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novembre 2006 - hôpital du Maine. Respiration haletante. L'éclat de la vérité au grand jour. Souffrance insoutenable. Le regard brûlant par les larmes écoulées. Y a tout ton être qui cri et pourtant, personne n'entend. La douleur qui tord l'estomac, qui noue la gorge. Noyée sous le flot d'émotions trop intenses. Perdue dans ce large horizon, l'univers entier qui s'écroule sous tes pieds. L'esprit qui quitte le corps, lâchant prise une bonne fois pour toute. Faucheuse amourachée de la vie. Mort turbulente au dernier étage. Sous les caresses douces se cachent la peine similaire à l'arrachement d'un coeur. Les discours s'enchainent, toujours les mêmes. Des excuses qui fusent, des pauvres enfants, que vont-ils devenir qui trébuchent dans tes oreilles. T'es seule. Et même quand ton regard fouille dans la salle, tu ne le vois pas. Déchirement. Où est-il ? Tu l'ignores, tu ne sais pas. Et la peur te ronge davantage. Et si lui aussi était parti ? Tu serais abandonnée. Le palpitant qui cogne dans la tempe. T'as mal. Ton corps n'est qu'un squelette endolori. Essayant tant bien que mal de te relever, tu vacilles. Flamme fragile sur le bord de l'extinction. Tu te faufiles entre les corps des médecins, des infirmières. Vagabondant dans les couloirs de l'hôpital. Tout est blanc ici. Tout est monotone, triste. Et la peine s'agrandit, se décuple. Coeur qui explose. Coeur qui implose. Où est ton frère. Tu as besoin de lui. Tu voudrais enrouler son corps de tes bras frêles. Le serrer tout contre toi et pleurer à chaudes larmes que tu n'as plus que lui. Tu voudrais te réconforter auprès de lui en te disant que tout ira pour le mieux. Mais t'es pas si sure de toi. Y a le doute qui s'installe, doucement, lentement. Il terrifie tout ton être, pétrifiant chaque partie de ton corps. Tu t'arrêtes d'un coup, regard flou qui se mélange aux larmes brûlantes roulant le long de tes joues. Frisson au creux de l'échine. T'as mal. Solitude qui ronge. Intense réflexion. Que vas-tu devenir à présent ? Et ton frère toujours absent. La main vient saisir ton bras, retournée dans l'effroi, le médecin te mène jusqu'à une dame et tu te débats. Non, tu veux pas partir sans ton frère. Les portes de l'hôpital s'ouvre, la tornade s'abat sur ton âme tout entier. Te remuant dans tous les sens, tu finis par gagner, on te cède la victoire un instant. Tu cours te réfugier dans les bras de ton frère qui vient d'apparaitre tel un mirage. Laissant ton âme succombant à son odeur rassurante et réconfortante. Ton corps tremble sous les pleures qui se succèdent. Tu retournes auprès de la dame en serrant fermement la main de Max. Le temps passe, s'effrite lorsque les secondes deviennent des minutes et les minutes deviennent des heures. On croit que la douleur disparait mais elle ne fait que s'intensifier au fil des années. Parce qu'elle est là, cachée sous les faux sourires, enrobés par la tendresse des uns, la délicatesse des autres. La douleur qui laisse place à une toute autre symétrie du coeur. Peine increvable qui subsiste.

