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 bruises that won't heal (jael)

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MessageSujet: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyMar 22 Aoû - 18:20

En te retournant tu peux voir les gyrophares qui habillent la brique morne de rouge et de bleu au loin près de cette ruelle que tu fuis. Tu te demandes si des papillons viendraient s’y cramer sur ces lumières envoutantes. Tu détournes le regard, baisses la tête, continues à marcher.
Y a la sirène des ambulances qui te perce les oreilles.
Y a ses mots qui te percent le crâne.
Bah vas-y fais-le.
T’aurais pu putain, t’aurais pu.

Comme un coup de mistral tu t’engouffres dans ta vieille bagnole rouillée, quand la portière claque les sons des véhicules de secours sont étouffés, pourtant y a pas de répit dans ce silence relatif, c’est même pire. Bah vas-y fais-le. Bah vas-y fais-le. BAH VAS-Y FAIS-LE. Ces mots qu’il avait soufflés à mi-voix sur le pauvre souffle d’air qu’il avait réussi à grappiller tu as l’impression qu’il te les a hurlés, qu’il te les hurle encore. Et ça résonne, y a mille versions de lui qui le chuchotent avec haine, qui le crient avec désespoir, qui le crache avec fierté. Et si tu l’avais fait ? Tu sais pas au final s’il est vivant. Il respirait encore ouais, mais peut-être que c’était temporaire, peut-être que quand tu t’es éloigné il a rendu son dernier râle. Peut-être qu’il mourra dans deux jours dans son lit d’hôpital. Peut-être que t’es allé trop loin, que t’as poussé son corps là où il ne pouvait pas survivre. Est-ce qu’il aurait mérité de crever ? Est-ce que ça aurait été à toi de prendre la décision ? Sûrement pas, ni l’un ni l’autre.
Avant de te noyer dans ce bruit ambiant tu mets le contact et prends la fuite comme le lâche que tu es. Le vrombissement du moteur ne couvre pas ses paroles et appuyer sur l’accélérateur ne suffit pas à les distancer, tu te sens poursuivi. Tu le revois sur ce pavé.

Tu voulais pas.
Ouais, tu voulais lui péter la gueule, pas de doute là-dessus, que ses os craquent, que l’air lui manque, qu’il comprenne la douleur qu’il inflige mais surtout la peur. Mais tu voulais pas aller aussi loin. S’il crève tu l’auras sur ta conscience toute ta vie, égoïste que tu es c’est ça qui t’importe. Tu revois son visage sous tes mains. Putain ça ressemble même plus à un visage à l’heure qu’il est.
La voiture garée tu titubes un peu sur le trottoir, toujours la même litanie qui monopolise tes pensées. Puis y a le son de ses os qui craquent qui te revient en tête et t’as un haut-le-cœur. Tu dégueules toute ta culpabilité sur le bitume, tu t’en éclabousses les chaussures. Y a plus juste le dégoût qui déclenche des frissons sous ta peau maintenant, y a le doute qui te ronge et qui se transforme peu à peu, qui se nourrit de ton sang. Peu à peu tu vas finir par t’en persuader que tu l’as tué ce gamin. Ce petit merdeux qui méritait pas le moindre bonheur qu’il pouvait avoir, tu en es quasiment certain maintenant que tu l’as rayé de la surface de la planète pour de bon.
Tu voulais pas.

En montant les marches tu te replies sur toi-même, c’est comme si tu essayais de te rendre minuscule, de disparaître. Les larmes au bord de tes yeux manquent de couler mais tu sais que si elles commencent la peur t’empêchera de les arrêter. Faut rester droit. T’as besoin de t’enfermer et de mettre la musique à fond dans tes écouteurs, de te défoncer la gueule, de sombrer dans un sommeil sans rêve. D’oublier.
Sauf que quand tu rentres en silence dans l’appartement et que tu essaies de te glisser dans ta chambre sans un bruit tu ne peux t’empêcher machinalement de jeter un regard vers le salon. Et tes yeux croisent ceux de Jael. Merde. Qu’est-ce qu’elle fout là ? T’aurais pas dû tourner la tête, elle aurait pas vu que t’avais la gueule tuméfiée, le crâne, la lèvre, le nez qui saignent encore. Putain t’as encore les mains couvertes de son sang. Sans un mot tu t’engouffres dans la chambre puis dans la salle de bains, tu refermes les portes derrière toi, tu espères qu’elle ne te suivra pas mais c’est un mince espoir.
Les mains sous l’eau brûlante du robinet tu essaies de laver toute cette hémoglobine, si elle s’en va dans le siphon et que tu ne la vois plus, peut-être qu’elle n’aura jamais été là. Mais ça sert à rien, t’oublieras pas, et puis y a toutes ces plaies sur tes doigts, sur ton corps, qui te rappellent celles que tu lui as infligées. Tu peux même pas te regarder dans le miroir. Et quand t’entends la porte de la salle de bains qui s’ouvre comme tu le craignais tu ne veux pas qu’elle te regarde non plus. « Go away. Please. Please. Go away. » C’est une supplication, c’est ta dernière prière. Faut pas qu’elle te voie, t’es à gerber. Pas elle.
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Jael Feliciano

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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyMar 22 Aoû - 20:49

C’est vide. La chambre, le lit. C’est vide et y a personne. Personne pour me dire de retourner dormir, d’arrêter de faire la gosse, que de toute façon des monstres y en a pas sous le lit. Je le sais bien, les monstres ils sont dans la rue, dans les bars, dans les églises. Les monstres ils ont des visages humains et des odeurs familières. Mais y a personne. De toute façon est-ce que ça aurait changé quelque chose qu’il y ai quelqu’un ? Qu’il soit là ? Dans cette foutue chambre ? Surement pas. Surement qu’il aurait rien dit, qu’il aurait fermé la porte, que je serais retournée au lit. C’est moi qui fait la gueule pourtant. Mais entre nous y a comme un truc qu’a sauté, comme un mauvais chemin emprunté. Et c’est pas agréable. Ca va durer jusqu’à quand ? Parce que moi je crève de revenir en arrière, effacer le reste, effacer les mots. You fucked me up. C’était pas mon intention au fond, promis juré.
Je tourne en rond devant la porte de sa chambre, j’entends le bruit des autres qui vont se coucher ou qui sortent, combien de minutes avant que l’appartement ne soit plongé dans le silence. Vite. Vite. Est-ce qu’il va rentrer ce soir où est-ce qu’il va disparaitre encore une fois ? Je revois la brune, la foule, le reste. Ca fait mal. Gamine. Stupide gamine. Je rentre un instant, franchit le pas de la porte pour me laisser tomber sur le lit. Y a personne. Il verra rien de toute façon. Ou sans doute qu’il s’en doutera. J’ai envie de chialer. J’ai envie de m’envoler. Mais y a plus rien, plus un gramme qui traine, c’est terminé. Pathétique.

