Sujet: même pas je regrette (noras) Dim 12 Mar - 18:39
NORAS
y a ces bleus sur leur peau au cœur des écorchures de ces gamins qui trinquent et qui culpabilisent des démences des parents, du souffle qui les attise...
Silence, entre fumée et clopes incandescentes, tu regardes le bout de tes chaussures. Assis sur la dernière marche de la cage d’escalier, dos à la porte de service, t’essaies de te convaincre d’aller jusqu’au bout de cette putain de témérité. Trempé, la veste humide, le visage légèrement courbé vers tes pompes pour lesquelles tu te prends d’admiration, t’attends. Coudes posés sur les genoux, légèrement avachis, paupières à demi-fermées, t’essaies de refaire le monde, de chercher ta putain de confiance, cette fierté mise à mal et qui à, gentiment, foutue le camp avec tes couilles. Vas-y, après celle-ci. Sourire grinçant, tu regardes l’heure sur ton téléphone et la nicotine qui lentement s’évapore. Pratiquement vingt-deux heures. Plus d’une heure que tu te planques comme un crevard dans la cage d’escalier, ignorant joyeusement les voisins monter et descendre. Regards de biais pour cette clope que tu t’es allumé, emmerdant le politiquement correcte. T’étais pourtant partant, chez toi, à ruminer sans cesse depuis plusieurs jours, à essayer d’échafauder des plans pour te rendre ici, pour enterrer la hache de guerre. T’avais même une excuse toute trouver : t’amender pour ton débordement de la dernière fois. Accepté qu’il t’est refait le portrait. Cette lèvre douloureuse, pulsant tristement aux souvenirs amères d’une soirée bien trop précipitée. Ce corps lancinant de trop nombreuses courbatures. Instants amers que t’as joyeusement fait merdé. Et t’as eu tout le loisir de repenser à tes actes manqués entres les quatre murs de ton appartement. A regarder les jours passer. A ignorer les demandes, les remarques, les questions silencieuses de ton nouveau colocataire. L’ignorer pour mieux t’oublier. Enfermé dans ta chambre, à l’abris des regards indiscrets pour pouvoir lécher tes plaies, ramasser ton amour-propre. Et plus le temps passait plus ça te démangeait. Cette inactivité. Cette distance qui s’installe. L’oublie. Comme un relent d’un passé qu’on a pas envie de voir se rejouer. Alors, dans la soirée qui s’installait quelques temps plutôt, t’as pris, sans plus te poser de question, tes clics et tes clacs et claqué la porte de chez toi y laissant toutes ces foutues questions. Et pour quoi ? Et si ? Pourtant, plus tu t’éloignais de l’appartement, plus t’avançais le long d’historic district, plus tu trouvais l’idée complètement nulle et déplacée. Encore plus lorsque son leur appartement se dessinait dans l’immensité de la nuit. Se rapprochait de plus en plus. Ecrasant et étouffant. Alors comme un con, t’es resté longtemps immobile à regarder cette monstruosité d’acier et de vitre. Cinglé par ce fin crachin. Sur le trottoir d’en face, à regarder les étages, à perdre cette confiance lentement phagocytée par l’incertitude de tes choix. Une clope. Puis une autre. A regarder l’heure qui défile. Les badauds qui filent et toi qui reste. Pourtant à un moment, à trop longtemps fixer leur nom, les caractères se détacher en lettres blanche sur l’interphone, à te l’épeler, le relire encore et encore, t’as eu cette impulsion, enfin, qu’il fallait en finir.
