Ta la langue qui dépasse un peu de tes lèvres, tu fais toujours ça quand tu t’applique, quand t’es concentré, plus que concentré même. Et tu l’est, concentré, ton stylo à la main, ton gobelet dans l’autre. Tu t’applique, essayant de dessiner quelques choses de mignon à coter de son prénom. Ca prend du temps, certes mais il n’y a pas grand monde à cet heure-ci dans le petit café, alors tu peux bien te permettre quelques extra. T’es plutôt fière du résultat, du petit dessin à coter de son prénom, et tu t'atèle alors à fabriquer sa boisson, le chai latte. Tu fais tourner les bidon, fais valser les récipient, fais fumer les machines, bouillir le lait, le thé, le tout verser dans son gobelet. C’est toi la reine des boissons chaude. « Alexander ? », que tu l’appel, prête à lui remettre sa boisson et te débarrasser de lui. Tu soupire en l’observant partir, renversant au passage les derniers bidon dans l’énorme évier. Il est tard, ta envie de rentrer, ou au moins d’en finir de prendre une pause et de partir boire un verre en ville, de retirer ce tablier et d’oublier les Latte, et autres boissons chaude. T’aime ton boulot, c’est pas ça, c’est juste que parfois il t’arrive d’avoir envie de prendre du bon temps. Comme ce soir.

Tu t’approches d’elle, alors qu’elle est en plein comptage des boîtes de serviettes en papier. Une tache fabuleuse et très intéressante. « On lui dit qu’on ferme ? », tu donnes un coup d’œil en direction de la salle, lui montrant par la même occasion ce vieux monsieur qui lit son journal autour d’un expresso des plus classiques. C’est un habitué ce monsieur-là, tu le vois presque tous les jours, s’attabler à la même table, devant le même café, avec le journal du jour. Tu l’aime bien, sans vraiment le connaitre, tu l’aime bien, il te fait parfois de la peine, parce qu’il a l’air seul, et triste. T’ira lui parler un jour, un de ces quatre, mais pas ce soir, pas maintenant. Tu joues la main vers elle, jouant avec une mèche de ses cheveux bruns. « On pourrait compter ces serviettes ensemble… », ou bien ferait autre chose de plus intéressant, tu n'avais jamais eu une passion pour le comptage de serviette en papier… Et puis il ne restait qu’une petite demi-heure avant l’heure de fermeture officielle, tu’es presque sûr que ton patron ne dira rien pour cette petite entorse au règlement.

T'as pas vraiment de vocation toi. Enfin si, tu veux devenir psychologue. La bonne blague. T'es déjà pas foutue de t'occuper de tes propres soucis que tu veux t'occuper de ceux des autres. Il n'y a aucune logique là dessous. Aucune vraiment. Mais c'est comme ça. Alors tu vas travailler. Au Starbucks parce que être serveuse, c'est la seule chose que tu sais faire pour le moment. Barista aussi. Parce qu'au moins ici, tu ne te contentes pas d'errer de table en table pour récupérer des assiettes à moitié mangée par de riches crétins bien trop peu attaché à l'argent pour ne pas le gâcher. Enfin, tu ne t'en plains pas parce que dans les resto où tu bosses, tu peux parfois récupérer à manger. Tu fais pitié dans ces moments là, tu le sais. Mais de toute façon à quoi bon lutter. T'as pas de fric, c'est comme ça. Au Starbucks c'était plus compliqué de faire ça mais t'avais des réductions sur tous les produits alors il était facile pour toi manger à moindre coût. Puis il y avait autre chose de plaisant par ici. Mad, ta collègue. Plaisant c'était le mot. Tu la vois s'affairer derrière le comptoir alors que toi tu prépares la fermeture. Tu récupères tout ce qui traîne sur les tables et les range ou les jettes. Puis les serviettes. Qu'est ce que t'as horreur de ça. Mais il faut le faire. Tu te dis qu'en les mettant à disposition, ça limite le risque de passer trois heures à récupérer les tables et que les gens auront assez de civilité pour ne pas laisser traîner trop de miettes. Tu sais que ce n'est qu'une douce utopie. Mais l'espoir fait vivre dit on. Une voix te sort de ta rêverie. " Putain oui j'en ai marre. " Tu siffles ça entre tes dents malgré tout en rigolant. Oui, tu en as marre qu'il reste là à attendre. Il faut le virer. Surtout que Mad glisse sa main vers ta joue pour commencer à jouer avec tes cheveux. Tu la laisses faire, posant un sourire charmeur sur tes lèvres. " J'aime bien cette idée. " Tu attrapes sa main et poses un léger baiser dessus avant de t'approcher de l'homme, laissant à contre coeur la brune pour le moment. " Je suis désolée de vous déranger monsieur mais nous allons fermer. " Tu lui dis ça avec le plus de calme possible et surtout de douceur. Tu souris, de bienveillance bien sur. Il s'excuse avant de plier son journal et partir. Il vous salue, vous souhaitant une bonne soirée. " Je suis certaine qu'elle sera bonne. Bonne soirée à vous aussi. " Il s'échappe et tu fermes la porte derrière lui. " Nous voilà seules. " Tu dis ça presque comme si tu te trouvais dans un film d'horreur. Avec ta proie. Tu t'approches d'elle, démarche plutôt féline d'ailleurs. Tu poses tes mains sur ses hanches et l'attires à toi. " Alors, on les compte ces serviettes ? "

