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 la java des imposteurs (jula)

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MessageSujet: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyLun 19 Juin - 17:54

Elle est pas surprise quand des gyrophares s'allument derrière elle et qu'on lui fait signe de s'arrêter sur le côté. Elle sait qu'elle roule trop vite, elle sait qu'elle a grillé un stop, elle sait qu'elle est en tort – ça l'empêche pas de râler. Pourtant elle obtempère, se gare en baissant le volume de sa musique, jetant un rapide coup d'oeil à son reflet dans le rétroviseur. Elle tire un peu sur son t-shirt pour agrandir son décolleté, même si elle a pas grand-chose à montrer, et elle ouvre la vitre. Ses lèvres affichent un grand sourire innocent quand l'agent arrive à sa hauteur. Forcément ça dure pas, forcément ça n'prend pas ; il demande à voir les papiers et il se déride pas malgré le regard de biche qu'elle lui sort. Alors elle en fait des caisses Lola, surtout quand il se met à parler d'amende parce qu'elle a toujours pas une thune et qu'elle peut pas s'permettre ce genre d'écart. Elle s'dit qu'elle peut l'avoir à l'usure, suffit de continuer à faire la bouche en cœur, elle bat des cils et elle se penche un peu à la fenêtre, l'observant d'un air faussement ingénu, la provocation perchée au bord des lèvres. Elle effleure les doigts du flic quand elle lui passe ses papiers, trop longuement pour que ça soit involontaire. Et elle continue d'sourire, à bomber légèrement la poitrine, à passer une main dans ses cheveux emmêlés, à tenter de relever un pan de sa jupe. Elle croit qu'elle a gagné, quand il lui demande de sortir du véhicule d'un ton raide. Elle croit qu'il veut voir la marchandise de plus près et qu'elle aura qu'à se défiler en quelques pirouettes pour être sortie d'affaire. Peut-être même qu'elle pourrait lui faire croire qu'elle lui paiera un verre. « Vous allez me suivre au poste. » Comment ça, au poste ? C'est pas le plan putain – elle écarquille les yeux une seconde, et puis elle s'met à rire comme si c'était la blague de l'année. Mais lui, il a pas envie de se marrer. Il lui empoigne le bras, et il insiste : « On y va. » « Non. » La réponse est instantanée, sans appel. Comme si elle avait le choix, comme si elle pouvait refuser. Il commence à la tirer et elle fait de la résistance, et la tension grimpe tellement vite qu'elle se retrouve finalement à se débattre n'importe comment. Elle se secoue dans tous les sens, elle pousse, elle griffe, elle s'agite comme un fauve en furie. Elle lui colle son poing dans la mâchoire et bordel, elle aurait jamais cru que c'était aussi douloureux. Elle gémit, se tient la main, observe ses doigts endoloris. Il profite de son inattention pour la plaquer ventre contre son pick-up, lui verrouillant les bras dans le dos. Il s'énerve, balance un tas d'mots comme excès de vitesse et outrage à agent et il lui semble même entendre tentative de corruption. Elle enrage, se met à gueuler en espagnol parce qu'au moins il y comprendra rien et elle aggravera pas son cas. Elle lui mord le poignet quand il essaie de poser la main sur sa tête au moment d'la faire entrer dans le véhicule. Il crie, l'engueule, elle continue de l'insulter. C'est ridicule. Elle se retrouve prisonnière sur la banquette arrière, son pick-up abandonné au bord d'la route, enfoncée dans un sacré merdier juste parce qu'elle voulait esquiver l'amende. P't'être bien qu'elle aurait dû la fermer, pour une fois.

Quand ils arrivent au commissariat, c'est le bordel. Ça résonne jusque dans l'entrée et elle fronce les sourcils, jetant un regard noir à tous ceux qu'elle croise. Ça s'agite un peu dans tous les sens et elle se fait rapidement embarquer en direction des cellules. Elle a l'impression d'être au zoo. C'est blindé, ça gueule, ça tourne comme des lions en cage et elle est clairement pas rassurée. Elle a pas franchement envie d'être jetée au milieu de tout ça, avec sa jupe qu'elle trouve soudain trop courte et sa capacité à s'attirer les ennuis. Visiblement c'est deux bandes de jeunes, qui gueulent les uns sur les autres, et qui finalement n'font pas vraiment attention à elle. Elle récolte un ou deux regards lubriques mais rien de plus, pourtant elle se tourne vers le flic d'un air inquiet. « Attendez, vous allez pas me mettre avec eux quand même ? » Il répond pas. Ils approchent dangereusement des cellules trop pleines, elle a envie de se barrer en courant. « Eh oh j'vous parle ! J'veux pas aller là-dedans moi ! Vous avez qu'à me garder dans votre bureau j'm'en fous, je vais pas avec eux ! » On dirait une gamine en plein caprice mais la vérité c'est qu'elle flippe un peu. Mais l'autre, ça lui fait ni chaud ni froid. Il lui prête pas la moindre attention, mais elle se détend en voyant qu'ils passent les cellules sans s'arrêter. Elle croit presque qu'elle va avoir droit à un traitement de faveur, quand elle en voit une dernière, bien plus étroite, mais plus vide aussi. Y a qu'une personne à l'intérieur, et elle lâche un soupir de soulagement, posant le regard sur la silhouette installée dans un coin. Et puis son cœur loupe un battement. La tignasse bouclée, les épaules un peu voûtées, les yeux trop grands et trop clairs. C'est Junior, putain c'est Junior, elle veut pas être coincée avec lui. « Non, non, attendez, finalement on fait demi-tour. » Elle préfère encore affronter une bande de gosses enragés plutôt que lui – pas après la dernière fois, pas après les mots durs et la tristesse qu'elle a lu dans ses yeux. Elle peut pas, faut qu'elle se sorte de là. « S'il vous plaît ? » L'agent lève les yeux au ciel quand il ouvre la grille, avant de la pousser à l'intérieur sans ménagement. Elle manque de s'écraser au sol, mais se rattrape de justesse. Et elle se précipite jusqu'aux barreaux avec la ferveur d'une désespérée. « NON J'AI DIT QUE J'VOULAIS PAS ÊTRE LÀ ! » Il lui tourne le dos, faisant mine de n'pas l'entendre alors qu'il commence déjà à s'éloigner. « JODETE ! » Il est déjà plus là. Et elle reste cramponnée aux barreaux, à fixer le mur qui lui fait face, sans oser se retourner. Elle sait pas quoi faire, elle sait pas quoi dire. Elle a perdu tout son courage et se force à inspirer et expirer plusieurs fois avant d'enfin pivoter. Elle fait mine de ne pas le regarder, alors que tous ses sens sont concentrés sur lui, attentive au moindre bruit, au moindre mouvement. Elle se campe sagement à l'autre bout de la cellule, aussi loin de lui que possible, les prunelles vissées sur un point imaginaire. Tout pourvu qu'elle n'a pas à le voir. Elle garde le menton levé, tentant d'se donner un air digne alors qu'elle se sent minable, alors que la culpabilité commence déjà à lui étreindre la gorge. Il a rien de très menaçant, Junior. Pourtant là tout d'suite, chacune de ses cellules lui hurle de prendre la fuite.
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MessageSujet: Re: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyVen 23 Juin - 11:48