Et la porte que je referme derrière moi, bouquin entre les doigts jm’installe dans le canapé libéré par Nibs il y a quelques instants, quand elle me fait signe qu’elle va se coucher. Je l’ai piqué à Lenny celui là, quand il pense m’éduquer en me parlant de Platon ou de Sartre, pensant comme tous les autres que y a toute une éducation à refaire me concernant.
Pourtant j’arrive pas à me concentrer.
J’ai mal au cœur et au corps, j’ai les veines qui crient à l’aide, et j’ai la solitude tenace. Pourquoi t’es pas là ? J’ais finis de faire la gueule, promis juré. Je ferais des efforts, reconstruire les choses, juste pour pouvoir faire comme avant, un sourire volé quand je dis des conneries sans queue ni tête.
Je tourne les pages, et les minutes qui filent. Sans doute qu’il ne rentrera pas.

Puis c’est le bruit de la porte qui me fait sursauter, le livre qui tombe au sol dans un bruit mat alors que je me redresse, le regarde traverser le couloir, croise son regard quand il tourne la tête vers moi. Y a un truc qui va pas. Il ne s’arrête même pas, pourtant ça s’imprègne dans mes rétines, le sang, les bleus, les coups. Je l’ai jamais vu comme ça. Ne me suis pas qu’il semble hurler quand la porte de sa chambre se referme, mais c’est plus fort que moi, j’ai jamais été très douée pour rester enfermée.
Comme un fantôme je le suis sans faire un bruit, reste un instant bloquée devant la salle de bain, la main hésitante sur la poignée. « Peadar » la voix qui se meurt dans le noir, l’absence de réponse, sans doute qu’il ne m’a pas entendu. Je sais même pas si je m’entends moi-même.
Je ne veux pas entrer. Non. Je ne veux pas entrer, j’en crève. J’ai besoin, besoin de voir, de m’assurer que tout ça c’est qu’une idée, une illusion. Besoin de vérifier que j’ai encore déconné, que j’ai imaginé des trucs et que tout va bien.
Pourtant j’le vois bien que ça va pas.
« Go away. Please. Please. Go away » il est fracassé Peadar, le nez, les joues, le cœur. Ca s’étale sur son visage, la douleur qu’est pas physique, qu’est logé autre part, dans l’âme ou dans le palpitant. « Pardon » que je murmure tout bas, juste un souffle alors que je referme la porte derrière moi. Pardon de voir ça, pardon de ne pas pouvoir prendre ta douleur, pardon aussi de ne pas t’écouter cette fois, parce que je ne pars pas.
Lentement je me rapproche de lui, me faufile entre le lavabo et son corps, le poussant du bout des doigts pour qu’il me laisse de la place. Il ne résiste pas. « Regarde moi » les mains qui viennent chercher sin visage, ses joues malmenées, je voudrais hurler. Qui c’est qui t’as fais ça ? Si j’étais plus forte sans doute que je dirais que je le vengerais, mais je connais Peadar, et j’imagine que l’autre est dans un état bien pire. « Regarde moi s’il te plait » je passe mes pouces sur ses pommettes, efface un reste de sang, pas le sien, car y a pas de blessure en dessous. « Bouge pas » que j’ordonne plus fermement, une fermeté que j’utilise trop rarement, que je ne connais pas, mais je me raccroche à ça pour pas flancher, pour pas chialer, pour pas partir en courant. Et déjà je me baisse pour ouvrir le placard, fouiller dedans pour en sortir de quoi le soigner. J’aimerais lui dire que ça va aller comme il l’a fait pour moi, lui murmurer que je vais le réparer, le recoller, reconstruire pierre par pierre ce qui a été brisé ce soir. Mais y a rien qui sort. « Me dis pas de partir, je partirais pas » que je finis quand même par souffler en me redressant, lui faisant face dans le miroir, le regard rivé sur son reflet.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyMar 22 Aoû - 21:52