Alors voilà. T'as su monter quelques étages, l'ascenseur lâchement en panne avant de refaire une pause. Rassembler un peu de verve, d'impassibilité et de je m'en foustime. Balançant le mégot en bas des marches, te redressant nonchalamment, le regard austère posé sur la poignée de la porte de cage d’escalier, tu sors de ton antre, t’engouffrant dans le couloir étroit de l’étage. Les portes qui défilent, les cris, les palabres, les remontrances, la musique… douce cacophonie qui te berce jusqu’à ce que tu atteignes le porte, l’appartement tant convoité. Tu la regardes comme si le diable en personne allait en sortir. Et t'as ton foutu cœur qui bat un rythme douloureux. Celui de l'angoisse. Traite. D’une main fébrile, tu passes les doigts dans tes cheveux comme un putain de geste afin de te redonner contenance alors que tu frappes durement à la porte pour mieux t'en éloigner prestement afin d'avoir tout le loisir de fuir si le besoin s'en fait sentir. Sait-on jamais. Les mains étroitement glissées dans les poches avant du jean, t’attends pas trop longtemps avant que la porte ne s’ouvre et alors que tu t’attends à y découvrir la haute silhouette de ton ami d’enfance, mensonge, mensonge, mensonge, c’est celle de la frangine, plus petite, qui se dessine dans l’embrasure de la porte. Se découpant dans les obscurités de l’entrée de l’appartement, d'une taille sensiblement la même que la tienne, même si tu la dépasses de peu, chevelure ébène pour un regard d’azur, t’as l’impression de retourner des années en arrière quand elle t’épinglait de ce regard trop vif, qui met à mal et dérange. Comme lorsque t’étais ado avec des remords et des secrets et elle, elle qui te dévisageait de longues minutes. Te décortiquait pour après t'offrir un fin sourire avant de repartir à ses tennis. A ses potes. A ses jeans trop grands. Sans aucune féminité exacerbée, juste cette beauté singulière. Cette attitude de garçon manqué. Pourtant, elle est loin la Nora des squares. A jouer au foot, à faire pleurer les petites filles. Jamais une princesse. Quoique. Surpris, tu restes alors un moment à la dévisager, à la bouffer du regard. Pourtant t’as déjà eu l’occasion de la revoir. Quelques fois. Rapidement. Au bar. Jamais en intimité parce que tu sais jamais sur quel pied danser avec elle, tu sais jamais quelles vérités elle sait, quels mensonges elle éludent de son regard céruléen, quelles critiques elle tue et avorte de ces sourires faussement candides. Et sous la lumière crue qui vacille du couloir, t’as l’impression de la voir s'obscurcirent de ces ombres qui creusent et façonnent son corps. Fatiguée, cernes sous le regard qui ne mollit pas, tu fronces légèrement les sourcils avant de détourner brusquement le regard vers le fond du couloir sans trop savoir quoi faire. Mal à l’aise, d’une main qui masse et frotte ta nuque, tu reportes rapidement ton attention vers elle, un léger sourire accroché aux lèvres. « Hey Dimples. » C'est sortie comme ça. Ce vieux surnom que tu lui donnais autrefois. Quand tu la voyais sourire, la joue rebondie de l'enfance marquée, creusée d'une profonde fossette. Celle là-même qui adoucissait ses traits, la rendait encore plus jeune, encore plus juvénile, encore plus fragile. « Je pensais pas te trouver là. Enfin ici. Je sais que vous vivez tous ici. Non pas que ça ne me fasse pas plaisir de te voir, c’est jusque ça fait un paie… ça va ? » C’est bien, creuse un peu plus. Tu sais pas trop si tu peux avoir la prétention de lui demander si elle va bien. T’as l’air con. Non. Tu te SENS con et tu dois l’être pour ne plus savoir comment parler, t’adresser aux Caldwell. Tu sais plus trop comment interagir avec ces personnes qui autrefois formait cette famille que tu chérissais tant. Que tu chéris toujours autant, mais tu ne sais plus trop comment faire, quoi faire. Ayant la désagréable impression de marcher sur des œufs, en sursit, à part courber l’échine, exposer ta nuque en signe de soumission à cette meute, ils ont cette foutue capacité à te vriller, te brûler et t’incendier. Surtout elle et Nash. Neven n’a jamais eu le même attrait. Même s’il reste important. D’une tout autre manière. « … je ne voulais pas te déranger, je suis venu voir ton frère. J’avais besoin de lui parler. Essayer de mettre certaines choses au clair… ce genre de chose. » Tu sais qu’elle ne va pas te faciliter la tâche et difficilement, t’essaies de ne plus ressembler à ce gosse qui, autrefois, bégayait dans ces moments stressants, gênants.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: même pas je regrette (noras) Lun 13 Mar - 3:57
