T’as bu trop d’bières. Mais pour une fois, t’es pas complètement pété. Tu marches même relativement droit. Faut dire, ces derniers temps, tu déconnes un peu. Y’a trop de soirs où tu termines la gueule à l’envers. En même temps, y’a pas grand chose qui tourne rond dans ta vie en ce moment. Et sans même t’en rendre compte, tu te réfugies un peu trop dans ce liquide magique. Finalement, t’es pas si loin de ce qu’étaient tes parents. Petit con qui cherche à s’évader de la réalité. Ils avaient choisi la drogue. Toi tu t’égares dans l’alcool. Pas sur que le résultat soit meilleur. Pourtant, depuis que tu t’es barré des LB, y’a comme un poids en moins. La pression de Peter. Tu t’sens plus libre. Moins oppressé. Mais maintenant, t’as cette impression constante de déranger. L’appart’ des Caldwell est trop petit. Vous vous marchez dessus. T’es conscient que tout ça n’est qu’une solution provisoire. Va falloir trouver autre chose. Et vite. Mais pour l’instant, tu marches vers l’appart’, commençant à sautiller pour retenir cette affreuse envie de pisser. FUCKING BEER. Tu craques. Tu tiendras jamais dix minutes de plus. Alors tu te précipites dans le bâtiment qui te fait face, ne faisant absolument pas attention à sa nature, te contentant de détacher ton jean et enfin te laisser aller. Un soupire de satisfaction s’échappe de tes lèvres. Le flot semble infinissable. Assez long pour qu’on te capte en train de pisser au pied d’une église et qu’on cherche à t’arrêter. Tu sursautes, faisant dériver malencontreusement le jet sur le bout de tes pieds. « PUTAIN MAIS VOUS ETES CON ! » Tu grimaces franchement, faisant tomber les dernières goutes avant de ranger le matos, pouvant enfin te retourner vers ton gêneur. Bordel, ce connard t’as fait te pisser dessus ! Tu vas faire de sa vie un enfer, c’est décidé.

Tu roules vite Taffy. Tu conduis à toute allure dans les rues sinueuses de Savannah. Aux commandes de ta vieille estafette de police, tu t'approches du vieux quartier de la ville. Un fourgon blanc, tout cabossé, dont les roues arpentaient le bitume et le pavé avant même que tu ne saches marcher. Tu l'aimes bien pourtant, cette vieille bagnole fatiguée dont personne ne veut. Tu l'empruntes bien souvent, dès que l'occasion se présente. Un sourire heureux danse sur ta bouche. Tes doigts tapent sur la courbe du volant, en rythme avec la mélodie qui gicle dans l'habitacle. Les basses tremblent, les vitres s'ébranlent. Tes épaules s'animent sous le riddimm du dancehall. Tes lèvres s'agitent sous le flot de paroles, crues et lubriques, du mix jamaïcain. Les lunettes de soleil sur le bout du nez, ça te fait rêver. Tu penses au soleil et à l'océan, au sable et à la peau chaude et salée des filles des îles. Tu as envie de danser. Alors ta main s'attarde sur le tableau de bord et le son grimpe d'un bond. Tes hanches ondulent. Tu déboules soudain, toutes vitres baissées, à côté de la cathédrale. Tu chantes de ta voix grave, perdu dans tes pensées. Tu chantes et tout à coup, tu t'arrêtes en plein centre de la chaussée, scandalisé. Putain, un type est en train de pisser. C'est pas une blague. Le gars pisse là, tranquille et détendu, au pied du sanctuaire. C'est pas vrai, putain de gosse, aucun respect. Tu passes la tête par la fenêtre et tu l'apostrophes. « Hey toi ! Police ! » Le concerné, tout à son affaire, sursaute violemment. Il semble troublé et. oh mince. il s'urine sur les pieds. Il tourne la tête dans ta direction et tu reconnais sa tête blonde en un instant. Un sourire gigantesque te cisaille alors la bouche, tu t'esclaffes. « C'est toi qui est con Sil ! Attends que j'arrive ! » Tu te gares comme ça, sans complexe, en double file dans la ruelle exiguë. De ta démarche hâtée, tu te rapproches de l'énergumène tandis qu'il se rhabille. « Naméoh. Tu veux que je t'aide peut être ? » Tu lui indiques ton insigne, qui trône fièrement sur sa chemise et lui jettes un regard désapprobateur. Pourtant, un sourire irrépressible gigote sur ton visage. « Une cathédrale. T'as pas honte. Tu mériterais une amende, Myers. » Tu marques une pause, l'air sérieux et retire tes lunettes sombres. Il faut le faire flipper un peu, tu penses. Tu voudrais exhiber une expression sévère mais c'est plus fort que toi, tu as envie de rire. « En plus, si j'étais toi, j'oserais pas la sortir... J'aurais un peu honte. » Ton regard s'allume d'une lueur taquine. C'est juste une blague, impossible de te retenir. Tu lui expédies un regard entendu avant de baisser les yeux vers son pantalon puis tu ris doucement, hilare. C'est bien connu, les blancs en ont une petite et les jamaïcains... sont mieux lotis.

