“La notion du temps” Sil & Jess
Jetant ton mégot encore fumant sur la chaussée d’une pichenette de doigts, tu poussais la porte du Smocking Dog sans te presser, restant quelques secondes immobile sur le pas de la porte à parcourir la salle du regard, te frottant un œil de la paume. Bon, pas de pull rouge en vue. Le type qui t’avait donné rendez-vous avait pourtant expressément spécifié qu’il le mettrait pour être plus facilement reconnaissable. Peut-être était-il en retard ?  Haussant les sourcils d’un air dubitatif, tu t’avançais jusqu’au bar, prenant place sur l’un des tabourets, te tortillant un instant pour en extraire ton portable et le poser devant toi. Mouais, l’heure du rendez-vous était déjà largement passée, pourquoi n’était-il pas encore là du coup ? Il se foutait de ta gueule où quoi ? Tapant rapidement un texto, tu finis par croiser tes bras sur le bar devant toi, te penchant un peu en avant à la recherche du barman. Sur un malentendu, on pourrait peut-être te servir un truc alcoolisé ? Pour faire passer le temps plus vite ?
Tu rêvais un peu mais tu pouvais toujours tenter ta chance car justement, le barman s’approchait déjà et tu coulais un bref regard sur lui, un blond aux traits bien dessinés. « Hey, tu me sers ça ? » lui-demandais-tu en posant le doigt sur un long drink vodka redbull. Rien de dingue, juste de quoi mettre en forme. Jetant un nouveau coup d’œil par-dessus ton épaule, tu pinçais tes lèvres charnues avant de relever le regard sur lui.  « T’aurais pas vu un mec au pull rouge par hasard ? ». Tu le tutoyais sans te gêner mais en même temps, tout le monde faisait ça, non ? Ce n’était même pas par familiarité, c’était juste…comme ça. Ton portable se mit alors à vibrer et justement, un message du type en question apparut sur ton écran. « Dude t’as une heure de retard, vtff garde le ton tel pourri ». Merde, non seulement il était venu mais il était également reparti, saoulé de t’attendre. En même temps, il fallait t’y attendre, tu avais trainé et voilà le résultat, tu avais raté une vente. C’était con quand même…Tu poussais un soupire blasé, en même temps, c’était un peu ta faute aussi…

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Tu sais pas vraiment pourquoi, mais ton regard se pose sur lui à l’instant même où il passe la porte. Et tu reconnais sans peine ce visage que tu as observé par la fenêtre trop de fois. Ce visage qui a fait naitre en toi une colère incommensurable. Ce putain de voleur. Mais pas comme toi. Non, bien pire que ça. Toi, tu voles quelques billets. Lui, il vole les vies. Il vole les pères pour se les approprier. T’es persuadé que, sans lui, ton père serait revenu te chercher. Pourquoi il préfèrerait s’occuper du gosse d’un autre plutôt que du sien hein ? Tu sers tes doigts sur le verre de bière que tu es en train de servir, te forçant à ne pas tout envoyer en l’air pour aller lui exploser la gueule contre le mur. Petit con. Il ose venir ici. Après avoir volé ton père, il décide de se pointer dans ton havre à toi. Ton univers. Il vient s’immiscer une nouvelle fois dans ce qui t’appartient. Pour y foutre la merde. Encore. T’en doutes pas une seconde. La preuve, il commence déjà à te mettre la tête à l’envers. Là. Rien qu’avec sa présence.

