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 le destin, ce comique. (jula)

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MessageSujet: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyJeu 9 Mar - 17:12

C'est catastrophique. Pire que tout ce que j'avais pu imaginer comme scénario. Et pourtant, le scénario de base était déjà assez merdique dans le genre. Carrément à chier même. Je ne sais pas pourquoi j'avais eu cette idée, pourquoi j'avais proposé ça. Je n'avais pas envie de rencontrer son mec, c'était exactement la dernière chose dont j'avais envie actuellement en fait. Son mec trop cool, trop stylé, du genre beau surfer australien, avec un métier palpitant. Je vais avoir l'air de quoi moi, face à lui ? D'un ado attardé qui s'est pris un bus dans la tronche, génial. Le plan parfait Junior, t'assure totalement. Mais quel crétin bon sang, quel crétin. Et comme si ça ne suffisait pas, Solveig me lâche, comme ça, au dernier moment. J'avais déjà eu du mal à la convaincre et finalement, elle a mieux à faire. Je suis sûr que c'est faux. Qu'elle n'a pas d'urgence et que si je me pointe chez elle, je l'y trouverais tranquillement installée devant la télévision ou une connerie comme ça. J'aurais dû demander à Ivy, quel con. Sortir avec une célébrité, ça en jette ça aussi. Putain, j'ai envie de me frapper. Pauvre Ivy, elle ne mérite clairement pas d'être réduite à ça. C'est d'autant plus ironique que je suis le premier à me battre pour qu'elle arrête de se considérer comme une marchandise du showbiz et qu'elle redevienne elle-même, qu'elle se libère de tout ça. Alors non, hors de question de lui demander un service pour de telles raisons. Je suis peut-être désespéré et humilié, mais je ne vais pas mêler Ivy à ça pour autant.

Pendant tout le trajet, je ressasse encore et encore toutes les options qui se présentent à moi. Faut que je trouve une excuse crédible, un truc qui tienne la route pour justifier l'absence de Solveig. Et j'en viens au point de trouver une excuse pour tout annuler. Me pointer devant eux, leur dire que la mère de Solveig vient d'être admise à l'hôpital suite à un accident et que je dois vite la rejoindre là-bas. Que j'ai simplement fait un petit détour pour les prévenir, car mon portable était éteint, plus de batterie, soucis de sdf, un classique. Je ferme les yeux et soupire. Non, j'peux pas faire ça. C'est horrible de mentir sur ce genre de choses. Peut-être que si je dis que c'est sa grand-mère plutôt que sa mère, c'est moins pire, non ? ... Non. Faut pourtant bien que je trouve quelque chose. Y a vraiment pas moyen pour moi de passer la soirée à tenir la chandelle. A affronter son mec sans que elle, elle doive affronter ma "copine". Je lève les yeux au ciel, blasé. Comme si Lola en avait quelque chose à foutre de ma copine, que je ne sois pas célibataire. C'est pathétique et je me désole, profondément. Faut que j'arrête de m'accrocher à cet espoir stupide qu'elle puisse vouloir de moi. Que je puisse compter vraiment. Alors la seule option qui me reste, c'est d'espérer qu'elle me pose un lapin. Qu'elle ne vienne pas finalement, puisqu'elle ne me doit plus rien. Puisque j'ai effacé sa dette. J'en viens presque à prier même, pour qu'elle me plante. Elle n'a pas idée d'à quel point ça me sauverait la mise.

C'est donc tout propre et avec des fringues propres aussi - vive le foyer où vit Micha - que je m'approche du lieu de rendez-vous. Un petit restaurant sympa, rien de transcendant, rien de minable non plus. Le parfait juste milieu. C'est con, pour une fois que je pouvais me payer un truc en plus, les affaires sont plutôt bénéfiques en ce moment et j'ai réussi à me garder un peu d'argent de côté malgré mes dettes à rembourser. Je zieute une dernière fois mon téléphone pour vérifier l'heure, je suis dans les temps. Puis, je le mets en silencieux. Si je veux leur sortir l'excuse du téléphone éteint, j'ai plutôt pas intérêt à ce qu'il se mette à sonner devant eux. Avec la chance que j'ai, c'est typiquement le genre de truc qui pourrait m'arriver. Grande inspiration et je tourne dans la bonne rue, remontant jusqu'au restaurant. De loin, je reconnais la silhouette de Lola. Et seulement Lola. Pas de grand blond à l'horizon. Il est peut-être à l'intérieur ? Il est peut-être en retard ? Après tout, avec son boulot, ce serait compréhensible. Un imprévu, une urgence de dernière minute. Je m'approche, nerveux, la boule au ventre. Ma main vient se poser sur l'épaule de Lola pour attirer son attention et la faire se retourner vers moi.

- Hey, salut.

Que je lâche d'un ton un peu sec, trahissant le trouble qui m'habite à cet instant. Je lui offre un léger sourire courtois mais crispé, ne sachant pas quoi faire. Je lui serre la main ? Je lui fais la bise ? Je lui fais coucou de loin ? Oh bordel, ça commence déjà tellement mal. J'enfonce mes deux mains dans les poches de mon blouson, tirant un peu dessus au passage, tellement je les enfonce. Je regarde autour de nous et demande.

- T'es toute seule ?

J'essaye d'afficher un air détendu - oubliant presque le fait que moi aussi je suis seul - mais c'est complètement foireux et foiré. J'ai les joues légèrement rosies - et on ne peut pas dire qu'il fasse très froid, alors pas d'excuses - et mon sourire est si raide que ça doit crever les yeux. Cependant, je continue de faire comme si de rien était et l'interroge simplement du regard, affichant un faux air calme. Mais la vérité, c'est qu'elle n'a pas l'air plus à l'aise que moi à cet instant.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyDim 19 Mar - 17:16

Pourquoi. Pourquoi pourquoi pourquoi. Elle aurait jamais dû accepter ce plan foireux et la question tourne en boucle dans sa tête – pourquoi Junior a proposé un truc pareil, pourquoi elle a dit oui, pourquoi elle a surenchéri. Faut toujours qu'elle en fasse trop et maintenant elle s'en mord les doigts, parce que Leo n'est pas là, parce que Leo ne viendra pas. Il lui fait faux-bond et même si elle le savait avant de venir, ça n'empêche pas l'angoisse de monter. Elle se sent stupide Lola, avec sa jolie robe et la nervosité au bout des doigts. Elle est pas vulgaire comme quand elle sort habituellement avec Junior, dans des trucs trop courts et trop moulants, pour jouer son rôle.  Elle a laissé l'allumeuse au placard. Pourtant ça l'aurait peut-être rassurée, elle aurait eu qu'à jouer la carte de la provocation et ça l'aurait sauvée, ça la sauve toujours. Se planquer derrière l'assurance et les faux-semblants, ça marche à tous les coups. Mais c'est trop tard, y a qu'elle et pas de mini-jupe pour faire diversion. Y a qu'elle, seule. Elle attend Junior et sa copine, elle attend de sortir une excuse foireuse. Elle attend l'humiliation, cuisante. Elle attend et putain elle a envie de se barrer en courant, mais elle est beaucoup trop fière pour ça. Elle bougera pas, n'en démordra pas. Si elle doit se taper la honte, soit. Mais elle le fera avec le menton levé. « Hey, salut. » La main sur son épaule la fait sursauter, et elle se tourne vivement pour se retrouver face à Junior. Petit regard à gauche, coup d'œil à droite, retour au centre. Junior, toujours Junior ; Junior tout seul. Elle arque un sourcil. « Salut. » Il a l'air tellement crispé qu'elle a presque envie de rire, mais elle l'est tellement aussi qu'elle arrive tout juste à afficher un demi-sourire. C'est tout sauf naturel, putain, ils font la paire. « T'es toute seule ? » Ah. Elle aurait dû demander la première pour gagner du terrain mais maintenant c'est foutu, et son sourire raté se fane lentement alors qu'elle fixe Junior. Elle se répète en boucle des excuses pour l'absence de Leo depuis qu'elle sait qu'il ne viendra pas, mais maintenant qu'elle est face au fait accompli, c'est plus compliqué. Elle a l'impression d'avoir tout oublié, de même plus savoir parler. Une seconde. Elle inspire, expire. Son visage se tord dans une petite moue déçue, presque triste. « Oui.. Leo a eu un contre-temps de dernière minute, y a eu une urgence sur le plateau. C'est lui l'meilleur de son équipe, alors il pouvait pas les laisser tomber. » Elle fait tout pour paraître compréhensive et bienveillante, alors qu'elle est toujours aussi fâchée de se retrouver dans cette situation – bien qu'elle soit la seule à blâmer, dans le fond elle le sait pertinemment. Mais si elle peut en profiter pour continuer de faire les louanges de Leo, histoire de le transformer en ce type aussi brillant que talentueux, elle va pas s'gêner. Même si elle est pas tout à fait sûre de savoir pourquoi elle le fait. « Mais je l'ai eu au téléphone, si ça finit pas trop tard il nous rejoindra. » Un sourire éblouissant vient lui étirer les lèvres, comme si elle était la plus heureuse du monde à l'idée de le voir arriver – de le voir tout court. Comme s'il était réellement son petit ami, et qu'il lui manquait déjà terriblement. Au final elle aimerait juste qu'il vienne la sauver de ce mauvais pas. Mais elle sait qu'y a aucune chance pour que ça arrive, même si elle raconte le contraire. Elle est juste rassurée de n'devoir tenir la face que pour Junior, puisque sa copine n'est pas là. Elle prend d'ailleurs le soin de montrer qu'elle l'a bien remarqué, faisant une nouvelle fois mine de la chercher aux alentours, alors qu'elle a bien compris qu'elle ne se planquait pas derrière lui. Mais elle ne dit rien pour l'instant, jugeant qu'elle a bien assez attendu dehors, sans personne pour lui tenir compagnie. Sans prévenir, elle attrape le poignet de Junior et le tire dans son sillage pour le forcer à la suivre, alors qu'elle entre dans le restaurant d'un pas décidé. Elle ne lui laisse clairement pas le choix, mais elle le relâche en se plantant face à la réception. « Bonjour, on a réservé au nom de Healy. » « La table pour quatre ? » Lola hoche le menton, et pendant qu'on les accompagne à leur table, elle s'tourne à nouveau vers Junior. Son sourire se fait railleur, avec une pointe de défi. « Alors Junior, de quatre on passe à deux ? » Pour l'instant, elle réalise pas tellement ce que ça implique. Tout ce qu'elle voit, c'est que la copine de Junior n'est toujours pas là. Rassurée de n'pas les affronter seule – soulagée qu'il soit finalement dans la même position qu'elle. Elle jubile un peu, parce qu'il semble plus penaud qu'elle, et que si elle peut prendre le dessus elle ne se fera pas prier. « Elle fait quoi, ta copine ? » Elle s'installe tranquillement sur sa chaise, ne le quittant pas du regard. Cette lueur provocatrice au fond des prunelles, l'amusement palpable dans l'angle de ses lèvres. « Me dis pas qu'elle est malade, c'est l'excuse la plus nulle du monde. Elle a pas envie de connaître tes amis ? » Amis, tu parles. Lui et Leo n'se sont jamais rencontrés, et c'est un terme qu'elle n'a jamais utilisé pour qualifier Junior. Jusqu'à présent, c'était plutôt le mec à qui elle doit du fric. Mais sa dette est effacée, alors maintenant il est quoi ? Le SDF qui squatte parfois chez elle ? Le joueur de poker qui l'embarque dans ses combines ? Le type, là, qu'elle trouve parfois trop dur à suivre ? Elle en sait foutrement rien. « C'est dommage, j'avais tellement hâte de la rencontrer. » Pourtant, elle arrive même pas à prendre un air désolé.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptySam 25 Mar - 19:31

