de l’aube jusqu’à la pénombre. du matin jusqu’au soir, de l’ouverture jusqu’à la presque fermeture. c’est là que tu passes tout ton temps, caché du reste du monde, évacuant la rage indétrônable jusqu’à en oublier les heures, le temps qui passe, dehors. y a plus rien qui existe, plus d’extérieur, plus de choses à penser quand t’es ici. juste une colère à déverser, juste les yeux fixés sur l’objectif, souvent le prochain combat. la victoire qui n’attend que ça. et t’es affamé, nicky. affamé de vengeance. de revanche. d’une énième victoire à accrocher à ton tableau déjà presque trop rempli. petit con qui se pense au-dessus du monde. t’es le roi. et tu fais ce que tu veux. et si tu réalises pas encore que cette vanité conduira un jour à ta perte, tu gardes en tête que les meilleurs le restent à condition d’y donner tout ce qu’ils ont. alors c’est ce que tu fais, toi aussi, passant tes journées enfermées dans ce gymnase où tu connais tout le monde et où tout le monde te connaît. et tu te défonces chaque jour un peu plus pour être sûr que personne ne s’approche un jour trop près de ton titre. suant, tu laisses tes muscles épuisés donner leur reste de force pour secouer les sacs de sable. t’es occupé à régler son compte à la poire suspendue, ne comptant plus les coups qu’elle a pris, quand ta concentration s’évapore en fumée. une voix, derrière, douce, cristalline, presque envoûtante. putain. tu te retournes vivement au compliment qui ne provoque aucun plaisir, laissant un instant de panique de décontenancer. qu’est-ce que tu fous là ? agacé. elle sait très bien ce qu’il en est, izia. moins vous vous côtoyez, mieux vous vous portez. tu la tiens aussi loin que possible pour éviter tes yeux abrutis de se balader sur sa silhouette filiforme. ces hanches fines que tu pourrais sans doute écraser dans tes mains. et la poire, à qui on n’a pas passé le mot, qui te revient en pleine gueule, frappant l’arrière de ton crâne avec virulence. putain. tu colles ta main dessus, t’éloignes un peu. tu fulmines déjà de te retrouver piégé comme un con parce l'ensorceleuse, la charmeuse de serpents sans limite. tu bouges vers le banc, ton sac de sport et la serviette que t’attrapes pour t’essuyer un peu. c’est pas un peu trop tôt pour avoir fini l’école ? les yeux qui font bien attention à ne jamais croiser les siens. ni même à se diriger vers l’endroit où elle se trouve. c’est trop dangereux. t’as cette putain de dette que tu penses devoir à son frère et t’as pas vraiment envie d’aggraver ton cas en laissant tes hormones foutre le bordel. tu pourras jamais compter sa soeur parmi celles que t’as baisées, un point c’est tout. pas la peine d’y penser plus. pas la peine de s’attarder sur les et si… c’est non. alors y a le ton nerveux, sec, qui reprend le dessus. j’t’ai déjà dit de pas venir ici. avertissement grondé, râleur. territoire interdit, d’ordinaire, mais c’était sans compter sur la brune incendiaire qui se fiche de tout et tout le monde. y a pas de règles pour les filles comme elles, ou juste des règles faites pour être brisées. y a plus le choix. nicky qui se défile face à la sirène avec laquelle il se laisserait bien tenter.

