pour survivre à cette soirée il va avoir de bien plus, de quoi se donner du courage, de pas tout faire foirer cette fois. « Tu vois je te l’avais promis » Qu’il murmure comme pour lui-même, le verre entre ses lèvres.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Jeu 23 Fév - 21:27 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
« Aurais-je ma chance avec un fantôme ? » t'aurais ta chance avec moi. Eileen. Elle refrène l'envie de porter la main à sa propre joue, joue qui porte toujours le rouge comme si on avait dérapé de la bouche en appliquant le maquillage. Suffit d'un regard à peine voilé vers lui pour comprendre comment c'est facile de partir en vrille en sa présence. Elle dérape pas souvent, Eileen, elle se force l'air composé de la fille de bonne famille. Bien rangée, bien éduquée. Composée. Et où est-ce qu'elle s'est enfuie exactement, la composition ? Dans les champs, loin de ce club de malheur. Loin des musiciens et de leurs pieds qui frappent le rythme comme si leurs vies en dépendaient, loin de Betty qu'a pas su assumer son coup de cœur et qu'a laissé le sien sur la ligne de front. Pourquoi elle ? En cet instant précis, elle déteste son amie. Elle déteste aussi le dit Caïn, et le rictus en travers qui empêche son cerveau de filer droit. Est-ce qu'il en fait exprès, de faire sauter son palpitant comme ça ? Et pour est-ce qu'il se prend, à avoir l'air le moins désolé du monde ? « J'en sais rien, tu tentes souvent ta chance ? » Elle a croisé les bras sur sa poitrine entre deux mots, histoire de ponctuer ... ponctuer quoi, exactement ? Forcément qu'il tentait avec d'autres filles, elle aurait été lui qu'elle aurait sûrement essayé avec la ville toute entière. Puis elle était venue le chercher. Pas le contraire. C'est qu'un détail, il reste frustrant. Parce que t'es un modèle de béatitude et de calme, peut-être ? « Et elle s’appelle comment cette amie ? » Elle s'appelle comme la moue qu'elle décide de faire, les lèvres pincées et le reste du visage qui veut dire qu'elle marche pas. Elle court carrément, mais ça, il doit pas le savoir. Il peut pas le savoir. Elle est prête à jamais retrouver un faciès normal si ça veut dire qu'il saura jamais. « Tu vois je te l’avais promis » Elle soupire plus que nécessaire ; non elle court pas, le cajun, elle court pas. Pourtant elle a l'impression qu'elle vient de fouler des kilomètres à travers la Louisiane. Y a la respiration qui suit la cadence du cœur ; décalé, inconstant, libre. L'aventure l'appelle, la routine l'engueule. Et dans tous les sens possibles, c'est vers Caïn que convergent les câbles qui la retiennent. « Ça marche vraiment ? Tout ce ... » elle pointe brièvement le doigt dans sa direction. « ... ce numéro, ça marche pour de vrai ? Qui se fait duper ? » Pas elle. Pas elle du tout. Du tout de jamais. Jamais de - oh bon sang, dans quoi est-ce qu'elle s'est foutue.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Jeu 23 Fév - 22:24 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930 J'en sais rien, tu tentes souvent ta chance ? C’est qu’elle mord, dans cette vie là. C’est ça qu’ils sont une myriade de variations, de visages et de cœurs qui changent au cours du temps, mort après mort. Furieuse, craintive, aimante, perdue, enfant. Il grave dans sa mémoire chacun des aspects qu’elle revêt, oubliant tout le reste pour la privilégier. Comme à chaque fois. Tu tentes souvent ta chance ? Dans cette vie-là, oui. Un peu, beaucoup, mais rien n’a la même saveur que celle qu’il a dans ses souvenirs. Mais c’est un moyen de déjouer le destin, d’essayer d’oublier rien qu’un instant, avant que ce dernier ne le rattrape, à coup de joues trop rouges et de regards insistants. « Pas avec les fantômes, jamais, je suis trop croyant » Il se signe, comme par réflexe, pour éloigner le Mauvais Œil évoqué. Dans cette vie là il est religieux, un peu, il a envie d’essayer. Mais quand il s’assoit sur les bancs de son Eglise, il ne peut s’empêcher de rigoler devant l’inutilité de la chose. Il doit se contrôler, pour pas la faire fuir, pas tout de suite. Il doit se contrôler pour pas tout cracher, la vérité, essayer de lui rappeler ces siècles à se courir après. Alors à la place il se fait joueur, comme si c’était la première fois qu’ils se rencontraient, comme s’il ne la connaissait déjà pas, sous un prisme entier de couleur. Elle a le nez qui fronce, ses lèvres qui se tordent dans une moue qu’il ne peut trouver qu’adorable. Elle n’a pas sa place ici, au milieu des voyous qui viennent se perdre dans la musique. Elle n’a pas sa place et lui non plus. Hors du temps, dans leur bulle. Ça marche vraiment ? Tout ce ... Enfin elle parle. Caïn hausse un sourcil, termine son verre avant de la regarder de nouveau les bras croisés sur sa poitrine. « Hm ? » ... ce numéro, ça marche pour de vrai ? Qui se fait duper ? Duper ? Son sourire s’étire encore plus, de moqueur il est devenu canin, le genre de sourire qui veut dire, que le jeu vient de commencer. Est-ce que ça marche ? Oui. Tout le temps. Dans cette vie en tout cas. Il se rapproche, un pas, deux pas, avale la distance qui les sépare. Promis. Pendant un instant il se perd dans ses yeux, et le souvenir de cette journée en pleine mer, de la douleur dans son flanc, et de ses mains à elle. Promis Hélène. Son doigt s’enroule autour d’une des mèches folles échappées de sa coiffure. « Je sais pas, à toi de me dire si j’arrive à te duper » Délicatement il replace cette mèche derrière son oreille et s’écarte. « Si j’ai pas le droit au nom de ton amie, j’ai au moins droit au tient ? Ma jolie » séducteur, il fait rouler le français maternel sur sa langue, sachant pertinemment l’effet que ça provoque. Sur la scène la batterie redémarre, rythme saccadé, en parallèle avec celui de son palpitant. Ils se sont retrouvé et ils sont vivants
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Ven 24 Fév - 16:22 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Dans la logique des choses, et des foutus papillons qu'ont décidé de tenir le prochain congrès dans son ventre, il faut qu'il arrête de sourire. Elle aime les sourires pourtant, mais là, c'est la fossette de trop. Alors dans sa tête, elle élabore un plan pour effacer ce rictus ridicule du visage de Caïn. Pauvre gars, c'est trop déconcertant pour son propre bien. Et pour le tien aussi peut-être ? Pour celui de toute la ville, ouais. La douce Nouvelle-Orléans devait pas s'en remettre. C'est exactement ce qu'elle est en train de faire ; pas s'en remettre ? - non, rendre un service à la société. Puis bénévolement, en plus, une volontaire prête à sacrifier son temps pour la bonne cause. On trouverait pas plus motivé comme soldat. Franchement, que demande le peuple ? Je sais pas, que t'arrêtes de battre des cils aussi vite, on dirait que t'es en pleine attaque. « Je sais pas, à toi de me dire si j’arrive à te duper » Non. L'objection reste coincée dans sa gorge, quelque part