Ôter chaque goutte de sang, effacer toute trace de tes méfaits sur ta peau, que ce qu’il te reste de Seven parte aux égouts avec ce qu’il te reste de terreur. Bien sûr ce serait enlever tout ton être, mais c’est la seule chose que tu désires. Tu t’essuieras la peau avec du papier de verre, s’il faut pour se débarrasser de lui y laisser ta peau, tu le ferais avec joie. L’eau prend une teinte carmin, les preuves du crime glissent de ton épiderme et t’as presque l’impression que tu vas réussir. Que tout ça est en bonne voie. Evidemment ça ne dure qu’une dizaine de secondes avant que tu n’entendes à nouveau sa voix, que tu te rappelles que ce n’est pas enlever chaque cellule que tu lui as arraché qui te sauvera. Tu pourrais te laver à l’eau de javel, ça ne marcherait pas. Toute tentative sera une bouteille jetée à la mer que personne ne repêchera jamais, qui finira dans l’estomac d’une pauvre bête qui s’étouffera dessus et en crèvera.
Y a la porte qui s’ouvre et tu sais très bien qui est là, tu n’as pas besoin de regarder, tu ne veux pas la regarder. Tu veux qu’elle s’en aille, qu’elle te laisse avec les dégâts, que tu puisses hurler seul sous l’eau, que tu lèches tes plaies. Que la raison vienne, que le gosse ne soit pas mort. « Pardon. » Toujours à s’excuser la gamine, alors que c’est toi qui as des excuses à faire, à elle mais surtout à son bourreau. La voilà qui, perchée sur ses jambes interminables, s’interpose entre le lavabo et toi, pose ses doigts sur ta poitrine pour t’écarter. Comme un pantin tu te laisses faire. Ailleurs, tu regardes ailleurs, tu ne veux pas reconnaître sa présence, alors à la place c’est ton regard que tu croises dans le miroir. Quel spectacle affligeant tu offres, tu peux contempler chaque bosse et chaque goutte de sang et cette monstruosité dans les yeux. C’est donc tout ce que tu lui montres. « Regarde-moi. » Tu ne l’écoutes pas, tu ne bouges pas mais ces mains viennent se poser sur tes joues, guident ton visage et tu n’as pas le choix. Tes iris se perdent dans les lacs bleutés de son inquiétude, tu n’arrives pas à soutenir le regard. « Regarde-moi s’il te plait. » Il y a ses doigts qui essaient à leur tour d’enlever la pellicule cramoisie qui te recouvre la peau, l’idée qu’elle se souille sur tes erreurs te dégoûte. « Don’t… Please… » Pas envie de te battre, pas envie de gueuler, pas envie d’imposer ton autorité, pas la force. T’aimerais juste qu’elle accepte, qu’elle se retire. « Bouge pas. » Bien sûr que non elle va pas obtempérer. Jael elle a une épave à repêcher et elle ne compte pas faillir à la tâche. Une fois n’est pas coutume c’est toi qui te plie à ses demandes, ça a l’air de trop lui tenir à cœur.
Sans accès au robinet tu restes juste planté là comme une statue, avec tes yeux qui oscillent entre la blonde qui cherche des antiseptiques et ton reflet défiguré. Toi t’es toujours reconnaissable, toi t’as toujours l’air humain, toi t’es juste un peu amoché. Y en a qu’ont pas cette chance.
Redressée à nouveau, tu peux passer tes doigts dans ses boucles blondes, chose que tu fais machinalement, mais ses prunelles ne te quittent pas, imprimées sur cette glace impitoyable. « Me dis pas de partir, je partirai pas. » Si, si Jael, casse toi, allez, fais pas la conne, fuis, laisse le tueur panser ses plaies, arrête de le regarder avec tes grands yeux de biche comme s’il avait pas le cœur assez brisé comme ça. Mais t’as du mal à respirer Peadar, alors tu dis rien.
Tu la prends par la main doucement, tu attends qu’elle se retourne, y a pas un mot que t’arrives à prononcer. Même si tes cordes vocales coopéraient tu saurais pas quoi dire de toute façon. Puis tu la serres dans tes bras, tu t’accroches à elle, à la chaleur de sa peau, à l’odeur de ses cheveux, à la fragilité de ses membres sous les tiens. Juste trente secondes, le temps de fermer les yeux, de ravaler tes larmes, de te redresser plus fort pour trois minutes. Juste une embrassade temporaire, salvatrice.
Alors tu t’éloignes, tu vas t’asseoir sur le lit, tu t’allumes une clope. Tes poumons en crèvent d’envie, tes nerfs aussi. Mais t’as les mains qui tremblent, tu peines un peu. La flamme jaillit quand même, embrase le papier et le tabac, la fumée t’aide à respirer ou c’est tout comme. Tête baissée, tu sais bien qu’elle est devant toi. Pourtant tu la regardes pas, te faut le temps de trouver les mots que tu veux. Dans une bouffée tu le dis. « Seven. I think… I think maybe I killed him Jael. » ce peut-être qui te tord les boyaux.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyMer 23 Aoû - 16:08

Je voudrais prendre ma gomme, effacer les traces, le rouge et le bleu, le bleu et le vert, le vert et le jaune. C’est des couleurs qui lui vont pas, et celles qui s’étalent dans ses yeux encore moins. Je voudrais pouvoir chasser le tout, le choc, la douleur qui brille, qui perce, qui fait sa place. Je voudrais mais c’est impossible. Je suis pas magicienne, et Peadar n’est pas mon canvas. Non ce soir il a été celui de quelqu’un d’autre, et au fond de moi je sais que je n’ai pas à poser la question. Je sais.
Don’t… Please… encore, comme une supplique, que j’arrête de le toucher, que j’arrête de le regarder. Mais je peux pas. C’est pas possible. J’y arrive pas. C’est comme un papillon qui traine trop près de la lumière, je sais que je vais me bruler mais j’arrive pas à m’en éloigner. Alors je m’accroche, mes doigts sur sa peau, mon regard dans le sien. Regard qui fuit. Il me fuit. C’est la première fois je crois que je le vois comme ça, aussi pâle, aussi brisé, rien qu’à écouter son cœur quand je pose ma main sur sa poitrine un instant, c’est faible, y a plus grand-chose, ou peut-être trop. Alors je m’arme du mieux que je peux, renforce mes défenses, me construit un exosquelette d’acier parce que je ne peux pas me permettre de le laisser tomber. Je dois être forte pour deux là où je vacille pour un. Mais rien que ce soir j’ai le devoir d’essayer. Pour lui.
Je profite de fouiller à la recherche de quoi le soigner pour chercher un brin de courage, serrer les poings, serrer les dents. J’ai mal. J’ai terriblement mal. Mal pour lui. Mais je sais que ça n’aide pas. Je voudrais pourtant, pouvoir aspirer sa douleur et la faire mienne. J’y suis habituée maintenant, à sentir tout se briser. Mais lui je veux pas. Y a pas le droit. Pas lui. Il est censé être indestructible pas vrai ?
Quand je me redresse je le sens bouger, pas beaucoup, ses doigts qui se perdent dans mes cheveux et je dois prendre sur moi pour ne pas me jeter dans ses bras. Il a pas besoin de ça, de moi qui chiale, de moi qui pleure, de moi qui vient tout bousiller encore une fois. Alors je ne bouge pas, me contente de fixer son reflet, bien campée sur mes pieds. Je ne bougerais pas. Mais il ne dit rien. Y a sa main dans la mienne, et lentement je me retourne pour lui faire face. Vraiment. C’est plus facile de regarder un reflet que la réalité, le grain de peau abimé, limé par la violence. Quel gâchis.
Et c’est un moment de silence, un battement où l’on se regarde, où l’on s’observe, les mots qui se battent en duel mais qui finalement refusent de sortir des deux côtés. Puis y a ses bras autour de moi, lui qui m’attire contre lui rien qu’un instant et je me laisse faire, les mains qui s’agrippent à lui de peur qu’il ne soit qu’un mirage, que de la fumée et que je me retrouve à enlacer du vide. Je ne te lâcherais pas que ça gueule tout en moi, les yeux qui se ferment le temps du contact, profiter de cette instant, lui donner toute la chaleur que je possède. Prends tout Peadar, prends tout parce qu’il m’a déjà trop donné et que toute une vie ne suffira jamais à le rembourser.
Puis il s’écarte. Sans un mot toujours. Sans un regard. Je le regarde quitter la salle de bain et moi qui le suit jusque dans la chambre, droite, trop droite, le regard qui ne le lâche pas quand il allume sa cigarette, quand il essaye d’aspirer la nicotine pour calmer ses nerfs. Je connais. La main qui tremble, le briquet qui refuse trop souvent de fonctionner, avant la flamme salvatrice. Seven. I think… I think maybe I killed him Jael. Peut être que je n’aurais pas voulu savoir. Peut être que j’aurais voulu imaginer des histoires, lui pris dans un combat de gang ou un truc moins sale. Parce que je vois maintenant. Et j’imagine. Ça ne m’apporte aucune satisfaction. Aucune. Juste du vide dans le cœur, dans le ventre. Ça sert à quoi se venger, si ça vous détruit à la place hein ? Doucement, sans un mot je m’avance, lui fait face. Il ne me regarde toujours pas. Tant pis. Y a pas besoin. « Tu penses » c’est calme, c’est posé. Et mes mains qui viennent immobiliser son visage une nouvelle fois, comme pour lui hurler de me regarder. « Tu penses. C’est des peut êtres, des qui sait. » je m’accroupis légèrement pour me mettre à sa hauteur, mon front qui vient se poser contre le sien pendant que je caresse doucement ses joues, pour essayer de le garder avec moi. « Tu le connais pas vrai ? Tu le connais Seven. Tu sais qu’il est résistant. Il en faudra plus. Surement que même une balle dans le cœur ça l’achèverais pas » surement non. Il trouvera toujours un moyen de survivre, vampiriser les autres, les écraser pour se surélever. Je ne l’ai rencontré que deux fois mais ça j’ai bien compris. Je m’écarte de nouveau, retournant dans la salle de bain pour récupérer le désinfectant, le coton et tout le reste. J’ai l’habitude maintenant, à ramasser Merle après les soirées foirées, les mains râpées de Lily ou encore les genoux de Nibs. Mais c’est la première fois que je dois le soigner lui.
« Laisse moi faire » parce que je le connais, mais il me connait aussi ; Et il sait que je suis têtue. Extrêmement têtue. De nouveau je m’approche de lui, me laisse tomber à ses côtés sur le lit et comment à nettoyer les plaies de ses mains, jointure après jointures, celles qui ont cognées trop fort, trop longtemps, jusqu’au point de lui faire croire qu’il a sans doute commis l’irréparable. « reste avec moi Peadar. Respire, respire. Ca va aller. Je te le promet » vraiment Jael ? Tu peux dire ça ? Tu peux prometre ça ? Et mes lèvres qui viennent se poser sur ses doigts, comme si embrasser ses blessures pouvait les guérir. Vieux souvenir de gamine quand on croyait encore à la magie des baiser.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyJeu 24 Aoû - 22:49