t’es dans la merde, nicky. et cette fois, pas à cause d’une emmerde. pas à cause d’une connerie que t’aurais pu faire, un pari mal tenu, une course qui tourne mal. t’es dans la merde jusqu’au cou cette fois, et c’est à cause d’une fille. qui l’aurait pensé ? toi qui panique face à une fille. impossible. mais pourtant bien réel. tu paniques un peu, là. t’es piégé. et izia, elle sait tellement bien comment te coincer pour ne plus te laisser le choix, c’est bien pour ça que tu t’entêtes à la fuir encore et encore. tu sais que si elle s’approche un peu trop, c’est sur toi que ça va retomber. parce que t’es censé être le plus adulte des deux, que t’es censé voir la situation du grand angle. mais tu vois rien de tout ça, tout le monde devrait le savoir. tu penses qu’au bonbon que tu pourras jamais goûter. parce qu’izia, c’est le terrain interdit, celle à laquelle tu devrais même pas penser. la petite soeur d’un homme qui t’as sauvé la mise plus d’une fois. et tu lui es tellement redevable que ça te paraît impensable, de toucher à son trésor. t’es pas certain qu’il apprécierait. et tu te foutrais dans la merde à nouveau, cette fois pour de bon. tu devrais pas être là. que tu te contentes de lancer sèchement. t’as jamais essayé de te battre contre tes instincts avant ça, c’est dur. tellement dur, putain, certainement le truc le plus difficile que t’aies jamais fait. plus difficile encore que de monter sur un ring, d’en ressortir vainqueur. tu tapes du pied, tourne en rond. t’as l’impatience au bout des veines, l’inquiétude au fond de la tête. elle va pas rester quand même, si ? mais izia, elle te tape aussi sur les nerfs. à sécher les cours, à répéter les mêmes erreurs que toi. et voilà où t’en es, aujourd’hui, au fin fond des caniveaux, trop stupide pour savoir compter. pas capable d’aligner deux lignes d’un bouquin. c’est qu’elle veut, comme vie ? c’est pas ton problème, après tout. t’es juste agacé de voir ce reflet du passé briller dans ses yeux. on se voit tout le temps, au bar. si t’avais un truc à me dire t’aurais pu me le dire là. évasif, tant mieux. au bar, avec tout le monde. jamais seuls, c’est trop dangereux. tu préfères rester loin, ne même pas la regarder. izia, diablesse qui finira par avoir ta peau. et là voilà, qui ne ne s’arrête pas. se rapproche un peu, sur le banc, t’arrache la serviette des mains, attrape ton t-shirt trempé. le soulève. y a le temps pour un petit courant d’air frais sous le vêtement, avant que tu ne l’en empêches. non. tu lui jettes un de ces regards que t’aimerais noir, sans trop savoir ce que ça donne. mais t’attrapes son poignet avec fermeté, pas prêt à le laisser s’approcher plus. arrête ça. que tu craches, sévère, les pupilles ancrées dans les siennes. tu tires un peu sur le poignet, la regarde mouver comme une poupée dont tu aurais totalement le contrôle. c’est pas déplaisant. si seulement ça suffisait à lui retirer ce petit prétentieux. qu’est-ce que tu crois faire, là ? coup de menton jeté dans sa direction. tu te fais un peu menaçant, mais pas trop non plus. izia, c’est celle à qui on ne doit pas toucher, fruit interdit. c’est celle qu’il ne faut pas bousculer non plus, qui sait ce qu’elle pourrait rapporter à son frère. tu la jauges un instant, tente de deviner ses intentions. c’est flou. putain, t’as jamais su comprendre personne, toi, et encore moins les femmes. il va rien se passer, izia. et tu sais plus trop qui t’essayes de convaincre, ici. tu joues à des jeux de grandes personnes. ça, c’est pas pour les enfants. alors arrête ton petit jeu, tu vas finir par te faire mal. et y a le rictus moqueur qui fait son apparition, le ton sévère qui n’en démord pas. un coup d’oeil vers la silhouette. si seulement elle était restée qu’une gamine, bon dieu, vous en seriez pas là.