- Salut.
Bon sang, pourquoi est-ce qu'il faut qu'elle soit si jolie. Avec sa robe légère, tellement loin des bouts de tissus moulant que je l'ai forcée à enfiler ces derniers mois. Avec ses cheveux libres qui tombent en cascade sur ses épaules frêles. Avec son regard sauvage et sa peau bronzée. Je vais décéder. La jalousie qui m'habite se décuple au centuple et j'ai presque envie de péter un plomb, là, tout de suite. De tout balancer, tout lui avouer. Qu'elle ouvre enfin les yeux, qu'elle sache que j'pense à elle tout le temps, qu'elle me dise si c'est réciproque ou si je peux m'en aller maintenant et ne jamais revenir. Mais je ne fais rien, mortifié à la simple idée de lui avouer ne serait qu'un huitième de ce qui se passe dans ma tête, dans ma poitrine. Je sais déjà que j'essuierais un refus et je ne suis pas prêt à affronter ça. Pas prêt à la voir rire de moi et à me faire abandonner sur le trottoir, à la regarder s'éloigne de dos pour aller rejoindre son mec, si parfait. Je le déteste. Je le déteste, tellement. C'est con, le pauvre, il m'a rien fait et il est peut-être très sympa. Sûrement même. Et je m'en veux de le haïr gratuitement, tout ça à cause de sentiments mal placés, déplacés. J'irais me confesser pour ça. Promis. Je déteste ne pas aimer les gens, encore plus quand c'est gratuit et mesquin comme ça. C'est pas moi, c'est pas bien.

- Oui.. Leo a eu un contre-temps de dernière minute, y a eu une urgence sur le plateau. C'est lui l'meilleur de son équipe, alors il pouvait pas les laisser tomber.

Gnégnégné, c'est lui le meilleur, putain. J'ai envie de hurler. Mais je me contente de lui offrir un sourire condescendant et forcé, les yeux remplis d'une haine à peine dissimulée. C'est pathétique, je suis pathétique. J'ai envie de me tirer. D'arrêter le carnage ici avant que j'y laisse la vie. Avant qu'elle m'arrache le cœur de l'abdomen et le piétine en se marrant. J'ai envie de lui attraper les épaules et de la secouer, pour lui retirer cet air triste insupportable qu'elle affiche. C'est évident qu'elle préfèrerait être avec lui que coincé avec moi à cet instant. Et ça me brise un peu plus. L'humiliation est cuisante, la vérité acide et brûlante. C'est encore pire que tout ce que j'avais imaginé.

- Mais je l'ai eu au téléphone, si ça finit pas trop tard il nous rejoindra.
- Génial, espérons qu'il nous rejoindra vite alors.

J'ai envie de vomir tellement ces mots laissent un goût dégueulasse sur mon palais. J'espère qu'il va bosser toute la nuit et qu'il ne viendra jamais. J'espère que son émission de merde va s'arrêter et qu'il va devoir aller filmer un élevage de poulets en Roumanie pendant 2 ans et qu'ainsi, ils seront obligés de se séparer. Oh mon dieu. Non, Junior, tu peux pas souhaiter le malheur des gens. Ça ne se fait pas. Je retire, pardon. Elle est heureuse et j'suis content pour elle, pour eux. J'suis content. Putain. Non, je n'y arrive pas, je le déteste, voilà, c'est comme ça, c'est plus fort que moi. Et avec tout ça, je réalise à peine que je viens de me foutre dans la merde. Mon excuse initiale vient de couler à pic pendant que je sous-entendais que j'avais bien l'intention de rester. Merde, merde, et je fais quoi maintenant ? Je, fais, quoi ?! Je vois Lola qui zieute autour de moi, comme pour me retourner la question : elle où ta copine ? Je pourrais lui répondre que dans un monde idéal elle serait juste en face de moi, mais si j'ose dire ça, que ce soit clair : je me jette sous une voiture aussitôt après. J'esquisse un sourire embarrassé, n'ayant pas la moindre idée de l'excuse que je vais pouvoir trouver. Je panique totalement. Mais Lola me laisse un instant de répit en m'attrapant le poignet et en me forçant à rentrer dans le restaurant, prenant les devants. Je reste muet, le regard rivé sur sa main qui me maintient et je voudrais tellement qu'elle la laisse glisser jusqu'à la mienne. Que nos doigts s'entrelacent et qu'on se casse d'ici. Mais au lieu de ça, elle me relâche et je me retrouve rapidement le cul vissé sur une chaise, juste en face d'elle. A deux sur une table de quatre. Et je capte enfin. C'est l'horreur. On est en tête à tête. Rien que tous les deux. Oh putain. Et je fais quoi maintenant ? Je déglutis, horriblement nerveux, les mains moites, le cœur en vrac. C'est le pire scénario. Le pire du pire du pire. Tellement le pire que je n'avais même pas osé l'envisager.

- Alors Junior, de quatre on passe à deux ?
- Ouais, semblerait qu'on risque de passer la soirée que tous les deux.. en tête à tête.. à deux.

Je la dévisage, cherchant à savoir si cette idée l'angoisse autant que moi ou si elle n'en a strictement rien à cirer. Et j'espère que ce n'est pas le cas, parce que je ne veux pas être le seul à stresser comme ça. Y a pas de raison que ce soit toujours moi qui morfle.

- Elle fait quoi, ta copine ? C'est horrible, j'ai l'impression qu'elle sait toute la vérité. Je me tasse sur ma chaise, de plus en plus mal à l'aise. - Me dis pas qu'elle est malade, c'est l'excuse la plus nulle du monde. Elle a pas envie de connaître tes amis ?

Je commence à ouvrir la bouche pour répondre, mais le mot amis me coupe le souffle. Aoutch. Je n'arrive pas à camoufler mon air dépité, je tente d'afficher un sourire mais il meurt rapidement, étouffé par la déception qui m'éreinte la poitrine. Génial. On est amis, alors ? Salut la friendzone, enchanté, pas la peine de me faire visiter les lieux, j'suis un habitué. Je reste pantois, incapable de dire un mot, cherchant pour l'instant à faire disparaitre la douleur vivace qui se répand dans mon myocarde et qui l'entaille salement, faisant déverser tout un flot de désespoir dans mes veines.

- C'est dommage, j'avais tellement hâte de la rencontrer.
Tais toi Lola, bon sang, tais toi. Je retrouve un peu de contenance et je me lance, improvisant au fur et à mesure.
- Ben en fait, comme pour Leo, elle a eu un empêchement. Elle bosse dans une boutique de vêtements de luxe et ce soir ils devaient faire un gros inventaire parce que.. ils ont un évènement en préparation, enfin j'ai pas trop eu les détails.. mais elle arrive plus tard aussi et elle s'excuse, elle a vraiment envie de te rencontrer aussi.
J'attrape le menu que nous tend la serveuse, lui offrant un petit sourire poli pour la remercier et j'ajoute, le regard plongé dans la carte.
- Même si je dois avouer qu'elle était un peu fâchée de savoir que j'ai effacé ta dette, elle trouve pas ça normal que tu me rembourses pas ce que tu me dois. Je relève la tête vers elle, hausse les épaules en riant doucement. - Mais bon, c'est pour ça qu'elle m'aime aussi, ma générosité.
Je lui offre un grand sourire, les dents serrées. Je continue de faire mine de lire les plats tout en demandant :
- Et Leo il le sait comment on s'est connu ? Parce que moi, Solveig elle sait tout, on est très proches, on a pas de secrets l'un pour l'autre tu vois ? C'est plus simple d'être honnête, tu trouves pas ?

Je relève les yeux vers elle et fais mine de l'interroger du regard, la sondant au passage pour tenter de savoir si elle est proche de Leo ou pas. Si elle lui a tout raconté ou pas. Bon, niveau honnêteté ok, on repassera. C'est minable de ma part de jouer à ça. De jouer à qui a le meilleur couple, parce que, putain, j'suis pas en couple. Et elle, oui. Elle a gagné d'avance. Et ça me tue. Je ne veux pas m'avouer vaincu. Je ne veux pas la laisser sortir d'ici victorieuse, sans une égratignure pendant que moi j'agonise sur le carrelage.

- Vous prendrez un apéritif ?
- Oh euh, oui, je vais prendre une pression s'il vous plait.

Je laisse Lola commander ce qu'elle veut auprès de la serveuse et dès qu'on se retrouve seuls à nouveau, totalement angoissé par le silence, par l'idée qu'on ait rien à se dire, par la gêne qui m'étrangle, je m'empresse de dire quelque chose.

- C'est cool qu'on commence la soirée tous les deux, on va pouvoir discuter pour de vrai pour une fois, au final, on sait trop rien l'un de l'autre.

Ah ouais, génial, c'est super. On va pouvoir se regarder dans le blanc des yeux, et je pourrais l'entendre me raconter comment elle a rencontrer Leo, à quel point il est extraordinaire. Et moi pendant ce temps, je pourrais lui raconter que mes parents sont des détraqués religieux et que mon ex est morte à cause de moi et Micha. Quelle super soirée, vraiment, la bonne éclate.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyMer 5 Avr - 20:49