Y a ses mains qui s’agrippent à toi et au final tu ne sais plus. Tu ne sais plus qui est l’ancre et qui est la barque malmenée par les flots, peut-être que tous les deux vous touchez le fond, que tous les deux vous dérivez. Vous jouez mutuellement les béquilles, si tu partais sans doute qu’elle s’écroulerait et en cet instant l’inverse est absolument certain. Comme toujours Jael c’est l’allumette qui t’éclaire au milieu de la nuit.
J'ai besoin de toi comme d'une infirmière, que tu répares ma tête et mes sentiments qui fonctionnent plus bien. T’as ton cerveau qui s’est mis en boucle sur des phrases trop lourdes qui font buger la matrice, sur des possibilités trop sombres qui enraient ton espoir. Quand tu la regardes droit dans les yeux tu n’arrives pas à savoir si elle t’empêche de couler ou si le reflet de ta gueule écorchée que tu peux y voir te fait couler encore un peu plus. Alors tu t’en vas, tu la regardes pas, tu la regardes plus. Pourtant tu ne veux pas qu’elle parte. Elle a décidé de rester de toute façon, elle a décidé de commencer à t’épauler si elle se casse ce sera de la trahison. Les volutes de goudron te font l’effet d’eau fraîche sur tes terminaisons nerveuses, ta main peu à peu se stabilise, le tremblement se fait plus doux. A côté de toi elle est là et tout ce que tu vois comme tu refuses de lever la tête c’est les dizaines de tyrannosaures rugissants qui constellent le pantalon de son pyjama. Tu sais pas ce qu’elle fait dans ce putain de monde de brutes. Tu sais pas ce qu’elle fait à essayer de soigner quelqu’un comme toi. Tes aveux c’est un peu salaud, c’est comme lui dire ‘‘c’est pour toi que j’y suis allé, c’est pour toi que j’suis comme ça’’. Alors que c’est pas sa faute à elle, elle t’a rien demandé, surtout pas de te bousiller les mains et les tripes sur la gueule de Seven.
J'ai besoin de toi comme d'une infirmière, que tu m'aides à trouver le sommeil, que tu dises que c'était qu'un mauvais rêve. « Tu penses. » Ouais, tu penses, c’est pourtant pas tant ton habitude que ça, faut croire que tout vient toujours au mauvais moment. Ses empreintes fraîches sur ton visage font se ralentir le tourbillon d’idées noires. « Tu penses. C’est des peut être, des qui sait. » Mais c’est bien le problème, c’est terrifiant ces bestioles-là, bien plus meurtrier que des certitudes. Rien que la perspective de mettre Paris en bouteille est catastrophique. T’es qu’un pauvre con, t’aurais dû vérifier qu’il respirait encore. T’aurais dû t’arrêter avant. « Tu le connais pas vrai ? Tu le connais Seven. Tu sais qu’il est résistant. Il en faudra plus. Sûrement que même une balle dans le cœur ça l’achèverait pas. » Possible. Ce gosse c’est un rat, il lâche pas prise. Trop la hargne, trop la rage, il sait que ça ferait trop plaisir au monde qu’il laisse sa peau dans un caniveau alors il devrait bien pouvoir s’accrocher juste pour faire chier. Il est comme toi vous êtes de la vermine, vous êtes difficiles à éliminer. Avec ses pas qui s’éloignent elle prend ton souffle jusqu’à son retour. Comme une plume elle se pose à tes côtés, contre toi.
J'ai besoin de toi comme d'une infirmière, que tu me dises que je suis hors de danger, que mon état va s'améliorer. « Laisse-moi faire. » Elle prend le contrôle de la situation. T’as pas l’habitude mais tu la laisses faire, t’as pas la moindre étincelle en toi pour gérer quoi que ce soit. Y a la brûlure du désinfectant dans tes plaies, tu dis rien, pas un mot, tu la laisses faire son travail doucement, phalange par phalange. Tu jongles avec ta clope pour pas la gêner, lui offrir tes mains sans trop de problèmes. « Reste avec moi Peadar. Respire, respire. Ça va aller. Je te le promets. » Elle a pas le droit de te faire des promesses comme ça, elle a pas le pouvoir. Les promesses c’est toi qui les fais. Ceci dit quand on y pense, te demander de rester là, de pas lâcher prise, ce n’est que te demander de tenir celle que tu lui as faite de jamais la laisser. Si tu t’écroules c’est comme si tu claquais la porte sur elle. Ses baisers papillons battent des ailes sur la peau écorchée de tes jointures, y a tous tes muscles qui se crispent. Sur ces mains c’est le sang de Seven, c’est l’ignominie. Pourtant tu dis rien parce que tu sais que si tu fuyais ce contact ce serait comme la gifler. Doucement tu poses une main sur sa joue et tu lui embrasses le front. « Leave it, you know it’s just scratches, it’ll mend on its own. » Le désinfectant ça sert pas à grand-chose, c’est pas ça qui va tout changer, t’as juste besoin d’une bonne douche, de rincer tout ça, d’oublier aussi. T’as besoin d’elle mais t’es pas censé, c’est pas à elle de rester là, tu veux pas qu’elle ait à ramasser tes pots cassés. « I need to reset a couple of fingers, I don’t want you to hear this. » Au fond tu ne veux pas qu’elle s’en aille. Mais elle n’a ni à voir ça ni à l’entendre. « I just… I’ll be fine yeah ? » T’essaies de puiser dans tes forces, d’effacer cette putain d’envie de vomir, de tout cacher. T'essaies de lui sourire, d'la rassurer, qu'elle s'en aille un instant avec les pensées tranquilles.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptySam 26 Aoû - 0:03