entre le moment où il s'est rapproché d'elle et celui où il a décidé qu'il pouvait se permettre d'arranger sa coiffure. Y a plus que la coiffure qu'a besoin d'amélioration, c'est la pagaille partout. Repli, repli, on abandonne la mission. Elle piétine sur place, elle essaie de récupérer quelque centimètres de plus dans sa stature. Rien à faire, il la dépasse toujours. « Si j’ai pas le droit au nom de ton amie, j’ai au moins droit au tient ? Ma jolie » Ça, c'est purement injuste. Déloyal. Elle pouvait encore espérer s'en sortir avant qu'il ne décide de rajouter le français à l'équation. Déjà qu'elle s'usait à faire balancer l'inconnu de son côté ; fallait maintenant qu'elle recommence tout à zéro, et en ignorant ce nouveau détail. Du français, bon sang. Qu'est-ce qu'elle a bien pu faire au destin pour mériter ça ? « J'ai une meilleure idée, tu sais ce qu'on devrait faire ? » qu'elle rétorque en faisant traîner la question. Elle l'imite dans son audace, un pas de plus jusqu'à devoir lever la tête pour pouvoir lui parler en face. Nom de Dieu, il est pas plus moche vu d'en-dessous. Elle désespère. « Parler au maire. Voir s'il reste de quoi ériger une statue sur la place pour tes techniques d'approche parce que c'est assez mémorable dans le genre ... » « Eileen ! » On l'interrompt dans sa tirade, puis on répète encore son prénom ; parce que ça suffit pas de lui foutre son plan en l'air une fois. Non, faut que ça insiste sur les syllabes, qu'on remue le couteau dans la plaie avant de lui faire signe qu'on quitte le club. Elle les aurait jeté dehors elle-même s'ils ne s'étaient pas dirigé vers la sortie. Puis si ce n'était pas ses amis ; elle doute un peu de la sincérité maintenant. La défaite dans l'âme, elle se retourne vers Caïn à contre-cœur. « Dis quoi que ce soit, et je te promets que c'est la dernière chose que tu prononces. » La moue fait son grand retour, accompagnée du verre qu'elle prend des mains de Caïn. Elle porte le liquide à ses lèvres, et grimace. « C'est dégoûtant. »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Sam 4 Mar - 0:17 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
J'ai une meilleure idée, tu sais ce qu'on devrait faire ? Elle se rapproche, vibre, l’air se fait rare dans ses poumons. Il serre les poings, se retient de la serrer contre lui, de tout faire foirer. Parce qu’il veut faire ça bien, cette fois ci. Dans les règles, à leur rythme, pas bouffés par le temps. Leurs regards qui s’entrechoquent et son cœur qui se serre, serre. Il voudrait s’y perdre à jamais dans l’abime de ses putains d’yeux. Parler au maire. Voir s'il reste de quoi ériger une statue sur la place pour tes techniques d'approche parce que c'est assez mémorable dans le genre ... Eileen ! Et l’appelle qui résonne dans le club, la coupant dans sa tirade enflammé alors qu’elle se persuade qu’il n’a aucun effet sur elle. Non. Aucun. A part ses joues trop rouges et son palpitant qu’il peut entendre de là où il se trouve. Eileen. Un nom qu’il rajoute à la liste déjà trop longue de toutes ces identités volées, et son sourire se faire plus large. Encore plus large. Pour compenser l’envie de chialer qui l’étreint soudain. Dis quoi que ce soit, et je te promets que c'est la dernière chose que tu prononces. Elle est brûlante Eileen, bien plus vivante que lorsqu’il l’avait trouvé sous cette pluie battante à Londres, les veines gonflées de poison. « Je ne dirais rien alors » Oups. Il rigole, passe la main dans ses cheveux pour recoiffer une mèche rebelle avant de se concentrer de nouveau sur elle. Il ne peut pas la laisser filer, pas maintenant. Il s’apprête à sortir un truc stupide, porter la main à son bras, la retenir. Mais c’est elle qui prend les devants, portant son verre à ses lèvres. Il se concentre un instant, pour être sur de graver la grimace dégoutée qui s’affiche sur son visage de poupée. C'est dégoûtant. « Peut être mais c’était mon verre, et maintenant tu m’en dois un » qu’il murmure mi amusé, mi sérieux. « Mais tu dois y aller pas vrai ? Eileen » Il fait durer son prénom entre ses lèvres, savoure chaque voyelle avec délicatesse. Ne pars pas. S’il te plait. Il ne la quitte plus du regard, cette fois ci y a plus de sourire, juste de la nostalgie qu’il n’arrive plus à camoufler, et la tristesse qui monte, monte. Il a envie de pleurer. Peut être parce qu’il commence à fatiguer. Une éternité à se chasser à travers les époques c’est épuisant, et il voudrait se poser, juste une fois, dans cette vie-là. Avec elle à ses côtés. « Sauf que si tu pars on pourra pas aller voir ce fameux maire pour lui parler de tes projets et de la glorification de ma technique d’approche » qu’il reprend, utilisant ses mots à elle, comme une légère provocation. Vu son caractère flamboyant, certain qu’elle ne refusera pas à lutter encore un peu, quelques instants à partager, à s’embraser.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 6 Mar - 18:09 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
« Peut être mais c’était mon verre, et maintenant tu m’en dois un » Elle masque la toux par une mine offusquée. Elle te doit rien, encore moins cette boisson affreuse. Y a le courage liquide qui continue de s'évertuer à lui arracher la gorge dans l'arrière-goût qui s'éternise ; en vérité elle a perdu le fil des minutes depuis qu'elle lui parle. Caïn. Les heures sont mauvaises, les heures sont traîtresses, et l'alcool est franchement dégueulasse. Mais la compagnie est agréable, la présence familière. Elle se surprend dans les gestes qu'elle ne contrôle pas, comme l'attraction qui vibre et lui échappe des mains, tremblantes dans le sillage. Si elle le voulait, elle pourrait retracer le fil conducteur du bout des doigts, depuis l'entrée entre ses côtes jusqu'à sa fin, logée entre celles de Caïn. Un étranger pour une redondante. Une vie pour une vie. Un destin pour un autre. Et le sien qu'on arrache d'entre les mains de Caïn parce qu'il fallait bien que l'univers trouve un moyen sordide de s'occuper l'esprit. « Mais tu dois y aller pas vrai ? Eileen » Rapides, rapides, rapides, les battements de son cœur. Tiraillée, elle jette un regard vers la sortie. C'est dingue, comme tout lui hurle de ne pas suivre ses amis. Mais je les connais, eux. Depuis des années. C'est peut-être le poids des siècles qui lui enrobe les chevilles ; ou le regard de Caïn qui s'enroule autour de sa gorge. C'est quelque chose, dans tous les cas, qui lui fait hausser des épaules et dérober à nouveau le verre. « Sauf que si tu pars on pourra pas aller voir ce fameux maire pour lui parler de tes projets et de la glorification de ma technique d’approche » Amusant. Elle fait tourner l'alcool distraitement. « Et laisser la ville à la merci de quelqu'un comme toi ? Pour qui est-ce que tu me prends, Caïn. » Pour une faible qui vient de laisser tomber ses amis au profit d'une poignée de minutes volées à un parfait inconnu. Rectification. Ils l'avaient laissée. Elle