« Lorsque l'on meurt ou que l'on souffre d'une horrible perte nous traversons tous cinq étapes de la peine. On passe par le déni car la perte n'est pas envisageable, on ne peut imaginer que c'est réel. On s'énerve contre tout le monde, contre les survivants, contre nous-même. Puis on trouve un arrangement, on supplie, on implore, on offre tout ce qu'on a, on offre nos propres âmes en échange d'un jour de plus. Quand les négociations échouent la colère est difficile à contenir, on tombe dans la dépression, le désespoir, jusqu'à ce qu'on accepte finalement que l'on a tout tenté. On abandonne. On abandonne et on accepte. Le chagrin peut être une chose que l'on a en commun mais il est différent pour tout le monde. Il n'y a pas que la mort dont on fait le deuil, de la vie, d'une perte, d'un changement. Et on se demande pourquoi ça bloque autant parfois, pourquoi ça fait tant de mal mais la chose dont on doit se souvenir c'est que ça peut changer. C'est comme ça qu'on reste en vie, quand ça fait si mal, qu'on ne peut plus respirer, c'est comme ça qu'on survit. En se rappelant, qu'un jour, qu'en quelque sorte, vous ne le ressentirez plus de la même manière, ça ne fera plus aussi mal. Le chagrin vient à chacun en son temps, de sa propre manière. Alors le mieux que l'on puisse faire, le mieux que chacun puisse faire est de recourir à l'honnêteté. Le truc vraiment merdique, la pire partie du chagrin est que vous ne pouvez le contrôler. Le mieux que l'on puisse faire est d'essayer de laisser nos sentiments quand ils viennent. Et les laisser partir quand on peut. La pire chose c'est qu'à la minute où vous pensez l'avoir surmonté, ça recommence. Et toujours, à chaque fois, vous ne pouvez plus respirer. Le chagrin comporte cinq étapes. Elles nous semblent à tous différentes, mais il y en a toujours cinq : le déni, la colère, les négociations, la dépression, l’acceptation. »


Le décès de ton père n’a jamais été quelque chose de simple dans ta vie, tu l’as découvert de tes propres yeux. Il était à seulement quelques mètres de chez lui, sur le chemin ordinaire qu’il faisait chaque jour. Il n’y avait rien pour expliquer ce fait, une maladresse, un relâchement dû à la proximité du point d’arrivé. Une chose était sûre, tu l’avais vu, dans sa voiture, le sang qui coulait le long de son visage, les yeux fermés, la tête posée sur l’airbag. Même si tu aurais voulu faire tout ce que tu pouvais, il était déjà parti. Tu es resté près de cette route pendant des heures, sans même pouvoir dire un mot, sans pouvoir marcher. Les larmes ont coulé le long de tes joues, ton coeur s’est calmé et commence à reprendre un rythme régulier. Tu étais en état de choc et tu l’as été pendant plus d’une semaine. Tu ne parlais plus, tu refusais de manger et tu ne dormais plus de la nuit. Tout te rappelait ton père, des musiques, ses vêtements, son odeur. Tu n’arrivais pas à continuer de vivre dans un endroit ou tu croisais toutes les secondes quelque chose lui appartenant. Lors de l’enterrement, tu n’as pas réussi à tenir jusqu’au bout. Tu as attendu que tout le monde parte pour être enfin seule auprès de sa tombe. Les larmes coulaient à flots, ta respiration était saccadée, et tes mains rougies par le froid. Tu déposais une rose blanche à côté de son prénom, déposant un simple baiser sur le marbre. Tu venais de lui faire tes adieux, mais si tu savais dans le fond, qu’il serait toujours là près de toi. Les semaines suivant le drame étaient longues et toujours les mêmes. Tu te rendais en cours, tu rentrais, prenais ta douche et tu allais dans ta chambre pour t’y enfermer jusqu’au lendemain matin. Tu ne mangeais plus, et dès que tu te forçais, tu vomissais dans le quart d’heure qui suivait. Tu perdais beaucoup de poids, ton visage était pâle, creux, sans aucune émotion. Ce fût la plus dure période pour toi, pourtant tu as commencé à te relever. D’une façon ou d’une autre, tu n’avais pas le choix, tu devais te battre pour lui, il n’aurait jamais accepté à te voir ainsi. Ils étaient bien loin de s’imaginer ce que tu faisais dans ta chambre, tu n’étais pas en train de travailler, mais plutôt en train de fumer des joints. Il n’y avait que ça qui t’aidait, du moins qui te permettait de revoir ton père, d’oublier la souffrance pendant quelques instants. Tu as plongé, tu es devenu une personne très peu fréquentable, toujours camé ou alcoolisé, plus personne ne savait quoi faire de toi…