Il bug je le voit, y a pas de réponse, pas de regard, y a que du vide. Y a le regard qui dérive, sa raison aussi surement. Le choc sans doute dira-t-on ou la culpabilité qui grandit, prend trop de place, m’étouffe aussi. J’aimerais qu’il soit mort, j’me pensais pas capable de penser ça, pourtant je l’ai fait, encore et encore, sur la plage avec Jack, quand on a comparé nos peines la première fois, puis dans le lit d’Artie, roulée en boule sous les draps quand j’ai cru que ça ne recommencerait pas. Fais lui payer, jl’ai hurlé silencieusement, dans mon crâne, tempête sur ma langue. Et il l’avait promis, il l’avait promis qu’il lui ferait payer, jusqu’au dernier centime. Et ça m’a rassuré. Ca n’aurait pas du. Chui pas comme ça, j’ai jamais été comme ça, au final je vaux pas mieux qu’eux deux, que Tobias et Jedediah, que le sang qui coule dans mes veines. J’ai envie de gerber. Mais je flanche pas. Je peux pas. Pas maintenant. Si je m’écroule il restera quoi hein ? Plus rien, aucune fondation, et sans doute que je le perdrais pour de bon.
Respire, respire, respire, autant pour lui que pour moi. Respire, me laisse pas. Je voudrais effacer la douleur, le sang sur son visage, sur ses jointures, les plaies dans son cœur. Les plus tenaces. Tu l’as pas tué, promis juré, demain on ira regarder les registres et tu verras tout sera réglé. Mais j’arrive pas à parler, y a juste mes lèvres sur ses blessures, comme si ça pouvait faire cicatriser la douleur.
Leave it, you know it’s just scratches, it’ll mend on its own. Sa main sur ma joue, ses lèvres sur mon front, je ferme les yeux brièvement, retombe dans la réalité, sa voix un peu cassée, fatiguée. Trop fatiguée. « On sait jamais » que je réponds, lui faisant comprendre qu’il en faudra plus pour me faire croire qu’il n’y a rien à faire. Au fond je m’en fous que ça serve à rien, j’me dit que si tout est bien pansé, bien désinfecté, ptêtre que ça ira mieux pour lui aussi ? I need to reset a couple of fingers, I don’t want you to hear this. Je serre les dents pour pas grimacer, imaginer le bruit avant qu’il ne résonne vraiment, attrape sa main, ses doigts, incapable de détourner mon regard. « J’ai entendu pire, t’en fais pas » Sans doute que c’est des conneries, mais il a pas besoin de savoir que je fais semblant. Ou alors il s’en doute certainement mais je bouge pas. Je ne bronche pas. Fais le je crierais pas. I just… I’ll be fine yeah ? Non. Il n’ira pas bien. Je le connais ce regard, je le connais parce que j’ai trop souvent le même, parce que je peux entendre rien qu’aux fêlures dans sa voix qu’il est au bord de la falaise, qu’un pas de plus et il craquera. « Montre-moi » Ses doigts entre les miens, je ne bouge pas. « Montre-moi comment faire » parce que je lui dois bien ça, parce qu’il n’a pas à souffrir tout seul, surtout pas. Je me rapproche un peu plus les yeux rivés dans les siens, je n’abdique pas. « Je ne bougerais pas d’ici Peadar, quoi que tu puisse me dire, je ne bougerais pas » je suis têtue quand je le veux, et surement qu’il le sait vu le nombre de fois où c’est moi qu’est gagné pour décider ce qu’on regarde à la télé. Pauvre sourire qui s’étale sur mon visage pour lui montrer que je sais que j’ai gagné, que y a pas de peur, pas de larmes, rien qu’une fois c’est moi la grande et lui l’enfant, qu’il me laisse nettoyer ses genoux parce qu’il a trébuché sur le gravier et l’embrasser tendrement pour l’aider à sombrer dans un sommeil sans rêve. Si seulement
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyDim 27 Aoû - 18:58

