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 Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena

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MessageSujet: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyMar 21 Mar - 13:48

J’allume une clope et je laisse échapper un long soupir alors que je m’appuie contre la caisse. Enfin tranquille. Je sais, je devrais pas fumer là et mon patron va encore m’enguirlander si demain il sent l’odeur de la clope flotter quand il va ouvrir mais il a suffisamment confiance en moi pour me laisser les clés du magasins et, surtout, grâce à moi, il peut se permettre de partir en weekend. Donc il gueulera, mais pas trop fort, d’autant qu’il sait que je peux claquer la porte s’il me gonfle. Pourtant j’aime bien ce boulot. Et je me rends compte que ça fait plus de six ans que je bosse là, après avoir galéré pendant un petit moment à passer d’un job pourri à un autre, à pas vraiment savoir quoi faire. J’ai eu du bol, pour une fois, je vais pas m’en plaindre hein. Donc j’abuse, mais pas trop. Je sais que là, il est plus de 20H00, que personne ne va me voir et que je suis tranquille. J’ai juste à compter la caisse et à rentrer me poser chez moi. Ou aller boire un coup, j’en sais trop rien. Même si j’ai pas encore vraiment décidé à quel point sortir seul était pathétique. Je soupire en songeant que ça va surement finir en pizza devant une série que j’aurais téléchargée sur mon pc, en bon geek que je suis devenu. Alors que, si j’en crois mon chef, j’ai clairement pas la dégaine. Comme quoi, tout arrive hein.

Je me rends compte que je me suis encore perdu dans mes pensées quand je vois que ma clope s’est presque entièrement consumée sans que j’y touche. Et, alors que je cherche un gobelet ou un truc pour pas foutre les cendres partout, j’ai un sourire en voyant un cendrier sous la caisse. Avec un post-it, griffonné de l’écriture familière de mon patron. « Abuse pas trop quand même… »

Je secoue la tête en souriant alors que je commence à compter la caisse. Avant que mon attention ne soit détournée par le carillon de l’entrée. Je jette un regard dans le coin, le flingue est toujours là. On a été braqués qu’une fois mais, depuis, on fait gaffe. Et j’ai des bons réflexes. Ou des mauvais selon le point de vue. Mais je préfère la jouer cool et je lâche, d’un ton tranquille alors que je contourne le comptoir après avoir refermé la caisse.

"Hey on est fermés, revenez demain !"

Je me fige en reconnaissant la silhouette qui se dresse devant moi alors que mon cœur a un raté. Une part de moi regrette amèrement de ne pas avoir fermé la porte à clé et l’autre est juste ravie de la voir. Parce que c'est Lena.

"Ah… c’est toi."

J’ai toujours été réputé pour le brio de ma conversation, ça se voit non ? Autant dire que là, je suis au sommet de mon art mais dans mon esprit, tout s’entrechoque. Le fait qu’elle soit partie, qu’elle soit revenue. Ces souvenirs qui remontent à la surface comme des bulles qui explosent au moment où je m’y attends le moins. Le bruit de son rire qui résonne dans ma tête et qui me donne l’impression de n’être plus que le fruit de mon imagination tant je ne l’ai pas entendu depuis longtemps. Un peu comme le mien d’ailleurs. Il faut dire que des raisons de rire, j’en ai pas des masses ces derniers temps. Alors oui, on en a jamais eu beaucoup des occasions de rire, pourtant, on en trouvait quand était mômes. Comme si ça nous permettait de tenir bon, comme si ça nous soudait un peu plus. Et pourtant, ça ne lui a pas suffi. A elle comme aux autres. Autant, les autres, j’arrive à… non pas à accepter, parce que je leur en veux à mort. Mais elle. Non, c’est pire encore. Elle avait pas le droit de me lâcher. Pas comme ça.

Mais elle est revenue maintenant.

Ouais, et alors ? Jusqu’à ce qu’elle ait encore envie de se tirer. Et ça recommencera. J’ai pas envie de voir Anca et les autres souffrir encore plus. Moi ? Je m’en moque. J’ai recouvert mon cœur d’une chape de béton, je souhaite bien du courage à qui voudra s’en approcher. Tout ça ne m’atteint plus depuis longtemps. Encore moins son regard brillant, ces yeux qui, avant, pouvaient me faire comprendre sans même avoir à dire quoi que ce soit ce qui se passait. Non, je m’en fiche maintenant. Alors je l’évite, autant que possible. Parce que oui, ça ne me touche pas. Et que non, j’ai jamais dit que j’étais cohérent.

"On est fermés donc."

Comme si elle était venue pour acheter un truc. Mais c’est la seule chose qui me vienne à l’esprit qui ne soit pas un dégage, ou un pourquoi, ou pire encore, un me lâche plus. Je baisse les yeux, sans vraiment chercher à la chasser alors que je retourne derrière ma caisse. Ouais, j’ai du boulot. Voilà, c’est ce que j’aurais dû dire. De toute façon, si elle reste, je vais l’envoyer chier. Elle le mérite de toute façon. Elle encore plus que les autres.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyJeu 23 Mar - 21:32


Ça avait pas marché avec Mihail. Ça avait boité sévère avec les autres à l'hôpital. Alors elle sait même pas pourquoi elle se tient devant l'enseigne du magasin, le cœur gros, le cœur éponge. L'espoir fait vivre. Ouais, mais l'espoir est con. Y a que l'espoir qui la fait se sentir aussi mal et inutile et faible. Pauvre Lena, vingt-huit ans et pas capable de regarder le reflet de son frère en face. Y a trop de reflets dans la famille, de flaques d'eau en miroirs. Si Seven se tient toujours devant elle, copie conforme de ses pires démons, Serghei, il a jamais quitté ses côtés. Main dans la main, deux petites années qui se font même pas ressentir quand il s'agit de faire des conneries. Quand il s'agissait faire des conneries. Putain, il est violent le passé à se ramener aux moments où on en veut pas. Il s'installe confortablement dans sa tête, lui balance des bouts de mémoire comme des éclats de popcorn au cinéma. Opportun et oh putain. Elle a beau secouer ses fringues, elle en retrouve partout ; sous le t-shirt, dans le décolleté, puis sous les ongles aussi. Serghei, et comment ils étaient si proches qu'elle avait jamais eu l'âge de le porter dans ses bras. Plus souvent, elle le faisait tomber. Gentiment, juste pour se marrer. Des jeux de gamins, des jeux d'enfants. Et que je te fasse trébucher sur tes propres pieds, rouler du lit que je t'ai piqué la nuit dernière. Tombe, tombe, tombe, file droit vers le bitume. Si c'est comme les autres, elle ose pas demander de combien d'étages elle l'a poussé quand elle est partie. Elle s'attend à la haine qui patiente de pied ferme en bas, elle s'attend au dédain et au dégoût. C'est presque plus surprenant ; gênant à la limite, maintenant. Elle a pas eu la chance du débutant ; peut-être qu'elle aurait au moins l'expérience de la récidiviste cette fois-ci. Elle inspire profondément, s'étouffe un peu sur l'apparence de sœur modèle que ça lui donne, et pousse enfin la porte avec toute la conviction qu'elle peut trouver. Soit, très peu. Soit, elle se retrouve à flanquer un coup de pied grossier pour achever d'ouvrir le passage. Calme toi. Elle peut pas se laisser distraire par les sentiments cette fois. Cette fois, oui, c'est la bonne. Parce que si elle peut pas faire les bons choix avec Serghei, elle pourra avec personne. Y a la cloche qui tinte au-dessus de sa tête. Et Serghei la tête penchée dans sa caisse et ses pensées. « Hey on est fermés, revenez demain ! » Elle traîne les semelles sur le lino et un doigt sur l'étagère la plus proche. D'un claquement de phalanges, elle fait voler la poussière que ça récolte. Foutues allergies que ça réveille. Serghei fait le tour du comptoir, le regard rivé sur tout sauf elle. « Bonjour l’accueil à la clientèle, ils te font une formation là dessus avant d'embaucher ? » Doucement. Elle écrase là où elle est censée avancer sur la pointe des pieds. Elle marche fort, elle marche plus. Parce qu'il vient enfin de comprendre qui vient le faire chier à cette heure là. « Ah… c’est toi. » Ah. Clairement elle décèle de tout dans son timbre, sauf de l'enthousiasme. Merde. Plan B. Écrase, on s'en fout. Tête relevée, épaules droites et fortes. Y a même le menton insolent qu'arrive à faire son grand retour. Seven serait fier. « Cache ta joie, petit frère, ça fait du bien de te revoir aussi. » Elle ment pas, Lena. Des fois elle tord un peu la réalité, certes, mais pas devant Serghei si elle peut l'éviter. Le mensonge, pas Serghei. Elle est bonne pour évincer les gens, c'est pas un secret à ce niveau là. Consciemment ou inconsciemment, les gens vont et viennent. Suffit de s'habituer à la première vague, celles qui suivent et roulent et s'écrasent passent tout de suite mieux après. « On est fermés donc. » Elle souffle une mèche de devant ses yeux. « Serghei, allez. » Il a déjà fait demi-tour vers son comptoir. Demande un fichu lien de parenté avec, si t'y tiens tellement à ton comptoir. Leur lien, elle le tient dans les mains usées qu'elle se trimbale au bout des bras. Elle remonte lentement la pelote de nœuds. Depuis le temps, dix ans, elle a  plus le courage de se lancer dans l'entreprise de tout démêler. « Qu'est-ce que tu veux entendre ? Je suis désolée ? Je regrette ? » Elle énumère en plaquant les coudes sur le comptoir. « Tu sais que je le suis. »
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyVen 24 Mar - 21:08

Quand on était petits, je m'amusais souvent à croire qu'on était ailleurs. Que le ciel s'ouvrait au-dessus de nous pour nous emporter loin d'ici. Loin de cette foutue baraque, là où on pourrait être libres, heureux, où leur rire pourrait résonner sans que ça ne dérange personne, sans que les voisins cognent au mur parce qu'on fait trop de bruit, qu'on est trop de gosses, qu'on est trop vivants.