juin 2009 - maison des Clarke, Ohio. Course effrénée aux allures de défaite. Défi lancé au compte à rebours déterminant. Souffle qui s'estompe, le pas de trop qui anime la chute. Elle est lente, désireuse de faire ressortir chaque souffrance intacte. Les larmes séchées recommencent à rouler sur les joues porcelaines. Crève coeur qui appuie là où ça fait mal. Y a toute cette haine étouffée qui est recrachée en pleine figure. C'est le choc du passé qui rencontre à nouveau le présent. La claque éclate, le coup part d'un coup. Valse contre un mur, tête cognant la première. C'est tout noir, tout se mélange, le flou envahit l'esprit. Tu comprends pas, tout est allé trop vite. Et la vie ne tient plus qu'à un fil, les secondes qui s'égrainent sont rongeuses. La voix de Max parvient jusqu'à tes oreilles. Désireuse d'ouvrir les yeux, mais la lutte est terminée. Tu perds. Gardant le calme, autour de toi c'est le vide. Trou béant au sein de la poitrine. Petite fille brisée, porcelaine qu'on éclate au sol et qui se divise en des milliers de morceaux si infime qu'on ne peut à peine les voir. Démon qui surgit de dessous le lit, capturant sa proie. Cri étouffé qu'on entend même pas. Il s'essouffle lui aussi avec le vent qui cogne. Le cauchemar semble réel et pourtant tu te réveilles en sursaut, tremblante. Te glissant jusqu'à la chambre de Max, tu te faufiles dans ses draps, collant ton corps au sien. Il se retourne et te sers dans ses bras. Tu n'as même pas besoin de lui parler, il comprend. Les cauchemars sont beaucoup plus fréquents ces derniers temps. Et tu sais toujours pas pourquoi. Message d'un souvenir oublié, que la mémoire désireuse d'effacer à omis de laisser tranquille. Les éclats viennent briser chaque soir tes rêves mielleux pour les transformer en enfer. Et petit à petit, tout se recolle, tout devient plus clair. Le père Clarke ouvrant tout en délicatesse la porte de la chambre, le bruit froissé des draps lorsqu'il se glisse dessous. La respiration qui se bloque un instant, les larmes qui se laissent tomber sur l'oreiller. Ton âme toute entière qui tremble de peur, de dégoût. Et ça dure une heure, deux heures, parfois toute la nuit. L'horreur qui se perpétue chaque soir où madame Clarke n'est pas là. Chaque lendemain, les yeux gonflés par les larmes de la veille. Chaque matin, les mêmes questions de Max auxquelles tu ne sais quoi répondre. Peut-être que tu n'oses pas. Parce que vous avez un toit sur la tête et que tu ne veux pas gâcher tout ça. Ca dure un an, inaperçu. Sans qu'aucune trace ne soit visible. Mais la deuxième année, y a Max qui découvre tout. Y a la rage qui explose en plein visage. Y a la haine qui se lit au fond de son regard. C'est ma soeur, personne n'y touche. Encore moins un pervers comme toi. C'est le venin qui gicle, hors de contrôle. Tu tentes de le retenir mais le coup part. Et tout disparait, à nouveau. Prendre la fuite, dernière option. Dernier sos qui ne s'enverra jamais. Les bagages prêtes, dans la nuit, vous disparaissez, Max et toi. A jamais loin de cette vie morbide.

mars 2011 - bâtiment désaffecté, Savannah. Le couteau dans la main, serrant de toutes tes forces. Rouge qui s'éclate contre le sol. Tremblotante, tu te laisses glisser au sol. Tu es seule ce soir. T'as pas prévenu Max d'où tu allais. Tu voulais pouvoir souffler, respirer un coup sans l'avoir sur le dos. T'as quinze ans et pourtant t'es bouffée par la vie. T'as envie de clamser, crever, t'éjecter tellement de poison dans tes veines. Mais y a rien qui n'y fait. Tu tentes depuis des semaines, mais tu finis toujours par te réveiller. Vivante. T'as tout essayé. Médoc, crack, alcool. L'overdose au bout du coeur et pourtant t'es là. Toujours. A vouloir lutter pour cette putain de vie. C'est même plus une vie, c'est de la survie continuelle, perpétuelle. T'as pas dis à Max que tu sais tout. Que ton esprit a enfin débloqué ce dont il t'as privé ces derniers mois. T'as enfin compris pourquoi vous étiez partis tous les deux, sans rien dire, de chez les Clarke. T'as enfin saisi pourquoi vous étiez en Géorgie aujourd'hui et plus