Il a l’air de chercher quelqu’un et t’as envie d’lui dire qu’il trouvera rien ici. Que y’a rien pour les gamins comme lui dans un bar comme ça. Qu’il aille se perdre ailleurs. Loin de toi. Qu’il aille crever tient. C’est déjà trop tout ça. Trop d’admettre qu’on a pu te blesser. Par l’absence. Par l’abandon. Blessé de l’intérieur. Non. Tu veux pas avouer ça. Ca serait concéder que t’es pas aussi intouchable que tu le voudrais. Que finalement, y’a peut-être bien un truc qui bat au creux de ta poitrine. T’as envie de lui faire mal. Mais pas juste mal à coups de poing. Non. T’as envie de jeter de l’acide sur son coeur. Pour y créer le même trou qu’il a aidé à creuser. Il se dirige vers toi, attrapant une de ces menus à moitié déchirés qui traine sur le bar pour te désigner une vodka redbull. Il te sourit vaguement. Et toi, tu bug un temps avant de grogner pour acquiescer. Tu t’apprêtes à partir lorsqu’il te rattrape par une seconde question. Tu hausses vaguement les épaules. T’as pas tellement fait gaffe. Ouais, ça te dit vaguement quelque chose, mais t’as aucun détails à lui donner. Alors tu te contentes d’aller lui service son verre, laissant la rancoeur bruler dans ton bas ventre.

Lui faire mal.
Faire qu’il s’attache.
Puis le lâcher. Salement.
Pour ça, il faut commencer par l’approcher.

Tu poses ton regard de nouveau sur lui avant d’aller poser son verre devant lui, soufflant « On the house » avant de t’éloigner. Pour une fois, t’y vas doucement. Tu veux pas le faire fuir. Tu veux juste tester le terrain. Savoir comment tu vas t’y prendre. Les sentiments ont jamais vraiment été ton fort. Et tu sais pas bien comment ça marche. Tu sais pas bien comment faire pour qu’il s’attache d’une quelconque manière. Ce que tu sais, c’est que l’amour, ça a foutu en l’air des tas de gens. Et que c’est probablement le meilleur moyen de blesser quelqu’un sans cogner avec les poings. Mais tu sais même pas s’il est hétéro ou autre. Et puis, surtout, t’as aucune idée de comment ou rend les gens amoureux.

“La notion du temps” Sil & Jess
Tu savais bien qu’un jour où l’autre, on te ferait regretter d’être éternellement en retard et pour le coup, ça te faisait bien chier d’avoir raté une vente aussi bêtement. Mine de rien, t’aurais bien aimé de te débarrasser de ton vieux téléphone et tu n’aurais pas craché sur quelques billets, ça aurait suffi pour te payer quelques cartouches de clopes et un petit concert ou un truc du genre, t’aurais pu inviter Thea au ciné ou une connerie du genre pour jouer au mec parfait avec elle.  Ouais, clairement tu te mettais des claques intérieurement alors que tu regardais un peu bêtement le sms du mec qui t’envoyait chier. Il avait raison de le faire et tu n’allais pas chercher à le faire revenir, ce serait un coup à te prendre un coup dans les dents. Tu ne voulais pas tenter le diable alors tu te contentais de ne pas répondre à son message, essayant de passer à autre chose aussi vite. T’avais merdé, t’avais merdé, pas la peine d’y repenser, tu ne pouvais plus changer le cours des choses.
Un petit verre t’aiderait sans doute à faire table rase sur tes remords alors tu tentais ta chance auprès du barman, le type ne semblait pas beaucoup plus âgé que toi-même s’il y avait dans ses traits quelque chose de spécial comme s’il avait tellement vécu déjà avant de se retrouver derrière ce comptoir, un peu par hasard. Tu te sentis presque intimidé par son regard perçant alors doucement, tu te calmais un peu, te passant une main dans les cheveux, les étirant lentement entre tes doigts jusqu’à en atteindre leur longueur maximale avant de les laisser retomber sur ton front.
Sauf qu’au lieu de te jeter aussi sec que tu l’aurais pensé, il revint avec ton redbull alcoolisé, le faisant glisser jusqu’à toi au même titre que deux trois mots qui te laissèrent un instant abasourdi. Comment ça, c’était offert ? Il y avait une sorte d’happy hour que tu avais loupé ? Peu de chances quand même, c’était le genre de détails que tu ne manquais jamais de relever ! « Hey !.. C’est en quel honneur ? » finis-tu par l’interpeller alors qu’il s’éloignait déjà, ne pouvant t’empêcher de faire le curieux au lieu de simplement en profiter, au lieu de faire profil bas et apprécier la faveur, parce que de une, t’étais pas supposé boire de l’alcool et encore moins le recevoir gratis. Portant le verre aux lèvres, tu en avalais une gorgée avant de lui offrir un petit sourire en haussant les épaules. « Merci hein ». Tu étais pourtant bien loin de te douter de ses réelles intentions, tu aurais du te dire qu’il y avait anguilles sous roche sauf que non, toi tu ne te méfiais jamais de rien ni personne. « tu connais pas quelqu'un qui cherche un iphone à acheter par hasard, je viens de rater une vente putain, les nerfs ? »