Mais à chaque fois, je revenais à la réalité. A leur réalité. Parce qu'ils comptaient plus que le reste. Et c'est ça que j'ai jamais compris, que j'arrive toujours pas à intégrer. Pourquoi est-ce qu'on a pas été assez importants pour qu'ils restent ? Et, pire encore, pourquoi est-ce qu'ils sont revenus ?

Je me fige et j'ai un haussement d'épaules alors que je la regarde, aux aguets, essayant de ne pas écouter mon cœur, ces foutus sentiments que j'ai mis de côté la concernant.

"Mon patron est du genre à envoyer chier les clients qu'il trouve trop snobs pour nous. Comment tu crois que j'ai tenu plus de six ans ici ? C'est pas pour le salaire de ministre, je te le garantis."

La neutralité des propos que je tiens pourrait presque me faire flipper. Pour un peu, on pourrait croire que je tape la discussion avec n'importe quelle cliente égarée dans le magasin à une heure indue de la journée. Et, d'une certaine façon, j'aimerais tellement que ce soit le cas, que je finisse juste par être lassé de la conversation avant de trouver un moyen poli pour la dégager de là. Je lui jette un regard peu amène quand elle reprend avant de souffler, toujours comme si de rien était.

"J'ai toujours été le plus expansif de nous deux, ça se confirme avec les années non ?"

Evidemment que je suis heureux de la voir. De voir qu'elle va bien. Qu'elle est devenue encore plus jolie que quand on était mômes, même si je suis incapable de comprendre la lueur qui brille dans son regard. Mais ça fait tout aussi mal, comme une plaie qui n'a jamais cicatrisée et qu'on serait venu bombarder de sel, comme ça, sans prévenir. Quand elle reprend, je baisse les yeux, incapable de la regarder, préférant me focaliser sur tout sauf sur elle.

Je me frotte la mâchoire avant de froncer les sourcils en voyant mon tatouage sur l'avant-bras. La boussole qui indique le nord. Et je lève les yeux en direction de Lena, secouant la tête alors que je sais pas quoi lui répondre. Ouais, Lena est la première que j'ai eu dans la peau. Comme si me marquer pouvait la faire revenir, ou oublier qu'elle était partie. Comme si ça pouvait servir à quelque chose tout ça. J'ai dit que je m'en moquais de toute façon non ? Qu'elle soit là, qu'elle regrette. Evidemment qu'elle s'en veut, à sa place, je serais allée la voir et je lui aurais dit pareil. Sauf que j'aurais jamais été à sa place, que je l'aurais jamais laissée. Pas elle.

J'inspire, essayant de garder cette putain de neutralité de façade pour ne pas exploser, pour ne pas tout lui balancer. Parce que j'ai pas envie, que ce serait trop facile, que je pourrais lui pardonner. Mais j'ai pas envie. Pas comme ça. Pas parce qu'elle me regarde et qu'elle me dit qu'elle est désolée. J'appuie sur la caisse d'une main tremblante et je l'ouvre avant de lui balancer les pièces en vrac devant le nez.

"Tiens, rends-toi utile et compte les."

Et là, je mets un coup de pied dans le comptoir avant de relever les yeux vers elle.

"Putain, mais tu veux que je te réponde quoi Lena ? Que je te tende les bras ? Que je te remercie de prendre la peine de t'excuser ? Que je te dise d'aller te faire foutre ? Vas-y dis-moi."

Je tends le bras dans sa direction et je montre mon tatouage avant de reprendre, d'un ton carrément moins neutre.

"Tu vois ça ? C'est mon premier tatouage. Je l'ai fait après que tu sois partie. Pour… pour me rappeler que je dois pas me perdre. Et surtout que je dois pas compter sur quelqu'un pour m'aider. Et pour être sur que là au moins, gravée sur ma peau, tu t'en irais pas."

Je referme brusquement la caisse du plat de la main et, outre le fait que ça marche pas des masses, qu'elle se rouvre et que la moitié des pièces fout le camp, je me fais mal.

"Et merde !"

Il faut que je reste neutre, je dois pas craquer, surtout pas. Alors j'écrase le restant de ma cigarette d'un geste rageur pour en rallumer une autre tout aussi vite.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyMer 29 Mar - 21:48


« Tu sais que je le suis. » Allez Serghei, dis que tu sais. Rend lui la tâche facile, elle a pas que ça à faire ; mon cul, elle aimerait pas avoir que ça à faire. Elle a pas d'appartement, elle a pas de boulot. Elle retournera surement le t-shirt demain, elle cherchera Merle dans les rues pour pas crever de faim. Voler des frites grasses dans un fastfood avec un gamin de huit ans son cadet, c'est un samedi lambda. C'est ridicule à lui passer l'envie de bouffer le butin froid. Ou elle irait embêter Caïn au Troisième Œil, mais elle veut pas qu'il la voit comme ça. Misérable. Les ongles noirs et incrustés de poussière qu'elle a récolté hier en rendant service dans un bar chelou. Tout ça pour un paquet de clopes où il en manquait deux, de clopes. Non, Caïn peut pas la voir comme ça, ça la rendrait malade. Elle a pas grand chose, à peine la façon dont il la regarde sans se dire qu'elle appartient aux cartons des rues et aux fonds des boites de médicaments. Il la regarde comme si c'était une personne. Pas des vêtements troués, des cernes creusées, des cheveux tirés en une queue de cheval sévère. C'est dans des moments pareil qu'elle s'arrête, et jette un regard en arrière à la gamine aux yeux charbons et aux cheveux tristes qui joue par terre. Elle a oublié ce que ça fait d'être pas plus grande que la table à manger, et d'avoir pourtant de quoi remplir le plan de travail d'envies et d'illusions. Un jour, je serai grande comme Iulia. Belle comme Iulia, intelligente comme Iulia, aidante comme Iulia. Elle traînait dans ses pas, piquait ses godasses et ses parfums. Et elle a grandi dans l'ombre de Iulia, bouffée par l'absence soudaine et l'image de sa sœur derrière des barreaux. Froids, moches, incassables. Y a des rêves qui meurent en cellules et des petites filles qui perdent leurs âmes d'enfant dans les tristes répercussions. Sortez les violons. L'orchestre, balancez tout dehors. Elle veut pas vous entendre se lamenter sur son sort. Merci, elle le fait très bien elle-même. « Mon patron est du genre à envoyer chier les clients qu'il trouve trop snobs pour nous. Comment tu crois que j'ai tenu plus de six ans ici ? C'est pas pour le salaire de ministre, je te le garantis. » Salaire. Ça fait un moment qu'elle a rien touché de légal, tient. Elle se jure mentalement de lever un verre pour ça plus tard. « J'suis snob ? » qu'elle pique en retour. Elle a le profil hautain, c'est sûr. Bien sapée, elle pense qu'on pourrait la prendre pour une nana de bonne famille. Style aristocrate qu'a perdu le titre mais pas la thune. Hahaha. Allez, elle boira pour ça aussi dans la foulée. « J'ai toujours été le plus expansif de nous deux, ça se confirme avec les années non ? » Elle lui accorde la main, il aime plus fort qu'elle. C'est pour ça qu'il tombe de plus haut. Serghei, Serghei, elle t'a donc rien appris ? Y a la colère et l'insolence de sortie aujourd'hui, elle a du mal à produire des larmes. Elle se sent Seven. C'est dingue comme elle balance d'un modèle à un autre. Tu préfères quoi, la nana qui flingue son mari ou le gamin qu'est pété ? J'ai une idée, t'as qu'à faire les deux. « Essaie de faire ça à distance. Tu verras, c'est pas facile. » Elle a le sourire carnassier et la voix dans sa tête qui gueule de pas malmener son frère comme ça. Il réagit pas, il lui balance juste son fond de caisse comme on balance un os à un chien. Elle est à deux doigts d'empocher un pourboire, ça lui brûle les mains. « Tiens, rends-toi utile et compte les. » qu'il crache. « T'as vu ça en thérapie de couple ? On fait de la poterie après ? » Coup de pied dans la structure, elle lâche les centimes par surprise. Ça devient intéressant. « Putain, mais tu veux que je te réponde quoi Lena ? Que je te tende les bras ? Que je te remercie de prendre la peine de t'excuser ? Que je te dise d'aller te faire foutre ? Vas-y dis-moi. » Elle veut juste qu'il laisse tout aller, une bonne fois pour toute. C'est le secret qui tue le truc dans l’œuf et elle est pas un putain de poussin avorté. Aujourd'hui, elle récupère son frère. « Tu vois ça ? C'est mon premier tatouage. Je l'ai fait après que tu sois partie. Pour… pour me rappeler que je dois pas me perdre. Et surtout que je dois pas compter sur quelqu'un pour m'aider. Et pour être sur que là au moins, gravée sur ma peau, tu t'en irais pas. » Mais je suis là, bon sang, pourquoi personne veut la voir opaque. C'est fini le fantôme. Tu lui passes plus à travers. « Et merde ! » Les pièces explosent, la cendre de la cigarette laisse une trace sur le comptoir. Lena 1, comptoir 0. Dans ta gueule. « C'est bon ? T'as fini ? » Elle lui dérobe la nouvelle cigarette des mains, tire une taffe avant de lui recoincer entre les dents. « J'veux repartir sur de bonnes bases. J'peux pas me traîner le passé à vie. » C'est le principe - shhh. « On est plus des mioches, on peut pas se faire la gueule éternellement. Hein. On a qu'à prendre ta boussole et retrouver une autre direction. Toi et moi. » Elle omet le fait que le nord bougera pas, et que les gens sont un peu comme le nord. Éternellement inchangeables dans leurs destinées.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyVen 31 Mar - 13:14