Vous allez passer la nuit ici, le temps de dessaouler. On s'occupera de la paperasse demain.
   Je n'émets aucune résistance, ne fais aucune remarque. Je les laisse retirer les menottes et m'installer dans une petite cellule vide, loin du capharnaüm des cellules voisines. Bondées de gens survoltés. Et je ne cherche même pas à savoir qui, ou pourquoi, ni si le bruit va durer toute la nuit. Je m'en fous. Je vais lamentablement m'écraser sur le banc en pierre, allongé, le regard plein d'alcool rivé sur le plafond. La mine abattue, le corps lourd, le cœur en cendres. Je voulais juste boire un peu. Juste quelques heures. Avant de retourner à son chevet. Juste pour essayer de faire taire mes angoisses et mes peurs. Pour essayer de calmer la douleur et les vieux souvenirs qui refont surface. Pour essayer de tout anesthésier parce que c'est trop et que je m'enfonce. J'ai les images de Michael sur son lit d'hôpital qui viennent me brûler la rétine. Et par-dessus s'ajoute celles de Bee, désarticulée sur l'asphalte. Je pose mes mains sur mon visage et étouffe un sanglot. Je suis épuisé. Je ne dors quasiment plus depuis que Michael s'est fait renverser. Je somnole par intermittence, la tête posée sur le bord de son lit, ma main dans la sienne. Comme pour m'assurer qu'elle est toujours chaude, qu'il est toujours en vie. Qu'il ne va pas me claquer entre les doigts. Le reste du temps, je prie. Dans la chambre d'hôpital, tellement blanche et impersonnelle. Je prie parce que c'est tout ce que je peux faire. Et je surveille les moindres gestes des médecins. Je conteste même leurs décisions parfois, quand je ne suis pas d'accord. Et ils me prennent pour un fou. Ils me disent que lire des bouquins de médecine et s'en souvenir, c'est une chose. Mais que la pratique et l'expérience pré-valent largement. Et je ne suis pas d'accord. Parce que je suis intimement persuadé de mieux savoir qu'eux ce dont Micha à besoin. Parce que je le ressens et pas eux. La sécurité à déjà dû me sortir de force de la chambre plusieurs fois. Et je deviens dingue dans ces moments-là. Je hurle et me débat et je finis par m'écrouler au sol, à chialer comme si tout était déjà perdu. Alors ce soir, je voulais juste faire taire tout ça. Prendre une pause. Résultat, je me retrouve enfermé ici, pour ivresse sur la voie publique et refus d'obtempérer. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Il fallait que je retourne à l'hôpital. Et il le faut toujours, mais je me suis résigné. Ils ne me laisseront pas sortir. Et je m'inquiète, je stress et je panique. Et j'ai encore plus mal que d'habitude. Je serre ma main droite, mais je ne sens que la moiteur de ma peau, à défaut de la chaleur de celle de mon jumeau. Et je ne sens pas son cœur battant. Je souffle et renifle, et s'il mourrait cette nuit ? Sans que je ne sois à ses côtés ? Sans avoir pu lui dire au revoir ? Et si... Je me remets à sangloter, à bout de nerfs, effrayé, terrassé par cette souffrance qui refuse de se calmer. Je veux sortir d'ici. Je veux courir jusqu'à l'hôpital. S'il se réveille et que je ne suis pas là ? Et s'il a peur ? Et s'il a mal ? Qui s'occupera de lui ? Qui le soulagera ? Et s'il croit que je suis parti ? Que je l'ai abandonné ? Et si à cause de ça il décidait d'arrêter de lutter ? Je me relève, titube, complètement ivre, et viens m'accrocher aux barreaux. Je me mets à crier pour attirer leur attention.
   — HEY ! J'AI L'DROIT A UN COUP D'FIL !
   Aucune réponse.
   — HEEEEEEEEEEEEEEEEEEY.
   Et je continue de brailler pendant un moment, mais personne ne vient. En fait, je ne suis même pas sûr qu'ils m'entendent à cause du brouhaha des autres. Je viens cogner ma tête contre les barreaux, dépité. Je veux juste appeler l'hôpital. Les prévenir. Leur dire d'expliquer tout ça à Michael s'il se réveille. Pour qu'il sache que je suis toujours là, que je reviens bientôt.
   — S'il vous plait ....
   Ma voix qui meurt, recouverte par les hurlements des deux bandes. Et je les déteste tous à cet instant. Je voudrais qu'ils se taisent. Je voudrais qu'ils crèvent. Je m'en fous, je veux juste qu'on m'entende. Qu'on me laisse appeler ou partir. Mais après plusieurs minutes je finis par abandonner. Je retourne m'asseoir, le visage rouge, les yeux bouffis, les joues encore marquées par les larmes qui y sont passées, terriblement nombreuses. Comme si elles avaient creusées des sillons sous leur poids, chargées en douleur. Le temps passe et file et je ne bouge plus d'un poil. J'attends, le souffle coupé. La gorge nouée. Les tripes retournées. Et j'ai envie de vomir à cause de tout l'alcool ingurgité. Je me sens vaseux, la gorge en feu. Comment il fait Micha, pour supporter ça au quotidien ? Cet état second, nauséeux. C'est inconfortable. Et quand j'entends des pas s'approcher, je reprends espoir. Ils viennent me sortir de là ? Ça y est ?! Je me redresse, presque soulagé. Mais la situation que je pensais déjà au summum de l'horreur parvient malgré tout à empirer. Lola. C'est une putain de blague. Je passe mes mains sur mon visage et échappe un ricanement nerveux, au bord de la rupture. Ça n'aurait pas pu être pire qu'elle.
   — Non, non, attendez, finalement on fait demi-tour. S'il vous plaît ?
   Ben tiens. Classique Lola ça. L'agent ouvre la porte, la fout dedans et referme sans ménagement, sans un regard pour moi. Je suis clairement transparent pour lui. Beaucoup moins pour Lola qui se met à hurler de la sortir d'ici et à vociférer des insultes en espagnol. Pour changer. Je roule des yeux, agacé. Je ne suis pas d'humeur à la supporter. Je n'ai aucune patience et je suis encore bien trop en colère contre elle. Terriblement blessé et humilié aussi. Ras le cul de me ridiculiser devant elle. Je ne dis rien, blasé, je la regarde faire son petit cinéma. S'installer plus loin sans un regard, relever le menton pour se donner de la contenance. Et ça me fait marrer. Un rire moche, tout cassé, méprisant un peu aussi. Je hausse les sourcils et lâche d'une voix maussade.
   — Tu peux arrêter avec tes grands airs, ça trompe personne.
   J'écarte les bras pour désigner l'ensemble de la pièce, un sourire amer sur le visage.
   — T'es dans la même cellule de merde que moi. T'es aussi pathétique que moi. Alors, putain. Arrête.
   Le ton qui se durcit, l'impatience qui pointe le bout de son nez. Comme si je n'avais pas déjà assez mal au cœur, hein. Non, faut qu'elle vienne piétiner les cendres, les éparpille au vent, pour qu'il ne reste plus aucune trace de ce foutu palpitant. Et puis, je décide de me taire. Elle veut qu'on s'ignore ? Très bien, faisons ça alors. Je fixe le vide devant moi, sans plus lui accorder la moindre attention, comme si elle n'existait pas. Mais je me met à cogiter et l'alcool n'aide pas à être lucide ou raisonnable. Alors je finis par me tourner légèrement dans sa direction, posant une main sur le banc pour prendre appui dessus alors que je me penche en avant, ayant un peu de mal à tenir mon équilibre.
   — Hey t'sais pas quoi ? J'ai une vraie copine maintenant. Pas pour de faux tu vois. Et t'vois, c'est une fille bien, elle. Pas comme toi.
   Je me redresse et brandi mon majeur, c'est plus fort que moi. Je me laisse retomber en arrière et me cogne violemment la tête contre le mur, mais l'alcool a anesthésié toute douleur et je ne m'en rend même pas compte. Je me contente de croiser mes bras sur mon torse et de me mettre à bouder comme un gosse. Au moins, je ne pense plus trop à Michael. Je n'ai pas tout perdu dans la partie.
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MessageSujet: Re: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyMer 5 Juil - 16:36