T’aime bien ton boulot, de tous les petit boulot merdique que tu pouvais faire sans diplôme, c’est surement le meilleur des petits boulots. Celui qui te ressemble le plus a vrai dire, qui te convient le plus. Parce que le café est bon –très bon-, le rythme plutôt tranquille, et le contact avec les gens plutôt facile. Et c’est tout ce qu’il te faut à toi, du contact, des paroles, des rencontres. C’est tout ce que t’aime. Et tu’es bien mieux ici à écrire des prénoms sur des gobelets plutôt qu’a classé des dossiers dans un petit bureau où tu serais obligé de supporter une collègue bipolaire. Parlons-en de tes collègues au Starbuck, tous plus gentils les uns que les autres, parlons-en de cette collègue un peu particulière, d’Iris. T’adore passer du temps avec elle, t’adore travailler avec elle, parce qu’elle est toujours de bonne humeur, parce qu’elle n'est pas du genre à tirer la couverture vers elle, et puis pour un tas d'autres raisons charnelles et passionnelles. Tu t’approches d’elle, lui demandant s’il faut virer le dernier client, lui annoncer que vous fermez, qu’il est temps de partir. Tu l’aime bien ce vieux monsieur, il te fait un peu de peine et tu t’es promis d’aller lui parler un de ces quatre. " Putain oui j'en ai marre. ", tu l’observes rire, ricane à ton tour en jouant avec une mèche de ses cheveux, lui proposant de l’aider à compter les serviettes. " J'aime bien cette idée. ", elle attrape ta main, y dépose un baiser avant de te laisser là, de l’autre côté du bar. Et tu l’observes discrètement parler à ce vieux monsieur, tu sais pas vraiment ce qu’elle lui dit, surement que vous devez fermer, qu’il est temps pour lui de partir et qu’il pourra revenir demain . Heureusement que c’est elle qui est allé le voir, toi tu’aurais jamais pu le laisser partir sans lui parler plus longtemps, sans même lui demander s’il voulait de l’aide pour rentrer chez lui, ou juste de la compagnie. T’es terrible. Il se lève enfin, vous salue en vous souhaitant une bonne soirée. " Je suis certaine qu'elle sera bonne. Bonne soirée à vous aussi. ", elle l’accompagne jusqu’à la porte, la verrouillant derrière lui. Tu l’observes s’approcher de toi, faire le tour du bar. " Nous voilà seules. ", qu’elle t’annonce en t’observant, marchant vers toi avec une démarche de femme fatale. Ça te fait sourire, tu l’observes au bord du rire alors qu’elle continue de s’approcher, plaçant ses mains sur tes hanches pour coller son corps contre le tien. Tu poses une main sur sa clavicule, l’autre sur son bras. " Alors, on les compte ces serviettes ? ", tu tourne la tête vers les paquets de serviettes qui attendent d’être compté. Est-ce que t’as vraiment envie de compter ces serviettes ? Non. Non pas la moindre envie. T’adopte une moue boudeuse au coin des lèvres, plongeant tes yeux dans les siens. « On peut pas les compter à vue d’œil ? », tu passes tes mains autour de son cou, « genre je dirais qu’il y en a 488. Ou 492, pas plus ».