«Tu sais que je le suis. »

Evidemment que je le sais. Ce serait tellement plus simple si je le savais pas. Si je faisais comme si je la connaissais pas, si je faisais comme si je m'en foutais. Je pourrais la jeter dehors et faire comme si de rien était. Mais ça marche pas comme ça. Ca a jamais marché comme ça avec Lena. Et c'est ça qui me met en colère plus que le reste. Qu'elle soit partie sans rien me dire et qu'elle soit revenue, toujours sans rien me dire. Comme si elle, elle s'en foutait vraiment. Alors ouais, je me doute qu'elle a un tas de raisons tout aussi cohérentes les unes que les autres mais, autant le dire tout de suite, c'est pas franchement le genre de choses qui entre en ligne de compte dans l'immédiat.  

Parce que la douleur que je ressens, que je refuse d'écouter, que j'essaie d'ignorer depuis qu'elle est revenue, elle est pas logique, pas cohérente. Elle est juste viscérale. Et des fois, elle est tellement forte que j'en oublie même pourquoi m'attacher autant. Et je me promets encore une fois de plus, une fois de trop, de ne jamais le refaire. Comme quoi, je suis vraiment encore plus con que je le croyais. Je lève les yeux dans sa direction quand elle me demande si elle est snob et j'ai un ricanement alors que je hausse les épaules.

"Bien sûr que oui. C'est pas toi qu'on arrêtait pour délit de sale gueule si ma mémoire est bonne. Et même fringuée comme la dernière des pouilleuses, t'as plus de gueule que moi en costard. Enfin, remarque, je sais pas quelle tête j'ai en costard. Bref…"

Non, on a dit que je la jouais distant et froid. Je vais pas commencer à lui reparler comme si tout allait bien, comme si on s'entendait toujours bien, comme si elle avait pas foutu en l'air ce lien qui nous reliait tous les deux et qu'elle s'efforce de retisser. C'est bien ce qu'elle est en train d'essayer de faire en venant ici non ? Et ça marche ? Oui. Non. J'en sais rien. J'ai pas envie de savoir. J'ai pas envie de dégringoler des marches de nouveau parce qu'à force, je vais finir par plus avoir envie de me relever. Déjà que c'est pas terrible.

«Essaie de faire ça à distance. Tu verras, c'est pas facile. »

Et là, je me fige, lui jetant un regard d'incompréhension. Elle joue à quoi là ? Putain mais qu'elle aille se faire foutre. Je lui ai pas demandé de venir moi. Enfin si, je lui ai demandé tous les jours, dans ma tête. Mais pas directement. C'est elle qui veut se rapprocher de moi, pas moi. Je sens mes mâchoires qui se contractent et je détourne de nouveau la tête, inspirant une longue bouffée sur ma clope pour éviter de lui dire tout haut ce qui me trotte en boucle dans ma tête. Je préfère lui balancer la petite monnaie à compter, histoire de me donner une contenance. Et d'éviter de montrer que j'ai les mains qui tremblent. Mais juste un peu hein. Faut pas non plus déconner, elle a pas tant d'influence que ça sur mon humeur, sur ma vie, sur ce que je pense être capable de faire ou non. Elle en a plus. Elle a perdu ce droit quand elle est partie. Et je veux plus qu'elle me donne son avis, qu'elle me dise que je choisis une bonne voie ou une mauvais. Fait chier.

J'arque un sourcil avant de lâcher, avec un cynisme que je cherche même pas à cacher et qui m'empêche de péter un plomb.

"Bin voyons, une vie de couple moi. Evidemment. J'ai tellement la tête à avoir une femme, trois gosses et à entasser tout ce beau monde dans mon studio. Ce serait pas merveilleux la vie comme ça ? Elle serait pas splendide ?"

Bon, d'accord, j'arrive pas à ne pas péter les plombs, même si ça reste carrément soft et que je trouve que je me maitrise vachement bien d'abord. Ce serait tellement mieux pourtant de lui opposer de l'indifférence, de ne pas me sentir touché par son regard, par les inflexions de sa voix. J'ai envie de lui dire de fermer sa gueule mais, en fait, c'est moi qui parle. Un peu fort d'ailleurs. Mais ça a pas vraiment l'air de la toucher. Faut dire que bon, c'est pas comme si elle m'avait pas déjà vu gueuler avant. Et j'inspire, pour éviter de vraiment m'énerver, de toute façon, ça sert à rien avec elle. J'avais presque oublié.

«C'est bon ? T'as fini ? »

Je me baisse et je ramasse les pièces qui ont sauté de la caisse avant de lâcher sèchement alors que je me relève et que les dépose en vrac sur le comptoir.

"Non… j'en sais rien. Tu m'emmerdes Lena."

Je glisse mon paquet de clopes entamé dans sa direction et je reprends, toujours sans la regarder.

"Tu devrais pas fumer, c'est mauvais pour la santé."

Et bien sûr que si on peut se faire la gueule éternellement. Je peux me comporter comme un sale petit con si j'en ai envie, comme le mioche que je ne suis plus depuis des années. Et comment elle veut qu'on retrouve des bonnes bases, que j'ai de nouveau confiance en elle, en nous deux ? Elle a conscience que si elle me refait un coup pareil, ce serait foutu pour de bon, mais genre vraiment ?

Je la fixe sans rien dire, les sourcils toujours aussi froncés alors que je me rends enfin compte de sa tête, de ses fringues dégueulasses. Et je lâche, comme si c'était la réponse à ce qu'elle vient de me proposer.

"T'as une sale gueule. T'as bouffé ce soir au moins ?"

Je continue d'agripper le comptoir, à un point tel que j'en ai les jointures blanchies. Mais ça me calme. Et puis ça me permet de réfléchir un peu. Dans quelle foutue direction elle voudrait qu'on aille tous les deux ?
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyLun 17 Avr - 11:57