T’es pas censé les aider ces gosses ? Les défendre, les aider à avoir une meilleure vie ? Bien sûr t’as jamais été complètement sur le droit chemin, la rue tu les y renvoie tous les jours pour qu’ils reviennent les mains pleines de billets mais y a toujours eu une volonté derrière ça de les tirer du caniveau, de les protéger. Elle est belle ta protection tiens, tu pensais jamais finir aussi bas, exploser un gamin pour en venger un autre. Le tuer, peut-être bien ouais. Tout ce qui avait fui ton esprit quand il faiblissait sous tes coups te revient, l’interrogation vicieuse, est-ce que t’aurais pu l’aider ? Si t’avais fait quelques choses y a des années quand tu l’avais sous la main ? C’est ridicule pourtant, ce que Seven est devenu c’est une des rares choses qui n’est pas ta faute, il aurait rien accepté de toute façon. En vérité tu ne penses à ça que parce que tu te sens coupable, lui t’en as rien à foutre. Quel sauveur tu fais. Après avoir lancé Jael dans les bras de son bourreau, elle est là à réparer les blessures, comme si elle avait besoin de ça. C’était censé être ça aussi ta protection, que tous ces chats de gouttière n’aient pas constamment à recoudre les coups de couteau que leur flanque la vie. Bien joué. Faudrait changer de carrière. Mais tu saurais pas quoi faire sans eux, en fait c’est toi qu’as besoin d’eux plus que le contraire, alors tu la laisses faire. « On sait jamais. » On sait jamais quoi ? Que tu vas choper la gangrène par des égratignures ? Elle se rassure sans doute en nettoyant chaque centimètre carré de peau malmenée. Sauf que tu ne veux pas lui infliger le doux son des os claquant qui te retourne toujours l’estomac. « J’ai entendu pire, t’en fais pas. » Elle raconte de la merde, elle gonfle la poitrine et serre les dents pour avoir l’air plus fort, elle fait la dure. T’y crois pas bien sûr, t’as trop l’habitude des mensonges et puis tu la connais par cœur. Mais t’acceptes qu’elle essaie de se hisser à la hauteur de ce monde de brutes. Qu’elle reste frêle au final ça ne sert à rien, ça fait plus de mal que de bien. Si elle veut se donner envie de gerber elle aussi, alors qu’elle reste. « Montre-moi. Montre-moi comment faire. » C’est con mais elle y tient. Tu grimaces, parce que tu sais bien que ça va juste te gêner, que ça va servir à rien, qu’elle va te faire mal ou que tu vas lui faire mal. Mais t’as pas la force de protester, alors tu enveloppes ses doigts des tiens, tu les déplaces pour qu’ils soient au bon endroit. Il faut qu’elle se laisse guider comme un pantin, y a pas d’autre solution. Puis, avec ses phalanges comme intermédiaire entre ta main et tes doigts blessés, tu tires d’un coup sec. Y a un gémissement qui t’échappe quand tu te plies en deux, putain, t’as la bile au bord des lèvres. Quand tu lâches ses doigts, les tiens y ont laissé de grandes traînées blanches, vierges de sang, t’as dû serrer trop fort pour te remettre en place. Elle avait qu’à pas demander, elle voulait le faire, elle l’a fait en quelque sorte, tu l’as juste dirigée. « Sorry… » Qu’tu marmonnes sans trop de conviction, toujours un peu obnubilé par les vagues de douleurs qui pulsent de tes jointures. Mais ça va passer maintenant, n’est-ce pas ? Y a ses yeux dans les tiens, flamme qui ne vacille pas. « Je ne bougerai pas d’ici Peadar, quoi que tu puisse me dire, je ne bougerai pas. » Ça m'est retombé dessus d'un coup, je me suis senti seul, triste et fatigué, j'y arrive pas sans toi, j'arrive plus à encaisser. Tout s’abat sur toi comme une grande vague, la rage, le dégoût, la culpabilité, la gerbe, la honte, la peur, et elle elle est toujours là. C’est ça qui fait déborder l’océan, c’est ses grands iris remplis d’une confiance infinie, et puis d’amour. De tout ce que tu mérites pas. L’absurde de la situation te met une grande droite dans la gueule, la princesse aux dinosaures qui continue à t’aider alors que ce soir t’es un des criminels de la pire espèce. Tout cela n’a aucun sens. Et tu craques, il y a les barrages qui cèdent, ces larmes que t’as essayé de retenir tout ce temps qui reprennent leurs droits. T’essaie de te cacher entre tes mains mais tu chiales comme un gosse. T’es un putain de meurtrier.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyLun 28 Aoû - 16:06

Des sons j’en ai entendu des tas. Ouais. La musique, les rires, les cris, les pleurs. Des sons j’en ai tout une bibliothèque, tout un tas, une zone ou me réfugier quand ça va pas, les associer aux couleurs et aux odeurs, me créer un univers artificiel pour oublier. Ou me souvenir. Le meilleur étant sans doute le son de la roulette, la bille qui roule pendant ce qui pourrait être un temps infini, puis l’arrêt. Et les hurlements. De joie, souvent. De frustration quand c’est mauvais. Moi j’ai toujours préféré la joie, et le sourire rayonnant sur le visage du joueur – mon père le plus souvent – et le cœur qui tambourine. Mais ce soir c’est pas le son de la bille, c’est pas non plus le son des vagues – deuxième meilleur son – non plus celui d’un rire volé à un gamin. Non. Ce soir c’est le son des os qui craquent, c’est le gémissement et la douleur qui raisonne dans la pièce. Ça vous retournerait un cœur tout ça. Pourtant je ne dis rien, je ne grimace même pas quand je sens ses doigts s’enfoncer dans ma chair, quand je deviens pantin pour l’aider à se réparer. Caprice de gosse me direz-vous, et le besoin d’être celle qui appui un peu plus sur les os, encore, encore, jusqu’à ce que ça claque salement. Sorry… Pardon pour quoi ? Pour la douleur ou les trainées qu’il laisse sur ma peau ? Je secoue la tête pour lui faire comprendre que c’est rien, pas grand-chose, au fond je le sens même pas. Non. Je sens rien. Juste du vide.
Je m’écarte un peu, juste un peu, les mains qui lâchent les siennes alors que je viens trouver son regard. Encore. Qui fuit. Encore. Je les reconnais les âmes bousillées, on clignote de la même lueur lui et moi. Sans doute pour ça que ça fait autant mal là dedans, dans la cage thoracique, le palpitant au bord de la crise, j’étoufferais presque. Et lui aussi.
A moins qu’on explose.
Et le sourire qui s’étale sur mon visage, sourire qui se fige quand je vois les larmes. Sourire qui s‘efface parce que c’est trop brutal. Il explose. Et moi je meurs. « Pleure pas » c’est maladroit, comme un souffle dans le vide, même pas sur qu’il m’entendra. « Pleure pas » que je répète un peu plus fort, les mains qui se perdent sur ses joues, mes doigts trempés par les larmes quand je l’empêche de se cacher.
Doucement je l’attire à moi, entoure sa tête entre mes bras, viens le serrer contre mon torse. « Je suis là » c’est des mots stupides, des mots gamins, comme quand on rassure un bambin qui chiale parce qu’il a peur des monstres sous son lit. C’est les caresses désespérées, le souffle qui se calme pour essayer qu’il copie le nôtre, qu’il arrête de valdinguer. Qui se ressemble s’assemble pas vrai ? Et quand je vois les masques tomber, y a plus que le vrai qui reste. C’est un enfant Peadar. Peter. Un enfant aussi cassé que nous, voir plus qui sait.
« Pleure pas s’il-te-plait » et ma voix qui se fissure, mon masque aussi. Fais pas ça Jael. Tu peux pas. Je viens chercher son visage, déposer un baiser sur sa joue, avaler ses larmes comme si ça pouvait les effacer définitivement. « T’es quelqu’un de bien Peadar, laisse personne te faire croire le contraire » Pas même Seven, pas même la terre entière. Il est pas parfait Peadar, mais qui l’est ? Pour moi c’est suffisant. Alors c’est un deuxième baiser que je viens poser sur sa joue, puis un troisième. Encore. « Pardon » que je murmure tout bas, contre sa peau, mais y a que ça que j’arrive à trouver pour lui montrer à quel point je tiens à lui, que s’il se déteste alors je l’aimerais pour deux. Pour trois. Pour des milliers. Et déjà je viens chercher ses lèvres, effacer les souvenirs, essayer de lui communiquer ce qui déconne dans mon cœur. « Pleure pas » soufflé contre ses lèvres, les yeux fermés, pour pas avoir à affronter la réalité.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyMar 29 Aoû - 4:05