arrête de faire semblant, nicky. ça gronde au fond de l’estomac, de la cage thoracique. un truc qui vient des entrailles et contre lequel tu te bats de toutes tes forces. mais t’as jamais été ce gars là, nicky. jamais très convaincu. et sous la tentation qu’izia t’offre, il t’es de plus en plus difficile de ne pas perdre son sérieux. de garder le contrôle, et de la laisser s’en aller. sans que rien ne se passe. c’est difficile. c’est presque plus fort que toi. y a les instincts qui reprennent le dessus, l’appétit de chasseur qui gronde dans le ventre. en temps normal, izia t’y réfléchirais pas à deux fois, t’en ferais qu’une bouchée. mais t’as cette putain d’impression de devoir quelque chose à son frère et ça te bouffe de l’intérieur, d’avoir à y lutter. de pas pouvoir jouer avec ton cadeau qu’on t’offre pourtant sur un plateau d’argent. c’est pas souvent que t’aies pas à galérer comme un bouffon pour avoir ce que tu veux. et là, pour une fois que ça t’arrive, tu peux même pas en profiter. foutue vie. foutue loyauté que tu penses devoir à ce mec alors que t’as jamais été capable d’être loyal avec personne. elle s’approche de toi. encore un peu. et ça chauffe un peu plus. ça se convainc un peu moins de devoir quelque chose à quelqu’un. tu t’en fous de toute façon, non ? pas vraiment. mais sous le regard brûlant d’izia, tu serais presque capable d’oublier le reste. arrête izia, j’le redirai pas. conseil que t’espères un brin menaçant, son poignet toujours dans ta main. elle fait rien pour se débattre. rien pour s’éloigner. rien pour prouver que ça lui plaît pas. qu’est-ce que t’empêcherai de t’en servir, ici et là, sans que personne ne le sache ? c’est mal nicky. tu s’rais vraiment le pire des connards de faire ça, nicky, mais hé, qui a dit que tu l’étais pas ? elle s’approche encore un peu, la diablesse. roule des hanches. putain. elle est sacrément bonne, ça te rend fou. tu perds le peu de conviction qui te reste. y a ta main qui glisse jusqu’à sa clavicule, à l’orée de son cou. t’aurais plus qu’à bouger ta main légèrement, à serrer un peu, si tu le voulais. rien que pour lui faire peur. rien que pour qu’elle te lâche. mais tu le fais pas. à la place, y a que le pouce qui se transforme en caresse menaçante, et ton visage qui s’approche dangereusement du sien. me fais pas faire quelque chose qu’on finirait par regretter tous les deux. c’est qu’un souffle, là, contre son visage. toi-même tu sais plus si t’essayes de lui faire peur. les barrières se brouillent, il reste plus que ce joyeux merdier dans lequel tu perds peu à peu pieds. et regarde-toi, nicky. pas capable de choisir par toi-même, obligé d’attendre qu’elle décide pour toi. et t’espères qu’elle saura se montrer plus intelligente que toi, parce qu’il suffirait d’un signe, d’un geste, et tu ne réponds plus de rien.