Elle regarde autour d'elle ; parce qu'elle a pas trop pigé dans quoi il bosse, son frère. Bosser, travailler. Elle se perd dans la contemplation des vies qu'elle pige pas forcément. Pourquoi s'attacher comme ça, est-ce qu'il peut se barrer quand il veut au moins ? Elle se perd dans les questions sans réponses tellement elles sont logiques, les réponses. Tout le monde n'a pas envie de fuir. Parait même que certains aiment bien rester. Gerbant. Elle en a la chair de poule, littéralement – elle se frotte vigoureusement les bras pour effacer le sentiment. Vie d'attaches, vie de couple, vie banale et bateau. Au fond, elle veut. Juste pour l’égoïsme du confort,  elle y songe pas mal quand elle a la tête d'un côté du canapé d'Asher, et les pieds froids qui pendent dans le vide à l'autre bout. Quand elle a la dalle, mais qu'elle peut rien avaler une fois posée devant son "repas". Curieuse, elle regarde discrètement aux niveaux des pieds. Elle sait pas, est-ce qu'il se traîne un putain de boulet à la cheville, Serghei ? C'est le ressenti, c'est pas comme ça ? « Bien sûr que oui. C'est pas toi qu'on arrêtait pour délit de sale gueule si ma mémoire est bonne. Et même fringuée comme la dernière des pouilleuses, t'as plus de gueule que moi en costard. Enfin, remarque, je sais pas quelle tête j'ai en costard. Bref… » Le ricanement, c'est de famille. Elle voit toujours Seven qui se tord en rire dans sa tête, quelque part. Après ça compte peut-être pas, en vrai, elle voit beaucoup de Seven tordus dans tous les sens dans sa tête. En haut des toits, en bas des disputes, puis au fin fond des espoirs perdus, Serghei, c'est différent. Elle arrive pas à le trouver trop amoché par le temps, ni par eux. Il est beau, son frère, il est encore trois fois plus grand que ce qu'elle se souvient. D'un côté, tu vois, ça la rassure. Le temps est pas un idiot total. Juste un petit idiot. Voilà. Petit comme dix ans qui sont passés en un claquement de doigt. C'est con, elle sait pas le faire. Claquer des doigts. Tout ce qu'elle maîtrise c'est le venin et les absurdités qu'elle pousse devant elle pour se protéger. Le bon bouclier en titane, elle se ferait une fortune à les vendre. Accroche toi, Crésus. T'as de la compétition, au compteur y a un mètre soixante-trois et une paire de baskets trouées. « Bin voyons, une vie de couple moi. Évidemment. J'ai tellement la tête à avoir une femme, trois gosses à entasser tout ce beau monde dans mon studio. Ce serait pas merveilleux la vie comme ça ? Elle serait pas splendide ? » Aw. Il miaule plus qu'il mord. Elle a envie de taper dedans comme il a tapé dans le pauvre meuble. « Honnêtement ? Non, ça serait moche. Me parle pas de mioches, j'suis sûre ça porte malheur cette connerie. » Sel par-dessus l'épaule, touche du bois, tourne trois fois. Elle espère bien qu'il est pas casé, elle en a assez de convaincre une personne, manquerait plus qu'elle se retrouve à réitérer la tentative avec des rejetons. Encore une fois, gerbant. Exaspérée, exaspérant. Elle tarde pas à lui demander s'il en a fini avec ses tirades mélodramatique. « Non… j'en sais rien. Tu m'emmerdes Lena. » Je m'emmerde aussi, t'inquiète. Mais elle lui dit pas, elle tire seulement une cigarette du paquet qu'il a poussé vers elle. Elle se perche sur ses coudes pour allumer le bout de sa clope à la sienne. « Tu devrais pas fumer, c'est mauvais pour la santé. » Elle a un sourire en coin en tapotant les cendres sur les pièces qu'il arrive pas à compter. « Merde, je croyais que je gagnais cinq ans de plus par taf, alors comme ça c'est que des conneries ? Choquant. » Elle lui souffle la fumée en pleine gueule. Sûrement qu'elle a grillé son espérance de vie, orange incandescent. Elle est plus à cinq ans près. Vint-huit ans, putain, elle entend déjà la trentaine lui dire qu'elle a loupé le coche si elle voulait se flinguer. Personne le fait à trente ans. Tic, toc. T'attend quoi. Sans trop réfléchir, elle entasse les pièces les unes sur les autres. Elle va appeler ça, tour éphémère, une autobiographie. « T'as une sale gueule. T'as bouffé ce soir au moins ? » Non. Mais y a son ventre qui gronde furieusement pour répondre à sa place. Trahison, qu'elle martèle en accrochant ses côtes. Elle a plus grand chose à accrocher, en fait. Un bout de peau qu'elle tord entre ses mains parce qu'il peut rien voir depuis sa place. « Merci du compliment, t'as du tact, c'est affolant. » J'ai la dalle, j'ai la dalle, j'ai la dalle. Ça arrête pas de grogner bruyamment ; tellement qu'elle se résout à afficher une grimace et un soupir d'abandon. « J'ai pas bouffé depuis hier soir. » qu'elle avoue en fixant un point hasardeux au-dessus de la tête de son frère. Elle a pas bouffé parce qu'elle a pas osé. Asher, Caïn, Iulia, elle a pas osé demander. Peut-être qu'elle espérait que ça vienne à elle, peut-être qu'elle préfère crever que de recevoir une assiette remplie de pitié. Peut-être qu'elle préfère crever tout court.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyJeu 20 Avr - 9:28

Voilà, c’est exactement pour ça que j’ai plus la moindre envie de m’attacher à qui que ce soit. Parce que ça fait mal. Ça fait mal d’entendre les portes qui se referment sur eux et de guetter en vain qu’elles s’ouvrent sur les bonnes personnes. Ça fait mal d’être déçu et voyant que c’est quelqu’un d’autre. Ça fait mal d’entendre un rire familier, d’être persuadé de reconnaitre une silhouette dans la rue et de se rendre compte qu’on s’est planté. Je compte plus le nombre de fois où j’ai alpagué une nana par l’épaule, un peu brusquement, avant de réaliser que j’étais à côté de la plaque.

Et en fait, le pire dans tout ça, c’est qu’on s’habitue. A cette boule continuelle dans le ventre, à cette envie de les voir, à ce besoin de leur en vouloir. Ça se distille dans tout le reste et ça pourrit la vie. A un point tel que, quand la porte s’ouvre enfin sur l’un d’eux, je ne sais plus quoi dire ou quoi faire. La logique voudrait que je l’envoie bouler pour de bon, qu’elle aille se faire foutre avec les autres, qu’elle comprenne enfin que dire qu’elle regrette n’est pas suffisant. Moi aussi je regrette qu’elle soit partie. A chaque putain de seconde. Et je devrais encore plus regretter qu’elle soit revenue.

Mais je peux pas. Parce qu’elle est là cette silhouette que je cherche depuis des années. Qu’il est là, enfoui quelque part, ce rire qui résonnait dans nos chambres alors que j’essayais de la virer de mon lit et qu’elle s’accrochait comme une folle, que cette épaule-là, si je la touche, je sais que ce sera enfin elle qui se retournera. Et après ? Ça change quoi au fond ? Parce que ce nœud au ventre, il est toujours là. J’ai même l’impression qu’il fait que grossir à mesure que tout le monde semble s’être donné le mot pour revenir former une putain de famille.

Le pire dans tout ça, c’est que je suis même pas foutu de l’envoyer chier correctement. Je sais faire ça d’habitude, être juste cynique, jouer le connard et ne pas me soucier de ce qu’on peut penser en fait. Mais pas avec elle. Et ça m’emmerde d’être touché comme ça, elle imagine pas à quel point. Ou peut-être que si, justement, elle s’en rend compte. Et qu’elle en joue. Je devrais lui en vouloir pour ça aussi non ? Je sais pas trop. J’inspire pour retrouver un semblant de contenance, pour chasser cette impression d’être submergé par tout ça et je plisse des yeux alors qu’elle regarde autour d’elle, comme si elle pigeait pas un truc. Alors je lâche, sans bien trop savoir pourquoi.

"Parait que je suis doué en informatique."

Mon cul ouais, parait surtout que je suis capable de craquer les systèmes de sécurité des trois quart des sites où je vais sans même avoir à me forcer. Je sais même pas d’où ça me vient cette connerie mais, la première fois qu’on m’a montré, ça m’a paru juste facile et évident. Alors ça fait partie du deal, je me sers en matos, je couvre les trucs pas très légaux du patron, ça me rapporte du fric et ça nous fait marrer tous les deux.

"… bref…"

Ouais, bref. Elle a toujours été aussi petite ? Je la dépassais déjà quand elle s’est tirée non ? Mais je pensais pas d’autant. Pourquoi je pense à ça moi au juste ? J’en sais rien. C’est juste le flot de pensées qui se bousculent, les souvenirs qui remontent à mesure que passent les secondes. Le bon comme le mauvais. Et je sais pas ce que je préfère.

«Honnêtement ? Non, ça serait moche. Me parle pas de mioches, j'suis sûre ça porte malheur cette connerie. »

J’écarquille les yeux à cette pensée et je souffle, en secouant la tête.

"Très moche. Si cette putain de famille pouvait éviter de se reproduire ce serait pas plus mal."

A quel point c’est vache de dire ça ? Surtout pour Madalina en fait. Bon, elle a rien demandé la gamine et vu son âge, on va dire que c’est une erreur de parcours ou un truc dans le genre. Pas que je l’aime pas mais, merde, franchement, on a pas déjà assez d’emmerdes comme ça ? J’arque un sourcil quand elle se perche pour allumer sa clope, esquissant une ombre de sourire quand elle reprend la parole.

«Merde, je croyais que je gagnais cinq ans de plus par taf, alors comme ça c'est que des conneries ? Choquant. »

Je fixe ma propre clope et je hausse les épaules, mon sourire se faisant plus large.

"J’espère que c’est des conneries. Parce que sinon, mon projet de crever d’un cancer du poumon avant 35 ans est foutu. Et j’ai pas d’autre idée lumineuse pour me foutre en l’air à petit feu à ce tarif-là."

Quoi ? Je devrais pas dire ça ? Tout le monde s’en fout non ? C’est pas comme si je le pensais vraiment. Bon, disons que je suis bien conscient que ça va bientôt être la merde pour moi si je continue à ce rythme-là mais c’est clairement le cadet de mes soucis. Et puis, il faut bien mourir de quelque chose.  Je la regarde empiler les pièces sans rien dire, avant de m’attarder sur elle. Je me rends même pas compte que je m’attarde sur le moindre de ses traits, sur des détails auxquels j’aurais jamais pensé avant. Elle a toujours été aussi mince ? Ses mèches de cheveux lui barraient déjà le visage comme ça quand on était mômes ? Elle plissait le front de la même manière avant quand elle se concentrait sur un truc ? Ouais, surement. Le temps a beau filer, y a des trucs qui changent pas. Elle a même pas le temps de répondre à ma question que j’entends son ventre réclamer d’ici. Pourtant, je garde une distance de sécurité avec elle, je voudrais pas risquer de faire une connerie, comme la repousser ou, pire encore, la prendre dans mes bras.

«Merci du compliment, t'as du tact, c'est affolant. »

Je ramasse la tour de pièces et je balance le tout sans ménagement dans la caisse. On verra ça demain, de toute façon, c’est moi qui ouvre. Et je la fixe de bas en haut, mon sourire se faisant plus franc.

"Si tu voulais du tact, t’es pas venu voir le bon frangin. Remarque, je suis pas sûr que tu serais venue voir la bonne famille tout court en fait. T’as une sale gueule, j’y peux rien. Tu préfères que je te dise que tu ressembles à une putain de princesse de conte de fées et que je m’attends à tout moment à ce que des oiseaux se mettent à gazouiller autour de toi ?"