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En quel honneur ? L’honneur de ton coeur piétiné sur le trottoir, c’est pas assez bien ? Pourtant, tu te contentes d’hausser les épaules, esquissant un petit sourire malicieux dont tu as le secret. Et tu t’éloignes un instant pour servir quelqu’un d’autre, observant du coin de l’oeil le petit brun à ton comptoir. Pourquoi est-ce que ton père l’aurait préféré à toi ? Tu veux bien croire qu’il soit mieux que toi aujourd’hui. Sage petit garçon qui va à l’école, aura un diplôme, un boulot légal, des enfants, un chien … Tout ce que t’auras jamais. Tu veux bien croire ça. Mais bordel, t’avais cinq ans. Il pouvait pas dire ce que t’allais devenir quand t’avais cinq ans … merde. Puis même à dix, y’avait surement quelque chose à rattraper. Mais non. Il a préféré de laisser pourrir dans un coin et en prendre un autre moins cassé sous l’aile.

« tu connais pas quelqu'un qui cherche un iphone à acheter par hasard, je viens de rater une vente putain, les nerfs ? » Tu reviens vers lui, haussant les sourcils. Tu connais des gens si. Des gens à qui tu revends tes trucs volés. C’est pas des gens très réglos. Ils ont surement leurs noms dans les fichiers de la police, mais bon, toi aussi. Et puis, il y a quelque chose d’excitant dans l’idée de le faire tomber du coté obscure. De frôler l’illégal. « Mmh … J’connais un mec qui pourrait le racheter ouais » Tu t’approches, attrapant la bière qui est toujours sous le comptoir pour boire une gorgée. L’avantage de bosser dans un bar. Tu la poses en face de lui, l’observant un instant. Tu tiens ton entrée en matière « Si t’es chaud pour attendre la fin de mon service, j’peux lui donner rendez vous… Tu l’vends combien ? » Tu bois de nouveau, satisfait que le service se calme un instant. Satisfait qu’il t’offre ton ouverture. « Tu t’appelles comment au fait ? » Tu caches le fait que son prénom, tu le connais par coeur. Jesse. Jess. Tu l’as brulé quelques fois son prénom. Ecrit sur un morceau de papier pour le regarder cramer. Bordel, il a bien foutu ta tête en vrac ce mec. Tu t’sens pas très très sain avec toutes tes idées tordues. Mais putain, tu le hais tellement. Tellement, s’en est presque effrayant.