y a un moment de calme où tu te dis que tu réussis presque à regagner le contrôle. garder tes mains dans tes poches, éviter tes yeux de trop s’éparpiller, les curieux. non, tu les gardes bien ancrés dans ceux d’izia, espère te faire assez dur, assez menaçant. le pouce à l’orée de son coup qui ne sait plus quoi faire, partagé entre caresse mi-sereine ou violence insoupçonnée. un moment de calme où tu te dit presque qu’izia a compris, qu’elle n’agira pas. qu’elle ne te poussera pas dans tes retranchements, qu’elle ne te forcera pas à craquer. c’est pas que t’en as pas envie, nicky, ce serait mentir. y a tous tes instincts qui brûlent de se jeter sur l’agneau pas si innocent. mais tu peux pas, nicky, tu peux pas faire ça. c’est plus fort que toi, y a cette foutue loyauté que t’as pourtant jamais offert à personne qui trône au-dessus de ta tête. un putain de sauvetage que t’avais même pas demandé. sol, il t’a évité d’aller en taule, c’est tout ce que tu dois retenir. sol, il garde sa soeur bien trop précieusement pour que tu y touches. et t’as déjà vu ses regards colériques se poser sur toi, l’air de dire “izia, c’est chasse gardée.” et si d’ordinaire tu t’en fous, là c’est différent. bataille intérieure qui s’avère bien trop difficile pour tes deux petits neurones. alors tu fais que rester pantois, à la repousser de toutes tes forces, à espérer qu’elle s’éloigne tout autant qu’elle fasse le premier pas. l’un comme l’autre, t’es pas certain de pouvoir affirmer un quelconque désaccord. et ce moment de presque répit qu’elle t’offrait ne dure pas bien longtemps. elle s’approche encore, izia, réduit l’espace qu’il reste entre vos deux visages à un presque néant. ça dure quelques secondes, le temps pour toi de voir les derniers rouages de ta raison s’envoler, le temps de te dire que c’est bon, t’es foutu nicky, tu signes ton arrête de mort au même rythme que ce baiser. jusqu’à ce qu’elle se recule brusquement, avant même de ne toucher tes lèvres, vile tentatrice. sans savoir si elle te laissait soulagé, ou pire. mieux valait ne pas s’épancher sur la question. ton frère, c’est pas une assez bonne raison ? c’est comme si tu retrouvais soudain ton souffle, privé pendant plusieurs secondes. quelques pas en arrière, presque gêné, la main qui gratte l’arrière du crâne pour se donner quelque chose à faire. y a le regard dur qui retrouve le visage poupin, parce qu’izia ne veut pas comprendre. izia ne veut pas comprendre ou izia s’en fout tout simplement, t’es pas certain de connaître le fin mot de l’histoire. t’as entendu ces vagues histoires sur ce grand frère qui a éloigné sa soeur d’un mec jusqu’à le plonger dans le coma, d’autres histoires jamais vraiment révélées au grand jour qui lui auront valu quelques années de taule. peut-être que tu ferais la même chose avec kid, toi, qui sait. ça n’a pas d’importance, izia. tu sais ce qu’il veut pas te voir t’approcher de moi. écoute le pour une fois, cesse de faire l’enfant. c’était ce qu’elle était après tout, rien qu’une enfant gâtée. rien qu’une enfant rebelle qui voulait échapper à l’emprise de son frère, peut-être la seule personne qui portait un quelconque intérêt à ce qu’il pourrait lui arriver. tu fais bien attention à plus croiser son regard alors qu’elle te prend au dépourvu avec sa question, rassemblant tes affaires pour aller au vestiaire. sans trop savoir si c’était l’entraînement que tu fuyais ou tout simplement elle.