« Tu peux arrêter avec tes grands airs, ça trompe personne. » Sa voix claque dans l'air et elle aimerait l'ignorer, elle aimerait vraiment, elle essaie de toutes ses forces pendant trente secondes. Elle peut pas. Y a son corps qui se crispe alors qu'elle croise les bras sur sa poitrine, comme pour se donner plus de force, garder une barrière entre elle et lui, aussi minime soit-elle. Quand elle pose le regard sur lui ça la heurte de plein fouet – les yeux vitreux le teint blafard le sourire empoisonné. C'est la première fois qu'elle le voit comme ça. Y a un truc qui se noue dans ses tripes et sur le coup, elle trouve même pas de quoi lui répondre, de quoi s'défendre ou plutôt attaquer en retour. Lui, il l'épargne pas. « T'es dans la même cellule de merde que moi. T'es aussi pathétique que moi. Alors, putain. Arrête. » Et bien sûr qu'il a raison, bien sûr qu'ils sont aussi minables l'un que l'autre à s'retrouver enfermés dans cette cellule trop petite, à entendre le zoo continuer de vociférer dans celles qui sont pas si loin. Bien sûr qu'elle a aucune envie d'être là et que ça l'emmerde et qu'elle a envie d'insulter le flic qui l'a arrêtée. Bien sûr qu'il a raison, c'est justement ça qui pose problème.