C’est ainsi qu’est arrivé la fameuse dispute avec ta mère, elle ne pouvait plus te supporter de te voir te détruire. Elle, elle avait refait sa vie et rencontrait des nouveaux hommes, à croire qu’elle avait réussi à oublier son mari en un claquement de doigt. Chose que tu n’avais pas supportée, un soir tu l’avais suivi jusqu’à ce fameux restaurant. Tu avais beaucoup trop bu et fumé et pourtant tu n’avais pas hésité une seconde à t’installer à leur table, crachant tout ton venin au visage de ta mère. Des paroles blessantes, méchantes, et en guise tu avais reçu une magnifique gifle. Un sourire narquois sur tes lèvres, ni une, ni deux tu étais rentré chez toi. Tu avais cassé tout ce que tu avais croisé et tu avais finalement fait tes valises. Emportant toutes tes affaires, tu avais même pris les cadres de ton père, l’argent de ta mère qui trainait dans un bocal rangé en dessous de ses chaussettes. Tu avais pris la fuite, ne voulant même plus t’expliquer avec ta mère comme avec ta soeur. Tu étais bien assez grande pour prendre tes propres décisions, tu avais un pied-à-terre chez ton cousin éloigné. Il t’avait offert une magnifique chambre dans son appartement, il te permettait de faire ce que tu désirais et c’est bien grâce à lui que tu avais finalement obtenu ton diplôme. Les mois se sont succédé et tu avais finalement appris que ta mère avait déménagé pour New York. Elle avait retrouvé un homme, et elle voulait le suivre, ce qui n’était pas plus mal. Elle avait coupé tes vivres, tu n’avais absolument plus un centime sur toi. Heureusement, ton cousin t’avait fait rencontrer sa meilleure amie. Une escort girl, jamais tu n’aurais pensé devenir une femme comme ceci. Mais tu n’avais pas le choix, tu voulais ton propre appartement, ta propre vie. De plus, tu ne pouvais plus te payer ta drogue et ça te devenait de plus en plus compliqué de vivre sans. Tu as accepté ce job, et au final tu as commencé à y prendre goût. Tu gagnais de l’argent, suffisamment pour avoir un appartement et faire des plus par la suite. Tu avais abandonné l’idée d’être médecin, tu préférais oublier chaque petite chose qui pouvait te refaire penser à ton père. Au bout de trois mois, tu avais suffisamment économisé pour te prendre un petit loft, tu reprenais ta vie en main. Tu commençais à te faire tatouer, pour au final apprendre à tatouer et à te faire tes propres tatouages.

Ton métier te permettait de rencontrer beaucoup de monde et tu as rencontré ce fameux jeune homme, une fois ton travail terminé. Cette soirée avait été merveilleuse et tellement différente des autres, tu avais été payé seulement pour accompagner un homme pour un gala de charité. Tu avais donc décidé de continuer la soirée toute seule dans un bar. C’est là que tu avais sa rencontre, cet homme, tu l’appréciais, et tu as fait plus ample connaissance. Une amitié puis est venu le couple, une situation pas forcément évident avec ton travail et le sien. Pourtant tout se passait plutôt bien, jusqu’au retour de son ex, cette femme dont il avait parlé quelques fois. Il te largua sans donner réellement des explications, mais dans le fond tu en souffrais. C’était la première relation que tu avais eue après la mort de ton père, tu t’étais promis de ne jamais t’attacher à une personne, tu ne voulais plus souffrir et là tu recommençais. Tu n’as pas supporté cette séparation et sans prévenir, tu quittais la ville pour voyager, changer d’air. Tu as fait le tour du monde en quelques mois, tu ne restais jamais bien longtemps dans le même pays. Au bout de huit mois, tu avais besoin de retrouver ta ville, ton travail, tes amis. C’est ainsi que tu es revenu à Savannah, bien plus forte et décidé à recommencer une nouvelle vie. Tu n’as plus de nouvelle de lui, et tu n’as pas forcément envie de le recroiser. Tu as repris ton travail, là où tu l’avais laissé, tu as réaménagé ton appartement, tu as retrouvé ton cousin, tu t’es enfin retrouvé.