s'était débrouillée toute seule pour se foutre dans une pagaille pareil. C'est beau d'être grande et responsable. « Tu es différent. » Elle s'enfonce dans les nœuds à ne plus pouvoir en démêler les approches. Ils gravitent, incertains des trajectoires. La collision est imminente. « C'est quoi le piège ? » Grimace, elle déglutit difficilement la gorgée. « Tous les hommes ici sont pareil. Ils aiment leurs sourires, ils aiment leurs mères. Ils reprendront l'affaire de papa et boiront ça pour se donner des airs de grands. Ils auront des enfants, pleureront de ne pas avoir de fils, et blâmeront leurs femmes au lieu du hasard. Dieu merci, ils auront le jazz. Ça, ils feront pas semblant d'aimer. » Pause. Elle fixe le mur à travers son visage. « C'est quoi l'arnaque avec toi ? »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Ven 10 Mar - 20:32 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Ils oscillent, un instant, en équilibre dans les mains du Destin. Caïn retient son souffle, se retient tout simplement, de ne pas l’attraper par la taille, de l’attirer à lui. Encore une fois. Sentir sa chaleur, goûter à sa vie. Trop longtemps qu’ils n’ont pas eu une seconde à eux. Beaucoup trop longtemps ; Il croit encore entendre le bruit de la torpille qui touche le navire et la coque qui se fissure. Au loin. A moins que ça ne soit la batterie qui résonne de façon un peu trop sourde. Il ne sait plus. Il se contente juste de résister, en apnée, en apesanteur. Dans ce putain d’entre-deux. Et laisser la ville à la merci de quelqu'un comme toi ? Pour qui est-ce que tu me prends, Caïn Piquante la Eileen, ça a le mérite de le ramener sur terre, de le secouer un peu. De le faire rire aussi, parce qu’elle préfère rester ici avec lui, à répondre à ses piques, que de suivre ses amis trop bienpensants. « Apparemment pas pour la justicière que tu sembles être, aurais-je fais tomber le masque ? » sourire mesquin il lui adresse un petit clin d’œil. Tu es différent. Ah tient ? Pourtant il passe cette vie à entendre qu’il est comme tous les gamins du coin, qu’un foutu cajun de plus, qui finira crevé dans un coin et sans avenir. « Ah oui ? Différent ? » et déjà qu’Eileen lui répond, les sourcils froncés et la moue la plus adorable qu’il n’ai jamais vu plaquée sur son visage. C'est quoi le piège ? Y en a pas, c’est bien ça le problème, ils ont beau essayé de rester éloignés l’un de l’autre, ils finissent toujours par se fracasser l’un contre l’autre. Inexorablement. Tous les hommes ici sont pareil. Ils aiment leurs sourires, ils aiment leurs mères. Ils reprendront l'affaire de papa et boiront ça pour se donner des airs de grands. Ils auront des enfants, pleureront de ne pas avoir de fils, et blâmeront leurs femmes au lieu du hasard. Dieu merci, ils auront le jazz. Ça, ils feront pas semblant d'aimer. Silence. Il serre les dents. Pas encore, pas maintenant C'est quoi l'arnaque avec toi ? Bon sang, ce qu’il a envie de chialer. Il est fatigué, de devoir tout recommencer, encore et encore et encore ; Continuellement. Cette spirale infernale qui ne semble jamais prendre fin. Il est vieux maintenant. Trop vieux. C’est usant. Mais pourtant à chaque fois qu’il la regarde, il envoi balayer toutes les misères qui lui passent par la tête et se sent renaître. Parce qu’elle le complète. Qu’ils le veuillent ou non. « Ya pas de piège, voilà l’astuce » il hausse les épaules avant de soupirer. D’un signe de la tête il lui indique de le suivre et va s’assoir à une table un peu plus en retrait, là où la musique se fait moins forte. « Je suis pas comme ça, t’as du le voir à mon accent, je suis pas le genre de gars au futur tout tracé, au lendemain assuré, à ce que tu raconte. » Il ment à moitié, il a un futur tout tracé, certes, mais il n’en connait pas les grandes lignes. Lentement il reprend son verre des mains de la jeune fille et en boit une petite gorgée avant de le reposer sur la table. «Y a pas d’arnaque Eileen. J’ai juste rien à perdre parce que demain tout pourrait s’effondrer, alors je préfère profiter de l’instant plutôt que de m’embourber dans des situations qui ne verront sans doute jamais de levé de soleil » il se sent poétique, un brin fleur bleu. Mais tant pis. C’est comme ça. Il a plus rien à perdre de toute façon, car la seule chose à laquelle il tient réellement se trouve devant lui, à quelques battements de cœur.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 13 Mar - 20:59 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Elle le détaille dans les moindres coutures effilochées. C'est quoi l'arnaque ? C'est quoi le truc qui la fera grimacer plus sévère que le liquide ambré, plus fort que les accords majeurs ? Une cicatrice qui trahit, un regard qui fuit, un passé qui s'accroche aux chevilles de peur qu'on l'oublie et le jette pour un autre. D'ailleurs elle remonte les épaules, changement à peine perceptible. Juste de quoi paraître plus grande, plus fine, plus femme. C'est un boulot à la con, de s'acharner à pas avoir l'air aussi voûtée que d'habitude, aussi écrasée. Elle s'accrochera pas à ses foutues jambes ; il pourra courir avant que ça arrive. Elle marchera peut-être un peu sur une de ses godasses quand même, par accident, pour pas qu'il l'oublie totalement non plus. M'oublie pas, Caïn. Souviens-toi de ce club, et des musiciens intemporels. Retiens bien tout, même ce que tu vois pas. Des mains qui tremblent, des cœurs qui saignent, du temps qui chante. L'aubaine, la chance. Y a déjà tout le présent qui lui échappe des mains sans qu'elle puisse décider ou non de se jeter à ses pieds. Eileen est pas désespérée ; c'est à peine si les angoisses peuvent l'atteindre entre ces quatre murs. Y a comme un goût d’invincible, un goût de j'vais bien. Une touche de confiance, mais d'une confiance qui planque trop son jeu sous la table. Tricherie sans fin. Eileen est pas désespérée, non. Eileen est foutue d'avance, et d'un côté, c'en est tout autant désespérant. « Ya pas de piège, voilà l’astuce » Elle fait claquer sa langue. « J'ai du mal à y croire » Tout le monde traîne ses casseroles ; et les meilleurs se baladent main dans la main avec toute la cuisine qui se plaint derrière eux. J'ai faim. Je m'ennuie. Quand est-ce qu'on arrive. Elle tilte légèrement la tête sur le côté, qui sait, peut-être que son antenne à mensonges captera mieux les ondes. « Je suis pas comme ça, t’as du le voir à mon accent, je suis pas le genre de gars au futur tout tracé, au lendemain assuré, à ce que tu raconte. » Elle aime bien son accent, elle. La façon que ça a de rouler sur la langue, un peu décalé. Y a le français qu'elle a vaguement appris auprès de son professeur particulier, et les lettres qu'on prononce seulement quand ça arrange dans ce langage là. Elle se demande s'il est semblable à cette omission. Silences arrangés et syllabes bouffées. S'il lui vend de beaux discours pour s'amuser à la voir claquer son argent. La suspicion en ras