Je me fige un peu quand elle dit qu’elle a rien bouffé depuis hier soir mais je préfère rien dire tout de suite. Parce que ça veut dire qu’elle est dans la merde et, à sa place, je détesterais lire la moindre trace de…de quoi au juste ? De compassion ? De pitié ? Ouais, un truc dans le genre. Alors, je me contente de la contourner, d’aller verrouiller la porte d’entrée et de baisser la grille. Je cherche pas particulièrement un truc intelligent à lui répondre. Même si je lui en veux, même si c’est loin d’être réglé, je lui dois au moins ça. La fierté, c’est tout ce qui nous reste.

"Y a un coin cuisine dans la salle de repos. J’ai une plâtrée de pâtes pour 12 que j’ai pas mangée ce midi, j’ai pas eu le temps. On partage. Et pas la peine de tenter de me piquer des boulettes, je préviens, je vais les compter avant."

Des boulettes. Je parle VRAIMENT de ça ? Non mais je deviens con ma parole. Mais genre vraiment. Remarque, ça lui rappellera peut-être les repas où on essayait de se les piquer en douce. Sauf que ça finissait mal des fois, souvent même, et que je suis pas persuadé que j’ai envie de me souvenir de tout.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyDim 30 Avr - 18:51


Franchement, elle sait pas comment Serghei a tenu à son job aussi longtemps. Parce qu'il vient de prendre deux secondes pour détruire son dur labeur – faire des tas, ça requiert de la précision et de la patience, ta gueule – pour tout refoutre en vrac dans la caisse, qu'importe le chiffre imprimé dans le dos des centimes. Si elle était patron, elle le garderait pas. Ouvre les portes, et dehors. Puis si elle était patron elle changerait la décoration aussi, les murs, et le sol, et la marchandise et elle se ferait tyran pour jamais bosser et toujours aspirer plus de fric. Plus que la pièce rouge qu'elle a gardé dans sa main droite et qu'elle fait aisément sauter par-dessus ses phalanges. C'est léger, une erreur de caisse. Ouais, elle ferait un excellent patron, parce qu'elle aime le fric et tirer au flan. Elle a déjà dit qu'elle aimait le fric ? Ça, c'est un truc de gens qu'en ont pas, ou de gens qu'en ont trop. Cette obsession à la con qui la perd dans les trous noirs et aspirent les billets verts hors des accrocs de ses poches. Elle sait pas garder, elle a, puis elle jette dans les paris douteux. Plus c'est suspect, plus elle lance. Loin, loin, loin. Elle aime un peu l'argent comme elle aime les gens. De l'autre bout de la planète, avec une certaine distance de sécurité. Mon espace, ton espace. Ou une autre référence à la con comme ça. « Si tu voulais du tact, t’es pas venu voir le bon frangin. Remarque, je suis pas sûr que tu serais venue voir la bonne famille tout court en fait. T’as une sale gueule, j’y peux rien. Tu préfères que je te dise que tu ressembles à une putain de princesse de conte de fées et que je m’attends à tout moment à ce que des oiseaux se mettent à gazouiller autour de toi ? » Une princesse. Princesse Elena Popescu, du comté des psychopathes et autres dérangés. Bienvenue. Y a de la place pour tout le monde dans ce domaine. « J'ai un flingue, Serghei. Si un jour ça m'arrive, les oiseaux, je les bute. La sale gueule avec. » Y a surtout de la place pour les dépressifs en tout genre, paraît que c'est dans ce coin là que se tient le congrès annuel. Finalement y a que son estomac qui tient la route dans la conversation. Son vide d'estomac, son triste d'estomac. Si l'appétit était comme la respiration, elle oublierait pas de bouffer. Donc c'est clairement de la faute à l'appétit, hein ? Elle a le temps de dresser le procès et l'audience alors que son frère s'occupe de fermer les portes et le rideau métallique. Clac. Plus qu'eux et un tiroir mal rangé et une estomac mal luné. « Y a un coin cuisine dans la salle de repos. J’ai une plâtrée de pâtes pour 12 que j’ai pas mangée ce midi, j’ai pas eu le temps. On partage. Et pas la peine de tenter de me piquer des boulettes, je préviens, je vais les compter avant. » Elle fronce des sourcils en même temps qu'elle veut rire, et ça fait un truc sympathique et moche. Enfin elle pense. Elle s'intéresse qu'à manger, les pâtes, c'est pas son kiff mais ça le fera. Pas de sous, pas d'avis. Pas de sous, pas de plaintes. Pas de sous, et des pâtes pour douze. Elle est pas putain de magnifique la vie aujourd'hui ? « Calme, je vais pas te voler ton apport en protéines, putain vous avez tous un problème avec ce besoin d'être viril dans la famille, c'est dingue. Vous avez peur de perdre vos couilles si vous commencez à chialer ? » Elle pense à Seven. Elle pense toujours à Seven de toute façon, elle sait même pas pourquoi elle prend le temps de s'arrêter pour le faire remarquer. Pire qu'une gamine qui pointe toutes les voitures du doigt depuis la banquette arrière au beau milieu de l'autoroute. Voiture ! Trauma ! Carambolage ! Amnésie ! Eh regarde Seven, elle sait faire ! Pire qu'une gamine, ouais. Faites la taire. « J'te suis, allez. Tu peux pas me vendre un repas de rêve comme ça et me faire attendre. » Il sent l'ironie qui dégouline ? Faut qu'elle fasse claquer ses talons plus fort, grincer ses dents plus aiguë, rejeter ses cheveux plus loin ? Sans attendre la réponse, elle marche derrière lui avec un rebondi exagéré. Princesse Elena Popescu. Les oiseaux qui chantent et toute la clique pour vous servir. Clic, boom. « Maman, maman, Serghei veut piquer dans mon assiette ! » c'est une voix de crécerelle qu'elle prend pour imiter mini-elle, les deux mains sur les épaules de son frère. C'est la perspective de bouffer qui la rend heureuse, ou c'est lui. Elle va dire que c'est les pâtes pour douze, d'accord. Sa majesté a une réputation à tenir, tout de même. « T'avais toujours peur de manquer. J'te jure. Je te prenais un truc et on avait l'impression que je t'arrachais un bras. Tu te souviens ? Et que même si j'avais la dalle, j'te laissais la fin de mes plats ? T'avais plus d'appétit que Mihail devant un bol de céréales, et ça veut tout dire. » Par contre elle lui donnait jamais le dessert, faut pas abuser. Ils restent frère et sœur.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyMer 3 Mai - 10:08

J’aimerais savoir ce qui lui est arrivé. Pas ce qui l’a poussée à partir, d’une certaine façon, je le sais très bien même si, comme pour les autres, une part de moi continue de se demander pourquoi. Vous savez, ce môme-là, celui qui tenait la main de Lena pour sauter du haut de ce muret beaucoup trop haut et qui s’est retrouvé à serrer le vide du jour au lendemain. Ce gamin qui ne comprend pas ce qui s’est passé et qui continue d’étouffer. C’est moi qui l’étouffe, je sais bien. Mais le laisser gueuler serait bien trop dangereux. Pour eux comme pour moi.  Parce que ça impliquerait d’avoir de vraies réponses et pas seulement des suppositions. Et je suis pas prêt pour ça. Je suis pas comme eux à réussir à me détacher des seuls trucs qui comptent vraiment, à m’en foutre et à leur tourner le dos. Parce que c’est le cas non ? Ils s’en foutent complètement. Elle comme les autres. Alors, qu’est-ce qu’elle fout là au final ? A jouer avec un putain de tas de pièces qui sert à que dalle, à venir appuyer là où ça fait mal alors que j’avais décidé que non, je sentirais plus rien. Et elle m’emmerde avec son jeans élimé, sa tête de fatiguée et cette envie que j’ai de veiller sur elle. Ça, on a dit non. Plus jamais. Et puis, de toute façon, ça marche pas, ça sert à rien.  J’ai plus envie de serrer ses doigts pour les voir s’échapper pour de bon encore une fois. Elle le sait ça ? Elle s’en rend compte ? Et si c’est pas le cas, pourquoi je lui dis pas ? Parce que c’est tellement mieux de raconter des trucs qui n’ont pas de sens, de faire des piles avec ces putains de pièces. Je devrais lui balancer et l’envoyer chier, avant qu’elle arrive à mettre le doigt dans la fissure et à se refaire une place dans ma vie. Et qu’elle se tire de nouveau. Mais non, je suis trop con pour y arriver. Je lève un regard dans sa direction et j’ai un ricanement alors que je secoue la tête à ses propos.

"Je sais pas ce qui est le pire, que tu saches te servir d’un flingue ou que quelqu’un ait été assez dingue pour t’en filer un. Remarque, t’as pas dit que tu savais l’utiliser. Et laisse donc ces pauvres piafs, au moins ils pourraient distraire l’attention de ta sale gueule."

Et je peux pas lutter contre le fait qu’elle ait faim. Parce que ça, je peux y faire quelque chose, sans que ça m’implique émotionnellement. Ouais, je connais ce terme, je sais qu’il y en a que ça épaterait. Pour le coup, je préfère finir de fermer le magasin, comme si de rien était, comme si j’avais pas ce fantôme qui me suit des yeux et qui me rappelle tout ce qui a pu merder dans nos vies. Parce que ouais, y a un paquet de trucs, ça je peux vous le garantir. Je reviens à sa hauteur et je peux pas m’empêcher de sourire à sa tête.