« Génial, espérons qu'il nous rejoindra vite alors. » Lola hoche la tête avec enthousiasme, pour montrer combien elle approuve. Même si elle sait que ça n'arrivera pas, même si elle ment comme un arracheur de dents. Plutôt crever que de l'avouer, maintenant qu'elle est lancée. Surtout pas là, pas comme ça, pas face à Junior et sa copine. Copine qui n'est finalement pas là – au moins ils sont dans la même galère. Pourtant Lola n'attaque pas le sujet pour l'instant, gardant ses armes pour la suite alors qu'elle entraîne Junior dans le restaurant avec elle. Elle en profite pour provoquer, pour s'amuser du fait qu'il est seul lui aussi. Sauf qu'elle voit pas Lola, elle réalise pas ce que ça implique tout de suite, trop occupée à afficher un air de défi pour prêter attention aux détails. Jusqu'à ce que Junior vienne éclater sa bulle d'insouciance, d'un coup d'un seul. « Ouais, semblerait qu'on risque de passer la soirée que tous les deux.. en tête à tête.. à deux. » La répétition, la tête qu'il fait – ça commence à rentrer. Lentement, ça se fraie un chemin jusqu'à l'esprit de Lola qui additionne deux et deux, ou plutôt un et un puisqu'il n'y a que lui et elle, elle et lui, personne d'autre. En tête à tête, merde, elle avait pas pensé à ça. Soudain son sentiment de puissance s'estompe, laissant place à un malaise contenu alors qu'elle le dévisage. « Ah. » C'est pas la première fois qu'ils sont seuls – loin de là – mais c'est différent, c'est censé être un rendez-vous. Pour quatre, pas deux. Ça devient brusquement formel et elle a plus tellement envie de rire. Son regard se tourne vers la porte comme si elle jaugeait ses chances de partir en courant sans se faire trop remarquer, puis ses prunelles tombent à nouveau sur Junior. Elle va pas se démonter. Elle a pas fait tout ça pour rien, c'est pas une petite gêne qui va la pousser à arrêter son petit manège. « Ça fait rien, on sera pas seuls très longtemps de toute façon, pas vrai ? » Elle continue de donner le change, comme si Leo allait soudainement apparaître tel le messie. Au pire des cas elle se rabat sur Solveig, se mettant à espérer qu'elle viendra finalement. Pourtant, une fois qu'ils sont installés et qu'elle pose enfin la question fatidique, elle sait plus tellement ce qu'elle veut. C'est toujours pareil avec Lola, un coup oui un coup non et après tout le monde est perdu. Elle comprise. « Ben en fait, comme pour Leo, elle a eu un empêchement. Elle bosse dans une boutique de vêtements de luxe et ce soir ils devaient faire un gros inventaire parce que.. ils ont un événement en préparation, enfin j'ai pas trop eu les détails.. mais elle arrive plus tard aussi et elle s'excuse, elle a vraiment envie de te rencontrer aussi. » Elle sait pas vraiment à quoi elle s'attendait, mais pas à ça. Elle imaginait pas une fille comme ça – une fille qui bosse dans le luxe. Et soudain elle est aussi envieuse que jalouse mais elle sait plus très bien de qui, de quoi, pourquoi. Peut-être du salaire qu'elle doit gagner, des gens qu'elle doit côtoyer, des étoles qu'elle a l'honneur de toucher. Peut-être du fait que Junior traîne avec des filles comme ça, des filles qu'elle imagine mieux qu'elle – plus riches, plus belles, plus accomplies. Des filles qui réussissent là où elle échoue en continu, même si elle essaie encore et toujours. Des filles qui ont tout pour elles, et Junior qui se pavane au bras d'une de ces demoiselles. Le sourire de Lola a complètement disparu et elle n'arrive même pas à faire semblant quand on leur tend les menus. Pas même foutue de décocher un mot, trop occupée à fixer Junior avec un mélange d'envie, de colère, de déception et une pointe de tristesse. Mais même si elle n'arrive pas à reprendre son air joyeux, elle arrive à se donner l'air d'une gamine qui boude plutôt que d'une fille qui se sent soudainement aussi nulle que ridicule.

« Même si je dois avouer qu'elle était un peu fâchée de savoir que j'ai effacé ta dette, elle trouve pas ça normal que tu me rembourses pas ce que tu me dois. » Elle se renfrogne encore plus, le flinguant du regard par-dessus le menu. « Mais bon, c'est pour ça qu'elle m'aime aussi, ma générosité. » Il affiche ce sourire et elle l'a jamais trouvé aussi moche, elle a jamais eu une telle envie de le mordre et le griffer jusqu'à le forcer à arrêter. Si elle s'écoutait, elle exploserait. Mais faut qu'elle garde la face – encore, toujours. Inspiration expiration et elle ravale toutes ses émotions, inspiration expiration et elle relève le menton. Son regard se pose sur son menu avec une nonchalance qui ne lui ressemble pas, comme si elle était parfaitement indifférente à tout ça. Pourtant ses doigts s'agrippent trop fort aux pages, menaçant de tout plier, tout froisser, tout déchirer. Comme ce que vient de subir son ego. « Hm. J'vois pas pourquoi elle râle, après tout elle doit avoir un sacré salaire, non ? Elle peut t'aider si t'as besoin, pas la peine de s'énerver contre les pauvres gens fauchés. » La mauvaise foi lui brûle les lèvres, comme si elle n'était qu'une innocente aux poches vides. Elle arque un sourcil, continuant d'afficher un flegme qui se fissure, laissant entrevoir les flammes qui dansent dans son regard quand elle le lève vers Junior. « Et puis tu fais ce que tu veux. Ma dette ne regarde que toi et moi, j'vois pas pourquoi elle s'en mêle. » Son ton est un brin trop sec, trahissant son masque qui n'est plus crédible du tout. Pour se rattraper, elle affiche un sourire qui se veut léger en haussant les épaules. « Enfin bon, au final on s'en fiche puisque je te dois plus rien, maintenant. » C'est lancé l'air de rien, mais elle sait très bien ce qu'elle fait. Elle se souvient parfaitement de l'aveu qu'il lui a fait – si tu me dois plus de thunes j'ai peur que tu veuilles plus me voir. Et c'est salaud mais elle joue avec, l'air de rien, sans le dire clairement, comme si c'était accidentel. Elle peut pas s'en empêcher. Pour s'assurer qu'elle a de l'importance quand même, qu'elle peut réussir à le toucher au moins un peu ; pour atteindre sa fierté, histoire de soigner la sienne qui est trop mal placée. « Et Leo il le sait comment on s'est connus ? Parce que moi, Solveig elle sait tout, on est très proches, on a pas de secrets l'un pour l'autre tu vois ? C'est plus simple d'être honnête, tu trouves pas ? » Y a un rire qui lui échappe malgré elle – un peu nerveux, un peu foireux. Honnête. C'est pas l'adjectif qui la qualifie le mieux, il devrait pourtant le savoir. Elle se le prouve dès la seconde où elle ouvre la bouche pour répondre. « Oh il sait l'essentiel, mais pas tout. Je lui ai dit que je t'avais emprunté un peu d'argent, et que tu avais effacé ma dette. D'ailleurs il trouve ça très honorable, il t'aime déjà. » Et puis elle laisse retomber son sourire, prenant une mine presque sérieuse alors qu'elle ne le quitte pas du regard. « Par contre j'ai rien dit pour les soirées foireuses où tu me forces à venir avec des fringues trop courtes, ni pour toutes les nuits où t'es venu squatter chez moi. Je pense pas qu'il réagirait très bien, tu vois. Je préfère éviter qu'il vienne s'en prendre à toi. » Elle dit ça comme si Leo allait venir lui casser la gueule en apprenant tout ça, comme s'il pouvait lui faire du mal. Tant pis si c'est ridicule, tant pis si elle ment toujours plus. Elle peut plus reculer. « Et Solveig alors, ça la dérange pas tout ça ? » À nouveau elle arque un sourcil, avide de connaître la réponse. Mais on vient les interrompre pour savoir ce qu'ils veulent boire et Lola a presque envie d'insulter la serveuse, mais elle se contente de commander un verre de vin sans quitter Junior du retard. « C'est cool qu'on commence la soirée tous les deux, on va pouvoir discuter pour de vrai pour une fois, au final, on sait trop rien l'un de l'autre. » Pourtant, il a vraiment pas l'air à l'aise. Pas plus qu'elle en vérité, mais elle le camoufle un peu mieux. Et elle se rassure en utilisant ses mensonges comme bouclier, avec cette impression stupide que rien ne peut l'atteindre tant qu'elle se cantonne à son rôle. Pourtant l'idée ne lui déplaît pas, et elle prend à peine une seconde avant de hocher le menton pour montrer son accord. « Toi d'abord. Pourquoi t'es dans la rue ? Et pourquoi tu vis pas avec ton frère au foyer ? » Cette fois y a pas de défi ni de moquerie dans ses yeux, juste une interrogation sincère. S'il veut discuter, ils vont discuter. Mais faut se préparer aux questions de Lola, et peut-être à ses mensonges. Elle préserve son cœur, quand elle joue au bal des imposteurs.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyMar 18 Avr - 20:15

