« PUTAIN MAIS TU POUVAIS PAS FAIRE ATTENTION ! » Il y a des jours, il se dit pas que le destin va tout faire pour qu'il voit une paire de fesses. Parce que le destin est pas solidaire, et que c'est pas non plus la testostérone qui dirige ses envies ; merci pour ça. Il va difficilement supporter si ça devient une habitude de lui balancer des gens à poil comme ça sans prévenir. Hey l'univers, ça va, tu te sens bien sinon en ce moment ? Il y a des jours, il se dit que le destin essaie fort quand même. Il sait pas s'il doit lever la tête pour remercier quoique ce soit, ou se baffer parce qu'il a regardé quand même. Surtout, baisse pas la tête. « C'pas vrai.. » Il y a des jours ...
Déjà ce matin, ça partait bizarre.

☼

« Billy, il est où mon caleçon ?! » Et personne peut ranger ses putains d'affaires dans cet appartement, non, c'est plus sympa si tout le monde s'échange ses sous-vêtements. Il allait voir, le Billy. Le jour, oh le jour merveilleux, où il tomberait sur le tas de linge de Penelope et pas le sien. Il bougonne comme si ça pouvait faire se matérialiser son calbar directement sur son cul. Ça serait grave pratique, imagine. Rien pour l'obliger à se taper un sprint de la salle de bain à sa chambre. Il a pas le temps, ouais, il est même pressé. Il a pas dormi de la nuit encore, il compte plus combien de fois ça fait qu'il zappe. C'est pas important le sommeil, c'est plus chiant qu'autre chose. Un coma miniature, il trouve ça flippant. Autre truc qu'il trouve chiant, c'est de trouver son porte-feuille vide de cash. Les mauvaises habitudes reprennent le dessus quand il dort pas. Y a l'envie de cloper qui lui brûle le bout des doigts, et les billets absents qui se marrent. Et tu comptes fumer comment. Avec le caleçon qu'il vient de trouver, et de l'argent qui trouvera plus tard sur le chemin. D'ailleurs il est déjà parti, la tête basse par habitude du chemin. Mais ça, c'est sans compter le tournant qu'il connait trop bien pour paraître aussi court, et la nana à vélo qui pile comme son cœur. PUTAIN, qu'il pense. « PUTAIN. » qu'il gueule en s'attendant au pire. Il y a des jours, il se dit qu'il veut pas finir sa vie encastré par le guidon d'un vélo conduit par une meuf en mini-jupe. C'est pas son heure ; parce qu'il sent à peine le cadre filer contre son flanc. La fille, en revanche, il est certain qu'elle a bien du sentir le bitume passer. « Merde, ça va ?! » qu'il demande un peu hésitant. Faut l'excuser, il s'y attendait pas franchement. Les bras restent ballants le long du corps, peut-être que c'est le moment où une personne normale irait aider. « PUTAIN MAIS TU POUVAIS PAS FAIRE ATTENTION ! » Il y a des jours, il se dit pas que le destin va tout faire pour qu'il voit une paire de fesses. Puis il y a d'autres jours où le destin se sent hilarant au point de balancer la culotte qui va avec à ses pieds. « C'pas vrai.. » Rigole pas. Elle va te flinguer à coups de guidon, rigole pas. Penaud, il se baisse pour l'aider à ramasser ses affaires ; clairement il fait tout pour éviter la culotte du regard. De toute façon ses yeux se sont rivés sur autre chose. Dollars. Et il a que les clopes en tête.

- Merde, ça va ?! Elle le fusille du regard, hors d'elle. Quel con, mais quel con. Son sang ne fait qu'un tour et elle s'égosille aussitôt. - A TON AVIS ?! Comment ça pourrait aller, alors qu'elle a les genoux et les mains écorchées, le cul à l'air et la culotte qui se fait la malle. Hein, franchement, ça a l'air d'aller là ? Elle est rouge de colère, rouge de honte. Elle s'est jamais senti aussi humiliée de sa vie. Il se baisse pour l'aider à ramasser mais la réaction de Mads ne se fait pas attendre. - C'est bon j'ai pas b'soin d'ton aide ! Quant à elle, elle se jette rapidement sur la culotte et dans des gestes maladroits et nerveux, elle l'enfile à la hâte. Il n'a pas intérêt à rire, vraiment, il n'a pas intérêt du tout. Une fois les fesses à l'abri, elle vient lui arracher des mains ce qu'il tient et fourre le tout dans son sac, encore tremblante de colère, un peu sonnée aussi. Les genoux qui saignent et la douleur qui commence à se faire ressentir, au fur et à mesure que l'adrénaline s'estompe. Tout en continuant de ramasser ses affaires éparpillées, elle jette un coup d’œil à son vélo. Foutu, tout l'avant est plié. Putain. - C'est d'ta faute. Qu'elle annonce, verdict sans appel. - Tu m'rembourses mon vélo. Elle ne lui demande pas son avis, c'est comme ça. Putain, il a vu son cul alors il lui doit bien ça. Ou sinon, c'est lui qu'elle plie en deux.