dans l'Ohio. T'as plus de famille, plus rien. T'as tout perdu et à présent tu t'en veux. Parce que tout ça c'est de ta faute. Si t'avais dis la vérité à Max, il aurait pas pété un câble. Le père Clarke l'aurait pas envoyé à l'hôpital pendant une semaine. Tu t'en voulais et c'est pour ça que tu méritais de crever. Seule. Sans personne pour te retenir de ce dernier soupir. Laissant glisser la lame le long de ton bras, elle frôle à peine ta peau. Les marques sont presque inexistantes. T'as pas assez de courage pour faire ça. Tu pourrais peut-être sauter de la fenêtre. Après tout, la chute sera lente mais l'arrivée ne serait pas douloureuse. Un bruit surprend ton attention et tu te tourne vers ce son étrange, dérangeant. Lâchant le couteau d'un coup en apercevant une silhouette masculine. Au départ tu penses à Max, mais ce regard bleuté n'est pas le sien. Tu feins l'indifférence avant de comprendre que ce lieu est déjà occupé. Toi qui voulait mourir en paix, te voilà bien embêtée. Et sans comprendre, tu t'approches, tes yeux croisant les siens. Tout ton corps est électrisé. Tes membres te font faux bond et tu finis presque à terre mais il te rattrape avant la chute. Il se présente. JJ. Ca te fait rire toi. Parce que JJ c'est pas un prénom, c'est une fausse identité, un jeu. Il peut pas réellement s'appeler ainsi, hein ? Mais il est beau. Tel un ange gardien qui s'est échoué sur ton passage, comme si lui voulait pas que tu meurs ce soir. Vous avez parlé toute la nuit, y a eu ce feeling qui ne s'explique pas entre vous deux. JJ c'est ton sauveur, ta plus belle rencontre. JJ c'est ta première fois, inoubliable, impensable. T'avais quinze ans, lui trois de plus. JJ c'est ce souvenir ancré à même la peau, indétectable et pourtant bien présent. JJ c'est ta nouvelle famille, il t'as permis de faire partie des KIDS, de donner une nouvelle chance à ta nouvelle vie. Un nouveau souffle, un coup de vent qui a tout chamboulé en toi. JJ c'est celui que tu n'attendais pas sur ton chemin mais qui t'as permis d'affronter le passé. JJ tu lui es redevable. Parce que sans lui, ton corps serait six pieds sous terre aujourd'hui. JJ il t'as offert ce que tes conneries t'ont fait perdre. Un toit où dormir avec ton frère, une famille sur qui compter dans les coups durs. Et pourtant, c'est rarement tout rose. Voire même quasiment jamais. C'est des nuances de gris qui se mélangent à merveille avec tes nuances de noires. Un coup du destin.

novembre 2016 - cimetière de Savannah. Dix ans. C'est fou comme le temps passe vite. Trop même. Les mains dans les poches, le regard baissé sur les tombes, tu inspires un grand coup. Les souvenirs s'embrouillent, s'entremêlent, se démêlent. T'es perdue, encore une fois. T'es redevenue cette gamine sans chemin à suivre. T'essayes de te rattraper. Mais t'accumules les conneries. T'enchaines les angoisses mortelles. Les brides du passé qui se raccrochent au présent sont celles qui te tueront un jour. Brûlant à petit feu, tu ne sais pas où tout ça te mènera. La guerre entre les KIDS et les YOBBOS bat sont plein. T'es au milieu de tout ça, ancré au centre de cette action. Tu sais pas quoi faire. Tu sais plus où aller, où donner de la tête à toute cette histoire. T'es paumée comme jamais et ça te fait peur. Tu voudrais pouvoir t'en sortir, te dire que tout ceci prendra fin. Mais à quel moment ? Quand l'un des tiens sera sur le bitume la tête explosée ? Quand l'un de tes ennemis baignera dans son sang ? Cette guerre ne mène nul part et tu le sais. Mais tu ne peux t'arrêter. Parce qu'il n'y a plus aucune limite. Parce que d'un côté, tu veux te venger. Mais prendre ta revanche est chose à part, car les personnes qui t'ont fait souffrir sont loin aujourd'hui. Tout est flou, tout t'embrouille. Tu voudrais revenir en arrière, ne plus faire les pas de travers. Et quand bien même rien ne t'en empêches, tu restes. Parce que les KIDS t'ont sauvé la vie. Parce que Max est bien intégré à cette petite famille. Parce que y a JJ. Et si tu pars, tu auras trahis la seule personne qui a un moment de ta vie, a tout transformé.