de cou, elle l'a déjà suivi jusqu'à une table en retrait des autres. En retrait du monde. Elle étouffe dans la bulle que ça créé autour d'eux. « Y a pas d’arnaque Eileen. J’ai juste rien à perdre parce que demain tout pourrait s’effondrer, alors je préfère profiter de l’instant plutôt que de m’embourber dans des situations qui ne verront sans doute jamais de levé de soleil » Le soleil, elle préfère quand il se couche. Fin de la journée, fin des problèmes pour quelques heures. Quelques heures de répit total. Elle s'est déjà surprise à vouloir rester comme ça pour toujours. M'oublie pas, Caïn. « T'es étrange. » T'es tellement de choses à la fois, tellement de vies en simultanées. Le temps est circulaire et tu tournes en rond avec. Tourne, tourne, tourne, tandis qu'elle te regarde en se tenant les tripes. Tellement de morts à la fois, tellement de douleur en simultanée. Limite, la torpille c'était plus agréable que le regard insouciant qu'elle te lance. « J'aime bien. » Elle hausse encore des épaules comme pour demander la permission. La permission qu'il se foute pas d'elle parce qu'elle vient de dire ça. Puis parce qu'elle vient de s'emparer de sa main, paume tournée vers le ciel. Lentement, elle trace les lignes qui s'étirent sous ses doigts. « Elles t'aiment pas. » elle murmure en désignant la main. « Les lignes. »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 27 Mar - 19:05 | |
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Boum, boum, et le cœur qui tambourine, le besoin qui file sur ses doigts et l’envie tenace de la tirer contre lui. Comme autre fois. Non, comme à chaque fois. Me laisse pas, pas cette fois, crève pas. Il supplierait presque, capable de tuer pour obtenir ce qu’il désire. Mais il se contient, il se retient. Pas cette fois. Ils ont le temps, ils ne sont pas pressés, pas balancé en plein milieu d’une guerre qui ne les concerne pas mais qui les fera néanmoins tomber. J'ai du mal à y croire . Elle est sceptique, presque hermétique à son charme. Mais c’est pas pour autant qu’il va baisser les bras. Pas besoin de ça, parce qu’il sait que le destin les pousse l’un vers l’autre, continuellement, éternellement. Il se contente d’hausser les épaules, de lui offrir un sourire résigné. Et pourtant c’est la vérité. Il la dévisage, ne la lâche pas et déjà il se remet à parler, tranquillement doucement, soulignant les faits. Y a pas de piège ou alors son existence est le piège, une blague monumentale, dont lui seul peut en rigoler. Il ne lui mentira jamais. Il peut pas, il y arrive pas. Il a essayé, autrefois, lui cacher le tout, l’essence même de leur existence. Il a essayé de la regarder tomber amoureuse dans d’autres bras, de la laisser évoluer dans l’innocence, sans voir sa ligne se tâcher du sang qui revient salir leurs doigts immanquablement. T'es étrange. C’est la conséquence de siècles d’existence, d’accumulations de souvenirs et de vies qui crient trop fort dans son cerveau. J'aime bien. « Tant mieux » et le cœur qui manque un battement, comme à chaque fois, quand les sentiments germent lentement. Il se rapproche par-dessus la table, incapable de détacher son regard d’elle, de la façon dont les mèches s’échappent de son chignon et le sombre de ses yeux. Il voudrait y plonger, et y rester pour l’éternité. Et la peau qui frisonne, les papillons qui s’envolent et la surprise quand elle s’empare de ses doigts. Ne me lâche pas elle est si chaude. Vivante. Putain oui. Vivante. Et lui il a son sang froid qui dégringole, qui se casse la gueule sans prévenir. Elles t'aiment pas. Qui ça ? Les lignes. Et la tristesse qui l’entoure, sans prévenir. Doucement il se dégage et récupère sa main, scrutant les lignes silencieuses qui lui sillonnent la peau. «Non. En effet, elles ne m’aiment pas » elles le détestent même. Destin moqueur, destin vengeur. « Toi non plus elles ne t’aiment pas. Je suppose. Trop courtes, trop brusques » mens pas Eileen, il sait, il a même pas besoin de regarder. Il se redresse, chasse la nostalgie et replace sur son visage un de ces sourires qui vont à tout le monde. Pour pas pleurer. Il va craquer, bientôt. Très bientôt. Mais il se retient, pousse les mots au fond de sa gorge pour les empêcher de s’échapper. « Tu lis les lignes ? C’est rare pour quelqu’un comme toi, le mysticisme. » 1930 et son lot de curiosités, bien trop souvent dénigrées par les blondes bien éduquées.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Lun 27 Mar - 21:57 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
C'est pas souvent qu'elle croise des gens qu'ont les lignes qui pleurent comme celles de Caïn. Habituellement c'est plus calme, plus ordinaire. Sans grandes surprises. Peut-être parce que les seules mains qu'elle voit défiler sont celles de gens fortunés, et que la richesse peut se permettre de se payer un chemin sans embûches jusqu'au purgatoire. Un ticket en première, avec toute la place qu'il faut pour les pieds. Boissons offertes pour l'achat d'un aller sans retour. Il est long, le chemin de Caïn. C'est presque interminable sous ses doigts sans-gênes. Un amateur trouverait ça inouï, elle trouve juste ça triste. La ligne de vie qui file comme si elle en pouvait plus de se trouver greffée là. Elles t'aiment vraiment pas pour te faire vivre aussi longtemps. Y a pas de chance là-dedans. Elle observe dans la totalité, la paume entière à plat comme une carte au trésor sur la table un peu poisseuse. Ça y est, elle aperçoit la croix écarlate. Géante, dans le vide laissé par la ligne de cœur qui s'efface au point de disparaître. Elle est partie où. Confuse, elle retourne la main inanimée, puis encore dans l'autre sens. Elle a rarement vu ça. « Non. En effet, elles ne m’aiment pas » qu'il acquiesce en lui confisquant sa main. Attend. Elle a honte du bruit déçu qu'elle laisse échapper, un espèce de gémissement qui traîne dans les aiguës. Il fout toutes ses façades en vrac, il écrase ses retenues d'un regard. Il sort de nul part et y a rien qui empêche Eileen de s'avouer qu'elle le suit quand il veut dans son grand inconnu. Elle a pas peur. Elle sait parfaitement qu'elle tiendra pas la distance dans le temps. Alors elle donne tout pour se barrer le plus loin possible avant de se faire rattraper. « Toi non plus elles ne t’aiment pas. Je suppose. Trop courtes, trop brusques » Elle hausse les épaules. C'est pas un secret, ni une malédiction. C'est quelque chose avec laquelle elle vit au quotidien. Toutes deux attablées au lever du soleil, elle et une tasse de thé chaud dans les mains, et la morte qui lui lit le journal. « Peut-être qu'elles m'aiment de trop, et qu'elles veulent seulement me garder. » Peut-être qu'elle est pas faite pour vivre, uniquement pour faner. Inconsciemment, elle vient inquiéter les lignes de sa main du bout des ongles. Non, c'est toujours pareil. Rien a changé. « Tu lis les lignes ? C’est rare pour quelqu'un comme toi, le mysticisme. » Elle sourit d'un air