- Ah.
Ouais, ah. Je suis finalement bien content de voir que je ne suis peut-être pas le seul à être moyennement rassuré de cette nouvelle situation. Parce que, clairement, elle n'a pas l'air plus enchantée que moi à cet instant. Mais j'ai comme un doute, là. Est-ce que c'est vraiment une bonne chose ? Parce que je ne suis pas convaincue du fait que ce soit parce qu'elle craque sur moi et qu'elle appréhende l'idée d'un tête à tête au restau avec moi. Mais plutôt parce qu'elle désespère à l'idée de devoir me supporter pendant quelques heures alors que ce n'était pas prévu comme ça. Génial. Je me sens encore plus mal maintenant, j'adore mon cerveau.
- Ça fait rien, on sera pas seuls très longtemps de toute façon, pas vrai ?
Ça ne fait rien ?! Et voilà. Qu'est-ce que je disais ? C'est une corvée pour elle. Je m'insulte intérieurement d'avoir pu penser, ne serait-ce que pendant une seconde, que ça ait été parce qu'elle m'aimait bien ou quoi que ce soit de ce genre-là. C'est jamais réciproque Junior, ne l'oublie jamais. Je me sens de plus en plus mal et, très honnêtement, j'aimerais disparaître. Déjà que cette soirée ne m'emballait pas franchement, mais maintenant que j'ai toutes les données sous les yeux, c'est l'enfer. Et comme il n'y a absolument aucune chance pour que Solveig débarque, je vais me retrouver à devoir tenir la chandelle devant Lola et son mec. J'suis pas certain d'avoir les épaules pour supporter ça.
- Ouais..
Que je réponds vaguement, sans trop y prêter attention. Bien trop obnubilé par le cauchemar qui m'attends. Pourquoi moi ? On s'installe et je me mets à parler de Solveig et là, très rapidement, j'me retrouve paumé. Lola a une réaction que je n'explique pas, que je ne comprends pas. Je parle et je la vois qui se renfrogne au fur et à mesure. Elle demeure muette, les lèvres pincées et l'air contrarié et boudeur. Qu'est-ce que j'ai dit encore ? Je me repasse mon flot de paroles plusieurs fois, au mot près, mais je ne vois pas. Elle m'épuise Lola. Avec elle, je nage en plein brouillard en permanence. Si on me demandait de la décrire, de me dire quel est son caractère, ce qu'elle aime, ce qui lui fait plaisir. J'en serais tout bonnement incapable et ce malgré tout le temps que j'ai pu passer avec elle. Elle est trop instable, trop imprévisible. C'est une énigme cette fille. Et si généralement je suis plutôt doué pour résoudre les énigmes, il semblerait que je perde toutes mes capacités en sa présence. Elle me laisse pantois et j'me sens comme le dernier des imbéciles. Comme ce mec qui rit vaguement à une blague parce que tout le monde le fait, mais qui n'a en réalité rien compris. Faudrait vraiment que cette fille soit livrée avec un manuel d'utilisation, parce que là, c'est trop dur pour moi. Alors je continue de parler et les réactions de Lola continuent de me perdre. Je la vois maintenant afficher un air indifférent, comme si elle m'écoutait à peine finalement. Et pourtant, je les vois bien ses doigts, qui s'accrochent violemment au menu, menaçant de plier la couverture. Et cet écart entre son visage et ses mains me perturbe. A tel point que j'en oublie d'être mal à l'aise ou nerveux. Je me contente d'être concentré. Si ça continue, elle va me refiler la migraine à force de me faire l'analyser.
- Hm. J'vois pas pourquoi elle râle, après tout elle doit avoir un sacré salaire, non ? Elle peut t'aider si t'as besoin, pas la peine de s'énerver contre les pauvres gens fauchés.
- C'est une question de principe, pas d'argent. Mais bon, les principes et toi hein..
Et c'est con, mais y a comme une pointe d'amertume et de reproche dans le fond de ma voix. Je m'en veux aussitôt et je baisse les yeux sur le menu pour lui échapper. Je sais que ça ne va pas trop lui plaire mais je prie pour qu'elle ne m'égorge pas tout de suite. Je toussote nerveusement, trahissant clairement le fait que je regrette mes paroles. Non pas parce que je ne les pensais pas, mais parce que j'appréhende sa réaction. J'ose espérer malgré tout qu'elle ne soit pas du genre à faire un esclandre devant tout le monde.
...
Évidemment qu'elle est du genre à faire un esclandre devant tout le monde. Merde.
- Et puis tu fais ce que tu veux. Ma dette ne regarde que toi et moi, j'vois pas pourquoi elle s'en mêle.
Son ton est sec, limite un peu agressif. Et je ne sais pas comment l'interpréter. Je demeure silencieux pendant que les mots s'emmêlent dans ma tête et refusent de s'organiser pour donner une phrase.
- Enfin bon, au final on s'en fiche puisque je te dois plus rien, maintenant.
- Ouais..
Et mon intonation se veut plus triste que je ne l'aurais imaginé. Je rougis doucement et m'enfonce un peu plus derrière le menu en espérant qu'elle n'ait rien remarqué. Je voudrais tellement lui dire. Lui dire que maintenant qu'elle n'a plus de dettes, j'ai peur qu'elle disparaisse de ma vie. Lui dire que je ne veux surtout pas que ça arrive. Mais je n'ai aucun courage et je reste silencieux. Pitoyable, comme toujours. Lâche, pour ne rien changer. Michael lui, il aurait su quoi faire et quoi dire s'il avait été à ma place. Parce que lui, il a toujours les bons mots et il sait comment s'y prendre avec les filles. Sûrement que si j'avais été lui, j'aurais déjà eu l'occasion de vivre quelque chose avec Lola. Mais je ne suis que moi. Et moi, je m'invente une copine pour ne pas paraître trop minable devant elle. Bordel, à quel moment est-ce que j'ai commencé à tout foirer comme ça ?! Et ça ne s'arrange pas, je continue de m'enfoncer en racontant n'importe quoi. Pitié, que quelqu'un me fasse taire avant qu'il ne soit trop tard - il est déjà trop tard.
- Oh il sait l'essentiel, mais pas tout. Je lui ai dit que je t'avais emprunté un peu d'argent, et que tu avais effacé ma dette. D'ailleurs il trouve ça très honorable, il t'aime déjà.
Je ne peux pas m'empêcher d'esquisser un léger haussement de sourcils et un sourcil crispé. Ma lèvre supérieure qui se relève discrètement, dans une moue de dégoût que je peine à dissimuler.
- Wah, j'en ai d'la chance.
C'était plus fort que moi. Je n'ai pas pu me retenir et mon ton est si amer que ça embaume toute la salle. Tant pis, je ne cherche même pas à me cacher plus que ça ou à faire semblant de sourire l'air de rien. J'le déteste ce Leo putain, j'le déteste tellement. Il n'a pas le droit d'être si génial. Bon sang, pourquoi est-ce que pour tous les mecs c'est si facile d'aborder une fille, de la draguer et de lui plaire ? J'ai l'impression qu'il n'y a que moi qui patauge dans cet immense bordel. Que moi qui me noie sous mes sentiments démesurés et aussi envahissants que maladroits. C'est peut-être toujours comme ça avec les jumeaux. Y en a un qui a tout et l'autre, rien. L'autre, évidemment, c'est moi.
- Par contre j'ai rien dit pour les soirées foireuses où tu me forces à venir avec des fringues trop courtes, ni pour toutes les nuits où t'es venu squatter chez moi. Je pense pas qu'il réagirait très bien, tu vois. Je préfère éviter qu'il vienne s'en prendre à toi.
Je relève la tête vers elle, un peu livide. Je me tends et déglutis, franchement pas très à l'aise face à ses paroles. Je me sens honteux, limite même monstrueux. J'ai beau savoir que j'ai fait des trucs pas très corrects, quand elle le dit, c'est mille fois pire. Après l'avoir fixé quelques secondes dans un silence pesant, je finis par baisser les yeux, avouant de façon tacite toute la culpabilité qui pèse sur mes épaules pour les comportements que j'ai pu avoir avec elle. Je m'en veux terriblement d'avoir été parfois odieux comme ça. De l'avoir forcée à se montrer de la sorte, à se vêtir de façon indécente. Ça me ressemble pas. J'ai jamais fait ce genre de choses. Mais on s'est rencontré dans un des pires moments de ma vie, je n'avais pas la tête sur les épaules et j'ai merdé. J'ai totalement déconné. J'aimerais pouvoir me racheter, c'est sûr. Mais avec elle, je marche sur des oeufs en permanence et je ne saurais même pas par où commencer.
- Et Solveig alors, ça la dérange pas tout ça ?
Merde, merde, merde ! Je panique. Je me mets à bafouiller lamentablement, incapable de répondre à ça. Mais pour une fois, merci mon dieu, je suis sauvé. On vient nous interrompre pour prendre la commande de notre apéritif et dès que la serveuse repart, j'en profite lâchement - on a l'habitude maintenant - pour changer totalement de sujet et ne pas avoir à répondre à sa question plus qu'embarrassante. Je ne sais même pas quoi inventer comme réponse. Mais très vite, je regrette ma diversion. Parce que Lola fonce sans plus attendre et les questions fusent.
- Toi d'abord. Pourquoi t'es dans la rue ? Et pourquoi tu vis pas avec ton frère au foyer ?
Je me fige. Je me liquéfie sur place. Mon visage palis et mon regard se voile de tristesse en une fraction de seconde. Je la dévisage, ébranlé, muet. J'suis vraiment con parfois. J'entrouvre légèrement la bouche et échappe quelques mots tremblants.
- Euh, je..
Je n'arrive plus à réfléchir. Je suis assaillis par une nuée de mauvais souvenirs, plus terribles les uns que les autres et je n'arrive pas à m'en sortir. Je m'enfonce doucement face à elle, dans un silence pesant. Faut vite que je trouve un moyen de me sortir de là. Mais je n'y arrive pas. Elle vient d'ouvrir ma boite de pandore et je n'ai plus aucun contrôle sur mes émotions. Ces foutues émotions bien trop grandes pour moi, bien trop lourdes, qui compriment ma poitrine, m'empêchent de respirer et écrase mon palpitant qui peine à survivre. Je finis par reposer le menu sur la table, dans un geste maladroit et me lève.
- Faut qu'j'aille aux toilettes.
Je n'ai rien trouvé de mieux pour l'instant. C'est peut-être l'excuse la plus nulle du monde, la plus facile à capter aussi, mais qu'importe. Là, faut que j'aille m'isoler avant de craquer devant elle. Déjà que son estime de moi doit être au niveau 0, j'aimerais autant éviter qu'elle passe dans le négatif et que je devienne la source de toutes ses futures moqueries. Mais à peine ai-je fait un pas qu'un bruit sec se fait entendre et que toutes les lumières se coupent brusquement, plongeant la salle sans fenêtre dans l'obscurité la plus totale. On entend quelques cris de surprise, puis des rires. Mais moi. Moi je suis tétanisé. Déjà mal en point, les choses s'aggravent encore plus, alors que je me retrouve dans un lieu inconnu, à devoir affronter l'une de mes pires phobies.
- Lola...
Que je souffle, la voix tremblante, transpirante la peur irraisonnée qui m'anime à cet instant. Je me mets à avoir du mal à respirer, les muscles tellement tendus que ça en devient douloureux. Mes poumons se vident, ma gorge se resserre et la crise de panique pointe tranquillement le bout de son nez.
- Lo.. la..
Que je répète, le souffle rauque et rapide. Elle est où putain ? Rapidement, je perds tous mes repères. Je ne sais plus où je suis, où est la table, si je suis debout, assis, à l'endroit ou à l'envers. Tout autour de moi semble n'avoir plus aucun sens et une terrible angoisse me broie les tripes. Les jambes en coton, les yeux gorgés de larmes, les mains tremblantes. Faut rallumer les lumières putain. Faut rallumer les lumières. Des flashs me reviennent en mémoire et j'ai de plus en plus de mal à respirer alors que déjà, en silence, les premières perles salées roulent sur mes joues blafardes.
- Micha..
Je veux Michael. J'ai besoin de Michael. Michael, Michael, Michael.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyLun 1 Mai - 16:59

« C'est une question de principe, pas d'argent. Mais bon, les principes et toi hein.. » Lentement, Lola relève les yeux de son menu, les vrillant sur Junior comme une arme sur sa cible. Pourtant elle a l'impression que la cible c'est elle et il a touché en plein dans l'mille, bang bang le coup est fatal. Faut croire qu'il le sait – il baisse la tête, il la fuit, il est mal à l'aise. Ça crève les yeux. Elle lui laisse une chance. À garder le silence, à le fixer comme si elle voulait le passer aux rayons X, attendant qu'il rattrape son erreur. Mais il préfère se planquer derrière sa lâcheté, et c'est trop pour elle. « C'est une blague ? Tu crois que t'es bien placé pour parler de principes, p't'être ? Ils étaient où les tiens quand tu te servais de ma dette pour faire pression ? Tu veux vraiment m'faire gober que c'était pas une question d'argent, ça ?! » Le ton monte et tant pis si quelques regards se tournent dans leur direction, tant pis si elle expose leur conversation aux tables qui les entourent. Clairement, elle n'en a rien à foutre. Elle est si vexée et fâchée qu'elle attrape sa petite cuillère pour la balancer sur Junior avec violence, tant pis si la situation est ridicule. Elle prend même pas le temps de se réjouir quand le projectile atteint sa cible, claquant en plein sur son front. « C'est tes principes qui t'ont poussé à te comporter comme un parfait connard ? Hein ?! Visiblement c'est de famille, parce que ceux de ton frère sont aussi foireux qu'les tiens ! » Ses yeux deviennent deux fentes accusatrices, la colère encore vive de tout ce qui s'est passé avec lui, avec Michael, toutes ces conneries. Y a tous les reproches qui pèsent dans sa voix, dans son regard. Tout ce qu'elle lui balance à la figure avec l'espoir que ça lui fera mal – bien plus qu'un couvert reçu en pleine gueule. « T'amuses pas à m'donner des leçons, t'es pas mieux que moi cabrón. » Elle le défie du regard, comme pour lui prouver qu'il ferait mieux de ne pas la contredire, pas alors qu'elle est persuadée d'être dans le vrai. Et même si elle est toujours aussi froissée, elle finit par baisser la voix, reprenant un ton normal. Ou presque. Elle reste sèche, piquante, manifestement agacée par le sujet. Ça lui plaît pas, d'imaginer que Solveig la juge, et qu'elle se permet de s'immiscer dans sa relation avec Junior. Qu'il s'agisse de la dette ou des engueulades, elle estime que ça ne les regarde qu'eux. Pas Solveig, pas Michael, pas sa mère ou le voisin. Juste eux. Et elle voit pas pourquoi ça semble si difficile à comprendre pour lui, même si elle tente de reprendre une attitude désinvolte, rappelant qu'elle lui doit plus rien. « Ouais.. » Il a l'air un peu déçu, presque triste. Quand elle lève le regard vers lui cette fois c'est moins agressif, plus curieux. Un sourcil arqué, comme si elle attendait la suite, comme si elle voulait qu'il s'explique. Mais rien ne vient, évidemment, alors elle fait mine de se désintéresser de lui pour pas montrer qu'elle a été touchée par tout ça, suffisamment pour rester passablement énervée. Ça l'empêche pas de jouer un sale petit jeu, à multiplier les mensonges et remuer le couteau dans la plaie, juste pour voir ce que ça fait. Juste pour voir si lui aussi, elle peut le toucher. « Wah, j'en ai d'la chance. » Le sarcasme est palpable mais ça n'lui ressemble pas, pas vraiment, pas comme ça. « Y a un problème ? » C'est demandé avec un ton léger, le plus innocemment du monde. Mais la flamme qui continue de valser dans ses iris la trahit, prouvant à quel point elle n'a qu'une envie : le voir se mettre en colère lui aussi. Elle sent l'amertume sans la comprendre, sans réellement y prêter attention. Elle prend ça comme un jeu, une comédie. C'est qu'un ramassis de conneries tout ça – ce qu'elle raconte, ce qu'elle montre. Y a même pas de raison de continuer à se vexer au final, pas vrai ?