« A TON AVIS ?! » Répète après moi, tu ne piqueras pas point le porte-feuille de la nudiste à vélo. Ça tourne dans sa tête, deux, trois, quatre fois. A chaque boucle, ça le fait chier. Elle verra rien. Il aura ses clopes. Elle aura sa culotte. Le monde continuera de faire la girouette, et les coins de rues persisteront dans leur foutue chasse à l'homme. Mais à chaque tour, il se dit aussi qu'il aimerait moyen qu'on lui pique son fric alors qu'il a le cul à l'air. Alors il fait le gentleman, il cache la moue déçue tandis qu'il lui tend ses affaires, porte-feuille intact compris. C'est là qu'elle mord. « C'est bon j'ai pas b'soin d'ton aide ! » Ah ouais. Tant de récompense pour avoir fait le gentleman. Il la regarde un peu perplexe, le bordel tombé du sac dans ses mains. Quand elle commence à enfiler sa culotte, il ferme les yeux. Attends. Il les ouvre pas avant d'être sur qu'elle va pas essayer de l'étrangler avec le guidon. En moins de deux, il a les mains vides. Mais la nana a la bouche pleins de mots qu'il cautionne pas trop. « C'est d'ta faute. » Ou pas ?  Le vélo est en vrac dans un coin, c'est con, ça roulera moins bien, mais c'est pas de sa faute. Elle a qu'à devenir piétonne, pour ce que ça l'inquiète, il s'en bat, il la connaît pas. « Tu m'rembourses mon vélo. » Hahahaha. Pardon. Non. « AH NON. J'ai jamais rien remboursé en vingt-deux ans, c'est pas maintenant que ça va commencer. » Il recule d'un pas, lève les mains. « Toutes mes condoléances, j'viendrai mettre des fleurs quand tu seras plus là, mais jamais de la vie je rembourse ton épave. »

— AH NON. J'ai jamais rien remboursé en vingt-deux ans, c'est pas maintenant que ça va commencer. Elle relève aussitôt les yeux vers lui, furieuse. Les éclairs qui s'échappent de ses prunelles orageuses pour venir le foudroyer sur place. Oh si, il va rembourser. — Toutes mes condoléances, j'viendrai mettre des fleurs quand tu seras plus là, mais jamais de la vie je rembourse ton épave. Putain, c'est vraiment pas le moment de la faire chier.  Hors d'elle, elle abandonne son ramassage et se lève brusquement s'approchant de lui. Elle vient empoigner fermement son col entre ses mains féroces et le rapproche d'elle, avec la terrible envie de venir écraser son front contre son nez. — T'amuse pas à ça avec moi ! Y a une de ses mains qui relâche son col et elle vient appuyer son index sur son épaule à plusieurs reprises, au fur et à mesure qu'elle se remet à parler.  — T'as plutôt intérêt à me rembourser, sinon j'vais te pourrir la vie. J'vais t'suivre partout, je vais t'épier jusqu'à trouver un truc compromettant sur toi et je m'en servirai. Elle le relâche et pivote pour aller ramasser son téléphone, la jupe qui remonte allégrement, dévoilant tranquillement pendant deux secondes à nouveau la courbure de ses fesses - protégées cette fois-ci. Elle se retourne et agite son portable sous son nez. — J'peux aussi appeler les flics maintenant et porter plainte contre toi. Dire que tu m'as poussée volontairement, ou même que t'as essayé d'me toucher. Elle penche la tête sur le côté et lui offre un sourire condescendant, les lèvres closes et le regard qui continue d'essayer de le tuer.