mystérieux. « Je suppose que je ne suis pas très commune. » Entre gens étranges, ils devraient se comprendre. Sans un mot de plus, elle rebalance son attention sur les musiciens. Elle a pas besoin du divin pour anticiper sa prochaine question. « Tu danses ? » T'as l'air de quelqu'un qui danse. La tête tourne dans son sens, l'éternel rictus mystique étiré d'une oreille à l'autre. Elle tend la main, paume vers le ciel. « Je lis pas les deux pieds gauches dans les mains. » Elle hoche en direction de ses doigts. « Pas encore. »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Sam 8 Avr - 17:30 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930 Les lignes qui s’entrelacent, et la certitude que s’ils superposaient leurs deux paumes, le schéma serait complet. Il la dévisage pendant qu’elle observe sa man. Il la dévisage sans retenue, sans gène, pendant qu’il le peut. Il la dévisage, imprime les nouveautés dans son cerveau, la façon dont ses cheveux brillent quand il y a un brin de lumière, ou cette petite ride qui se forme entre ses deux sourcils quand elle se concentre. Il retient tout, gourmand, trop gourmand, emmagasine. Parce qu’il sait Caïn. Il sait que trop tôt on lui retirera le bonheur des mains. Elles ne m’aiment pas, ni les lignes, ni le foutu destin. Et la blague qui dure depuis la nuit des temps, les époques qui se brouillent, qui s’emmêlent. Spirale infernale qui les aspire sans leur laisser le temps d’essayer de s’échapper. Et déjà qu’il retire sa main d’entre celles d’Eileen, rigolant doucement quand cette dernière proteste muettement. Elle a le regard d’un enfant a qui on a privé son nouveau jouet préféré et ça le rend heureux. Il voudrait revenir en arrière et recommencer, encore, encore, entendre ce son qui s’échappe dans ses lèvres. Mais déjà il enchaine, incapable de laisser la chose durer trop longtemps, car il ne faudrait pas qu’elle commence à douter. Pas encore. Pas maintenant. Il est trop tôt pour ça. Peut-être qu'elles m'aiment de trop, et qu'elles veulent seulement me garder. Peut-être. Qui sait. Il a beau chercher une explication, il n’en trouve pas. Juste ces foutues lignes et ce foutu schéma. Encore une fois, comme une danse qui n’en finit pas. « Elles sont égoïstes ces lignes » qu’il murmure du bout des lèvres, comme pour lui-même, et le cœur qui loupe un battement de tristesse. Il voudrait changer le court de la chose, graver dans la paume délicate d’Eileen un chemin différent, pour cette fois, pour toujours. Un idéal à deux qui prendrait fin normalement quand ils atteindraient ensemble leurs 70 ans. Ensemble. Tu parles. Il sourit doucement Caïn pendant qu’Eileen reprend la parole. Je suppose que je ne suis pas très commune. « Non. L’opposé de commune je crois » qu’il lui répond en rigolant doucement en la dévisageant. Commune n’est pas un adjectif pour elle. Loin de là. Elle a ce quelque chose de brulant qui se dégage de son regard, cette nostalgie d’une âme trop vieille dans un corps trop jeune, et la fatigue déjà qui se lit à l’horizon. Et pour la énième fois il retombe amoureux d’elle. Encore, toujours. Eileen, Eileen, Eileen. Tu danses ? Et le sourire qui s’étale comme un pot de peinture renversé sur le sol. Je lis pas les deux pieds gauches dans les mains. Il pause sa main dans la sienne. Pas encore. Et le rire qui explose autour d’eux, hilare il secoue la tête avant de serrer un peu plus cette main offerte dans al sienne. « Tu me prend pour qui Eileen, pas besoin d’être voyante pour savoir que la danse, j’ai ça dans le sang » et en un instant il est debout, l’entrainant sur la piste. La musique est vive, les couples se forment déjà et Caïn se mêle à eux, attirant la jeune femme contre lui, il commence à danser, suivant le tempo. Il la fait tourner, valser, et la main qui se balade sans aucune honte sur sa taille, sur sa hanche. Du regard il la défi de protester, sourire narquois aux lèvres. « T’es capable de suivre tu crois ? » Il ne sait pas ce que ce sera cette fois ci. Ils n’ont pas dansé souvent ensemble. Plutôt occupé à fuir la faucheuse qui s’acharne perpétuellement sur eux. « Sinon tu n’as qu’à me suivre » phrase clichée, mais c’est sincère. Il ralenti le rythme et se rapproche d’elle un peu plus, mangeant lentement la distance qui les sépare depuis le début de leur rencontre. Parce qu’il commence à en avoir assez. « T’inquiète pas Eileen, je te lacherais pas » jamais
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 23 Avr - 19:34 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Mais qu'est-ce qu'il te prend ? Bon sang. La musique l'emporte loin de son corps, et comme un fantôme qu'on aurait forcé à revenir, elle regarde, bloquée dans une sorte de transe sans fin. Il est loin, le corps, la tête qui pense de trop, les yeux qui analysent les moindres faits et mains calleuses dans les siennes et postures nonchalantes contre la chaise et sourires dans les quatre coins du monde et rires incontrôlables aux répercussions incontrôlées dans son ventre et – et gestes, c'est ce qu'elle voulait dire. Les moindres faits et gestes, bien entendu. Invisible, elle regarde. Et tout ce qu'elle peut faire c'est observer, et espérer qu'elle ne ressemble pas réellement à ça. C'est bien elle, sans mentir ? Qui croise et décroise les jambes sans cesse, qui regarde Caïn comme on regarderait le soleil, mais sans main en visière, la lumière comme des phares braqués seulement sur elle ? Elle grince des dents en se voyant rougir, elle rougit de se voir rougir. Interminable cercle vicieux. Elle ignore l'autre cercle, celui qui avale tout sur son passage. Gigantesque, cruel, affamé. Plus grand que tout, puis surtout plus grand qu'eux. Alors dans sa naïveté, elle observe, spectatrice de son propre embarras. De sa propre chute. « Tu me prend pour qui Eileen, pas besoin d’être voyante pour savoir que la danse, j’ai ça dans le sang » Elle arque un sourcil, haut. Tout est dans l'allure, elle est certaine. Parce que s'il est vraiment confiant comme ça au fond, elle est foutue. Oh mon Dieu, elle est tellement foutue. « Il va me falloir plus que des mots pour me convaincre, tu sais, c'est simple de mentir … Attend. », elle s'exclame soudain lorsqu'il se lève sans cérémonie pour les afficher au plein centre de la piste de danse. Splendide, bien joué, sur une échelle de zéro à dix, de combien de négatif tu descends ? Eileen jette des regards nerveux à la ronde, des inquiétudes qui ricochent sur les épaules des autres couples de danseurs. Et ça paraît si simple, si fluide, si naturel à les voir se balancer d'un pied à l'autre. Mais elle se sent gauche, tellement à gauche qu'elle en perd ses repères, et la bravoure qu'elle affichait plus tôt dans la soirée est à pleurer. Peut-être qu'il faudrait aller jeter un coup d’œil à droite plutôt ? « T’es capable de suivre tu crois ? » Excellente question, pertinente question, comment est-ce qu'elle s'en sort pour l'instant ? « C'est à toi d'en