ah, izia. jolie petite izia. la jeunesse mordante, presque innocente. tu parles. y a rien d’innocent chez izia. izia, va partout là où on lui interdit d’aller, fait tout ce qu’on lui interdit de faire. izia, elle a l’esprit de contradiction ancré jusque dans son adn, et si d’ordinaire ça t’amuse, aujourd’hui ça ne fait que te taper sur les nerfs. parce que c’est toi qu’elle cherche izia, toi le jouet défendu. t’es presque certain que vous avez eu tous les deux la leçon de son frère. qu’il l’a prise entre quatre yeux, tout comme il l’a fait avec toi. à nicky, tu ne toucheras point. y a l’avidité et l’inquiétude d’un grand frère que tu ne connais que trop bien. les mêmes doutes qui te traversent chaque fois que kiddo déambule. et quand tu penses à ce que tu serais capable de faire pour défendre ta soeur, t’as aucun mal à imaginer ce que lui pourrait faire pour garder la sienne enfermée dans un coin. alors tu peux pas t’empêcher de serrer un peu les poings à sa question, provocation cachée. elle fait semblant, izia. tu fulmines dans ton coin, te détournes de son regard troublant, perçant. et puis tu fuis, juste comme ça. si, j’me barre. et t’abdiques, comme ça. t’as compris que ça sert à rien de lutter avec izia. elle fait toujours ce qu’elle veut, quand elle veut. et t’as beau la repousser de toutes tes forces, t’as beau l’éloigner par tous les moyens possibles et imaginables, ça ne fonctionne pas. là encore, quand tu la fuis, elle s’interpose, te rattrape, se poste devant la porte. dégage iz. et ça t’énerve, ça t’énerve tellement, qu’elle n’accepte pas de te donner un tant soit peu de répit. mais t’as même pas la conviction de la pousser hors de ton passage, tu ne fais que la contourner, espérant qu’elle se stoppera d’elle-même. c’est trop espérer, nicky. t’as beau être idiot, tu devrais le savoir à force d’habitude. la gamine n’abandonne jamais. qu’est-ce que tu fous putain ? tu t’emballes soudain, regard noir et fatigué jeté dans sa direction. elle te créé des problèmes, iz. des problèmes que t’aimerais éviter, des problèmes que t’as pour une fois pas demandé. qu’est-ce qu’elle comprend pas, dans tout ça ? que y a ton cul en jeu, là. pas seulement avec son frère. pourrait y avoir des mecs dans ce vestiaire, et elle s’y engouffre avec l’innocence d’une gamine qui n’en est plus vraiment une. mais voilà, t’es grognon, tu dis rien de plus, ça ne sert à rien de râler. t’enlèves ton t-shirt et ton short, t’aurais bien été prendre une douche, mais, maintenant qu’elle est là et qu’elle te lâche pas, t’imagines que c’est plus vraiment d’actualité. tu te contentes de t’essuyer avec la serviette, d’enfiler ton jean alors que tu fais bien attention à pas croiser son regard. tu vas m’dire qu’il dit rien sur le fait que tu chauffes tous ses potes ? ricanement railleur, sarcastique. satirique. même s’il lui a rien dit, tu sais que le frangin est pas d’accord. tu le sais pour les regards de menace qu’il t’envoie, de temps à autres, quand tu louches un peu trop sur sa soeur. fais attention à toi gamin, qu’ils semblent souffler. il va t’arriver des bricoles. il a rien promis. que tu souffles finalement. grognon. fatigué. c’est pas vraiment ce qu’il a dit, le grand frère. c’est ce pacte tacite qui règne entre vous. pas besoin de mots, y a juste le souvenir d’une loyauté qui a existé, une fois, quand t’en avais besoin. et qui existe toujours. tu peux pas tout foutre en l’air, pas vrai ? des potes, t’en as pas beaucoup. de ceux qui te sortent dans la merde, encore moins. et dis pas de conneries. ça m’fait pas peur. tu fais la gueule, l’égo vexé au plus profond. toi, peur ? allons, izia. nicky n’a peur de rien. pas même de toi.

