Le ciel a beau être gris tu prends plaisir à te balader. Tu as choisi le port pour havre de paix. De toute façon tu as besoin de te vider l’esprit. De penser à autre chose qu’aux résultats des testes de Joe. Tu les attends désespérément. Tu espères qu’ils seront positifs, après tout c’est ton frère et surement la personne la plus compatible avec toi. Mais il y a cette infime part de doute qui peut tout faire basculer. Et mettre à néant tous tes efforts et surtout tous tes espoirs. Alors tu marches le long du port. Même si quelques gouttes de pluie commencent à tomber. Tu continues à avancer. Alors que la plupart des gens cherchent un abri ou à rentrer chez eux. Toi tu t’en moques. La pluie tu aimes ça. Elle te fascine. Tu passes depuis ta plus tendre enfance des heures à la regarder tomber. Combien de fois ta mère t’a engueulé parce que tu rentrais trempée, tes longs cheveux dégoulinants le long de ton corps. Tu sens que ton cœur s’allège alors que les gouttes de pluie se font plus intenses. Elles ricochent sur la peau nue de tes bras. Elles tapotent ta nuque comme des notes de musique. Et tu aimes cette mélodie douce et apaisante qui vient résonner dans ta tête. Elle te berce depuis si longtemps. Tu te retrouves rapidement seule sur le port. Et dans ce silence tu écoutes chanter la pluie. Tu as presque envie de sauter dans les flaques qui commencent à s’étendre sur la route. Mais si les piétons sont partis, les voitures, elles persistent. Petit à petit la pluie s’intensifie. Elle coule sur des cheveux. Elle mouille tes joues comme le ferait des larmes. Tes vêtements se collent un peu plus à ta peau. Tu frissonnes mais c’est plus à cause du plaisir que tu ressens qu’à cause du froid. Tu trouves un banc à l’abri et tu t’y installes. Au moins le temps que le gros orage passe. Car là, les gouttes se sont faites plus voraces. Ton regard s’attarde sur le spectacle qui s’offre à toi. Les gouttes cognent sur la route, rebondissent. Elles glissent sur l’eau. Dessinant à perte de vue des cercles qui s’enlacent. Tu aimes la douceur que prend la température de l’air et l’odeur d’humidité qui s’installe. C’est grisant. A cet instant tu ne penses à plus rien. Tes soucis s’envolent un temps. Tu oublies ta maladie. L’impératif de ta greffe. Le choix que tu devras faire si Joe n’est pas compatible. Le retour à New York qui risque de se faire dans la douleur. Tu oublies tes cauchemars que la mort de ton frère Jack cause encore, même après quatorze années. Tu oublies tes démons qui se font bien trop présent ces derniers temps. Tu penses juste à la pluie qui tombe et au plaisir que cela ta procure. Et ce plaisir glisse sur ta peau, comme sur ton cœur. Avec douceur. Tu ne fais même pas attention à l’ombre qui se fait plus présente. Non tu laisses le monde qui t’entoure pour te retrouver comme dans une bulle. Une bulle entourée de pluie. De petites gouttes qui dansent et chantent de plus en plus forts. Tu sursautes juste quand tu attends un bruit de pas. Avant qu’une voix vienne troubler le silence apaisant du chant de la pluie.

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