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Accoudé au bar, tu faisais tourner ton doigt sur le bord du verre, le faisant légèrement basculer sans le renverser pour autant. Pour l’instant du moins. T’arrêtais néanmoins ton petit cirque pour porter le verre aux lèvres et avaler quelques gorgées de la boisson sucrée, attendant ses explications. Il ne te donna pourtant pas de raisons, se contentant de te faire un petit sourire. C’était quoi ça ? Un plan drague sorti de nulle part ? Non, ce serait quand même complètement dingue comme situation, ce n’était du moins pas le genre de trucs qui t’arrivaient à toi, pas dans la vrai vie. Dans le doute, tu laissais un sourire fendre ton visage avant de reprendre une gorgée de ta redbull-vodka. Le cocktail tout sauf sain mais tellement bon !
Et maintenant ? rentrer chez toi directement ? Une idée te traversa pourtant l’idée. Pourrie certes mais tu pouvais tout de même tenter ta chance…Ta question sembla pourtant l’intéresser parce qu’il revint vers toi, un air vaguement intéressé dans le regard. Quand il s’agissait de faire des business, les gens rappliquaient toujours. « On dirait que c’est mon jour de chance, le verre gratos et une potentielle vente…c’est limite trop beau pour être vrai, hein ? » tu ne croyais pas si bien dire mais pour toi, ce n’était qu’une vaste plaisanterie. Tu profitais simplement du moment présent sans trop de soucier des conséquences, inconscience ou naïveté ? Peut-être un peu de deux. « ça dépend, tu finis à quelle heure ? C’est pas que je t’aime pas mais je vais pas squatter jusqu’à 4h du matin non plus. » commençais-tu en haussant un sourcil, perdant un moment ton regard dans la couleur dorée de ta boisson. « Je l’ai annoncé à 200 boules, c’est le 6S » annonçais-tu en sortant l’objet en question de ton sac pour le lui montrer, histoire qu’il voit que tu n’étais pas en train de l’arnaquer. Tu le rangeais néanmoins aussi vite, ne voulant pas pendre le risque de l’abîmer avant une potentielle vente. « Jesse ou Jess, comme tu veux. Et toi ? » te présentais-tu avant de tirer ton paquet de clopes de ta poche. Si tu devais attendre son client, autant t’occuper.

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Tu rigoles doucement à sa remarque. Trop beau pour être vrai. Il se doute pas qu’il est bien plus proche de la réalité qu’il ne le croit. Que tu l’attires dans tes filets dans l'idée de le manger. Au fond, tu sais bien que ca mene pas a grand chose tout ca. Que c’gamin, il y est pas pour grand chose. Mais t’as besoin de rendre quelqu’un responsable. Quelqu’un de vivant. Quelqu’un d'accessible. Parce que ca serait trop simple de tout mettre sur ta mere. La bas, enterrée six pied sous terre. Putain de junkie. Et puis ton père … Sans vraiment l'admettre, t’es pas prêt à lui faire face. T’es pas prêt à entendre ses explications bancales sur les raisons pourquoi il est jamais revenu pour toi. T’as aucune envie d’entendre que t’es pas assez bien. Qu’il a toujours un meilleur fils. Quelqu’un qui tenait mieux la route. Alors comme un con, tu rejettes toute ta colère sur lui. Tu en fait l’outil de ta vengeance. Le blesser lui pour atteindre ton père. Quelque part.

“Vers minuit et demi” Tu lui souris vaguement, essuyant des verres sans cesser de l’observer. Ya un truc dans son visage. Un truc joli. Tu saurais pas mettre le doigt dessus. Son sourire ? Son regard ? Un peu des deux peut être. Il a l’air … sympa. Ouais, c’est ca en fait. Il est loin de l’image diabolisante que tu t’es toujours fait lorsque tu étais planqué derrière les buissons en face de chez lui. “J’envoie un message au gars si tu veux, il passera au bar” Tu l’as déjà fait plusieurs fois. Pour des téléphone surtout toi aussi. Mais parfois pour d’autres trucs. Des sacs un peu chic. Des lunettes de soleil de marque. Des conneries comme ca piquées à des touristes. Ca te fait penser à la gamine bourrée de fric que t’as volé y’a quelques semaines. T’as vu dans journaux qu’elle était morte. Suicide. Ca t’as foutu un sacré coup dans la gueule. Alors comme ca, l’argent n'achète pas le bonheur ?

