Ça fait déjà deux semaines que je n'ai pas eu de nouvelles de toi. Je viens souvent ici pour vérifier, et parfois je pense que le papier s'est envolé, mais j'en doute. Depuis la toute première fois, tu as su comment te faire voir. Je pense que c'est la première fois dans ta vie que quelqu'un t'a vraiment trouvée.
J'espère que tu vas bien. J'ai peur qu'il te soit arrivé quelque chose, et je n'ai aucun moyen de le savoir. Ça me va moi, sans nom, sans visage. Parce que je sais que rien ne sera pareil si on se connaissait pour de vrai. J'espère que tour va bien et qu'il ne t'est rien arrivé. Pourtant tu me connais, c'est pas mon genre de m'inquiéter, surtout pas pour les autres. Mais tu chamboules un peu tout ça, depuis le jour où t'as trouvé ces mots qui ont fini par t'appartenir. À la base, quand j'suis retourné ici et que j'ai vu la petite enveloppe bleu ciel, j'étais en colère, (je te l'ai jamais dit), parce que c'était comme si quelqu'un s'était immiscé dans ma chair, j'avais écrit les mots en crise, avec mes mains tremblantes, et toi t'es arrivée comme ça avec la douceur. C'était bizarre, mais c'était bien. Ce qu'on a, j'aime bien. Et comme d'habitude, je parle de moi de moi et de moi. C'est ma manière d'extérioriser mon inquiétude, c'est de ta faute du coup, t'as qu'à me répondre.
J'espère que tu m'écriras.
Prends soin de toi.

Sol.

Tes mots m’ont fait comprendre quelque chose d’important. Que depuis deux semaine je reste chez moi à regarder ta dernière lettre au lieu de répondre par peur. Par honte aussi. Honte de ce que je suis, de ce que je pense et que peut être je n’avais plus le droit de te parler comme avant. Pourtant j’ai continué à passer à notre endroit. Tous les jours, presque par « erreur » en allant acheter le lait, juste pour voir si tu avais laissé un autre message. Je suis égoïste. Mais en lisant tes mots je me suis rendu compte que ne plus te répondre était encore plus égoïste. Encore plus honteux, et que je deviendrais ainsi ce que j’ai toujours méprisée.
Je vais être honnête Sol. Parce que tu as été honnête avec moi (un peu contre toi la première fois j’imagine bien). Rien ne va dernièrement, j’ai cette impression constante d’étouffer, que chaque jour je coule un peu plus. J’aime quelqu’un Sol. Très fort ; Trop fort sans doute. Bien plus que lui ne m’aime, je ne suis pas stupide. Enfin peut être un peu, pour être aussi romantique. J’aime quelqu’un, et pour ce quelqu’un j’étais prête à arrêter de te répondre. Et c’est ridicule. Terriblement ridicule ; Tant pis s’il s’en aperçoit un jour, je préfère risquer de le contrarier de nouveau que de te laisser dans le vide. Parce que sans vraiment le savoir, t’as pris cette place pour moi Sol. Cette béquille invisible, quelques mots grattés sur le papier, et le cœur qui bat un peu plus lentement après avoir couché les mots.
Ne t’inquiète pas pour moi Sol (même si je sais que c’est ridicule, que je vais te dire ça alors que je me fais un sang d’encre pour toi, au final c’est réciproque). Et je suis désolé de cette absence de réponse, ça ne se reproduira plus.
Garde la tête haute,

Poppy.

C'est bizarre, quand j'ai vu la petite enveloppe bleue, j'ai senti comme un truc redémarrer. C'est normal tu crois?
Je peux pas te dire que je t'en veux. Ca serait faux. Je peux pas dire que je m'inquiète pas, ça serait faux aussi. Tu sais que je serai toujours là pour téviter la noyade, même quand tu es au plus bas, hein? Toi aussi tu dois t'accrocher, je pense que c'est le cas pour tout le monde.
J'espère que la personne que tu as choisi te rend heureuse, mais j'ai le désagréable sentiment que non. La distance et l'anonymat font que je ne peux pas te proposer mon aide directe (pourtant je pense que tu l'as deviné, j'ai une capacité certaine pour casser des gueules). Il ne reste que mes mots, du coup. Et la promesse de t'en sortir. Je suis bien placé pour le savoir, et je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire, mais: s'il ne te rend pas heureuse, pars. Et tu seras sûrement en lambeaux par la suite, mais le temps répare, du moins il rafistole. Parce qu'on ne peut pas toujours tout encaisser, et tu encaisses beaucoup trop.
Va écouter Charlemagne de Blossoms. Cette chanson remonte toujours tout quand je vais mal, ça marchera peut être pour toi, peut être pour trois minutes.
Tu es plus forte que tu ne le penses,

Sol.

Tu sais lire ta lettre m’a redonné le sourire et pendant tout mon service j’ai réfléchis à quoi te répondre, ça m’a occupé.
Je ne pense pas que ton aide directe change quelque chose à la situation et il en va de même pour moi. Pourtant pouvoir parler de tout ça avec toi sans jugement, ni rien entre nous est déjà en soit un grand pas en avant. Enfin je ne sais pas pour toi mais à chaque lecture j’ai le cœur plus léger et j’ai l’impression que les choses sont moins grises. Et pourtant Dieu sait ce qu’elles sont grises en ce moment.
Et puis tu sais même si tu étais là je ne voudrais pas que tu casse qui que ce soit. La violence a déjà trop bousillé ma famille alors je préfère éviter qu’on l’utilise, ça se finit toujours mal et dans le sang. Mais merci, savoir que tu me soutiens me donne envie de continuer à avancer.
Quant à la personne que j’aime, malheureusement je ne peux pas le quitter. Je continue à me dire que ça va s’arranger, et ça s’arrange. Petit à petit mais ça s’arrange. Alors je continue d’espérer. Parce que je sais bien le faire.
J’ai écouté ta musique et pendant trois minutes j’ai voyagé. Merci pour ce voyage Sol, je crois que j’en avais besoin. Je penserais à toi en l’écoutant maintenant, à ces trois minutes de calme avant de retourner dans la tempête.
Prends soin de toi,

Poppy.