Le malaise s'épaissit quand elle continue la liste des reproches. C'est balancé l'air de rien, comme si ça n'avait aucune importance, mais ils savent tous les deux que c'est faux. Elle cherche à l'atteindre et ça marche – elle voit ses épaules qui s'affaissent, son regard qui se baisse. Il a l'air honteux mais elle jubile même pas, parce que la victoire laisse un sale goût sous sa langue, un truc amer qui lui brûle la gorge. Pourtant elle prend sur elle, au moins un peu, du mieux qu'elle peut. Parce que Junior finit par faire un pas vers elle, et elle s'engouffre dans la brèche sans attendre. « Euh, je.. » Il a l'air un peu paniqué. Le teint blême, l'air de se liquéfier sur son siège. « Junior ? » Elle est pas sûre de comprendre ce qui se passe, alors qu'il perd tous ses moyens, prenant un air de gosse paumé, rongé par quelque chose qui lui échappe. La situation la dépasse et faut croire que lui aussi, parce qu'il se lève maladroitement. Elle a presque peur de le voir s'écrouler. « Faut qu'j'aille aux toilettes. » C'est la pire excuse du monde et elle fronce les sourcils, reposant son menu sur la table, le dévisageant avec attention. « Est-c'que ça va ? » Non, bien sûr que non ; elle le voit bien. Mais elle comprend pas, elle a l'impression que ça sort de nulle part, elle sait pas à quel moment ça a dérapé. Pourtant il a pas l'temps de partir, elle a pas l'temps de le retenir. Un claquement et le noir complet, ils voient plus rien. Lola sursaute puis elle rejoint les rires qui se font entendre, s'attendant à entendre celui de Junior suivre le mouvement. Mais rien. « Lola... » Ça recommence : on dirait un môme perdu, et elle sait pas pourquoi ça lui serre le cœur, ça lui tord les tripes. Peut-être parce que sa peur est palpable, prenante, inquiétante. « J'suis là, ils vont rallumer. » Du moins, ils le feront quand le problème sera réglé. Ce qui ne semble pas être pour tout de suite, et déjà elle entend un souffle qui s'affole, quelqu'un qui perd pied. Elle comprend que c'est lui. « Lo.. la.. » Elle perçoit sa détresse et elle se met à froncer les sourcils, cherchant son portable pour allumer le flash. « Junior ? Ça va ? » Visiblement, non. Il est planté là, il a pas bougé depuis que ça s'est éteint. On dirait un château de cartes prêt à s'effondrer, elle l'a jamais vu comme ça. Rapidement elle se lève et le rejoint, son air inquiet avalé par l'obscurité. « Micha.. » Elle garde son portable dans une main, l'utilisant pour garder un minimum de lueur autour d'eux, pour qu'il ne reste pas dans le noir total. Sa main libre vient se poser sur son épaule puis remonte jusqu'à son cou, avant de venir se caler contre sa joue. « Il est pas là.. » Sous ses doigts elle sent l'humidité, les larmes qui ont commencé à lui encrasser la peau. Ça fait redoubler son inquiétude alors qu'elle les essuie doucement, sur une joue puis l'autre. Elle reste proche de lui, sa main qui ne quitte pas son visage, ses bras qui s'affairent, à le frôler, à lui faire sentir sa présence. « C'est moi, regarde. » Elle lève son téléphone, oriente la lumière vers son propre visage pour que Junior puisse la voir. « Ça va aller. Respire. » Elle sait pas ce qu'il a, ni pourquoi il réagit comme ça. Mais elle réfléchit pas, pas pour le moment, parce qu'elle voit bien qu'il a besoin d'être rassuré et elle fait du mieux qu'elle peut, à venir caler sa main dans sa nuque pour l'amener à elle, l'invitant à se réfugier dans ses bras. C'est le mieux qu'elle puisse lui offrir pour l'instant et elle s'y atèle avec attention, le serrant contre elle comme on le ferait avec un gamin perdu, quelque chose à protéger. Sa main libre se cale dans ses cheveux, frottant ses boucles dans des gestes lents et délicats, pendant qu'elle s'efforce de garder le peu de lumière autour de lui avec son autre main. « Je suis là, ok ? Respire avec moi. » Elle sait pas combien de temps s'écoule – peut-être une minute, peut-être quinze, elle a perdu le fil en se concentrant sur le rythme de la respiration de Junior, pour s'assurer que ça déraille pas, qu'il se disloque pas entre ses bras. Quand les lumières reviennent, elle est obligée de plisser les yeux, éblouie le temps d'une seconde. Elle ose à peine le lâcher, le couvant de son regard toujours inquiet, toute la colère de tout à l'heure envolée. Elle se recule pour l'observer, gardant une main sur son visage qui a perdu ses couleurs, l'examinant comme pour s'assurer que ça va aller, qu'il va pas tomber. Elle fait même pas attention au reste, à leur proximité, à la façon dont elle l'a envoyé chier un peu plus tôt, au contraste avec la douceur dans laquelle elle vient de l'envelopper. Pour l'instant elle se soucie de rien, trop focalisée sur son état. « Tu t'sens comment ? » C'est peut-être la première fois qu'elle est aussi gentille avec lui, à se préoccuper de comment il va plutôt que de jouer l'égoïste, plutôt que de rester sur la défensive, prête à exploser. Elle l'a jamais senti aussi vulnérable et elle peut pas s'empêcher de vouloir effacer la détresse qu'elle a senti, la douleur qu'elle a deviné. Elle comprend pas, mais elle s'en fiche. Pendant une seconde le masque s'envole, et avec lui la rancœur. La fierté mise de côté, et les reproches oubliés.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyJeu 11 Mai - 11:14