juger, je crois », elle est sûre, c'est difficile à prononcer tant elle est concentrée sur ses pieds. C'est une nuit à miracles, il la fait valser sans jamais accorder une seconde de doute à ses pas. J'ai ça dans le sang. Elle commence à croire qu'elle l'a dans les veines aussi. Pas la danse, lui. Et elle se plaque davantage contre la paume sur sa taille, il faut qu'elle se retrouve dans son pouls. « Sinon tu n’as qu’à me suivre » Elle hoche de la tête, déjà plus à l'aise mais pas plus loquace. Elle a peur de casser la magie à coups de mots. « T’inquiète pas Eileen, je te lâcherais pas » N'y pense même pas. Pas même une seconde, pas un pas de plus. Y a toujours trop de loin et jamais assez de proche. Elle a beau forcer son chemin, caler la tête dans le creux de son cou, rien ne rempli la distance. Rien ne comble le vide. Elle a peur. « Jamais ? » qu'elle murmure en relevant les yeux vers les siens. Vide, vide, vide. Ses poumons expulsent la poussière ; elle tousse dans sa main et ignore le rouge qui vient tâcher les lignes. Cercle vicieux. Elle s'empresse de cacher la misère, les bras autour de son cou et les mains ballantes derrière sa tête. Il peut pas savoir. Jamais. « Excuse-moi » Tu sais, c'est simple de mentir. Elle y met toute sa conviction, tout son souffle condamné, tout son front contre le sien. Me lâche pas.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Jeu 4 Mai - 21:48 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Elle rougit. Bon sang. Elle rougit, et le cœur de Caïn qui manque de se fracasser par terre parce qu’il oubli à chaque vie à quel point il aime faire affluer le sang dans ses joues. Il voudrait passer ses doigts sur ces pommettes brulantes, écouter le rythme qui pulse, la juste sous la peau, en accord avec la contrebasse. Mais il se retient. Comme il se retient de la serrer contre lui, de s’assurer que plus jamais, plus jamais ils ne seront séparés dans cette vie. Ni dans les autres. Il se retient car il a un minimum de décence et qu’il refuse de débarquer dans la vie innocente d’Eileen, Elena, Helene, qu’importe son nom. Dans sa vie à elle. Alors à la place il joue le jeu, provoque quand il est provoqué, tend la main, les doigts, vole un peu de chaleur parce qu’il lui faut un minimum pour résister. Il va me falloir plus que des mots pour me convaincre, tu sais, c'est simple de mentir … Attend. Non. Parce qu’il n’y a pas le temps, parce qu’il n’y a pas une seconde à perdre et que déjà leur sablier est bien trop entamé. Non, et déjà qu’il l’entraine, sourd à sa surprise, au milieu de la foule, des autres, sourire flambant plaqué sur ses lèvres. La danse il connait, depuis môme qu’il fait des cabrioles avec sa mère avec ses frères. Ses frères. Et puis sa sœur aussi. Belle brune mortelle, qu’il a appris à apprécier. Parce qu’il les aime tous, même si dans sa mémoire les visages s’effacent et les noms s’emmêlent, il les aime tous, à sa manière. Pas autant qu’elle cependant. Jamais autant qu’elle.
C'est à toi d'en juger, je crois Non. Parce qu’il n’a pas envie de juger, parce qu’au pire il s’en fiche qu’elle danse avec autant de souplesse qu’un balai entre ses bras. Il s’en fiche de son style, de sa grâce, de son élégance. Tant qu’elle est proche de lui, main dans la main, cœur contre cœur, y a plus rien d’autre qui compte. Mais ça non plus, il peut pas vraiment lui dire. Pas tout de suite. Mais bientôt. Il le sent : c’est comme une évidence dans l’air. Il la sent contre ses mains, contre ses doigts, et la démangeaison qui recommence. Calme toi la main qu’il a envie de hurler pendant qu’il lui murmure qu’il ne la lâchera pas. Qu’il ne la lâchera jamais, sa foutue est main est trop amoureuse de sa hanche, et lui d’elle, tout simplement. Jamais ? « Jamais » croix de bois, crois de fer, s’il ment il va en enfer. Mais peut-être qu’il y est déjà, peut être que c’est ça, son enfer personnel, la voir décliner un peu plus à chaque fois. La toux trop forte pour être anodine, la main qu’elle cache derrière lui et le mensonge dans son regard. Pitié pas déjà. Y a sa gorge qui se contracte et la douleur qui irradie de partout. Non, non, non qu’il voudrait hurler, mais il se force à continuer de danser. Excuse-moi Il ferme les yeux quand elle se colle à lui, il ferme les yeux pour s’empêcher de pleurer mais c’est trop dur. C’est toujours trop dur. « Ne t’excuse jamais avec moi » et lentement il capture sa main, sa paume tachée qu’il vient embrasser avant de la regarder dans les yeux. « Viens » et sans attendre il l’entraine hors du club. Tant pis pour leurs manteaux, tant pis pour leur argent, tant pis pour les verres abandonnés sur la table boisée. Il la tient par la main et marche, lentement pour qu’elle ne se perde pas, les doigts entrelacés comme une corde dans le brouillard. Il finit par s’arrêter pas très loin de Mississipi, le cœur en vrac et les larmes séchées. « Désolé, je voulais pas te kidnapper, j’avais besoin de sortir et t’étais accrochée à ma main…J’ai pas eu le cœur de détacher t’avais l’air d’y tenir, à cette main » qu’il balance, sourire carton sur le visage et le ton malicieux. Parce qu’il a toujours trouvé que l’humour est une bonne parade à la mélancolie. Mieux que la haine, mieux que la rage, mieux que tout le reste.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Dim 28 Mai - 10:53 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
« Ne t’excuse jamais avec moi » Mais elle s'excuse, de tout son cœur, promis juré qu'elle n'a jamais eu l'intention de briser le sien. Elle n'a jamais voulu briser le cœur de personne. Et pas celui de sa mère, ni celui de son père, quand le médecin de famille a annoncé la maladie incurable comme on annonce le mauvais temps. Elle meurt. Un peu plus chaque jour, elle s'évanouit et se confond avec l'ombre de l'autre côté. Un peu plus chaque jour, elle défie les ordonnances et s'échappe des draps mortuaires. Elle meurt, mais elle a pas fini de vivre. Et c'est injuste, et c'est déloyal. Elle est aurait voulu contenir le manque de surprise quand le couperet s'est abattu, mais en vérité elle savait déjà. Les mains ne mentent pas. Mais les cœurs saignent et les pitiés pleuvent et les larmes coulent. Elle voit comment Caïn absorbe le choc avec difficulté, elle aimerait lui chuchoter à l'oreille que ce n'est pas grave. Elle le sait, ce n'est pas grave. Je suis navré, mais votre fille est condamnée. Est-ce qu'ils ont au moins demandé l'avis à la fille avant d'utiliser ce mot ? Condamnée – et si ce n'était que partie remise ? Et si elle n'était pas faite pour cette époque, et s'il y avait plus à voir autre part, et si la mort était tombée amoureuse de son âme, et si son âme était seulement faite pour brûler plus vite que les autres ? Elle a du mal à tenir les convictions, quand Caïn embrasse la main traîtresse et refuse de la lâcher après coup. Elle a du mal à tenir les toux dans sa gorge, et le sang chaud qui ruisselle contre les