Un peu paumé dans tes pensées volantes, tu poses ton regard sur le téléphone. Il a l’air en bon état. Le mec cherchera forcément à négocier pour faire baisser le prix, mais toi, ca te semble plutôt juste. T’as un petit silence après son ‘et toi’. T’es pas certain que donner ton prénom soit une idée genial. Les Sil, ca court pas les rues. Et même à 5 ans, tu avais déjà raccourcie ton prénom en Sil, trouvant Silvester bien trop compliqué et bien trop moche. “Sid” C’est sorti un peu tout seul. Tu t’es dit que ca serait plus simple avec un prénom proche du tient. Et t’as pense à Sydney. Facile. “Enchanté” Pas vraiment. Mais faut bien faire semblant.

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Toi qui craignais de te faire refouler, tu commençais à te détendre un peu. Le barman n’avait pas l’air beaucoup plus âgé que toi et en plus de ça, il s’était montré plutôt cool avec toi jusqu’à présent. Tu ne savais pas pourquoi mais au premier regard, tu l’avais imaginé différent…plus fermé ? C’était bête de juger sur les apparences comme tu le faisais mais en même temps, ce type dégageait quelque chose d’énigmatique. Peut-être la faute à ses cheveux couleur lune ? Ou son regard à vous en percer l’âme ? Difficile à dire mais tu devais reconnaître qu’il t’intimidait un peu. Toi, tu n’avais rien de tout ça, t’étais tellement commun en comparaison ! Parfait pour te fondre dans la masse et te faire oublier. T’aurais pourtant aimé avoir quelque chose en plus, une aura comme ce type par exemple. Au lieu de ça…t’étais juste le mec sympa de Tybee Island, même pas assez riche pour fréquenter la haute de Savannah mais trop protégé pour te laisser happer par l’effervescence des nuits de Savannah. Bref, tu détestais cet entre-deux dans lequel tu stagnais.
« OK ça va. Je peux attendre » finis-tu par accepter, hochant du menton en avalant une nouvelle gorgée de ta boisson, savourant son goût sucré qui masquait sans mal l’alcool. Le genre de boisson qui vous faisait tourner la tête sans crier gare alors que la minute précédente, tout allait bien. Bon, t’étais à un verre, fallait pas déconner, tu ne risquais rien avec un seul verre, t’étais pas une fillette non plus ! « On fait comme ça. » acceptais-tu en reposant ton verre avant de te présenter comme il l’avait demandé. « Pareil. Merci encore pour le verre ! Je reviens. » fis-tu en terminant d’une traite le reste du verre avant de le pousser vers lui, attrapant ton paquet de cigarettes au passage. Il ne faisait aucun doute de tes intentions en lui désignant du regard l’arrière.
Si tu devais attendre son gars, autant faire passer le temps sans déranger Sid. Il était peut-être sympa mais tu ne voulais pas lui attirer des ennuis en accaparant son attention au détriment des autres clients alors tu allais te poser sur l’une des marches qui menait à la cour extérieure. Ce n’était pas franchement le grand luxe mais le petit vent frais qui venait casser l’atmosphère lourde de la journée passée était des plus agréable. Tu avais beau ne porter qu’un pull, tu n’avais pas froid et tu aurais pu rester là un long moment, une cigarette coincée entre tes doigts tandis que du pouce, tu jouais à Candycrush, le jeu ultime pour faire passer le temps. Combien de parties avais-tu joué ? Tu ne les avais pas vraiment comptées mais une chose était certaine, tu avais déjà écrasé plusieurs mégots à tes pieds quand la porte émit un long grincement avant de laisser un visage apparaître.

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Tu le regardes s'éloigner en haussant un sourcil. T’aurais préféré qu’il reste et qu’il consomme plutôt que de se barrer. Ca aurait ete mieux pour le business. Mais non. Il préfère sortir pour s’allumer une clope, laissant le vent balayer ses cheveux. Toi, tu te contentes d’envoyer un petit sms a ton contact qui te répond qu’il est ok pour un rendez vous vers minuit et demi. Tu lui as dis de venir au bar. C’est plus simple. T’as pas vraiment pense que c’est pas tellement la meilleure idée du monde. Parce que ça, c’est peut être un petit trafic presque inoffensif, mais il y a tellement plus qui se passe dans ce bar. Peu importe …