y a pas d’échappatoire avec izia. elle te suit partout, jusqu’au banc, puis jusqu’au vestiaire. rien ne l’arrête, gamine qui n’a pas froid aux yeux. pas même inquiète d’y croiser des horreurs, dans le temple masculin que forme les vestiaires. il s’en passe des choses ici, certaines que tu préfèrerais n’avoir jamais vu, d’autres auxquelles tu tâches de ne pas penser. izia, elle s’en fout. elle te suit, ça lui fait pas peur. pas même toi, qui gronde comme une enfant, qui la regarde les sourcils froncés, rageur. à croire qu’il n’y a rien que tu puisses faire pour t’en éloigner. où que t’ailles, elle te retrouvera. comme si cette fois, c’était toi la proie. et elle le lion. ça t’en hérisse les poils, ça blesse ton égo super viril. c’est toi le roi, et c’est toi qui décide. personne d’autre, surtout pas elle. ah, nicky. si seulement c’était aussi simple. la prochaine fois, fais attention à qui tu dragues. c’est encore un peu grognon, jamais sans croiser son regard, agacé. t’as la vive impression qu’elle se fout de ta gueule, qu’elle se joue de toi, à minauder sous ton nez, à agir comme si rien ne lui importait. iz, c’est bien connu qu’elle se fout de tout, qu’un rien l’amuse. qu’elle se moque de tout et tout le monde, comme si le monde n’était qu’un pantin géant dont elle tirait les fils, à sa guise. mais iz, elle sait probablement pas, ou bien elle le sait mais elle s’en fiche. y a pas que les filles, qui parlent. même les mecs se racontent tout. y a le demi-sourire, taquin, et tes yeux joueurs qui la scrutent, parce qu’évidemment, que t’as entendu parler de son escapade au lycée, avec jax. et évidemment qu’il entendra parler de cette conversation étrange, parce que jax et toi, c’est un peu comme les doigts de la main, le pote que tu pensais jamais trouvé, dont tu pensais pas avoir besoin. mais il est là, maintenant, et ça change beaucoup, ça constitue une part importante de votre groupe. tu pensais pas y prendre autant goût, toi l’âme solitaire, toi qui roule en solo. le plaisir d’un groupe. des potes à retrouver toujours au même bar. à raconter des blagues pourries, à se moquer de jax-balais-dans-le-cul ou bien de la dernière conquête d’izia. t’en es venu à apprécier ces gens, plus que t’as jamais apprécié quiconque. t’esquives la remarque sur ta soeur, parce que rien que l’idée de te prendre une remarque acerbe à son propos te rend dingue. tu sers la mâchoire, un peu plus, parce qu’izia, elle sait exactement provoquer la colère et l’agacement, en particulier chez toi. mais tu réponds pas, parce que ça ne vaut pas la peine de se lancer là-dedans maintenant. tu te contentes de te rhabiller, de foutre tout ton bordel dans ton sac de sport : tu veux sortir de là le plus possible, éviter d’avoir à faire à elle plus longtemps. chaque minute où elle est là est une minute où tu perds le contrôle, et t’aimes pas. faut jamais que ça arrive, jamais. y a trop à risquer, trop à perdre. alors quand elle te pose l’ultime question, t’essayes toujours d’éviter son regard, de trouver une raison pour te foutre de tes propos, tout laisser tomber. ce sera jamais le bon moment, iz. t’es presque lassé de le répéter encore et encore, mais t’as même pas le temps de terminer ta phrase, izia attrape ton t-shirt alors même que tu allais l’enfiler. comme si tout ça n’était qu’un jeu. et ça l’est, pour elle. ce n’est que ça, pousser les limites encore et encore, voir jusqu’où tu tiendras. si t’es prêt à tout foutre en l’air, t’attirer les foudres de son frère, ou bien si t’es capable de t’en tenir à ce que t’as promis, un putain de truc que tu regrettes tous les jours, en particulier quand elle est là, que t’es là, sans personne d’autre, et que putain de personne ne le saurait à part vous si ça arrivait. mais non, tu luttes encore un peu plus contre toi-même, réfrène tes instincts, récupère ton t-shirt aussi vite que la voleuse ne l’a piqué, comme une bagarre de gamins. et puis finalement tu t’approches, parce que de vous deux, pour la première fois de ta vie, c’est toi qui doit te montrer le plus mâture. retire toi ça de la tête. et va jouer avec les garçons de ton âge. c’est presque condescendant, alors que tu poses la main sur son épaule, comme pour terminer de la dissuader que ça ne peut pas arriver. et t’espères que ça suffit, t’espères que cette fois c’est la bonne, qu’elle te laissera tranquille pour aujourd’hui, qu’elle te laissera réunir le courage nécessaire pour t’éloigner sans tout niquer. t’as presque l’impression que oui, quand tu passes la porte du vestiaire et que tu ne l’entends pas derrière toi. avec un peu de chance, elle s’en est pris à quelqu’un d’autre du gymnase.