parois de la trachée. « Viens » Et il tire gentiment sur son bras, implose leur parenthèse et casse leur danse. Certains regardent, certains ne les calculent pas depuis le début de la soirée. Pourtant elle a l'impression qu'ils se baladent la lumière dans le dos, elle ne comprend pas comment on fait pour ne pas le remarquer, lui. Lui qui se permet de valser dans sa vie comme si c'était anodin, lui qui lui donne des envies impossibles de se rallonger les lignes de la main au couteau, cicatrices rosées sur ses paumes. L'air extérieur est froid à lui en glacer les bras, en contraste de la chaleur étouffante du club. « Où est-ce qu'on va ? » elle s’enquiert en ralentissant le pas. La nuit est froide, la nuit est belle. Elle regarde les étoiles et se demande s'il y a une place pour elle déjà quelque part, ou s'il faudra qu'elle pousse deux ou trois astres pour se frayer son propre halo dans l'obscurité. « Désolé, je voulais pas te kidnapper, j’avais besoin de sortir et t’étais accrochée à ma main…J’ai pas eu le cœur de détacher t’avais l’air d’y tenir, à cette main » La nuit est froide, la nuit a de l'humour et un joli sourire. Elle sourit à son tour, et les mains s'entrelacent une infinité de plus. « Tu peux la garder, si tu veux. » Elle lui offre un clin d’œil stupide, une réaction qui reflète à quel point elle est jeune. C'est dur à croire, parfois. Parfois, elle a l'impression d'avoir vécu des siècles. Elle est vieille comme le monde, elle est vieille comme les étoiles qu'elle observe en silence. Les mots fatidiques sortent de sa bouche sans qu'elle le veuille. J'veux pas briser de cœurs. « Je vais mourir. » Maintenant, dans deux jours, une semaine, un mois qui sait, si elle tient le coup. Y a pas de date de péremption sur ses mains. Y a pas de décompte sur ses veines. Y a juste la certitude qu'elle ne tiendrait pas la route, et le sourire désolé qu'elle affiche en le regardant. « Je vais mourir. Et je peux rien faire pour changer ça. » Tu peux rien faire pour changer ça. « Ça va aller, c'est juste. C'est juste comme ça. » Elle suppose. Et elle ne pleurera pas tout ce qu'elle voudrait pleurer en lui caressant sa joue. « Je vais rentrer, tu me raccompagnes ? »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Mar 6 Juin - 19:12 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Où est-ce qu'on va ? Loin. Très loin. Le plus loin possible de ce monde étouffant, de cette réalité dégueulasse, de ce cercle vicieux qu’est le destin et qui ne cesse de se foutre de leur gueule depuis l’éternité. Il a envie de lui dire qu’il l’emmène dans un royaume où elle ne souffrira plus, où ils seront heureux, où ils vivront heureux. Y aura plus de sang sur leurs doigts, plus de peur dans leur cœur, juste la plénitude qu’ils méritent. « Pas très loin t’en fais pas » qu’il répond cependant, essayant de se rendre rassurant, de pas passer pour le gars flippant qui va la tuer au milieu de la nuit. Bon sang ce qu’il en serait incapable. Jamais. Jamais. Et pourtant il y a eu cette fois, en Rome Antique, quand il a dû la transpercer de son glaive, et la folie qui ne l’a jamais vraiment quitté depuis. Du bout des doigts il chasse ce souvenir néfaste pour se concentrer sur elle, sur Eileen et ses joues rosies par le froid qu’il arrive à discerner grâce à la lumière de la lune. Il se prend à plaisanter, balance une bêtise comme il sait si bien le faire pour la faire sourire. Il y arrive. Et ça vaut toutes les années d’attentes, tous les siècles à courir après elle pour essayer de la rattraper. Tu peux la garder, si tu veux. Sa main ? Ou elle ? Les deux peut être. Il s’apprête à répondre quand elle reprend la parole. Sérieuse. Terriblement sérieuse. Je vais mourir. je sais a-t-il envie de hurler en réponse ; je sais, parce qu’à chaque fois c’est la même histoire. A chaque fois c’est le même twist. Putain tu deviens lassant le destin, faudrait penser à changer de refrain. « Je vais mourir. Et je peux rien faire pour changer ça. Non. Elle ne peut rien. Et lui non plus. Encore une fois. Il pensait avoir plus de temps cette fois. Rien que cette fois. Mais finalement le sablier est déjà terminé, il ne reste que quelques grains encore, qui s’écoulent bien trop vite pour son propre goût. Ça va aller, c'est juste. C'est juste comme ça. Il la dévisage. Elle et ses yeux trop bruns, elle et ses boucles blondes qui s’agitent avec le vent. Elle avec ce regard vieux de milles ans. Lentement il sert un peu plus ses doigts entre les siens. Puisqu’elle lui a donné l’autorisation, il la gardera cette main. Il la gardera jusqu’à la fin. Jusqu’au début. Je vais rentrer, tu me raccompagnes ? « toujours, montre-moi le chemin » et il lui fait signe de se rapprocher de lui, épaule contre épaule, il a ce sourire stupide qui veut pas s’effacer. « Tu vas mourir je sais. » Il a la voix qui se fracasse, il hésite, se mord la lèvre avec anticipation. C’est toujours le plus dur à raconter, le début, le commencement. « Tu meurs toujours Eileen » et toujours il est là pour regarder. « Tu crois au destin ? Avec tes lignes de la main et tes prédictions ? Est-ce que t’y crois toi ? Que tout est déjà écrit quelque part ? » dans les étoiles ou sous la terre, une histoire terrible dont ils sont les héros. « Si je te disais que je te connais. Est-ce que tu me prendrais pour un fou ? » Il s’arrête d’un coup et se tourne complétement face à elle, une main sur sa joue il vient attraper une mèche folle entre ses doigts qu’il replace délicatement derrière son oreille. Il pourrait faire ça pour l’éternité. Encore, encore. Ne plus jamais la lacher.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Mer 7 Juin - 19:16 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
« Toujours, montre-moi le chemin » Et il joue des épaules, et il joue des sourires. Elle croit qu'il n'a pas arrêté de danser encore, et elle mettrait la main à couper que si elle lançait un regard par-dessus son épaule, là aussi, il y serait. « Tu vas mourir je sais. » Elle sait. C'est un regard curieux dans sa direction, alors qu'ils continuent de marcher ensemble. « Tu meurs toujours Eileen » J'veux pas briser de cœurs. Elle feint un rire amusé. « Ce n'est pas ce que les gens font, mourir ? » A sa maigre connaissance, c'est même ce que les gens font de mieux. « Tu crois au destin ? Avec tes lignes de la main et tes prédictions ? Est-ce que t’y crois toi ? Que tout est déjà écrit quelque part ? » Bien-sûr. Comment garder le fil des choses sinon ? « Si je te disais que je te connais. Est-ce que tu me prendrais pour un fou ? » Il s'arrête. Elle fronce légèrement des sourcils. Foutu signe, quand même les danseurs arrêtent de marcher. « On se connaît ? » elle s’enquiert. La voix loupe un octave quand il vient replacer une mèche de cheveux derrière son oreille. Évidemment qu'ils se connaissent. Elle ne veut pas vivre dans un monde où ils ne se connaissent pas. « Je dirais que ça fait une belle histoire. » Un