J'ai pensé à toi aujourd'hui.
Une petite nana chantait dans le métro. C'était Knocking on Heaven's Door. Elle avait une jolie voix, un peu cassée, comme toi. Maintenant je t'imagine avec sa voix à elle, et j'ai sûrement tort, mais j'aime bien. Est-ce que tu chantes, des fois?
J'espère que tout va bien et que la personne que tu aimes t'a fait sourire, au moins un peu.
La tempête se calme toujours, et la mer finit par briller.

Sol.

C'est drôle que tu dise ça car je chantais cette même chanson y a pas si longtemps de ça. Avec mon frère on faisait le ménage et on met toujours de la musique pour faire un concert improvisé.
Et toi est-ce que tu chante ? Tu t'y connais tellement en musique, c'est que tu fois avoir l'âme d'un musicien j'en suis certaine.
Tout vas bien de mon côté, j'ai un travail stable (plus ou moins) et oui celui que j'aime me redonne le sourire chaque minute qu'on passe ensemble. J'aimerais te souhaiter ça aussi Sol. D'avoir cette personne spéciale qui illumine ton monde, ta vie, qui te soutiens quand tout va mal. Je te le souhaite de tout mon coeur.
J'espère que tout vas bien de ton côté, ne laisse pas tes démons prendre le dessus, je sais que tu peux combattre cette chose qui te ronge et surpasser ça. Tu as un bon coeur Sol. Un très bon coeur. Ne l'oublie jamais.

Poppy.

J’aimerais ça, entendre ta voix un jour. Il paraît que je chante pas trop mal mais j’suis meilleur en musique. Peut-être que je te ferai écouter un jour mais j’sais pas si ça pourrait te plaire… Et j’avoue j’ai un peu peur de me faire griller. Savannah est une petite ville mine de rien. J’me dis que si on se connaissait ailleurs que via le papier, tu pourrais pas t’empêcher de me fuir.
Merde maintenant je passe pour un putain de psychopathe. C’est pas ce que je suis j’te jure !
Je suis content que ta vie remonte un peu vers le haut. Si tu souris, c’est l’essentiel. C’est bizarre de s’attacher à quelqu’un à travers les mots, mais j’crois que c’est le cas. J’aimerais pas qu’il t’arrive du mal, Poppy. T’es aussi précieuse qu’une étoile et j’me sens hyper niais en écrivant ça mais j’le pense. Et pense pas que j’suis malheureux, c’est juste le bordel dans ma tête, j’ai l’habitude, ça s’arrangera.
Est-ce que tu viens aux concerts organisés cet été ? J’imaginerai ton visage parmi la foule.
A ton sourire,

Sol.

Y'a eu des émeutes dans toute la ville. J'ai failli claquer. Et j'me rends compte que j'ai pas de nouvelles de toi depuis longtemps, trop longtemps même. J'espère que tu vas bien. J'espère que t'as pas été blessée. Ou pire. C'est chiant ce système, parce que j'me dis que si t'étais morte, j'le saurais même pas.
Trouve cette lettre.

Sol.

Les choses accélèrent autour de moi. Tout va trop vite tu vois. Bien trop vite. Et j'oublie les lettres, les mots laissés sur les bancs, parce qu'il n'y a pas assez d'heures en une journée pour tout.
Mais je ne suis pas morte.
Et toi non plus.
Au final c'est le principal tu ne pense pas ? Qu'on arrive à s'envoyer des petits bouts de papiers au milieu de la tempête. C'est comme une pause, une accalmie bien mérité.
J'ai mal aux doigts, plus vraiment l'habitude d'écrire, comme tu dis c'est un système un peu archaïque, au final on ne sait jamais ce qu'il adviendra de notre lettre. Mais moi j'y crois. A chaque fois.
J'espère que tu survis Sol. J'espère de tout mon coeur. Et si je te connaissais je suis certaine que ça ne changerais en rien mes sentiments pour toi. J'espère que tu le sais ça. (je remonte à ta dernière lettre que j'ai trouvé, tes mots sur la musique, sur qui tu es vraiment)
Un jour peut être on se croisera. Un jour peut être qu'on chantera.
En attendant j'écoute Patti Smith. Sa voix m'apaise. Peut être qu'elle t'apaisera elle aussi.

Poppy.

J'suis content que tu sois pas morte. Moi des fois j'me demande si j'suis réellement vivant.
Est-ce que ça va? Ou la tempête dans ta tête a recommencé?
On me dit souvent que je suis un orage. J'sais pas comment faire pour calmer les autres, trouver les mots, mais avec toi j'essaierai. J'essaierai toujours.
Ca fait ultra cliché.
Je le pense.

Sol.

J'ai écrit une chanson.
Ce n'est pas la première, mais je me suis rendu compte en la terminant qu'elle parlait sûrement de toi. Maintenant tu vas te faire des idées, n'y pense même pas. Tu m'inspires, c'est tout. J'espère que le chaos ne t'a pas emporté. Si la tempête gronde, je suis à une lettre de toi.
Prends soin de toi,

Sol.