«Calme, je vais pas te voler ton apport en protéines, putain vous avez tous un problème avec ce besoin d'être viril dans la famille, c'est dingue. Vous avez peur de perdre vos couilles si vous commencez à chialer ? »

Je la toise un instant, me demandant à quel point elle se fout de ma gueule ou si elle veut juste que je l’envoie chier. Remarque, à sa place, je ferais ptet pareil, comme ça, je pourrais dire que j’ai essayé mais qu’elle a pas voulu.

"T’as le don pour déconner sur les sujets sensibles toi hein… et je vais te décevoir mais c’est pas de la viande, c’est des boulettes de soja. J’ai eu un moment d’égarement. Et vu le résultat à chaque fois que j’ai pu me mettre à chialer dans cette foutue famille, ouais, on peut dire que j’ai peur de perdre mes couilles. Sait-on jamais, que le vieux ait envie de faire un exemple."

Ouais, même aujourd’hui, même alors que j’habite plus chez lui. Moi, avoir toujours peur du paternel ? Evidemment que oui. A chaque fois, c’est pareil, je sens un frisson me parcourir l’échine, j’ai l’impression d’avoir de nouveau 14 ans et de voir notre père péter un câble à la disparition de Valérian. Et ça me terrorise, même 12 ans plus tard. Je me fige un instant avant de secouer la tête et de lever les yeux au ciel. Faire comme si de rien était on a dit et surtout, ne pas lui montrer que tout ça me touche beaucoup trop pour que j’arrive à gérer.

"Et encore, je t’ai pas parlé des yaourts au lait de soja qui t’attendent. Tu crois quoi, je vis dans le luxe moi madame."

Et je peux pas m’empêcher de bloquer quelques secondes quand elle se met à imiter la Lena du passé, quand elle pose ses mains sur mon dos pour me pousser vers la salle de repos. Je sais pas si ça me donne envie de rire ou de pleurer. Sauf qu’on pleure pas on a dit, c’est pour les pédés. Donc, dans le doute, je pique du nez et je me contente de garder le silence alors qu’elle a l’air super contente. Je laisse filer un silence quand elle reprend et que je sors les trucs du frigo. Se focaliser sur les trucs concrets, ça marche bien ça. Une assiette. Une autre. Des couverts, des verres. Des trucs qui demandent pas de se replonger dans un passé brumeux qu’elle a l’air de vouloir explorer. Je me retiens de lui demander pourquoi elle fait ça mais on en revient toujours au même point hein. Des réponses que j’ai pas envie d’entendre. Enfin, je suppose.

"Bin, vu ton gabarit, j’avais effectivement peur que tu bouffes tout pour arriver à me rattraper. J’étais en pleine croissance je te rappelle et visiblement, me laisser la fin de tes plats a été plutôt efficace non ? Mais t’avais genre encore vraiment faim ?"

Je balance une assiette remplie dans le micro-ondes et je finis par lâcher, sans pouvoir m’en empêcher.

"Non mais, en vrai, qu’est-ce que tu fous là Lena ? T’étais sérieuse avec ton histoire de repartir sur des bonnes bases ?"

J’aurais mieux fait de lui demander combien de boulettes elle voulait tiens.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyLun 8 Mai - 16:02


Y a des noms auxquels Lena devrait pas penser si elle souhaite garder un semblant de tête. Mihail, par exemple. Mihail, surtout. C'est un interrupteur sur le mur, autour, y a rien, du crépi qui tient pas grand chose. C'est un interrupteur sur lequel elle vient de s'adosser sans trop vouloir. Lumière crue sur tout, ou néant effrayant sur rien. Un coup sur deux, ça change. Les angoisses ont les envies qui balancent. Elle leur en veut pas, c'est humain. Mais depuis le temps, elle pense qu'elle devrait savoir, avoir une idée, se douter de quel cauchemar va venir la secouer dans son somnambulisme éveillé. Aujourd'hui, c'est bizarre. C'est lumineux, ça gueule pas encore. Ça rit, ça répond avec des mots qui frappent pas comme des poings. Ça clinque comme les pièces que Serghei arrive pas à ranger. C'est l'habitude qui lui fait serrer les dents à en limer le sourire. Lui fait se courber pour amortir les dégâts. Lui tire les commissures des lèvres vers le bas pour pas qu'on la croit faible. Elle est pas faible. Elle est pire. Elle a une vingtaine d'interrupteurs qui la rendent dingue, et une vieille manie de se coller aux murs. « T’as le don pour déconner sur les sujets sensibles toi hein… et je vais te décevoir mais c’est pas de la viande, c’est des boulettes de soja. J’ai eu un moment d’égarement. Et vu le résultat à chaque fois que j’ai pu me mettre à chialer dans cette foutue famille, ouais, on peut dire que j’ai peur de perdre mes couilles. Sait-on jamais, que le vieux ait envie de faire un exemple. » Un moment d'égarement. Faut lire comment ça juge sur le visage de la brune, de son oreille gauche en passant par l'arrête nez pour finir sur sa tempe droite. Je. Me. Fous. De. Toi. Okay, elle exagère. Elle se fout un peu de lui et ses boulettes de soja. Des boulettes de soja, s'il te plaît, pourquoi. Qu'est-ce qu'on t'a fait, c'est un mécanisme de survie, t'as mal géré ton enfance ? Merde. Elle a du écraser un autre interrupteur en chemin, ça la rend sarcastique. Ou c'est le bouton connasse, franchement, elle a pas de loupe pour relever les nuances. Bref. Elle a collé une épaule sur l'un, et un bout d'omoplate sur l'autre. Voilà. Belle connasse sarcastique. « Et encore, je t’ai pas parlé des yaourts au lait de soja qui t’attendent. Tu crois quoi, je vis dans le luxe moi madame. » Tu vis dans le luxe, elle vit sur un canapé. T'as des putains de yaourt au soja, elle a son agilité et son instinct de survie. T'as un job, elle a la flemme. T'es pas l'image du gamin qu'elle pensait retrouver, elle est sûrement pas celle à qui tu t'attendais. La vie, c'est un paquet de déceptions bien emballées. Leurs vies, c'est le stock entier des paquets, ceux qu'ont le papier d'emballage à moitié arraché, les invendus, ceux en promos, ceux qui se sont cassés la gueule contre la vitrine. Prenez, prenez, prenez. Servez-vous. « Bin, vu ton gabarit, j’avais effectivement peur que tu bouffes tout pour arriver à me rattraper. J’étais en pleine croissance je te rappelle et visiblement, me laisser la fin de tes plats a été plutôt efficace non ? Mais t’avais genre encore vraiment faim ? » Elle le laisse gérer la bouffe comme un grand – littéralement, encore un qu'a jugé super sympa de la dépasser sans lui demander son avis avant. L'attitude lui rattrape quelques centimètres en plus, puis la table sur laquelle elle se perche aussi en regardant l'assiette tourner dans le micro-ondes. « T'arrêtes de me sous-estimer un jour ? » T'arrêtes de douter de moi ? Elle t'a vu, fait pas semblant. D'un coup, y a la paranoïa qui vient lui souffler des trucs à l'oreille. C'est pour ça que t'as baissé le rideau métallique devant la porte, t'as peur qu'elle se barre ? C'est pour ça que tu lui proposes de quoi manger, tu sais que pour vous elle tient pas mais que pour des pâtes, elle peut faire des compromis ? « Tu crois quoi, si ça pouvait te faire chier, j'étais prête à me flanquer la gerbe et me resservir. » Elle a la dalle, quand est-ce que ça arrête de tourner. Le micro-ondes, l'assiette, sa tête. Tout. « Non mais, en vrai, qu’est-ce que tu fous là Lena ? T’étais sérieuse avec ton histoire de repartir sur des bonnes bases ? » Y a plus de bases, pas besoin d'être architecte pour constater que quelque part sur les plans, ça a merdé. C'est une bonne chose, elle pense. Elle est trop fatiguée pour déblayer le terrain. « Non. » Ça c'était l'ironie, pardon, elle rappuie dessus. « J'suis venue pour les boulettes de soja, c'est tout, j'savais que ça existait ces conneries mais j'étais pas sure que ça se vendait pour de vrai. Mystère résolu. J'peux repartir maintenant. Mais des yaourt aussi, Serghei, franchement ? » Tu peux pas, Serghei. « Ouais j'étais sérieuse, ça m'arrive des fois. Mais va pas le dire aux autres, s'ils le savent, j'vais devoir être comme ça tout le temps. J'ai pas la motivation. » qu'elle balance sur la même tonalité. Elle est trop absorbée par la perspective de se remplir l'estomac ; il faut que le micro-ondes sonne enfin pour qu'on la ramène sur terre. « J'sais pas comment faire. » elle avoue. « Mais j'essaie. Okay ? J'essaie. »
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyLun 15 Mai - 9:34

Qu’on soit d’accord, j’ai toujours su que la vie était merdique, loin d’être simple ou je sais pas quelle connerie dans le même genre. Mais, depuis quelques mois, j’ai réussi à me faire mon espèce de bulle, où j’ai presque l’impression d’être à ma place. Bien évidemment, cette bulle, je la garde aussi secrète que possible. Je dis pas que je vais jeter les membres de la famille qui tenteront de s’en approcher mais, quel que soit l’amour que je peux avoir pour eux, hors de question de leur proposer de venir de moi-même. Parce que c’est probablement le seul truc qui m’empêche de tout envoyer chier pour de bon, qui me fait tenir un peu plus longtemps, qui m’aide à revenir invariablement chaque dimanche, sous le regard parfois dédaigneux, souvent méprisant de mon cher paternel qui ne pige pas que j’aime bien mon boulot, que j’aime servir des gens friqués et, pire encore, que je vends des trucs technologiques. Genre je sais me servir d’un pc et tout quoi. Autant dire que, pour l’homme des cavernes, c’est limite de l’hérésie. Mais il dit rien, étonnamment, parce que je continue de venir, que j’explose pas et que ça fait plaisir à maman. Et après, j’oublie qui je suis, je me glisse dans la peau du petit hacker pas trop mauvais et cette colère qui ne quitte jamais ou presque se fait un peu moins omniprésente. J’ai plus envie d’aller péter des gueules quand je me marre tout seul. J’ai plus envie de leur dire à tous d’aller se faire foutre quand je vais boire un coup avec des collègues. Alors ouais, je sais que c’est juste une façade, qu’elle se lézarde un peu plus chaque et que là, face à Lena, elle vient de prendre une sacré baffe. Mais je m’y raccroche, à peu près autant que je m’accroche à cette rage dont je peux de toute façon pas me débarrasser. Pour autant, la rage, face à Lena, c’est pas la peine. Ce serait aussi utile qu’n parapluie pendant un cyclone.