Mais elle le regarde. Elle le regarde et elle le voit pas, c'est pas Junior, pas celui qu'elle connaît. Celui-là a l'air détraqué abîmé brisé, y a un truc dans ses yeux, dans sa posture, un truc qui fait mal. Y a une part d'elle qui a envie d'aller s'poser à ses côtés et de le prendre dans ses bras, parce qu'on dirait qu'il en a besoin, parce que ce qui émane de lui s'approche dangereusement d'la détresse qu'il a laissé entrevoir au restaurant. Mais il est mauvais, il sort les crocs comme un animal blessé et elle veut pas le laisser gagner. « Junior, s'te plaît. Regarde-toi. Je crois qu'on en est clairement pas au même stade. » Elle a l'impression qu'il va s'effondrer. Et malgré l'instinct qui lui souffle qu'il va pas bien, y a un truc qui la gêne. Ça gratte ça grouille ça pique, c'est dans ses prunelles et l'angle de ses lèvres, dans l'acide qu'il laisse couler à chaque mot prononcé. C'est Michael. Il a jamais autant ressemblé à Michael. Michael qui lui crache à la gueule, Michael qui s'introduit chez elle, Michael qui la secoue d'ses mains et ses mots, Michael qui la laisse en morceaux. Y a la même amertume chez Junior et p't'être bien que ça lui fait peur, p't'être bien que ça lui fait mal. P't'être bien qu'un truc se tord quelque part dans ses entrailles – p't'être bien que c'est son cœur.

Il se tait, elle se tait, les autres se taisent pas. Le bruit ambiant c'est le chaos des autres cellules, et dans la leur y a plus rien – juste la tension encore encore encore.
Elle veut pas l'regarder. Les yeux vissés en l'air, elle a jamais eu une telle envie de voir un plafond s'effondrer.

« Hey t'sais pas quoi ? » Ça la fait sursauter parce qu'elle s'y attendait pas, parce qu'elle pensait qu'il s'était résigné. Ça lui va bien à Lola, de s'ignorer. Tant pis si ça fait un poids sur sa cage thoracique, c'est toujours moins pire que d'se faire étouffer par la culpabilité. Mais Junior veut pas lui laisser ça, Junior a pas de pitié ce soir et quand elle croise ses yeux elle a envie de se barrer en courant. Elle sait pas ce qu'il a et elle a envie d'lui hurler qu'elle veut pas savoir, bordel il l'emmerde avec sa douleur et sa rancœur et toutes les émotions qui dégoulinent de son regard, il est trop con et elle veut pas voir ça, pourquoi il est là pourquoi elle est là maintenant ils font quoi ? « J'ai une vraie copine maintenant. Pas pour de faux tu vois. » Elle sait pas pourquoi ça résonne dans sa tête comme un écho dont elle veut pas, à vibrer au creux d'son bide et à lui nouer la gorge. Qu'il aille se faire foutre – elle hausse les épaules, redresse le menton. Elle fait la fière mais dans ses yeux ça tangue parce qu'il vient de démarrer un énième incendie. « Et t'vois, c'est une fille bien, elle. Pas comme toi. » Et elle voudrait lui dire qu'il en sait rien, qu'elle est une fille bien et que c'est lui le connard dans cette histoire. Mais elle sait que c'est pas vrai et ce mensonge là il veut pas sortir, il lui crame la trachée et ça lui file la nausée. Elle voudrait le gifler l'insulter se mettre à hurler, tout et n'importe quoi tant qu'ça peut détourner l'attention, planquer les doutes et la peur et la douleur. Mais elle est figée, plantée là, à le regarder. Il brandit son majeur et il fait pitié, à se cogner contre le mur, faire mine de bouder.

Pas comme toi pas comme toi pas comme toi pas comme toi et ça continue de tourner en boucle et elle comprend pas pourquoi ça l'atteint autant, pourquoi il arrive à la blesser comme ça ; elle lui en a jamais donné le droit. Pas comme toi ça s'incruste sous sa peau et lui avec. Elle peut pas accepter ça.

« Cállate. » Elle a les yeux qui s'plissent, les lèvres pincées, la langue qui se prépare comme le doigt sur la détente. « Si elle est si bien qu'ça, elle est où hein ? » Elle écarte les bras sur les côtés, comme pour désigner l'entièreté de leur cellule – vide. Lui, elle, rien d'autre que ça et les mots devenus maux. « Si elle est si bien qu'ça, elle fout quoi avec toi ? » Y a un tel mépris dans sa voix que ça lui écorche le palais, mais ça suffit pas à la calmer. Elle s'approche, un pas et puis deux, à le jauger comme s'il valait rien. La tête haute pour cacher qu'elle se sent encore plus minable que lui. « Tu pues l'alcool, t'as les yeux explosés, j'suis sûre que t'arrives même pas à marcher. Putain tu ressembles à une épave et tu veux m'faire la leçon ? C'est une blague ? » Elle crache et elle crache mais y a l'inquiétude qui grouille dans ses veines, son regard qui cherche le sien comme si elle pouvait trouver l'explication. Parce qu'elle demandera pas. Trop bornée pour ça.

Elle c'est une fille bien et Lola n'est rien.