classique de tragédie, une chute sans fin. Elle avouera, elle aime les récits tristes. « Et que peut-être, si l'histoire se finissait bien, on ne l'aimerait pas autant, non ? » Mais qui à le temps d'aimer, quand tout le temps du monde se résume à un regard ? Son regard, et toute l'éternité. « Ce qui est écrit est écrit. La façon de lire, ça, il n'y a que toi pour décider. Tu as déjà essayé de retourner l'histoire, de lire à l'envers ? » Et si elle ne mourrait pas à chaque fois, mais qu'elle renaissait à la nouvelle page ? Et si ce n'était un début perpétuel, et toujours, toujours, toujours le lever du soleil ? Et tourne donc les feuillets, arrête d'inquiéter ainsi la couverture. Écris dans la marge, pour les jours où ça sera trop éprouvant de se souvenir. Et elle s'excuse si elle a oublié, et encore, et encore, et encore. Milles fois, elle te le dit. Et elle s'excuse de ne pas pouvoir raviver les autres vies ; elles sont parties en fumée comme ses doigts commencent déjà, y a les cendres qui s'envolent aux étoiles et le fil d'Ariane en accroc qu'elle ne peut pas rattraper. La main en suspens, les tendons étirés en vain vers le néant. Elle soupire dans l'abandon, vient poser sa menotte contre la joue de Caïn. L'univers est jaloux, et elle peut comprendre. Si elle avait autant de pouvoir, elle aussi, elle se battrait bec et ongles pour le garder. Certainement. L'univers est égoïste, et elle peut comprendre. Tous les amoureux le sont. « Je suis navrée. » et la voix s'effrite, mais elle sourit à travers le craquelé. Tu peux la garder, si tu veux, la main maudite. Elle s'est jamais sentie aussi chez elle que sur ton visage de torturé. « J'aurai aimé avoir plus de deux pages dans cette histoire la. » Dis, j'étais jolie à la dernière ? Dis, est-ce qu'on était heureux ? Est-ce que ça a vraiment de l'importance, au fond, puisque t'étais là. Et si tant que tu le seras, elle est heureuse. « Caïn. Tout va bien. » Je t'ai enfin trouvé. « On se verra à la prochaine. Les mains mentent jamais. »
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) Mer 5 Juil - 13:20 | |
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NOUVELLE-ORLÉANS – 1930
Il a les mots honnêtes Caïn. Sans doute qu’il commence à se lasser de ce petit jeu du chat et de la souris, sans doute qu’il veut tout avouer, tout de suite, se libérer de ce fardeau qui commence à lui cisailler les épaules. Bien sur qu’elle va mourir, elle meurt dans toutes leur vie, encore, encore, encore. Bien sur qu’elle va mourir parce que c’est écrit, comme une farce cosmique qui ne s’arrête jamais. Ce n'est pas ce que les gens font, mourir ? En parlant de farce, c’est qu’elle a de l’humour, Eileen. Et le rire qui sonne pourtant terriblement faux. Il l’aime pas ce rire, parce qu’il est condamné, alors qu’il voudrait le voir libéré. « Si. Malheureusement » qu’il murmure tout bas en la dévisageant. Ca parait stupide dit comme ça, car ils sont tous condamnés à crever, cercle éternel de la vie. Pourtant y a qu’eux deux qui sont piégés. Alors il parle Caïn, parce que les mots refusent de rester silencieux une seconde de plus, il avance en équilibre, explique les choses tout en refusant de la quitter du regard. T’y crois toi Eileen ? Au destin ? On se connaît ? et le sourire triste comme réponse à la question. « Oui on se connait Eileen. Depuis la nuit des temps » depuis qu’il s’en souvient, avant, quand les sons ne formaient pas de mots, quand les consciences étaient réduites, quand ils n’étaient qu’unicellulaire dans une marée infinie. Il s’en souvient. Je dirais que ça fait une belle histoire. Non. Lui il ne trouve pas qu’elle est jolie l’histoire. Elle est même dégueulasse, immonde. Histoire morbide qu’il voudrait bruler, arrêter la chose, ne plus recommencer. Oui peut être que si. Pour la revoir encore, pour la retrouver. Parce qu’arrêter serait l’abandonner, serait la laisser dans le néant et l’ignorance. Ca serait la laisser crever sans personne pour la consoler, pour lui dire de pas avoir peur et qu’il l’attendra, de l’autre côté. Et que peut-être, si l'histoire se finissait bien, on ne l'aimerait pas autant, non ? Peut être. Peut être pas. C’est son foutu côté utopiste qui parle quand il hurle à la lune qu’il rêve d’une trêve. Juste une vie, d’égale à égale, rien qu’une pause dans la lutte éternelle. Ce qui est écrit est écrit. La façon de lire, ça, il n'y a que toi pour décider. Tu as déjà essayé de retourner l'histoire, de lire à l'envers ? « T’as toujours été comme ça » qu’il finit par avouer, dans un souffle, alors qu’elle vient d’arrêter de parler. « Toujours à chercher le contraire des choses, à bousiller l’ordre naturel pour le refaire à ta sauce » A chaque vie y a le même feu, la même passion. Y a le même feu mais qui se retrouve trop souvent éteint par la foutue dépression et la mélancolie qui la ronge un peu plus, le poison éternel dans ses veines à elle et la maladie qui prend trop de formes, comme une pneumonie ou des poumons qui se meurent. Il voudrait voir comme elle pourtant, réussir à tourner les choses à sa manière pour y voir le plus brillant, et non pas la face usée par le temps. Il voudrait Caïn. Mais il sait pas, il sait plus. Ptêtre qu’il y a des centaines d’années il aurait pu. Aujourd’hui il est juste trop fatigué. Je suis navrée. « Ne le sois pas » c’est pas ta faute Eileen. C’est pas de votre faute. C’est de la faute aux autres, au mystère de la vie. Doucement il l’attire contre lui, incapable de rester plus longtemps sans elle, sans sa chaleur. Il en a besoin, maintenant que tout est sorti. Maintenant qu’elle sait. Maintenant qu’ils sont réunis. J'aurai aimé avoir plus de deux pages dans cette histoire la. « Deux pages c’est mieux que rien, c’est mieux qu’une ligne, c’est mieux qu’un point » qu’il murmure dans ses cheveux. Fais pas ça Eileen. Fais pas ça s’il te plait. Il a les larmes Caïn, des émotions qui se mélangent, du cœur qui va mal. Tellement mal. Et pourtant qui tangue. Caïn. Tout va bien. Il ferme les yeux Caïn, serre un peu plus comme pour refuser de la laisser filer. Pas ce soir. Demain peut être, mais pas ce soir. On se verra à la prochaine. Les mains mentent jamais. « Je sais Eileen. Je sais » parce qu’il fera tout, encore une fois, alors qu’il s’était promis d’arrêter. Parce qu’il parcourra le monde encore et encore jusqu’à la retrouver, jusqu’à la sauver, jusqu’à la voir crever. Encore. Il s’écarte doucement, efface les traces salées sur ses joues avant de la regarder. Y a les mains qui s’entremêlent et les doigts qui se crochètent. « On a encore deux pages après tout et je compte bien en profiter » plutôt que de pleurer, plutôt que de s’endeuiller pour une vie encore. Y a le temps Caïn. Y a le temps. Jusqu’à demain. C’est déjà ça. C’est plus que l’autre fois.
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| Sujet: Re: Tu veux que je te fasse un destin (Elaïn) | |
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