sirènes hurlantes et coups de klaxons. la rue bruyante s’infiltre à travers l’isolation désastreuse de l’appartement, rappelant si bien que rien n’est jamais calme, chez les caldwell. la télé couvre même pas le bruit extérieur, aussi forte soit-elle. pas que tu l’écoutes de toute façon. tu t’en fous. c’est plus l’heure des kardashian et y a vraiment rien à regarder à la télé. mais la télé t’intéresse pas vraiment, ce soir. y a l’appartement pour toi toute seule et t’as ressenti le besoin de t’activer. de faire quelque chose, n’importe quoi. pour oublier. te changer les idées. évacuer la colère et la frustration. mais y a rien à faire dans ce trou perdu et y a rien à faire dans cet appartement de malheur. y a que toi pour ressasser tes pensées, réaliser à quel point t’as merdé. alors prise d’un élan que tu viendras très vite à regretter, t’as décidé de ramener tout le bordel au centre de la pièce. tout le contenu des étagères, des placards, tout. tout le bordel trônant un peu partout, étalé au beau milieu du salon. ménage de printemps improvisé, pour éclaircir la pièce et l’esprit. pour passer quelques heures sans penser à ton abruti de mec. d’ex. t’aurais pu appeler mads, mais tu t’es aussi battue avec elle, les ecchymoses sur tes bras pour en témoigner. t’aurais aimé avoir sil à tes côtés, laisser sa stupidité t’emporter mais sil n’est pas là non plus, tu le sais puisque c’est lui qui te remplace au bar. alors t’es seule, nora. incroyablement seule, comme tu venais de comprendre le poids de ta malédiction à l’instant même. pas savoir aimer. pas être douée. tout foirer partout et briser tout ce que tu touches. y a plus rien autour de toi qui soit comme tu l’aies trouvé, plus rien ni personne que t’aies pas amoché. sur lequel tu puisses encore compter. y a que ceux que t’as repoussé, ceux que t’as maltraité, ceux que t’as pris pour acquis en pensant qu’ils seraient toujours là. et devine quoi, gamine. y a plus que le vide autour de toi. alors tu ranges. ou tu déranges, peu importe, le gros nuage de poussière volant au-dessus de toi et t’asphyxiant à moitié. alors t’es presque prise sur le vif quand t’entends frapper. si tes frères voient l’appartement dans cet état tu donnerais pas très cher de ta tête. mais c’est pas l’un de tes stupides frères de l’autre côté, c’est la visite inattendue, la rencontre que t’attendais plus. atlas et sa bouille qui ne change pas, atlas et tous les maux qu’il apporte avec lui, atlas qui déclenche les vents et les marées dans ton for intérieur, et peut-être bien qu’il ne le réalise même pas. m’appelle pas comme ça. que tu grognes à moitié, les yeux fixés sur lui. dimples c’était pour quand t’étais gamine. quand vous étiez les deux doigts de la main. dimples est partie en même temps que lui. dimples, on l’a enfermée dans un coffre à jouets qu’on a plus jamais rouvert. dimples a pas le droit d’en ressortir, jamais. parce que dimples, on l’a brisée sans aucun remords. et atlas, il sait pas tout ça, il saura jamais. il peut pas savoir, parce que tout a changé quand il est parti. le monde s’est retrouvé incroyablement vide, amputée de l’âme la plus belle et la plus scintillante de toutes. mais aujourd’hui, atlas est revenue, sans même un pardon, sans même une explication. et jamais vous ne vous en avez parlé, comme jamais plus vous n’avez parlé de quoi que ce soit. jamais vraiment, en tout cas. ça va, j’ai bien compris que t’aurais préféré que je sois pas là. y a les pupilles dures et le ton sévère, le ton qui ne laisse rien passer. évidemment qu’il vient pas te voir. évidemment qu’il aurait aimé que tu sois au bar, pour lui faciliter la tâche, pour ne jamais avoir à t’adresser la parole à nouveau. évidemment que c’est nash qu’il cherche. nash et pas toi. jamais toi. il est pas là. que tu laisses s’échapper, t’en retournant déjà pour le laisser pantois sur le pas de la porte que tu laisses ouverte. tu passes devant ce tas de bordel sans trop y adresser un regard. tu te demandes s’il va rentrer. si t’as envie qu’il rentre. peut-être que tu devrais l’y pousser. pas par gentillesse ou volonté. mais par curiosité. qu’est-ce qu’il a encore fait ? sourcil haussé qu’il ne voit pas, alors que tu lui tournes le dos, que tu t’es déjà enfoncée dans l’appartement ridicule pour te faufiler jusqu’à la cuisine, récupérer un grand verre de lait pour accompagner tes pépitos. t’as beau essayer d’extraire sa présence, tu peux pas. c’est comme toujours, comme toutes ces fois où, gamine, t’as essayé de lui faire la gueule. de lui en vouloir. de lui hurler dessus pour un paquet renversé pour des broutilles à peine remémorées. mais tu peux pas, t’as jamais pu, peu importe la force et la détermination avec lesquelles t’as essayé. là c’est différent. c’est pas qu’un paquet renversé, pas qu’une maladresse exercée. aujourd’hui, tu lui en veux. beaucoup. et l’aura douce et blessée qui te réconfortait autrefois s’efface peu à peu, pour uniquement laisser celle de celui qui s’est cassé, dansant sur l’âme de l’enfant déçue.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: même pas je regrette (noras) Ven 17 Mar - 19:23
NORAS
y a ces bleus sur leur peau au cœur des écorchures de ces gamins qui trinquent et qui culpabilisent des démences des parents, du souffle qui les attise...