- C'est une blague ? Tu crois que t'es bien placé pour parler de principes, p't'être ? Ils étaient où les tiens quand tu te servais de ma dette pour faire pression ? Tu veux vraiment m'faire gober que c'était pas une question d'argent, ça ?!
Je fronce les sourcils, un peu perplexe. Doucement, je relève le regard vers elle et la dévisage sans dire un mot. Elle est sérieuse, là ? Dubitatif, je ne trouve rien à répondre. Alors, elle ne voit vraiment rien ? Comment est-ce qu'elle peut être aveugle à ce point-là ? A moins que je ne sois un meilleur acteur que je ne le pensais, mais ça m'étonnerait très franchement. Un peu sidéré, j'ouvre la bouche pour répondre quelque chose, mais aucun son n'en sort. Je rebaisse les yeux, songeur. Peut-être qu'elle ne veut rien voir. Parce que ça l'arrange. Parce que ce n'est pas réciproque et qu'elle ne veut surtout pas s'embarquer là-dedans. J'esquisse un sourire douloureux, ayant un peu de mal à cacher ma déception évidente. Et, un peu faiblement, je finis par hausser les épaules et répondre.
- Non, ouais, t'as raison.
Tu parles, j'en ai jamais rien eu à faire de son argent. Pour le peu qu'elle me remboursait et qu'elle me ramenait lors des soirées, on ne peut pas dire que j'attendais grand chose d'elle de ce côté-là. J'inspire un grand coup et souffle discrètement, essayant de me vider la tête et d'oublier la douleur cuisante au creux de ma poitrine. De toute façon, au fond de moi, je l'ai toujours su. Elle est trop belle pour moi. Trop bien pour moi. Depuis le temps qu'on se connaît, si elle avait voulu tenter quelque chose, elle l'aurait fait. Elle n'a visiblement aucun mal à aller vers les mecs pour les draguer. Faut que je me fasse une raison. Il faut vraiment que je me fasse une raison. Que j'arrête d'avoir de l'espoir, que j'arrête de voir des signes là où il n'y en a pas. Mais à force de fixer mon menu, je ne vois pas la cuillère qu'elle me lance et je la prends en pleine figure. Je sursaute et recule brusquement.
- HEY .. ?!
Je relâche mon menu et viens poser une main sur mon front tout en la dévisageant, à la fois stupéfait et fâché. J'essaye de râler, mais elle me coupe la parole, parlant par-dessus moi.
- Mais ça va p..
- C'est tes principes qui t'ont poussé à te comporter comme un parfait connard ? Hein ?! Visiblement c'est de famille, parce que ceux de ton frère sont aussi foireux qu'les tiens !
Je me tais. Et je me renfrogne. Je la fixe durement pendant encore deux secondes avant de finalement baisser les yeux, harassé par la culpabilité et la honte. Je voulais tellement avoir l'air d'un mec sûr de lui que je suis allé trop loin. J'en ai conscience et je ne sais même pas comment me rattraper. J'ai peur qu'en lui avouant tout, ce soit encore pire. Qu'elle se foute de ma gueule, qu'elle me méprise et m'envoie chier, me chassant définitivement de sa vie. Parce que mine de rien, elle me traite de connard mais elle est bel et bien là, assise sur cette table juste en face de moi. Alors bon, je me dis que le coup du connard ça marche quand même. En revanche, le vrai moi, pas sûr qu'il lui plaise. Je soupire, un peu perdu, ne sachant plus trop sur quel pied danser ni ce que je dois faire avec elle.
- T'amuses pas à m'donner des leçons, t'es pas mieux que moi cabrón.
Et elle a tellement raison. J'suis même tellement pire qu'elle. Je ne peux pas m'empêcher de repenser à Bee. A son pauvre corps qu'on a abandonné là. Quel genre de personne fait ça, hein ? Ma gorge se serre et je finis par me baisser pour ramasser le projectile tout en marmonnant.
- Sûrement, oui.
Je me redresse et lui rend son couvert sans un mot de plus, sans un regard non plus. Je n'ai pas du tout envie de poursuivre dans cette voie. Pas envie de me défendre, de protester, de surenchérir. Ce n'est pas l'endroit ni le moment. Et puis, je n'ai pas le cœur à ça. Je n'aime de toute façon pas me disputer avec les gens. Les conflits, ce n'est pas trop mon truc. Alors je préfère accepter de me faire traiter de tous les noms plutôt que de faire éclater une dispute. Surtout que là, je ne l'ai pas volé. Et elle continue de plus belle, me bassinant avec son Leonard et plus ça va, plus j'ai du mal à me contrôler. Ça me fait bien plus mal que je ne l'aurait imaginé. Alors, lorsque j'échappe une phrase pour le moins amère, elle le remarque aussitôt. Je sens son regard qui se fixe sur moi, un mélange entre la curiosité et la provocation. Y a cette flamme qui continue de danser au fond de ses yeux et qui m'embrase.
- Y a un problème ?
Sa voix est particulièrement légère, contrastant bizarrement avec l'éclat dans ses prunelles. Je l'observe une seconde, ne sachant plus vraiment dans quel état elle est à cet instant. Alors, un peu sur la défensif, distant, je me contente de secouer nerveusement la tête de gauche à droite et de répondre sèchement.
- Non.
SI putain, y a un énorme problème. Et il s'appelle Leonard. Je serre les dents, irrité. J'espère qu'il ne viendra pas. Vraiment, je l'espère. Parce que je ne suis pas sûr de pouvoir supporter une confrontation. En fait, je suis sûr de ne pas pouvoir supporter une confrontation. Je sens que je vais dire des trucs cons et que je vais faire n'importe quoi. Que je vais m'humilier un peu plus et que Lola va me détester, de façon définitive. Alors, pitié, cameraman à la crinière dorée, NE VIENS PAS. Dieu si tu existes vraiment, fait en sorte qu'il en vienne pas. Pour la raison que tu veux. Sauf la mort, quand même. Mais les choses m'échappent de plus en plus. J'ai voulu dévier la conversation, pour aborder un sujet plus léger, pour qu'on arrêter de se balancer des poignards à tour de rôle, dans l'espoir de quand même passer une bonne soirée. Quelle idée à la con. Voilà que maintenant, elle veut tout savoir. Qu'elle me pose exactement les questions auxquelles je ne peux pas répondre. J'suis nul pour mentir, pour inventer des choses. Surtout quand ça me touche d'aussi près. J'aurais aimé savoir me gérer, me contenir, rebondir et lui répondre d'un ton détendu, inventant un bobard un peu stylé. Mais non. Je panique. Le palpitant qui s'affole, les souvenirs qui me terrassent. Et je me retrouve complètement démuni face à elle, ce qui n'arrange rien à mon état. Je passe du parfait petit connard au gosse fragile qui chiale pour un rien. Et tout ce que je trouve à faire pour tenter de sauver les apparences, c'est de prendre lâchement la fuite. J'suis doué pour ça : prendre la fuite. Hein Bee ? Et je vois bien que Lola n'y comprend plus rien. Elle me demande si ça va, un peu hébétée, peut-être un peu inquiète. En fait, je n'en sais rien. Je suis coincé dans ma bulle, désormais hermétique au reste du monde, plongé dans le méandre de mes émotions exacerbées. Putain d'émotions incontrôlables. Pourquoi je n'arrive jamais à les apprivoiser ? Pourquoi elles me contrôlent et non pas l'inverse ? Micha ne se ferait pas avoir aussi facilement lui. Je ne réponds rien, me contentant de prendre la fuite. Mais je me retrouve coupé dans mon élan, lorsque les lumières sautent et que la pièce se retrouve plongée dans le noir le plus complet. C'était probablement le pire moment pour qu'un truc pareil n'arrive. Je suis déjà à fleur de peau et voilà que je me retrouve à devoir affronter une de mes pires phobies. La panique me gagne rapidement. Je me tétanise, mes sens s'embrouillent et bientôt, il ne reste plus que la peur. C'est comme si je m'attendais à voir débarquer mes parents d'une seconde à l'autre. Pour m'attraper et me jeter dans la boite. Je m'imagine fuir, courir, hurler, mais je ne bouge pas d'un millimètre. Vissé au sol, terrorisé, bredouillant quelques faibles mots pour tenter de ne pas me déconnecter totalement de la réalité. J'essaye de rationaliser, de me calmer, mais j'en suis incapable. Ma raison a foutu le camp, il ne reste que l'instinct et les émotions. Ça fourmille de partout, ça me fout en vrac, ça me dupe et ça me perd. Je perds toutes notions, d'espace et de temps. J'ai l'impression d'être au bord du vide, peut-être même que je tombe déjà. Je n'arrive plus à respirer et les larmes continuent de couler, relancer par intermittence par un sanglot douloureux qui me brûle les poumons et la gorge. Je veux sortir d'ici. Je veux aller me réfugier dans les bras de Michael. Parce que y a que lui qui a toujours pu me rassurer et apaiser mes terreurs. Lui qui tant de fois, c'était sacrifié pour prendre ma place quand j'étais puni. Et je me reconnecte légèrement avec la réalité lorsqu'une lueur m'interpelle. Faiblement, je tourne la tête, les yeux exorbités et rougit par les larmes, la gueule livide et trempée. Je ne pense même pas au fait que je suis probablement en train de m'humilier. Je ne pense à rien d'autre qu'à Micha. Je sens une main qui remonte le long de mon bras, qui glisse dans ma nuque et finit par se caler sur ma joue. Et sa douceur me rassure et m'apaise légèrement, m'empêchant de m'écrouler au sol. Mais je n'arrive toujours pas à comprendre à qui elle appartient ni qui se tient en face de moi. J'ai tellement l'impression d'être dans cette foutue boite que j'en ai oublié le restaurant et Lola.
- Il est pas là..
La voix est tellement lointaine. Comme si elle provenait d'une autre pièce. Je fronce les sourcils, j'essaye de comprendre ce qu'il se passe et où je suis. Mais mon cerveau refuse de m'aider. Il s'est carapaté et se cache dans un coin obscure de ma boîte crânienne, me laissant me démerder. La lumière bouge et vient éclairer un visage. Je hausse les sourcils, comme surpris.
- C'est moi, regarde.
Doucement, les connexions se refont. Lola, restaurant, Savannah. Je ne suis pas chez moi. Je ne suis pas dans la boîte. Je déglutis, essayant de me calmer un peu, mais mon rythme cardiaque reste trop rapide, trop élevé. Ça cogne bruyamment dans ma poitrine et ça écorche tout au passage. Le sang qui se glace dans mes veines, mes muscles qui me font mal tant ils sont contractés.
- Ça va aller. Respire.
Et sa main se glisse derrière ma nuque, m'attirant à elle. Et bouger me demande un effort surhumain. Tout mon corps me fait mal et je me tends, freinant un peu le mouvement, jusqu'à finalement m'abandonner dans ses bras. Je l'attrape et la serre, probablement un peu trop fort, comme si ma vie en dépendait. Je ferme les yeux, de toutes mes forces et continue de pleurer, respirant bruyamment à cause de ma gorge serrée et de mes poumons en feu. Ma poitrine qui se soulève et s'abaisse violemment, dans un rythme irrégulier, se heurtant à celle de Lola en permanence.
- Je suis là, ok ? Respire avec moi.
Sa main qui se glisse dans mes cheveux, me caressant doucement. Et moi, je m'accroche à elle, mes doigts enserrant le tissu de sa robe, pour garder un pied dans la réalité. J'essaye de me concentrer sur sa respiration pour calquer la mienne dessus. Lentement, la pression redescend, devenant plus supportable. Mes muscles se relâchent très légèrement et ma tête se cale dans la nuque de Lola, y trouvant chaleur et réconfort. Son odeur m'enivre et m'enveloppe, chassant mes peurs et mes démons. Et soudain, à travers mes yeux fermés, je capte de la lumière. Je tique un peu, rouvre péniblement les yeux et me redresse, me détachant un peu à contre-cœur de Lola. Mais elle garde une main sur ma joue et je me noie dans son regard inquiet et bienveillant à la fois. Encore apeuré, encore secoué, les larmes commencent à peine à se dissiper. Je regarde autour de moi, cherchant à me remettre un peu.
- Tu t'sens comment ?
Mal. Je me sens mal. Terriblement mal. Je repose mon regard sur elle et déglutis, l'air tellement perdu. Et rapidement, je vois tous les gens autour de nous qui nous observent, probablement surpris et inquiets eux aussi. Mais ça m'oppresse. Tremblant, je retire brusquement la main de Lola de ma joue, honteux, perturbé. Cette proximité, sa douceur, ses mains sur ma peau, je les sens enfin. Comme une brûlure.
- Faut qu'je sorte.
Que je balbutie maladroitement, la voix enrouée par les sanglots. Et je pivote rapidement, me dirigeant vers la sortie sans savoir si elle me suit ou pas. Faut que je prenne l'air, faut que je respire, ou je vais exploser, imploser. Je pousse brutalement la porte d'entrée, les gestes encore approximatifs et les jambes en coton. Et une fois dehors, j'inspire une grande bouffée d'air frais. Je fais quelques pas et m'arrête, la tête balancée en arrière. De l'espace, de l'air, de la lumière. C'est tout ce dont j'avais besoin. De l'espace. Beaucoup d'espace. Pas de limites, pas de recoin, pas de murs, rien. Je me remets à pleurer doucement, épuisé et viens finalement m'asseoir par terre, contre un mur. J'inspire et souffle à plusieurs reprises. Je calme les larmes et essuie mes joues du revers de mes mains blêmes, toujours tremblantes. Je finis par laisser ma tête partir en arrière pour qu'elle s'appuie contre le mur, le regard rivé vers le ciel. J'entends finalement quelqu'un sortir du restaurant et s'approcher. C'est Lola. Elle vient s'asseoir à côté de moi, silencieuse. Et on reste comme ça un moment, sans se regarder, sans rien se dire. Je me laisse le temps nécessaire pour faire redescendre la pression, pour rassembler mes esprits. Et réfléchir à tout ça. Finalement, je tourne la tête vers elle.
- Passe moi ton téléphone.
Ma voix est basse, à peine audible. Je la laisse le déverrouiller et puis l'attrape lorsqu'elle me le tend. Rapidement, je vais sur youtube et retrouve une des vidéos qu'Ellie avait postée dessus. Une vidéo de moi au piano lors d'une représentation dans un grand opéra New-Yorkais. Seul sur scène, en costume, âgé de 17 ans à peine. Puis je la lui donne pour la laisser la regarder. Elle voulait savoir qui j'étais ? Hé bien voilà un début. Je recale ma tête contre le mur et de m'entendre jouer réveille à nouveau tout un tas de choses en moi. Les larmes se remettent à couler, plus calme, teintées d'une nostalgie évidente. La musique me manque. Terriblement. Les études aussi. Les chiffres, les calculs, mes rêves. Tout me manque. Je me sens inutile dans la rue. Je ne fais rien de mes journées à part zoner et je deviens fou à force. Je déglutis et me met à me triturer nerveusement les mains. J'en ai marre de faire semblant. De mentir. Je la regarde à nouveau, hésitant encore un peu. Tant pis si elle n'aime pas le vrai moi. Je crois que finalement je préfère encore ça plutôt qu'elle apprécie ce que je ne suis pas. Passant outre mes peurs et ma honte, je lui confesse finalement la vérité.
- Solveig n'est pas ma copine. Je t'ai menti. Je suis désolé.
Et je baisse les yeux, vraiment pas fier de moi et de ce mensonge ridicule. Je soupire. J'espère seulement qu'elle aura la délicatesse de partir vite et de ne pas m'enfoncer encore plus. Parce que je ne suis pas en état d'entendre ses reproches. Alors si elle veut partir, qu'elle le fasse. Mais sans un mot. Sans un mot.
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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyDim 21 Mai - 14:49