« T'sais quoi ? Je la plains, ta copine. » Elle se tient droite et digne mais ça bouillonne et elle peut pas le cacher, le rôle lui va pas, personne y croit. « Si c'est une fille bien elle restera pas. Regarde, même moi j'veux pas de toi. »

Lola ment, Lola triche.
Lola crève parce qu'elle n'veut pas faire de trêve.
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MessageSujet: Re: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyLun 14 Aoû - 21:42

Junior, s'te plaît. Regarde-toi. Je crois qu'on en est clairement pas au même stade.
Je ricane, parce qu'au fond, je trouve qu'elle a l'air pire que moi. C'est vrai que je dois avoir l'air minable. Mais au final, moi je suis là pour un banal truc d'ivresse sur la voie publique. Demain je serai sobre et ce sera oublié. Mais elle, elle est là pourquoi, hein ? A se donner de grands airs alors qu'elle s'est faite lamentablement coincer pour je ne sais quelle merde. Je lui lance un regard qui en dit long sur le fond de ma pensée mais je ne dis rien. Probablement un peu trop fatigué pour parler, pour lutter. Alors je me contente de détourner la tête et de fixer le vide, attendant que le temps passe. Que mon esprit s'embrume tellement qu'il finisse même par effacer sa présence. Mais les minutes s'écoulent et je reste toujours aussi lucide. Sa présence est trop pesante et me maintient dans un état second, à la limite du supportable. Je ferme les yeux une seconde, blasé. Ce silence me ronge à petit feu et rapidement, je décide de passer à l'offensive. Parce que là, j'ai l'impression de perdre. J'ai l'impression de me faire battre par son menton relevé et son regard déterminé. Comme si elle valait vraiment mieux que moi. Et je refuse cette idée. J'ai cette envie irrépressible de la faire redescendre un peu, de rabattre son caquet, de lui rappeler qu'elle n'est pas si extraordinaire que ça. Alors je tourne la tête vers elle et je brise les silence. Je la vois sursauter et ça m'amuse. Elle se pensait visiblement tranquille, elle pensait sûrement avoir déjà remporté la bataille. Surprise ! Elle me dévisage et je vois au fond de son regard un truc qui tangue. Son silence éloquent qui raisonne de partout contre les murs de la cellule et le goût délicieux que ça laisse au fond de mon palais. Moi aussi je peux l'atteindre. Moi aussi je peux faire mal, être piquant. Et elle n'est pas si forte, finalement. Pas si inatteignable dans sa tour d'ivoire, loin au-dessus du bas peuple. Et je souris, satisfait. Pendant quelques secondes en tout cas. Évidemment, ça ne dure pas. Évidemment elle surenchérit, elle se défend en attaquant : classique Lola. Et je crois que notre combat en devient tristement prévisible. Toujours gueuler plus fort, frapper plus fort, pour pouvoir avoir le dernier mot. Celui qui perd est celui qui se fissure le premier. Je crois que j'ai déjà trop perdu autrefois. Je voudrais que ça change, pour ce soir, pour une fois. Parce que je suis déjà au plus bas, parce que, putain, je le mérite pas.
Cállate. Si elle est si bien qu'ça, elle est où hein ?
Je hausse les épaules, serein.
J'ai utilisé mon coup d'fil pour quelqu'un d'autre.
Pour l'hôpital, pour Michael. Parce qu'il n'y a rien qui compte plus que lui. Parce qu'il devait être prévenu au plus vite de mon absence. Peut-être aussi parce que je n'avais pas envie que Penelope me voit aussi lamentable. En fait, je ne voulais pas que qui que ce soit me voit comme ça. Mais décidément, Dieu a un bien drôle d'humour.
Si elle est si bien qu'ça, elle fout quoi avec toi ?
J'échappe un léger rire blasé tout en secouant la tête. Allez Lola, tu peux faire mieux que ça. Je penche la tête sur le côté et la dévisage, l'air de dire : c'est tout ce que t'as ? Et pourtant. Pourtant. Elle vise juste cette diablesse. Parce que déjà, y a le doute qui s'insinue en moi. Y a mes pensées qui vont de travers, mes peurs qui ressurgissent, cette sensation de ne pas être assez bien. Celle aussi de ne plus mériter que quelque chose de bien m'arrive. Mais je me retiens, ne laisse rien paraître, je joue la comédie, et l'alcool aide pas mal. Mais elle ne s'arrête pas là. Non, elle va continuer. Jusqu'à gagner. Et je commence à regretter d'avoir parlé. T'es con Junior, mais ça, c'est pas nouveau.
Tu pues l'alcool, t'as les yeux explosés, j'suis sûre que t'arrives même pas à marcher. Putain tu ressembles à une épave et tu veux m'faire la leçon ? C'est une blague ?
Je roule des yeux et soupire, détournant la tête, l'ignorant sciemment alors qu'elle est venue se percher au-dessus de moi, avec son air de reine qui rendrait sa sentence. Elle me gonfle putain, elle me tape sur le système. Elle me hérisse le poil et je voudrais qu'elle ferme sa gueule. Qu'elle disparaisse, qu'elle me foute la paix, qu'elle arrête de faire ça. D'être méchante comme ça. Putain, je lui ai fait quoi pour mériter autant son mépris et son dégoût ?
Au moins moi j'fais pas semblant d'me sentir trop bien pour être ici. En fait, je fais pas semblant d'être trop bien pour le monde qui m'entoure en permanence. Et crois moi, y a rien de plus pathétique que quelqu'un qui s'pense mieux que les autres. Parce qu'on sait tous ce qu'il y a derrière.
Je lui lance un sourire cynique et exagéré et je fixe mes prunelles dans les siennes, comme si j'étais en train de la sonder, prêt à révéler tous ses plus sales secrets au monde entier. J'ai envie de lui dire que je ne suis pas un idiot, ni un aveugle. Mais je n'ai plus envie de lui dire que malgré tout ce que je peux voir en elle, à travers le masque qu'elle porte en permanence, je la trouve magnifique. Je la trouve intelligente, forte et intéressante. Non, je n'ai plus envie de lui dire. Je veux juste qu'elle se sente aussi minable que moi et qu'elle arrête son cinéma.
T'sais quoi ? Je la plains, ta copine. Si c'est une fille bien elle restera pas. Regarde, même moi j'veux pas de toi.
Je me décompose. Dans mon regard y a quelque chose qui se casse, qui se fissure. Le cœur qui tombe en milliers de particules. Elle a gagné. Et je suis incapable de lui cacher la douleur qu'elle vient de réveiller en moi. Je la fixe encore quelques secondes, la mine dévastée, le regard ahuri. J'esquisse un sourire tremblant, le genre de sourire qui part à l'envers. Je déglutis et détourne la tête, silencieux. Les mots restent coincés dans ma gorge, formant une boule douloureuse. Je serre les dents pour m'empêcher de craquer, mais j'ai mal de partout. Je me sens comme le pire des moins que rien. Et son rejet a comme démoli un truc dans ma poitrine. Après de longues secondes d'un silence opprimant, je finis par tourner la tête vers elle, le regard voilé, emplis d'une triste rancœur à son égard.
Tu vois, elle, elle n'aurait jamais dit un truc pareil.
Mes lèvres se tordent dans une moue pleine de mépris et de déception et je finis par me traîner tout au bout de la cellule, le plus loin possible d'elle. Je lui tourne le dos et me recroqueville dans l'angle, épuisé. Et tout se mélange dans ma tête. Michael, Bee, Boo, Penelope, Lola. Ça forme un bric à brac insupportable qui me dévore de l'intérieur. Je me sens laid, je me sens nul, je me sens indigne de tout. Et j'ai envie de craquer. Parce que je suis fatigué de ressentir tout ça. Parce que j'ai peur pour Micha. Parce que j'en ai marre de la vie qu'il me fait mener. Parce que j'ai froid, que j'ai mal partout à force de dormir n'importe où. Parce que j'ai faim, parce que j'ai peur. Parce que je voudrais juste que quelqu'un me tende la main et se charge de tout.
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MessageSujet: Re: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyJeu 31 Aoû - 15:05

