tu le vois. dix minutes que tu tournes autour, si bien que tu penses avoir été grillée. si le proprio de la supérette t’as pas remarquée, t’es vraiment une championne. mais il est là, et t’essayes de pas trop loucher dessus, de pas passer une heure plantée devant en attendant avoir le champ libre. alors tu te promènes, fais le tour des rayons, prétends t’intéresser à une vulgaire bouteille de lait ou bien un paquet de bonbons. mais c’est pas ça qui te fait de l’oeil, hein nora ? non. y a qu’une seule chose ici pour qui tu remuerais ciel et terre. une seule chose pour laquelle tu pourrais te faire prendre pour vol à l’étalage. alors quand enfin, t’as fait le tour dix-huit fois, les yeux rivés entre le proprio fatigué, la tête plongée dans un magazine érotique, et l’allée où se trouve le saint graal, tu décides qu’il est temps. tu t’avances comme une ninja, va récupérer ton précieux uniquement pour découvrir qu’il n’est plus là. le fameux paquet de pépitos, envolé. drame. catastrophe. il était juste là. à portée de main, tout ce temps. et tu l’as laissé s’envoler comme un vulgaire paquet de bn. alors y a un élan de colère qui remue ton estomac, qui te fait serrer les poings. y a pas grand monde dans cette supérette, mais quelqu’un a dû passer entre temps faucher ce pauvre petit paquet de gâteaux qui n’attendait pourtant que toi. les sourcils froncés et les poings serrés, tu sors de la petite épicerie en trombe, retrouve la trace de ce pauvre enfoiré qui a osé voler ton paquet de pépitos avant que tu ne le fauche toi-même. il te faut pas très longtemps pour mettre la main sur ce mec à capuche qui pense se balader incognito. et quand tu l’attrapes par l’épaule pour le tourner vers toi, t’es à peine surprise de découvrir sa face de sale voleur. j’peux savoir ce que tu fous ? y a les yeux inquisiteurs, froncés, ceux qui exigent une explication alors qu’elle est là, sous tes yeux. ce gros paquet à peine caché sous un sweat-shirt trop large. celui que t’attrapes sans même demander la permission, puisqu’il est à toi, après tout. ça fait une heure que j’attends pour l’avoir, ce paquet il est à moi. et dieu sait qu’on se met pas entre nora caldwell et ses pépitos. tant pis si t’as l’air d’une gamine capricieuse. enfant gâtée. t’as qu’à t’en trouver un autre, ou fais c’que tu veux, j’men fous moi.  ya le regard noir qui le percute un peu trop. il est qui pour te juger, rhoan ? certainement pas mieux que toi, en tout cas. dans cette merde, vous y êtes à deux. à accuser les mêmes chocs, endosser les mêmes emmerdes. c’est pourtant pas ça qui vous rapproche, parce que rhoan, y a vraiment rien sur ce foutu caillou qui pourrait te le faire blairer un peu plus. et la seule idée qu’il ait posé ses sales pattes sur ton paquet béni te dégoûte déjà bien assez comme ça, c’est pas pour en plus te taper sa sale gueule d’homme ingrat, un autre connard comme tous les autres, pendant que tu vas manger tes pépitos. les tiens, mais certainement pas les siens.