Alors je parle, un peu trop. Carrément plus que d’habitude en fait, mais j’ai pas particulièrement envie de laisser le silence s’installer entre nous. Parce que je sais pas ce que ça pourrait donner, ce que je pourrais balancer comme énormité et je suis pas prêt à ça. Et puis, qu’elle essaie pas de se plaindre, au moins, je lui parle et je lui ai pas claqué la porte au nez. C’est pas comme avec l’autre connard qui n’a même pas intérêt à m’approcher. Ouais, je sais, pour un mec qui dit se foutre complètement de Valerian, je pense un peu trop souvent à lui, c’est pathétique. Mais j’y peux rien s’il me fait bouillir encore plus que les autres, si je lui en veux autant que … et merde, ouais, autant que ça me fait mal. Remarquez, ils se valent avec Lena. Les deux à qui je tenais le plus. De là à en tirer des conclusions de merde… mouais, c’est déjà fait depuis longtemps en fait. Bref. Je parle de boulettes et de je sais même pas quoi d’autre alors que je vois bien sur sa gueule qu’elle se fout de moi. Et c’est con à dire, mais ça me plait. Parce que ça veut dire qu’elle est là, que c’est bien réel, que je m’imagine pas une énième fois qu’elle a pu débarquer et que les choses vont s’arranger. Mais c’est pas parce que c’est réel que je gère ce qui se passe. Ca se saurait si je gérais quoi que ce soit non ?

Et puis, d’un coup, c’est elle qui parle. «T'arrêtes de me sous-estimer un jour ?» J’ai un sourire en coin alors que je la fixe un instant sans rien et que je finis par souffler, à mi-voix. "S’il y a bien un truc que je ferais jamais, c’est te sous-estimer frangine." Par contre, croire en toi, m’appuyer sur toi… plus jamais. Je laisse quand même filer un ricanement quand elle se dit prête à se filer la gerbe. Comme si ces foutues pâtes étaient plus importantes que le reste. Peut-être en fait. Je me prends trop la tête pour rien, c’est ça ? "Ah l’amour fraternel, y a rien de mieux pour une enfance épanouie, n’est-ce pas ?" Avec un peu d’amour filial et hop, on est bien là. Prêts à affronter le monde, à se sentir en confiance et surtout pas à se dire que tout va merder dès qu’on poser le pied dehors.

«Non. J'suis venue pour les boulettes de soja, c'est tout, j'savais que ça existait ces conneries mais j'étais pas sure que ça se vendait pour de vrai. Mystère résolu. J'peux repartir maintenant. Mais des yaourts aussi, Serghei, franchement ?» J’arque un sourcil à sa réponse avant de secouer la tête. "Okay, celle-là, je l’ai cherchée. Maintenant que t’as résolu ton mystère, tu vas te tirer encore une fois ? Jusqu’au prochain mystère ?" Ouais, j’essaie d’être léger mais je peux pas empêcher ce petit ton accusateur de transparaitre alors que je me frotte nerveusement les mains sur mon jeans. Tics nerveux. Ca faisait longtemps tiens. "Tiens, comme je suis généreux, je te file la réponse au deuxième mystère. Je suis allergique au lactose. D’où ces yaourts dégueulasses. Et d’où ces magnifiques moments de famille où je m’en prenais une parce que je me tordais en deux et que je voulais pas finir mon lait. Voilà, t’as de quoi tenir au moins 15 ans avec tout ça non ?" Le pire dans tout ça, c’est que ce que je dis sonne carrément plus pathétique que désagréable. J’arrive pas avec elle. J’ai pas envie de mordre, de l’envoyer chier. J’ai juste envie de la retrouver.

Alors, quand le bip du micro-onde retentit, j’attrape la plâtrée de pâtes que je pose sans ménagement devant elle. "T’en fais pas, les autres le croiront pas si je leur dis qu’il t’arrive d’être sérieuse va." J’inspire, le regard rivé sur le plat fumant avant de reprendre, sur le même ton qu’elle, comme si c’était pas vraiment pas important. "Parce que tu crois que je sais moi ? Et pourquoi ? Pourquoi t’essaies ?" Et si ça marche pas, tu vas te tirer, c’est ça ? Et ce sera de ma faute parce que j’ai pas réussi à te retenir encore une fois ? Et merde.
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyLun 5 Juin - 17:05


Elle galère tellement, elle n'arrive pas à trouver une bonne métaphore pour décrire la situation. Ça se passe bien, trop bien. C'est maladroit, mais ça passe. C'est exténuant, mais ça se voit à peine. Presque anodin comme discussion, et les foutues boulettes de soja qui continuent de tourner dans le micro-ondes sans fin. Elle essaie. Peut-être qu'elle devrait pas, qu'avec le temps et l'expérience elle aurait du piger que jamais ça marcherait. Alors elle reste sur ses gardes, elle sent que ça va finir par vriller. Comme d'habitude. Le jour où tout file droit, elle s'inquiète ou elle consulte. C'est pas programmé pour aller bien, ou aller droit, ou aller tout court. Y a un défaut dès le départ, défaut qui se la joue de plus en plus vicieux avec les années. Parce que maintenant, il laisse l'espoir. Un aperçu de ce qui pourrait se passer si elle était saine d'esprit. Normale. Il la laisse regarder, envier, jalouser, baver devant la vitrine. Puis il retire tout. Encore, et encore, et encore. Un coup sec sur la nappe. Mais Serghei relève pas, il continue de mener avec bravoure les mauvaises batailles. Comme justifier à tout prix ses choix culinaires. « Tiens, comme je suis généreux, je te file la réponse au deuxième mystère. Je suis allergique au lactose. D’où ces yaourts dégueulasses. Et d’où ces magnifiques moments de famille où je m’en prenais une parce que je me tordais en deux et que je voulais pas finir mon lait. Voilà, t’as de quoi tenir au moins 15 ans avec tout ça non ? » Donc c'est familial ? Parfait, elle qui pensait avoir développé la même pathologie à force de piquer dans les cartons de lait d'Asher. Encore un défaut de fabrication. Y autre chose à déclarer, monsieur l'agent, non ? Maintenant, c'est le bon moment. « T’en fais pas, les autres le croiront pas si je leur dis qu’il t’arrive d’être sérieuse va. » Dis leur que parfois, elle peut être drôle, c'est encore plus choquant. Dis leur que parfois, elle se marre et que ça sonne tellement bizarre à ses oreilles qu'elle doit rire encore plus fort par-dessus pour s'assurer que c'est bien d'elle que ça vient. Dis leur que parfois, elle enchaîne les quatre-cents coups chez Asher, avec le niveau d'imagination d'une gamine de dix ans et la même exécution. Ou ne dis rien du tout, ferme la à jamais. Peut-être qu'ils s'en foutent de savoir tout ça. Ils la connaissent plus. Elle pourrait être n'importe quoi, elle pourrait être n'importe qui. « Parce que tu crois que je sais moi ? Et pourquoi ? Pourquoi t’essaies ? » Pourquoi, pourquoi, pourquoi. La fourchette dans sa main tient pas longtemps, déjà ça tremble de trop pour espérer que ça fasse pas du bruit en tombant dans l'assiette. Ça en fait. Un bordel monstre. Elle fusille du regard les spaghettis à peine entamés. Et revoilà ce connard de défaut, le grand retour que personne ne voulait voir venir. Mains sur la nappe, prêt à tirer au moment opportun. Elle sert les poings, les dents, étouffe l'impossible. Ne tire pas cette putain de nappe, sinon, elle jure que … « PARCE QUE. » trop tard. Tout part en éclats, les nerfs claquent comme un élastique trop tendu. Elle ose même pas regarder Serghei, faut qu'elle rumine son monologue en fixant la table. La table sans nappe. La table dégueu parce que forcément, elle a foutu un coup accidentel dans l'assiette et ça en a foutu partout. Elle est pas loin de s'époumoner quand elle reprend. « Il faut une raison à tout, c'est ça ? On peut pas vivre tranquille sans qu'on nous demande pourquoi. Pourquoi hein, pourquoi Serghei. » Elle crie désormais. Si ça fait pas trembler les verres, ça fait trembler ses mains. Elle se retient de pleurer de frustration. « Pourquoi tu bouffes tes trucs immondes au soja, Serghei, et toi tu réponds parce que t'es intolérant au lactose, mais putain, t'es obligé de déballer tout ton historique médical ?! Tu peux pas juste dire que c'est parce que t'as envie ? » C'est ridicule, et elle se paume dans le message qu'elle essaie de faire passer. C'est la faute à ses putains de boulettes et ses putains de questions et sa putain de compassion qu'elle veut pas accepter. Elle lui fait mal, ta compassion. Ça va droit au cœur et perfore l'artère en ressortant. « Et pourquoi par ci, et pourquoi par là. Lena, pourquoi t'es partie. Lena, pourquoi tu fais la gueule. Lena, pourquoi tu t'emportes. Lena, pourquoi t'as essayé de te flinguer, et pourquoi, pourquoi, pourquoi putain mais on s'en fout du pourquoi, Serghei. ON S'EN FOUT. » Il comprend, il voit ce qu'elle veut dire ? Elle a l'impression qu'y a qu'Asher qui pige pour l'instant, parce qu'il demande pas. C'est à peine s'il a cherché à comprendre la première fois où il l'a vue et pourtant, merde, c'est elle qui s'est introduite dans son appartement, pas le contraire. Elle soupire de façon dramatique, personne ferait jamais ça dans la vraie vie. Personne serait calme, posé, compréhensif. Personne prendrait le temps d'expliquer ses arguments, personne aurait pas l'impression qu'on l'attaque ou qu'on cherche à la piéger. Mais Elena recule la chaise à en faire pleurer le parquet, se lève brusquement, s'entête à enfoncer le couteau un peu plus profond. « Ça t'a jamais traversé l'esprit que des fois, souvent, les gent font, et c'est tout ? Que les gens ont pas plus à dire ? Que les gens veulent pas dire plus ? Que les gens savent pas eux-mêmes ? Qu'ils ont pas décidé d'écrire une foutue thèse sur le sujet pendant la nuit pour faire plaisir à tout le monde ? » Et surtout pas à leur famille ? A court de souffle, elle arrête, suffoque sur le dernier mot. « Désolé. Oublie. Merci pour la bouffe, j'vais y aller. »
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MessageSujet: Re: Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena    Les pires histoires sont des histoires de famille... | Lena  EmptyMer 7 Juin - 9:57