« J'ai utilisé mon coup d'fil pour quelqu'un d'autre. » Elle fronce les sourcils une seconde et puis les connexions se font elle comprend – s'il n'a pas appelé sa copine il a sûrement appelé Michael et ça la fait grincer des dents. Elle a pas envie d'le voir débarquer elle espère qu'elle aura pas à le croiser. Ses lèvres qui se pincent et elle affiche un calme qui n'lui ressemble pas quand ses prunelles rencontrent celles de Junior. « Laisse-moi deviner, Michael ? » L'intonation d'sa voix transpire le mépris, on dirait même que ça lui écorche la langue de prononcer son nom. « Ben qu'il vienne vite te chercher alors, comme ça tout l'monde aura la paix. » Elle, surtout elle. Elle peut pas être en paix quand Junior est là quand il la regarde comme ça. Il fait mal avec ses yeux avec sa voix avec son existence toute entière et elle sait plus quoi en faire. Elle pensait pas qu'elle aurait à le revoir si vite – surtout pas après la dernière fois surtout pas avec le poison qu'elle lui a craché à la gueule. Ça la met face à ses erreurs ses fissures ses faiblesses et elle est pas prête à l'assumer, elle veut pas être confrontée au mal qu'elle lui a fait.

Elle peut pas l'accepter. C'est plus facile de continuer.

Elle le voit son air blasé, elle l'entend son rire désabusé. Elle sait qu'elle le touche elle le voit, elle voudrait s'arrêter mais elle y arrive pas. Ses mots coulent comme de l'acide qu'elle n'arrive pas à retenir et elle a l'impression d'observer la scène de l'extérieur – l'actrice devenue spectatrice, quelle ironie.

Mais Junior aussi il sait viser juste elle l'a oublié, quand ses mots-couteaux volent ils atteignent tous leur cible. « Au moins moi j'fais pas semblant d'me sentir trop bien pour être ici. En fait, je fais pas semblant d'être trop bien pour le monde qui m'entoure en permanence. Et crois moi, y a rien de plus pathétique que quelqu'un qui s'pense mieux que les autres. Parce qu'on sait tous ce qu'il y a derrière. » Elle le déteste. Elle le déteste parce qu'il a raison elle le déteste parce qu'il l'a cernée et maintenant elle est otage de l'amertume qu'elle a elle-même causée. Elle voudrait lui dire de la fermer elle voudrait l'insulter et se tirer, mais elle peut pas. Tout ce qui sort c'est un « Va t'faire foutre Junior. » entre ses dents serrées, son majeur levé. Elle est coincée là ; une cellule trop étroite pour deux, bien trop petite pour eux. Eux et leurs mots leurs maux tous ces trucs qui viennent tordre les boyaux. Junior imbibé jusqu'aux os, Lola et ses problèmes d'ego. Ils sont pathétiques, ils le sont autant l'un que l'autre elle le sait mais elle veut pas l'avouer. Elle le sait mais elle est pas prête à abandonner elle veut pas perdre alors qu'y a rien à gagner.

Rien d'autre que la douleur dans les yeux de Junior et elle regrette déjà, même moi j'veux pas de toi. Elle sait pas pourquoi elle lui dit tout ça elle sait pas à quoi ça rime de faire ça. Elle sait pas pourquoi elle essaie d'lui faire mal chaque fois – peut-être parce que lui aussi peut quand il veut, peut-être parce qu'elle a peur. Elle a peur mais Junior a mal et ça lui transperce la peau ça vibre dans ses os, elle voit les ravages sur son visage. Elle voit ce qu'elle a fait elle est pas fière mais elle a pas pu s'en empêcher. « Tu vois, elle, elle n'aurait jamais dit un truc pareil. » Y a un truc qui s'fissure et elle veut pas savoir ce que c'est, elle sait juste que ça lui coupe la respiration elle a plus rien à répondre. Elle c'est une fille bien pas comme Lola ; c'est Junior qui l'a dit Junior qui le pense.

Elle est pas une fille bien. Tout ce qu'elle sait faire c'est penser à sa gueule et courir après des rêves trop vains, des rêves qui n'valent plus rien.