Je sais pas pourquoi t’as toujours eu peur du bruit des os qu’on remet en place. Techniquement c’est bon signe, c’est le premier pas de la guérison, on remet les choses dans le droit chemin. Ce bruit ce n’est rien à côté de celui des os qui craquent, des os qui brisent, des os qui cèdent sous la pression des coups. Rien à côté de ce que tu as entendu ce soir, de la musique obscène du corps de Seven qui pliait sous la violence. Alors pourquoi cette remontée d’acide quand ça te parvient aux oreilles ? C’est peut-être la douleur, y a un peu de ça en tout cas c’est sûr. Jael, elle, ne flanche pas, reste droite et reste de marbre. Elle est plus forte qu’elle n’en a l’air. Aujourd’hui, elle est plus forte que toi. Faut dire qu’elle n’avait pas la chair de l’autre sous les phalanges mais il est parfois plus ardu de ramasser les blessés d’un combat que d’y participer. Malheureusement tu ne résistes pas à son sourire au milieu de la nuit, c’est comme trop de lumière qui met à jour toutes tes immondices. Comme une marionnette dont on a coupé les fils tu t’écroules. Les larmes emportent avec elles un peu de l’hémoglobine qui a séché sur ton visage, t’en vois une teintée de rouge s’écraser sur le tapis et ça te donne encore plus l’impression d’être un monstre. Tu le mérites de pleurer du sang tiens. Dans les livres, dans les films, quand le protagoniste pleure, tout lui revient toujours en mémoire, chaque parcelle de sa vie, les pertes, les échecs, les erreurs, tout ce qu’il a jamais fait de mal. Le héros ou le malfaiteur porte sur ses épaules le poids de son existence entière. Mais soit la vie n’a rien d’une fiction soit tu n’es pas le protagoniste, parce que toi, en chialant, tu ne penses qu’à ce soir. Il n’y a que ses gémissements qui te font trembler, pas le poids de tous ceux que tu as pu abandonner ou qui t’ont abandonné, cela n’a rien d’important tout ça. Tout ce qui importe c’est la violence. T’as peur, t’as tellement peur, c’est pour ça que tu hoquètes, t’as peur et tout est de ta faute. Tu t’étoufferas dans ta culpabilité autant que tes larmes, tu l’auras mérité comme lui l’a mérité. Un peu de justice enfin peut-être.
« Pleure pas. » Facile à dire, comme si tu pouvais t’arrêter, comme si t’avais le moindre contrôle sur ces cascades salées, sur la Mer Morte qui va finir par se former à tes pieds. Tu sens à peine ses doigts sur ton visage. Pourtant comme un gosse tu te laisses aller quand elle t’attire à elle, tu t’abandonnes dans ses bras, tu la laisses te consoler. Bien sûr ça marche pas mais elle peut toujours essayer, rien que ça c’est rassurant. Quand on y pense t’as jamais eu ça toi, t’as toujours été le plus vieux, toujours celui qui essuyait les coups et séchait les larmes, toute ta vie. Cette étreinte protectrice tu connais pas, mais pour une fois il semble que tu en avais besoin. « Je suis là. » Et tu veux qu’elle le soit toujours, ce n’est pas pour rien que tu as tenté de la garder près de toi à coups d’addiction. Il semblerait qu’involontairement tu lui aies filé la pire, une addiction à toi, que même au fond du trou elle fasse le voyage pour te rejoindre. « Pleure pas s’il-te-plait. » Ses lèvres dans tes larmes, comme une tentative de te réchauffer. Tu fermes les yeux, tu la laisses faire. « T’es quelqu’un de bien Peadar, laisse personne te faire croire le contraire. » Refuser d’écouter ou vivre un peu plus longtemps au miel de ses mensonges ? Peut-être bien qu’un autre jour tu choisiras d’y croire, de barder ton égo de ses mots pour éviter de voir la vérité en face. Ce soir ça ne suffit pas. Y a la tristesse qui dégouline, tu ne peux pas l’arrêter. Ses excuses n’ont pas de sens, pas de raison d’exister, tu n’en fais pas cas. Les paupières toujours closes tu ne vois pas le baiser venir, mais tu sens la brûlure de ses lèvres sur les tiennes, ta respiration se coupe un instant. Elle n’a le goût que de ta douleur. Pleure pas. Comme elle essaie, encore et encore, de te sauver. Mais tu dis rien, les sanglots sont finis, maintenant les larmes coulent en silence. Tu ne veux pas en faire cas de ce baiser, tu veux l’ignorer, tous ces rapprochements de deuils ou d’échauffements drogués ne riment à rien. Peu à peu tu te redresses sur le lit, l’absence de mots flotte dans l’air. Dans le regard que tu lui lances il n’y a que du vide, une fatigue extrême. Puis tu te lèves et ne regardes pas en arrière quand tu fermes la porte de la salle de bain derrière toi. Tu jettes tes vêtements souillés avec une envie quasi irrépressible de les brûler pour qu’il ne reste aucune trace de ton crime. L’eau bouillante ne t’apaise pas, elle sert juste à emporter tout ce sang. Les yeux fermés pour ne pas voir ce carmin transparent, tu frottes comme si tu allais t’en arracher la peau. Le plus vite possible tu quittes la douche où la buée t’étouffe. Il te faut te brosser les dents pour essayer en vain d’effacer ce goût de bile et de clope qui te macule la bouche. Des vêtements amples pour cacher toute marque laissée par la rixe, pour t’envelopper dedans. Sans doute que tu crèveras de chaud mais ce sera mieux que voir ça. Jusqu’à demain du moins. Quand tu reviens dans ta chambre elle est toujours là, elle n’a pas bougé, et tu ne sais toujours pas quoi lui dire. Ou si, peut-être bien quelque chose. « Thank you. » Murmuré, à peine audible. Et tu t’écroules sur le matelas pas loin d’elle, les yeux rivés sur le plafond. Les larmes arrêtent enfin de couler.
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MessageSujet: Re: bruises that won't heal (jael)   bruises that won't heal (jael) EmptyLun 4 Sep - 0:38