Y a un truc qui cloche. Je sais pas ce que c’est, j’arrive pas à piger exactement ce qui va de travers mais ça va pas. Parce que j’ai pas envie de l’envoyer chier ? Ouais peut-être, j’en sais trop rien. Parce qu’elle a pas tant changé que ça Lena ? Qu’elle est toujours aussi acerbe, aussi piquante mais que merde, ça m’avait grave manqué ? Pourtant, je vois bien qu’elle a un poids qui pèse sur ses épaules et un truc au fond des yeux qui va pas. Mais ça, je vais pas le pointer du doigt parce que c’est notre cas à tous. On arrive juste à plus ou moins bien le cacher selon les jours. Pour un peu, je me dirais qu’on a une discussion normale entre frère et sœur, que tout va bien.

Ah ouais, c’est ça le truc qui va pas. Alors je raconte de la merde, des trucs inintéressants, comme pour lui donner l’impression que non, je lui en veux plus vraiment, que j’ai réussi à m’y faire. Bon, pour le coup, c’est vrai ça, j’ai presque réussi à m’habituer à son absence. Ouais, je sais, y a le presque qui fait tout. J’ai surtout fini par me faire à ce creux dans l’estomac qui veut jamais s’en aller, qui persiste et se rappelle à moi généralement quand il faut pas. Vous savez, un peu comme une plaie à vif sur laquelle on appuie, histoire de voir si ça fait toujours mal ou non. Bah Lena, c’est pareil. Une putain de plaie qui veut pas se refermer. J’essaie de l’ignorer, la plupart du temps ça marche plutôt bien et j’arrive même à me dire que j’ai une vie normale. Aussi normale que possible vu mon passif quoi.  Et je sais pas, je me dis que ça pourrait coller, qu’on pourrait vraiment y arriver tous les deux.

«PARCE QUE » Okay ou pas donc. Je sais, j’ai posé trop de questions. Mais merde, ça fait des années qu’elles tournent en boucle dans ma tête. Et encore, c’est pas vraiment toutes celles que j’avais en tête en plus. Par contre, elle croit vraiment qu’en montant d’un cran je vais l’écouter ? Elle a oublié à qui elle parle ou quoi ? Je déteste qu’on me gueule dessus. Bon faudrait être un peu pour aimer ça je sais bien, mais là, ça me renvoie juste à des soirées glauques, des souvenirs que je veux garder enfouis, enterrés bien loin de la surface et que je veux jamais voir remonter. Et j’aimerais qu’elle la ferme, qu’elle bouffe ses putains de pâtes, que j’ai encore cette impression, aussi fugace et fausse soit-elle, que ça pourrait s’arranger entre nous. Mais non, elle continue. Et merde. Merde. Merde. Merde. «Pourquoi tu bouffes tes trucs immondes au soja, Serghei, et toi tu réponds parce que t'es intolérant au lactose, mais putain, t'es obligé de déballer tout ton historique médical ?! Tu peux pas juste dire que c'est parce que t'as envie ? »  Je hausse une épaule avant de lâcher, d’un ton que j’aimerais rendre encore plus sec mais qui sonne juste carrément pathétique à mes oreilles. "J’en sais rien moi, peut-être que j’ai envie de croire que tu t’intéresses à ma vie, qu’après tout ce temps, c’était pour ça que t’étais là. Mais ouais, je suis con, c’est pas ce que t’es venue chercher hein, t’en as strictement rien à foutre, j’ai noté le message subtil." En fait, plus ça va, moins je comprends ce qu’elle fout là. Elle s’attend à quoi en fait ? A ce que je l’envoie chier pour de bon ? A pouvoir arracher une page qu’elle a déjà tourné depuis longtemps ? A la pensée qu’elle a juste envie de rayer de sa vie pour de bon, j’avoue, je me crispe et pas qu’un peu. Et pendant qu’elle commence à trembler à gueuler, à raconter je sais pas quoi, moi je me renferme petit à petit. Je savais qu’elle reviendrait pas pour de vrai, j’ai bien fait de pas y croire

Et je me fige totalement alors qu’elle continue et que je sens mes mâchoires se contracter à chacune de ses paroles. Elle est sérieuse là ? Elle me prend vraiment pour un con ou c’est juste une impression trompeuse ? Et je dois réagir comment là ? Lui sourire et faire comme si tout allait bien ? Comme si elle était pas en train de raconter de la merde ?
"Et toi, au lieu de te centrer sur ton putain de nombril, ça t’es pas venu à l’idée que les gens en face avaient besoin de réponse ? D’essayer d’avoir une explication qui tienne la route et qui soit pas juste « oh non, c’est comme ça et démerde-toi avec » ? Parce qu’ils tiennent à toi, que tu leur manques ou je sais pas quelle connerie dans le même genre ? Putain mais pourquoi tu t’es pas contentée de dire un truc du genre « j’ai envie de retrouver mon frère » ? Juste ça ou n’importe quelle autre merde de guimauve qui aurait très bien fait l’affaire. Je te demandais pas plus merde. Mais nan, t’es obligée de m’exploser à la gueule toutes tes conneries et de me donner l’impression d’être un connard qui pose les questions qui faut pas. Je m’en fous que tu dises pourquoi t’es partie ou pourquoi t’es revenue. Je voulais juste que… et merde !" Je me rends compte que j’ai toujours mon foutu plat entre les mains et je le balance d’un geste rageur contre le mur en face de nous. Au temps pour le repas nourrissant tiens. "Tu crois vraiment que j’ai pas envie de vivre tranquille ? Mais que j’avais quand même envie que tu dises plus parce que t’es MA SŒUR putain ! Et que t’es revenue alors que j’y croyais plus, et que…" Je soupire, incapable de finir ma phrase une fois de plus. De toute façon, c’est foutu non ? Une fois de plus. Une fois de trop peut-être.

«Désolé. Oublie. Merci pour la bouffe, j'vais y aller » Là, c’est juste la phase de trop. Surtout après tout ce qu’elle vient de balancer. "Si tu te tires encore une fois, surtout maintenant, c’est même pas la peine de revenir. Jamais. Et pour qu’on soit bien au clair, c’est toi qui auras tout foutu par terre pour de bon. Pas moi avec mes questions." Je croise les bras, la mine butée, le regard dans le vide. J’ai juste envie de lui dire de pas me laisser encore une fois. Pas elle. J’ai juste envie de la prendre dans mes bras, d’oublier tout ce qui a pu se passer, d’arriver à passer à autre chose, genre pour de vrai. Dans le fond, j’ai pas besoin de comprendre le pourquoi du comment. Tant qu’elle est là. Et je souffle, dans un murmure, redevant l’espace d’un instant le gamin qui lui courrait après, qui la suivait dans toutes ses conneries. Ce gamin sur qui elle a claqué une porte, jurant que c’était pour m’aider à faire tomber cette dent branlante. Ce gamin qui a toujours eu une confiance aveugle en elle et qui demande juste à réapparaitre, même une demi-seconde. "Reste…" S’il te plait.
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