Elle est pas une fille bien il a raison, p't'être qu'il voit à travers le masque p't'être qu'il sait qu'elle est plus grand-chose quand elle perd ses grands airs. P't'être qu'il est plus perspicace qu'il ne le montre, p't'être qu'il a pas été berné par l'écran de fumée, p't'être qu'il la connaît. Juste à moitié, juste les trucs trop durs à avaler.

Il lui tourne le dos il s'éloigne, à se prostrer à l'autre bout de la cellule comme s'il voulait mettre toute la distance du monde entre eux. Comme s'il supportait même plus de partager son oxygène avec elle. Pourtant elle pourrait tout lui laisser Lola, elle est trop occupée à suffoquer. Étranglée par la culpabilité, étouffée par ses mensonges, elle a l'impression de sentir ses poumons s'atrophier son cœur se serrer ses tripes se nouer. Elle le regarde et elle voudrait lui dire qu'elle est désolée mais ça n'vient pas, ça lui lacère la gorge ça lui brûle la langue mais sa voix n'obéit pas. Elle reste plantée là, à regarder sa silhouette recroquevillée et ses épaules voûtées, comme s'il portait tout le poids du monde, comme s'il était écrasé par sa propre tristesse. Elle le sent elle le sait, il a mal et c'est pas juste à cause d'elle. C'est pas elle qui l'a foutu dans cet état là, c'est pas pour elle qu'il a fini comme ça. Elle sait pas ce qu'il a et elle est tiraillée entre l'envie de l'aider et celle de l'envoyer se faire foutre. Elle est paumée Lola, elle sait pas comment faut faire dans ces cas-là. C'est quoi la marche à suivre pour tendre la main quand on est pas quelqu'un de bien ?

Elle inspire, expire, soupire un peu trop fort. Le silence pèse sur elle comme la douleur semble le faire sur Junior, et elle finit par aller s'asseoir sur le banc lourdement, comme si elle arrivait plus à tenir debout. Son dos appuyé contre le béton trop dur et trop froid, ses talons qu'elle retire pour les abandonner sur le sol, ses jambes repliées sur le côté. Elle reste un moment comme ça, à l'observer en coin en essayant de n'pas s'étouffer avec sa culpabilité.

« Pourquoi t'es comme ça ? » Sa voix est basse, comme si elle voulait pas vraiment être entendue comme si ça lui faisait mal de parler. « C'est quoi qui t'a mis dans cet état ? » Elle est pas sûre de le connaître Junior, parfois elle a l'impression que si et la seconde il lui donne tort, à osciller entre des comportements qui ne coïncident jamais. Mais elle l'a jamais vu comme ça et elle sait bien que quelque chose cloche, elle voit qu'un truc lui échappe. Et elle voudrait jouer celle qui s'en fout mais c'est trop dur – les images du restaurant lui reviennent en boucle, les larmes dans ses yeux et sa carcasse tremblante, dans sa détresse y a un truc qui l'a touchée en plein cœur. Bien sûr là c'est différent, c'est pas la même tristesse c'est pas la panique. Mais elle la devine sa détresse, elle la sent jusqu'au creux de ses entrailles et elle a un besoin viscéral d'y mettre fin. Elle se force à rentrer les crocs, pourtant prête à les ressortir s'il tente d'avoir sa peau.
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MessageSujet: Re: la java des imposteurs (jula)   la java des imposteurs (jula) EmptyLun 9 Oct - 13:59

Laisse-moi deviner, Michael ?
Je ne dis rien. Je n'y arrive pas, ma gorge se serre rien que d'entendre son prénom, prise en étau par une angoisse grandissante.
Ben qu'il vienne vite te chercher alors, comme ça tout l'monde aura la paix.
Je détourne la tête, l'ignore de plus belle, avec le vain espoir qu'elle ne puisse pas voir les dégâts au fond de mon regard. J'ai envie de hurler, de sortir d'ici, de faire fondre ces maudits barreaux pour pouvoir me sauver et le rejoindre à l'hôpital. M'excuser d'être une merde et de m'être fait arrêter, d'avoir été loin de lui plus que nécessaire. Déjà que je m'en veux de disparaitre toutes les nuits quelques heures alors que je fais ça pour lui, pour pouvoir le sauver. Mais là, c'est ridicule. J'ai l'impression d'avoir fait foiré ma mission, elle n'était pourtant pas compliquée : veiller sur Micha. Comment je peux veiller sur lui d'ici, hein ? Foutu crétin. Ça me rend amer et impatient, incapable de supporter les humeurs et les attaques de Lola plus longtemps. Alors je réplique sèchement, je lui crache au visage ce que j'ai sur le cœur depuis trop longtemps. Je sais bien qu'elle me considère comme un gros nul, un incapable, un idiot qu'on peut manipuler à sa guise. Mais tu vois Lola, j'suis pas si abrutis que ça. J'ai compris ton petit jeu. La vérité, c'est que je l'ai compris depuis le premier jour. Mais je m'en foutais, ce n'était pas important, je sais qu'on a tous des trucs à cacher, on a tous des trucs qui nous pèsent et on fait tous comme on peut pour vivre avec. Je t'en voulais pas d'avoir revêtu ce masque-là, même si parfois j'en faisais les frais. Parce que je t'aimais bien comme ça malgré tout, parce que je devinais aussi un peu tout ce qui tu cachais derrière et ça me plaisait. Mais tout ça, c'est allé trop loin maintenant. Et si tu veux me faire mordre la poussière, t'auras pas d'autre choix que de la mordre aussi. Et ça lui plaît pas à Lola.
Va t'faire foutre Junior.
Pendant une seconde, j'ai l'espoir d'avoir gagné, d'avoir mis un terme à cette lutte ridicule. Mais j'aurais dû me douter qu'elle abandonnerait pas sans avoir tout donné, jusqu'à son dernier souffle, histoire de partir en sachant que c'est elle qui aura fait le plus mal. Et elle m'achève salement, sa main qui s'enfonce dans ma cage thoracique, elle y arrache mon cœur avant de le laisser tomber par terre. J'ai plus qu'à agoniser, à me vider de mon sang, à crever lentement.