C’est terrible de voir la personne qu’on aime le plus au monde souffrir autant. C’est terrible. Ca vous plante une putain de crampe au cœur, ça vous donne l’impression que plus rien n’est sur, car si eux craquent, y a plus rien pour nous protéger. Je voudrais effacer ses larmes, coup de baguette magique pour transformer les sanglots en rires. C’est tellement mieux quand il rigole, connerie débile balancée à table et le sourire qui illumine son visage. Mais ça marche pas. Je suis pas magicienne et on est trop humains tous les deux. Malgré les mots, malgré les baisers, y a les larmes qui coulent encore et encore et encore. Intarissables les larmes, et ça fait tellement mal. Pleure pas Peadar. Et je voudrais l’envelopper dans mes bras, le faire rentrer à l’intérieur de mon corps, lui donner ma chaleur, au fond y a que lui qui mérite ça, ouvrir une fenêtre au niveau gauche dans la poitrine, le faire rentrer et le cacher entre deux côtes, bien au chaud, pour le soigner.
Mais il m’échappe.
Il se lève sans un mot, sans un regard. Il se lève, me glisse entre les doigts, entre les mains. Il se dirige vers la salle de bain et quand la porte se referme derrière lui je comprends bien que je n’ai pas à le suivre. Espace vital, pudeur ou juste besoin d’être seul, je me retiens de lui courir après, de le laisser seul ne serait-ce qu’une minute. Ca me démange. Mais je ne craque pas. A la place je tourne en rond la chambre, fait les cents pas, imagine des paroles réconfortantes mais rien ne vient vraiment. Alors à la place je m’enfonce dans le lit, bien décidé à jouer les chiens de garde pour la soirée, je lui ai dit : je ne bougerais pas. Alors c’est comme ça. C’est tout.
Presque par habitude je prends ma place, côté droit dans le lit, quand je viens me glisser sous les draps quand les cauchemars sont trop violents. Pis aussi quand y a l’aiguille dans les veines, un shot ou deux pour voyager, la tête plantée dans l’oreiller. Mais ce soir c’est pas ça. Ce soir c’est l’attente, c’est le regard rivé sur la porte de la salle de bain, l’oreille dressée pour entendre le son de l’eau, savoir si y a un truc qui déconne ou non. J’en serais malade je crois. Je peux pas. Pas maintenant. Pas lui aussi. Pas le perdre. Surtout pas. Alors je serre les draps, plante mes griffes dans le tissu. J’attends.
Puis y a la porte qui s’ouvre enfin, et la sensation de pouvoir respirer pleinement maintenant. Il a enfilé des vêtements trop grands, cacher le corps fracassé par la rencontre avec Seven, si ce n’est son visage ou ses mains, on se douterait de rien. Thank you. A ça je ne réponds rien, me redresse juste un peu quand il se rapproche, se laisse tomber à mes côtés sur le lit. Les vibrations du matelas résonnent jusque dans mes os. J’amplifie toujours trop, ressent toujours trop. Alors doucement je me rapproche de lui, mécanismes ancrés dans mon corps je tends la main pour passer mes doigts dans sa chevelure mouillée, la tête qui vient se poser contre son épaule. «Plus jamais » c’est maladroit, je ferme les yeux, inspire lentement. « Plus jamais, si ça te fais autant mal. Plus jamais tu fais ça. Ca sert à quoi si ça te bousille comme ça » il est pas obligé de répondre mais j’ai besoin que ça sorte. Je me redresse un peu, prend appuie sur mon coude, pour pouvoir le regarder droit dans les yeux, les pupilles rougies par les larmes et l’eau de la douche. Bon sang, ce que j’en chialerais presque à mon tour, trop empathique. Beaucoup trop empathique. Mon doigt qui souligne les ecchymoses qui commencent à se former sur son visage, la couleur est belle, presque trop pour ce que ça représente, j’ai toujours trouvé ça dommage. « Demain ça ira mieux tu verras. C’est juste une mauvaise nuit à passer » parce que je les connais ces nuits sans fins, celles qui ne se terminent qu’au petit matin quand on s’endors d’épuisement, le corps criant de fatigue. C’est les pires. Parce qu’on ne fait que penser encore et encore, remuer sans cesse le pire. Je me laisse tomber de nouveau, me blottissant contre lui, comme pour essayer de lui donner ma chaleur, le garder à l’abris du reste, faire barrière de mon corps. « Je la passe avec toi cette nuit. » Peut être que ça aidera, peut être que ça n’aidera pas. Qui sait. Moi je croise les doigts pour que son cœur se répare petit à petit, recoller les morceaux avec le trop plein qui déborde de mon âme.
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