Elle sait pas à quel moment ça a déraillé, elle sait pas c'qui s'est passé dans la tête de Junior. Elle comprend pas Lola, elle voit juste les larmes et la détresse dans ses yeux, son air paumé qui donne envie d'lui dire que tout va s'arranger. Elle l'a jamais vu comme ça et elle sait pas pourquoi ça remue un truc à l'intérieur, pourquoi elle a cet élan de douceur. Elle lui a jamais rien offert de ce genre-là, rien d'autre que les sarcasmes et les coups d'éclats, quelques sourires et quelques gestes mais jamais une bienveillance comme ça, jamais ses meilleurs côtés. Parce qu'elle estimait qu'il les méritait pas, parce que chaque fois qu'elle était prête à s'y risquer il la faisait changer d'avis. Avec ses exigences, ses ordres, son attitude d'enfoiré comme si elle lui appartenait à cause d'une pauvre dette. Elle lui a jamais rien donné et pourtant cette fois elle est là, la voix posée, les mains sur lui pour lui rappeler qu'il est pas tout seul, que c'est rien, juste un peu d'obscurité. Elle pige pas pourquoi il se met dans un état pareil – elle a vu la détresse dès qu'elle a commencé à poser des questions, dès qu'il a voulu s'éclipser. Faut croire qu'il a un karma de merde ou que c'est juste le destin qui s'acharne et maintenant il a perdu tous ses moyens, toutes ses couleurs, toute la lumière dans ses yeux. Il reste juste un mélange de peur et de douleur, un truc qui lui échappe et qui pourtant la frappe de plein fouet, c'est touchant, prenant, suffoquant. Ça serre la gorge et le cœur, ça donne l'impression qu'il est coincé loin, trop loin, sans qu'elle n'y comprenne rien. Alors elle essaie d'le rassurer comme elle peut, à se rapprocher, à s'y accrocher. Il met un temps à réagir, crispé, figé, raide et pourtant prêt à s'écrouler. Et puis il s'laisse aller. Ses bras qui se referment autour d'elle et il serre, il s'agrippe, il y met tellement de force que ça fait presque mal mais elle dit rien, elle laisse faire. Un peu perturbée, un peu déboussolée. Tout ce qu'elle peut faire c'est lui caresser les cheveux, le tenir, lui parler pour pas qu'il oublie qu'elle est là, pour lui rappeler comment on fait pour respirer. Y a son souffle qui prend toute la place et ses phalanges qui froissent sa robe, sa tête qui vient se caler dans son cou et elle bouge toujours pas, même si elle a la gorge nouée et le cœur serré. Quand les lumières reviennent c'est comme une aiguille qui éclate leur bulle, qui s'enfonce dans ses mains. Mais elle fait pas attention au reste, elle est trop inquiète pour l'instant et elle le couve de c'regard concerné, attentionné. Il attrape sa main pour la dégager rapidement et elle laisse retomber son bras contre son flanc, un peu surprise, un peu blessée aussi. Il a l'air encore plus paumé, un peu torturé, mal adapté. « Faut qu'je sorte. » Déjà il tourne les talons, commençant à s'éloigner sans un regard en arrière. « Junior ! » Il écoute pas, ne se retourne pas. Il disparaît et elle le regarde faire, se demandant s'il arrivera au bout sans s'effondrer. Maintenant elle se sent conne. Seule debout au milieu de la salle, des regards curieux posés sur elle. D'habitude elle adore ça et elle cherche à provoquer cette situation à tout prix, être au centre de l'attention et sentir les paires d'yeux qui se vrillent sur elle. Mais pas là, pas comme ça, elle a l'impression de sentir sa peau qui crame et elle sait plus quoi faire, parce que Junior l'a troublée avec toutes ses émotions, avec toutes ces choses qu'elle a absorbées malgré elle et qu'elle ne comprend toujours pas. Il l'a lâchée et maintenant elle est seule pour affronter les visages inquiets, parfois un peu interloqués. Elle sait pas putain elle sait pas pourquoi il a fait ça, pourquoi il s'est mis dans cet état, pourquoi il s'est barré comme ça. Elle sait pas ce qu'il fout, à quoi il joue, quel engrenage a merdé dans sa tête. Elle sait pas et elle est là, plantée comme une idiote, à se racler la gorge en relevant le menton. Elle attrape ses affaires, commence à s'éloigner et puis se ravise, fait un demi-tour pour attraper la cuillère qu'elle lui avait balancée à la figure. Elle sait pas pourquoi elle la prend et la fourre dans son sac – parfois c'est plus fort qu'elle, parfois elle attrape des trucs à la volée sans trop chercher à comprendre pourquoi. Tout le monde l'a vue mais elle n'en a rien à foutre. Elle passe devant l'hôtesse d'accueil qui l'interpelle mais ça l'emmerde, elle a pas le temps, pas l'envie, pas l'énergie. « Oui ça va, non on reviendra pas, au revoir ! » Elle s'arrête même pas, elle se contente de balancer sa phrase en partant, chaussures claquant contre le sol, le pas pressé. Elle aussi elle a besoin de respirer.

Une fois dehors, elle tourne la tête d'un côté puis de l'autre, avant de repérer Junior. Installé par terre, appuyé contre le mur, il a déjà l'air moins fantomatique que dans le restaurant et ça la rassure. Presque. Elle fait un pas puis deux, hésitante d'abord, avant de finir par s'approcher plus rapidement pour venir s'asseoir à ses côtés. Il dit rien, elle non plus. Elle a envie de lui demander si ça va mais elle connaît déjà la réponse, elle a envie qu'il lui explique mais elle a peur de le mettre encore plus mal, elle a envie de lui dire que c'est pas grave mais les mots n'sortent pas. Y a rien qui vient et elle lui lance des œillades en coin, luttant contre son instinct qui lui gueule d'essuyer les derniers résidus de larmes, de caresser son visage une dernière fois pour lui dire que c'est fini, que ça va, qu'il est loin de son agonie. Elle fait rien. Elle reste là, à l'observer plus ou moins discrètement – pas tant que ça, c'est Lola – à pas savoir ce qu'elle doit dire ou faire dans cette situation et surtout face à lui. Elle a l'impression que c'est pas la même personne, pas tout à fait le Junior qui lui a été donné jusqu'ici. Elle sait pas comment elle est censée agir et ça l'agace, ça la frustre, ça la fait soupirer alors qu'elle fusille le trottoir du regard, comme si c'était sa faute. « Passe moi ton téléphone. » Elle sursaute alors qu'il a parlé doucement, tellement qu'elle a failli ne pas l'entendre. Elle tourne la tête vers lui, perplexe, encore un peu hésitante. « Pour quoi faire ? » Elle demande mais n'attend pas réellement de réponse, commençant déjà à obtempérer alors qu'elle déverrouille son écran. Elle hésite une dernière seconde avant d'enfin lui tendre l'objet, se penchant vers lui pour essayer de voir ce qu'il fait. Mais déjà il lui rend le portable et elle fronce les sourcils, posant le regard sur l'écran. Sur le coup, elle comprend pas. Un ado, un piano, une grand scène et un morceau sacrément bien joué. Elle met plusieurs secondes à reconnaître Junior plus jeune, Junior dans un costume, Junior qui joue un morceau classique devant une grande salle. Sa bouche s'entrouvre et elle garde les yeux rivés sur la vidéo, repensant à la fois au centre commercial, quand elle l'a vu jouer, la façon dont ça l'avait déjà un peu émerveillée. Cette fois encore, parce qu'il joue beaucoup trop bien pour un gosse – elle sait pas quel âge il a là-dessus mais il a pas l'air bien vieux, seize ou dix-sept ans peut-être, alors quoi ? C'est un prodige ? Pourquoi il joue pas, dans ce cas ? Pourquoi il a fini comme ça ? Pourquoi il joue à des tables pourries plutôt que sur un instrument, pourquoi il a des problèmes de fric ? Pourquoi il utilise pas son talent ? Pourquoi il est passé d'une scène prestigieuse à la rue ? Elle comprend pas. Et les questions fusent, tournent, lui vrillent la tête et l'empêchent de profiter pleinement de la vidéo. Elle regarde sans voir, écoute sans entendre, à chercher une réponse à tout ça, un truc logique, un truc qui puisse tout expliquer. Mais plus ça va plus elle se perd, entre ça, sa crise d'angoisse, ses attitudes de connard puis de type gentil, ses contradictions qu'elle n'arrive plus à suivre et les mystères qu'elle sait pas comment élucider. Elle le comprend pas. Elle a l'impression de faire face à deux personnes différentes et pourtant il est tout seul, y a même pas Michael dans l'équation. « Pourquoi tu me montres ça ? » Il essaie de dire quoi ? Elle devine que c'est pas anodin mais elle comprend rien, elle a besoin d'explications, elle a besoin qu'il parle, qu'il s'explique, qu'il lui dise tout. Elle aimerait savoir pourquoi il fait tout ça, pourquoi c'est noir et puis blanc, pourquoi il tangue sur un fil comme ça à la paumer à longueur de journée.

Y a leurs regards qui se croisent et celui de Lola est plein d'incompréhension, alors qu'il ouvre enfin la bouche. « Solveig n'est pas ma copine. Je t'ai menti. Je suis désolé. » Il baisse les yeux mais elle le quitte pas, à le fixer comme si elle avait mal compris, mal entendu, comme s'il fallait qu'il répète. « Attends, quoi ? » Elle a très bien saisi ce qu'il a dit. Pas sa copine, menti, désolé. C'est une blague ? Une putain de blague ? Alors quoi, ils sont dans le même bateau ? Il s'est inventé une copine, et tout ça pour quoi ? Elle voudrait connaître son excuse, les raisons qui l'ont poussé à mentir. Elle sait pourquoi elle a fait tout ça elle, ça lui paraît même totalement justifié. Mais lui ? Elle voit pas. « Tu.. Mais pourquoi t'as fait ça ? » C'est incrédule, confus, elle a l'air perdue. Et pendant une seconde elle s'demande. Avouer, pas avouer ? Peut-être qu'elle pourrait lui dire qu'elle aussi elle a un peu menti, que c'est lui qui a tout compris de travers et qu'elle s'est contentée de ne pas le contredire, qu'elle a alimenté la chose juste pour rire, juste pour la blague. Juste pour ça ? Elle sait pas putain. Elle comprend plus rien et finalement ça la met en colère, parce que ça lui renvoie ses propres torts, parce qu'il a menti mais elle aussi, parce qu'elle sait pour lui mais qu'il ne sait pas pour elle, et que finalement elle peut pas lui dire. Elle peut pas, elle refuse, elle supporterait pas. Elle ment tout le temps Lola et sûrement qu'il le sait, il en a déjà fait les frais. Mais l'avouer c'est autre chose, l'avouer ça veut dire que c'est vrai et ça la rend ridicule ou pathétique, ça la met face à ses démons, ses faiblesses, toutes ces choses qu'elle recouvre avec ses grands éclats et le feu qui danse derrière ses sourires. Elle peut pas lui dire, elle peut pas lui expliquer qu'elle ment elle aussi, à longueur de temps et que parfois ça la dérange, parfois elle voudrait arrêter, et puis parfois elle se dit que c'est juste un jeu, un rôle, comme à la télé. Mais son rôle c'est quoi ? À force elle sait même plus, elle se perd toute seule et Junior est presque sur le point de le découvrir, parce qu'il a mis le doigt là où il fallait pas, là où ça fait mal, sans même le voir, sans le savoir. « T'es con ou quoi ?! Et tu comptais m'faire gober ça longtemps ? Tu comptais nous laisser attendre ta copine imaginaire toute la journée ? C'est quoi ton problème ? » La vérité c'est qu'elle panique, la vérité c'est qu'elle la déteste cette putain de vérité, elle n'a jamais été son alliée, y a que le mensonge sur lequel elle peut compter. Alors elle s'énerve parce que c'est le meilleur moyen de camoufler sa détresse, elle hausse le ton pour pas montrer qu'elle s'affole, que dans sa poitrine c'est le chaos et dans sa tête c'est le bordel. « J'aurais eu l'air de quoi, moi ? J'ai parlé de toi à Leo, de ta Solveig là, j'ai dit que t'étais cool et que j'avais hâte de la voir. J'ai dit que t'étais un mec bien, j'ai vendu ça comme une sortie entre amis et toi tu fais ça ? Tu te fous de moi ? » C'est même plus du mensonge à ce stade, c'est n'importe quoi, c'est hors de contrôle. Sa langue va plus vite que son cerveau et elle enfonce le clou, encore, encore, pour se sentir moins minable, pour tout lui renvoyer à la figure parce que c'est plus facile comme ça, parce que si c'est lui qui crève peut-être qu'elle, elle s'en sortira. Et pourtant ça fait mal, ça la tue parce qu'elle voit encore les larmes dans ses yeux et sur sa joue, elle les sent sur sa peau, ça et son souffle chaud, ça et ses bras qui l'entourent. Elle a un nœud dans la gorge et les doigts qui tremblent, une enclume dans le cœur et les yeux qui lancent des éclairs. Elle veut pas le blesser, elle veut pas revoir la détresse qu'elle a senti dans le restaurant, pourtant elle jette tout sur lui comme de l'acide, comme une putain de lâche qui n'assume rien. « C'est quoi qui va pas chez toi ? » Et pourtant dans sa boîte crânienne ça hurle c'est quoi qui va pas chez moi parce qu'elle sait pas pourquoi elle fait ça, pourquoi elle l'enfonce comme ça, pourquoi elle a peur, pourquoi c'est plus fort qu'elle. Elle sait pas elle sait pas elle sait pas, elle a beau avoir l'air en colère, au fond elle a envie de pleurer, de gueuler, de se planquer et de n'plus ressortir jusqu'à ce que tout ce soit calmé. La tempête dans sa poitrine, dans sa tête, elle arrive pas à la contenir et elle voudrait juste que ça s'arrête. Sa colère n'est qu'un mensonge de plus – c'est sa faiblesse qu'elle reflète.
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Crash Love