Il est pas sorti aujourd'hui pour qu'on l'engueule. Non. Il est sorti aujourd'hui pour se trouver un putain paquet de clopes et retourner se morfondre avec le caleçon de quelqu'un d'autre sur le cul dans sa chambre. Rien de plus. Alors il dévisage la brune comme si elle parlait chinois, hébreux, russe, et tchèque, tout en même temps. Par moments, ça se tait, et il voit que la bouche amère qui se tord. Il lit pas sur les lèvres mais il va deviner que c'est pas un merci d'avoir tourné la tête, ou un merci d'avoir ramassé mes affaires alors que t'as clairement la tête d'un type qui veut faire l'autruche et passer son chemin. « T'as plutôt intérêt à me rembourser, sinon j'vais te pourrir la vie. J'vais t'suivre partout, je vais t'épier jusqu'à trouver un truc compromettant sur toi et je m'en servirai. » Mais elle est dingue, putain, c'est qui cette fille ? Il baisse les mains et soupire tout l'air de ses poumons. C'est une caméra cachée, hein. C'est Penelope qu'a payé pour voir ça, hein. Dis moi qu'elle est pas sérieuse, tiens. « Sérieusement ?! J'suis la définition de compromettant, putain, t'es pas dans la merde pour trouver un truc, j'te l'dis » Il commence à reculer pendant qu'elle récupère son téléphone, l'échappatoire, c'est maintenant. Mais il est distrait deux secondes par la courbe quand elle se penche. Ô, l'envie de se flanquer lui-même un coup de pied magistral dans les couilles. « J'peux aussi appeler les flics maintenant et porter plainte contre toi. Dire que tu m'as poussée volontairement, ou même que t'as essayé d'me toucher. » Elle sourit, la meuf. Il trébuche sur les mots. « Déjà un, non, t'es pas blonde. PUTAIN. Mais même sans ça, non. Genre, non. Vas-y appelle, j'men bats. C'est mes potes. » Non. « J'te jure. » Non, Tex. « T'attends quoi ? » Espèce d'idiot.

— Sérieusement ?! J'suis la définition de compromettant, putain, t'es pas dans la merde pour trouver un truc, j'te l'dis. Elle ricane Mads, elle se fait insolente, insupportable. Faut dire qu'elle est douée pour ça. Pour faire la gueule et énerver les gens par sa simple présence, par ses simples roulements d'yeux. Elle croise les bras et le toise, avec une petite de petite peste victorieuse. — J'suis détective privé, c'est mon job de trouver des trucs compromettants sur les gens. Et il n'a pas besoin de savoir que, concrètement, son job se limite à suivre des maris ou des femmes infidèles. Il n'a pas besoin de savoir qu'elle n'a jamais mené la moindre véritable enquête. Et qu'elle n'est rien d'autre qu'une gosse paumée, qui se fait un peu de black en prenant des cons en photos et qui vit toujours dans le motel de sa mère. Elle finit par attraper son téléphone, menaçant d'appeler les flics s'il ne cède pas à ses exigences. Et il ne veut pas céder, le con. — Déjà un, non, t'es pas blonde. PUTAIN. Mais même sans ça, non. Genre, non. Vas-y appelle, j'men bats. C'est mes potes.  J'te jure. T'attends quoi ? Les narines dilatées, elle est contrariée de voir que ça ne se passe pas aussi facilement quelle l'aurait voulu. Et pourquoi il résiste, hein ? Il peut pas lui refiler de la thune et on en parle plus ? — Très bien. On verra qui ils croient le plus entre toi, et une fille en mini-jupe toute éraflée et avec un vélo plié. Sourire crispé et condescendant et elle compose le numéro sur son téléphone. Elle prend une grande inspiration, attrape le bras du mec pour l'empêcher de filer et dès que ça décroche, elle se met à pleurnicher. Actrice insoupçonnée. — A-allo .. ? Oui, il faut m'aider, je.. je viens d'me faire agresser. Et aussitôt, les questions fusent à l'autre bout du téléphone. Mads relève la tête vers l'inconnu, large sourire sur les lèvres. Comme pour lui donner une dernière chance avant qu'elle ne donne leur position et qu'elle le vende sans scrupule, l'accusant à tort. Elle n'est pas du genre à avoir des remords.