Bravo Lola, t'auras p't'être une médaille pour avoir remporté la bataille.
J'espère que t'en es fière.

Et je me replie dans mon coin, je voudrais disparaitre. Je voudrais faire taire toute la douleur qui me cisaille et retenir les larmes qui veulent couler, pour trop de raisons désormais. Et à cet instant, je me sens seul, plus que jamais. Micha qui tente de survivre, Ivy qui est trop occupée à je ne sais quoi, Anca qui ne nous parle plus, Boo dont la présence est trop douloureuse, Penelope que j'ai repoussé ces derniers temps et Lola qui me poignarde encore et encore. Et Bee qui ne reviendra pas. Pourtant, qu'est-ce que j'aimerais. La voir surgir devant les barreaux, avec son grand sourire, me dire que c'était une blague, qu'elle est revenue maintenant et qu'elle va me tirer de là. Que tout va s'arranger, que tout va redevenir comme avant. Que le cauchemar est terminé. Mais personne ne vient et rien ne se passe. Je reste prostré, m'enlisant dans ma douleur, tandis que j'entends à peine Lola qui se mouve dans la cellule. Je n'y accorde pas d'attention, coincé dans ma bulle oppressante, le vacarme de mes plaies internes qui raisonne et me rend sourd à l'extérieur. J'ai mal. J'ai juste mal. J'ai tellement mal que je n'arrive même plus à pleurer. Alors je reste stoïque et j'attends. J'attends quoi ? Aucune idée.

Pourquoi t'es comme ça ?
Je sursaute à moitié et il me faut quelques instants pour comprendre que c'est réel. Que Lola m'a belle et bien parlé, qu'elle a brisé le silence, qu'elle revient vers moi. Je fronce les sourcils et tourne lentement la tête vers elle, le regard inquisiteur. Chargé de reproches. Comment ça pourquoi je suis comme ça ? J'ai l'impression qu'elle m'agresse encore, qu'elle m'en veut pour lui avoir parlé comme ça et ça me me met en colère. J'en ai marre qu'elle se roule dans ce rôle de victime, comme si c'était moi le méchant.
C'est quoi qui t'a mis dans cet état ?
Je me radoucis en comprenant où elle veut en venir. Mais je reste muet, les mots se coincent dans ma gorge, étouffés par mes émotions trop vivaces. Je baisse les yeux et fixe le sol, dépité. Je ne suis pas certain de vouloir aborder le sujet, j'ai trop peur de craquer. L'alcool dans mon sang n'aidant pas franchement. Je me sens vaseux et fatigué, je voudrais juste dormir et oublier. Je passe une main sur mon visage et soupire, capitulant déjà. Je devrais lui en vouloir, la snober, lui dire de me foutre la paix, mais je n'ai pas le cœur à ça. Je ne suis pas certain d'être capable de ça avec elle de toute façon. Et une part de moi voudrais lui dire qu'il y a tellement de choses qui m'ont conduites jusque-là. Je voudrais me libérer de ce fardeau, de tous mes secrets. Je voudrais tout lui dire là, ici, maintenant. Mes parents, Bee, Boo, toutes nos erreurs. Qu'elle sache enfin quel genre de monstre je suis et qu'elle agisse en conséquence. Là au moins, elle aurait une bonne raison de me mépriser et de me chasser. De longues secondes s'écoulent, d'un silence pesant. Avant que finalement je me résigne et à mi-voix, tout bas, je lâche, un peu tremblant.
Michael va p't'être mourir.
Mes yeux se gonflent de larmes, ma gorge se noue, mes tripes se retournent et je viens placer une main sur ma bouche, pour m'empêcher de craquer et de m'effondrer sur le sol crasseux de la cellule. Mais dire tout ça à voix haute me fait bien plus d'effet que prévu. Je renifle, inspire et tente de contrôler ce trop plein d'émotions. Allez calme toi Junior, les médecins sont plutôt confiants sur ses chances de s'en tirer. Mais malgré leurs beaux discours, je vois bien l'inquiétude au fond de leurs yeux. Je vois bien que y a sûrement au moins autant de chance qu'il y reste, suite à des complications. Et cette idée me rend malade et me terrifie. Sans la regarder, je continue, j'ai besoin de me libérer de ça.
Une voiture l'a percuté... Il dit que.. Je me mords la lèvre. Que ce n'était pas accidentel.
L'angoisse et la peur se mêlent et grossissent dans mon ventre, me laissant fébrile.
Mais il n'a plus de contact avec personne depuis des mois à part moi. J'vois pas qui pourrait souhaiter sa mort, alors...
Ma voix devient chevrotante, accablée par le poids de la culpabilité qui m'étreint et que je parviens enfin à formuler à voix haute.
Si ça s'trouve, c'est moi qui était visé. Y a.. y a peut-être eu erreur sur la personne et...
Après tout, avec toutes mes dettes et tous les mecs que j'ai plumé lors de mes sorties poker, ça aurait déjà beaucoup plus de sens. Je me tourne vers elle et sort de ma position fœtale, je pose mon regard sur elle, mes mains agrippées au rebord du banc, le teint livide et les yeux rouges, explosés, trempés.
Il va p't'être mourir à cause de moi.
L'histoire se répète et si elle connait la même fin, cette fois-ci je le sais : je n'y survivrais pas.
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