Tu grognes un peu en reconnaissant Thomson. Classique. Toujours là quand ça t’arrange pas lui. Après, ça pourrait être pire. Ca pourrait être un autre flic. Un de ceux qui t’aurait direct ramener au poste. Un de ces qui aurait même pas esquissé un sourire. Au final, c’est juste Thomson. Tu souris avec malice à sa question « J’sais pas, tu veux ? » Tu hausses un sourire plein de sous entendus, refermant ton jean avant d’essuyer tes mains sur ton jean. Bourré de classe. Y’a pas à dire. Franchement, t’aurais pu faire pire. T’aurais pu t’essuyer sur lui. C’est sa faute en même temps. Il aurait pu te laisser pisser tranquille.

Tu hausses vaguement les épaules. Cathédrale ou pas, ça change pas grand chose pour toi. C’est juste un mur comme les autres. C’est pas comme si dieu allait te tomber dessus pour te punir d’avoir pissé sur sa maison. Puis quoi, au moins, ça arrose les plantes un peu. T’es sur qu’elles, elles apprécient ton geste. « Ca vaaa, c’est juste un mur ! » Et puis de toute façon, t’as pas d’fric. Pas un rond. D’ailleurs, faudrait peut être que tu fasses quelque chose pour ça. Quelques combats. Ou piquer quelques téléphones ou portefeuille. Même plus de shifts au bar peut être. Même si ça te rapportera pas forcément beaucoup plus. Nash n’est pas vraiment un bon payeur. Les premières solutions seront probablement plus efficaces. Tu secoues vaguement la tête pour chasser ces idées de ta tête. Pas le meilleur moment d’y penser, planté devant un flic.

Il te regarde avec son air sérieux, retirant ses lunettes sombres alors que l’soleil se lève à peine. Ok. Au moins, il sait comment chasser les idées de la tête lui.Tu éclates de rire. Trop d’alcool dans le sang pour pas trouver ça comique. T’as fini par apprendre vaguement à le connaitre. Et tu sais bien qu’il ne peut définitivement pas être sérieux après … ça. « En attendant, tu la regardes. » Tu lui fais un clin d’oeil appuyé et, un sourire malicieux aux lèvres, tu rajoutes « Tu veux pas toucher tant que t’y es ? » Tu ris doucement. Tu t’enfonces tout seul dans tes conneries. Mais t’aimes ça. T’aimes trop ça. Provoquer. « Ou on peut comparer si tu préfères, ça m’embête pas ! » Monsieur a l’air de dire que la sienne est mieux. Et toi, ça t’embête pas de vérifier. Quitte à te faire laminer la gueule. Mais au fond, tu t’en balances. T’as jamais eu de plainte de ce coté là. Pour ton caractère de merde, oui. Pour ton incapacité à gérer les relations, oui. Mais de ce coté là, ça va. Alors captain sil a peut être pas la taille d’un python, mais il est pas si mal.