Le bar se vide peu à peu jusqu'à ce qu’il ne reste plus que toi. Tu ranges un peu avant de sortir pour aller chercher le petit gars, toujours assis sur les marches. “Tu t’fais pas un peu chier ? Le mec arrivera dans une vingtaine de minutes” Tu viens t'asseoir à côté de lui, ta jambe frôlant la sienne. Tu sors ton paquet de clopes, en portant une à ta lèvre avant de le tendre vers Jess pour savoir s’il en veut aussi. Tu fumes dans un silence étonnant, te perdant dans les méandres de ta vengeance. Tu l’sais bien que t’es con. Mais tu peux pas t’en empêcher. Il avait qu’à pas t’abandonner. Tu finis par écraser ta clope “tu viens ?” avant de retourner derrière le bar pour lui préparer la même boisson que tout à l’heure et te servir une bière. Puis tu viens t’installer sur le siège à côté de lui, et dans un sourire joueur, tu souffles “Alors comme ca, tu piques des telephone ?”. En vérité, il l’a surement pas volé. Mais ca te semble être une raison si naturelle que c’est la seule qui te vient à l’esprit.

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Tu avais eu le temps de fumer plusieurs clopes et terminer quelques parties de Candy Crush quand la porte se rouvrit, non pas pour laisser passer d’autres clients venus pisser dans un coin de la cour mais bien pour laisser apparaître le visage du barman. Il ne t’avait pas oublié ! Ouf ! Dans le fond, c’était bien ta faute si tu avais loupé ta vente, tu n’avais qu’à être à l’heure mais t’étais reconnaissant vis à vis de Sid qui s’était démené pour te trouver un autre acheteur en deux temps trois mouvements. Sans doute qu’en tant que barman, il devait se faire un max de contacts de ce genre-là. Chose qui ne risquait pas de t’arriver, toi qui passait ta vie à glander en osant te qualifier d’étudiant. Elles avaient bon dos tes études bidon.
Lui faisant un peu de place quand il vint s’asseoir à tes côtés, tu haussais des épaules. « ça va, si je m’en sors avec 200 boules à la fin ça vaut le coup. » fis-tu avec honnêteté. Tu comptais bien repartir avec l’argent donc bon, tu pouvais bien faire quelques efforts. D’humeur généreuse, le barman te tendit également ses clopes et en grand profiteur, tu ne te gênais pas pour te servir. « J’suis comme un gosse, chez moi on fume pas alors dès que j’sors, c’est pompelup j’enchaine. » racontais-tu, un léger sourire au bord des lèvres, loin de te douter qu’il s’abreuverait de la moindre info que tu pourrais bien lui fournir. L’allumant d’un mouvement machinal, tu te redressais un peu, étirant ton dos par la même occasion tandis que Sid fumait sa clope en silence. Le pauvre devait être claqué à devoir servir des bouffons toute la soirée.
Quand il décida qu’il était l’heure, tu ne fis aucune histoire, jetant ta clope après une dernière bouffée avant de le suivre à la même place qu’auparavant à l’exception près qu’il vint te rejoindre cette fois, un joli sourire aux lèvres. C’était dingue comme ça vous changeait un visage ! A Sa question, tu allais te défendre contre son accusation avant de te raviser. Allez, s’il le pensait volé, ça te donnerait peut-être un petit air moins…moelleux ? Doux ? Tu savais pas trop mais ça se lisait sur ton visage que t’étais pas un de ces caïds des bas-quartiers. « Trop belle occasion pour la laisser passer » fis-tu, mentant comme tu savais si bien le faire. Tu ne l’avais pas du tout volé, ce n’était qu’un autre cadeau de ton père que tu bazardais sans remords. « Et toi, tu organises souvent des petits deal comme ça sur ton taf ? » Donnant donnant, tu ne l’accusais pas, tu constatais d’un petit sourire amusé. « T’es du coin ? J’ai l’impression de connaître personne dans ce bled… »

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