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MessageSujet: Re: le destin, ce comique. (jula)   le destin, ce comique. (jula) EmptyMer 24 Mai - 20:56

Je l'observe tandis qu'elle visionne la vidéo et je vois qu'elle met quelques secondes avant de comprendre. De comprendre que c'est moi, le mec en costume qui joue du piano. J'ai l'impression que c'est tellement loin tout ça. Une éternité. Peut-être dans une autre vie même. Ça me rend triste, ça me rend nostalgique. Et en même temps, cette vie était cher payée. Beaucoup trop même, pour que je puisse l'accepter. C'est vrai que je pourrais reprendre. Sans mes parents. Garder ce que j'aime sans avoir à me coltiner les mauvais côtés. Mais je sais que Michael ne me suivra pas dans cette aventure. Et je ne peux pas me résoudre à l'abandonner, à le laisser là. Surtout pas dans cet état. Je laisse les secondes s'écouler, je me laisser bercer par la musique et j'ai les doigts qui s'agitent discrètement, jouant dans le vide ce morceau que je connais encore par cœur. Je les connais tous, je n'en ai oublié aucun. Je n'oublie jamais rien, de toute façon.
Pourquoi tu me montres ça ?
C'est étrange. C'est une question mais ça sonne presque comme un reproche. Je hausse les épaules machinalement. Au fond, je ne sais même pas pourquoi. Ou peut-être que si et c'est ça le problème. C'est ça qui me fait peur. Je passe une main nerveuse dans mes cheveux, cherchant mes mots. Ne pas mentir sans trop en dire. Un dosage pas évident. Sans la regarder, me concentrant à nouveau sur le trottoir, je réponds vaguement.
J'sais pas trop.. J-je crois que j'en ai marre, de faire semblant.
Faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Faire semblant d'être un minable qui joue mal au poker - sauf quand il triche - et qui zone dans la rue comme un raté. Peut-être bien que j'ai envie de redorer mon image, auprès d'elle en tout cas. Lui montrer que je suis plus que ce qu'elle voit. Que j'en vaux la peine. Que je suis quelqu'un de bien, finalement.
Tu sais, y a tellement d'choses que je voudrais te dire.
J'ai la gorge qui se serre, la voix qui se brise. Lui dire d'où je viens, pourquoi j'en suis là. Lui dire mes rêves, lui expliquer mes capacités. Et puis lui dire qu'elle est belle, et pas parce qu'elle met des robes moulantes et des talons. Non, elle est belle quand elle fait la moue, quand elle voit pas qu'on la regarde. Lui dire que j'adore sa présence et que ça me tue qu'elle me repousse. En fait, y a tellement choses que je voudrais lui avouer. Mais les mots restent coincés. Et puis, je me dis que commencer par dire la vérité, ça pourrait être pas mal. Alors je me lance, hésitant, tremblant. Honteux, mortifié. Les mots sont bancales, ma voix étouffée. C'est dur de lâcher une telle vérité. C'est pas glorieux, c'est minable. Mais il faut que je lui dise. Je voudrais faire les choses bien pour une fois avec elle. Histoire, je ne sais pas, de prendre un nouveau départ ?
Attends, quoi ?
Et voilà, c'est parti pour le drame. Je n'ose toujours pas la regarder. Je rougis de honte et n'ose même plus bouger tellement je suis gêné. Et je regrette aussitôt de lui avoir avoué ça. Je me crispe, l'estomac en vrac, j'ai la nausée.
Tu.. Mais pourquoi t'as fait ça ?
Je ferme les yeux une seconde, un peu exaspéré. J'ai envie de l'attraper par les épaules et de la secouer. A ton avis putain, à ton avis ? Mais je n'arrive pas à lâcher un seul son. Je hausse faiblement les épaules, complètement figé, muet. J'ai envie de me lever et de partir en courant. J'ai envie de me dissoudre en particules et de me faire emporter par le vent. J'ai envie de fondre et de me faire avaler par le bitume. J'ai envie de revenir 2 minutes en arrière et de me taire. M'empêcher de dire ça putain. Pourquoi je l'ai dit ? Pourquoi y a fallut que je suis honnête, hein ? Qui est le con qui a dit que l'honnêteté ça payait toujours ? C'est n'importe quoi. Ce sont des conneries ! Je détourne la tête au maximum, comme pour la faire disparaitre de mon champ de vision. Comme si ça allait rendre tout ça moins dur, moins réel. Tu parles.
T'es con ou quoi ?! Et tu comptais m'faire gober ça longtemps ? Tu comptais nous laisser attendre ta copine imaginaire toute la journée ? C'est quoi ton problème ?
Bam, bam ! Elle vise bien avec ses mots assassins. Je me redresse et me tourne enfin vers elle, le regard perdu, confus. Tellement désolé.
Mais... !
Elle ne me laisse pas le temps d'en placer une, elle enchaine. Droite, gauche, uppercut.
J'aurais eu l'air de quoi, moi ? J'ai parlé de toi à Leo, de ta Solveig là, j'ai dit que t'étais cool et que j'avais hâte de la voir. J'ai dit que t'étais un mec bien, j'ai vendu ça comme une sortie entre amis et toi tu fais ça ? Tu te fous de moi ?
Le ventre (j'ai plus de souffle), le coeur (il bat plus). Complètement désemparé, j'entrouvre la bouche, posant sur elle un regard dépité. Je n'ai plus de voix, rien. Je la dévisage, sonné, KO. Je ne m'attendais pas à autant de virulence de sa part. La bouche toujours entrouverte, je finis par baisser les yeux, mon regard se voilant de tristesse. Blessé, humilié. J'ai encore tout foiré. Je finis par refermer la bouche et serrer les dents, pour ravaler ma peine et mes sanglots. C'est foutu maintenant. Tout est foutu. J'ai tout gâché. J'me suis mangé le mur en pleine vitesse, le crash est fatal. Je me détourne, déglutis et inspire une bouffée d'air, le souffle tremblant, bruyant. C'est tellement dégradant.
C'est quoi qui va pas chez toi ?
C'est trop pour moi. Je me sens au bord de larmes et je voudrais éviter de m'humilier encore plus pour ce soir. A supposé que c'est possible. Je me redresse vivement, les gestes maladroits, tout tremblant de la tête aux pieds à cause de l'émotion violente qui me submerge.
J'sais pas.
Que je lâche un peu sèchement. Mais elle a raison, y a un truc qui tourne pas rond. Bee, Lola, Boo. Tous ces mensonges dans lesquels j'évolue. Toutes ces conneries et ces erreurs que j'enchaine à la pelle sans jamais retenir la leçon. Peut-être que mes parents ont cogné trop fort. Peut-être que les bains glacés et les prières ont détraqué un truc dans ma tête. J'avale de travers, la gorgée nouée, douloureuse, le palpitant en miettes qui s'écorche à ses pieds.
J'voulais pas te froisser, j'voulais pas t'mettre en porte à faux vis-à-vis de Leonard mais...
C'est trop dur. Plus je parle et plus les émotions prennent le contrôle sur moi. J'inspire, essaye tant bien que mal de tout contenir. La voix légèrement chevrotante, engluée de sanglots refoulés. Je renifle, souffle, essaye de ne pas abandonner le peu de dignité qu'il me reste - il m'en reste ?
J'en reviens pas que tu vois rien.
Que je finis par lâcher, un peu à bout de nerfs. Je pose enfin les yeux sur elle. Ça me semble pourtant tellement évidemment. Cette façon que j'ai de la regarder, d'être toujours à chercher le contact et des excuses pour la voir. Je pensais qu'elle ne voyait que ça et qu'elle en jouait, ou qu'elle s'en foutait. Et pendant trois secondes, j'hésite à lâcher le morceau. Je la fixe, silencieux, cherchant un peu de courage pour enfin franchir le pas. Mais y a mon corps qui s'affole et je me dégonfle lamentablement. Voilà, ça c'est du grand Junior. La lâcheté avant tout. Je souris nerveusement tout en baissant les yeux, dégoûté de moi-même. Je secoue la tête, blasé.
En fait, laisse tomber. Ça n'sert à rien. Tu m'dois plus rien, je t'embêterai plus. Désolé de t'avoir fait perdre ton temps ce soir. Tu diras à ton mec que j'suis désolé aussi et que j'suis un gros con. Un cabrón ou c'qui te fera plaisir. J'm'en fiche.
C'est faux, évidemment. Ça me tue qu'elle puisse penser ça de moi. Mais je suis trop fatigué pour me battre encore. J'abandonne, je laisse tomber. Je n'ai toujours été qu'un minable à ses yeux, c'est évident maintenant. Et je pivote pour partir sans un au revoir, sans un dernier regard. Je la plante là, comme ça. Parce que c'est tout ce dont je suis capable. Abandonner les gens sur le pavé. Me tirer, ne rien assumer et morfler en silence ensuite. Le cœur gros, le moral qui s'est fait la malle. La haine contre son copain, et contre moi encore plus. L'envie de faire demi-tour, de l'attraper, de l'embrasser. Ne pas le faire, parce que je n'ai jamais eu aucun courage. Jamais. Alors voilà. Lola et moi, c'est terminé. Comme ça ? Ouais, comme ça. C'est sûrement mieux ainsi. Pour qui ? Pour elle. Ouais. Pas pour moi. Tant pis. Tant pis.
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