m’appelle pas comme ça. Pupille qui se dilate. De ce timbre de voix, de cette simple présence. Dans le couloir étriqué. Elle et toi. Juste comme ça. Et ça te fou à l’envers. En vrac. Sans dessus dessous cette putain de réalité. Celle qui pèse lourdement dans tes tripes, celle qui te rend amère, celle qui meurtrie. T’as tout brisé. Comme un enfant dans un magasin, t’as brisé la pierre délicate de cette douce porcelaine. De cette suave amitié. Nora a toujours été de celle qui donne difficilement. De celle qui aime, adore, chérit d’un amour sans borne. A sa façon. Avec des hauts et des bas. Des cris, des mots qui blessent, des vérités qui dérangent parce qu’elle sait plus comment communiquer, comment les dires, les avouer. Puis des sourires en coin, des geste plus tendres pour tout effacer. Effacer ses maladresses, demander pardon pour mieux avancer. Recommencer. Et cette petite remise à niveau qui te r'ancre et te rattache à la réalité, à l’instant présent, te fait bien comprendre que t’as définitivement tout perdu. Pas seulement toi et Nash. Mais également elle et toi. T’as abîmé un lien inestimable. Alors t’as ce léger sourire. Celui qui excuse. Celui qui tord et ne relève qu’un coin de tes lèvres alors que tu acquiesces silencieusement. Les mots ont toujours été compliqués pour toi, pour elle. Surtout pour elle. Extralucide dont le mensonge ne peut berner, t’as toujours eu la frousse de te retrouver seule en face d'elle. Juste toi sans personne pour te cacher. Parce qu’elle est de ceux qui décortiquent, d’un regard, d’un mot, d’un changement dans l’atmosphère, dans le comportement. De ceux qui comprennent tout. Alors oui. T’as toujours pas trouvé le courage temps de venir, revenir, auprès d’elle. Retrouver cette complicité bafouée. Essayer de recoller les morceaux. Et bien que le plaisir soit réel de la voir, de te retrouver en sa présence, t’aurais aimé que les choses soient légèrement différentes. T’es pas venu pour elle à la base, t’as rien prévu. Quoi lui dire, quoi faire pour faire machine arrière. Et elle la bien compris. Compris que tout ce qui a pu t’emmener ici, aucune de ces choses, faites ou dites, ne la concernent. Alors tu te sens un peu con, comme prit la main dans le sac alors que tu détournes légèrement ton regard pour regarder les profondeurs de l’appartement. T’as plus envie de voir la gueule de ton ami, la tout de suite. T’as plutôt envie de t’excuser, de t’assoir auprès d’elle, lui prendre la main. Comme avant. Avant quand aucun de t’es gestes, paroles, étaient calculés. Quand les choses étaient simples et naturels. ça va, j’ai bien compris que t’aurais préféré que je sois pas là. Dis pas des conneries pareilles s’il te plait… ça n’a rien à voir. Ca sort précipitamment. Murmure haché. Ce besoin presque vital, urgent, de lui faire comprendre qu’elle est complètement à coté de la plaque. Et ce désolé. désolé. désolé. Encore et encore. Mantra que tu te répètes sans cesse, à chaque fois que tu la vois. A chaque fois que t’as cette putain de conscience et la désagréable sensation de lui faire sentir qu’elle passe après. Toujours après. Que t’en as rien à foutre d’elle alors que le simple faite de le penser est une putain d’aberration. Mais ça aussi tu ne lui dis pas. Tu ne dis rien. Tu restes silencieux. Tu la laisses un peu plus dans le flou alors qu’elle se recule légèrement. T’as l’impression qu’ici se termine ce court interlude, que c’est fini. Que la porte va se refermer sur ta gueule parce que, après tout, t’as rien à lui offrir à part des mensonges. il est pas là. Souffle que t’as jamais eu l’impression de retenir, cette expiration tremblante alors qu’elle laisse cette affirmation se dissoudre dans l’air, t’encaisses lentement ce qu’elle dit tandis qu’elle s’écarte légèrement de la porte entr’ouverte. Elle tourne le dos. Elle disparaît dans l’appartement, comme une invitation à la suivre. Et t’as un moment d’incertitude. Quoi faire. Suivre. Ou fuir. Encore. Mais tu commences a en avoir un peu marre de jouer les froussards. Le mec qui ne connaît que la fuite en avant comme communication. Alors, pesant un court instant le pour et le contre, tu t'avances à sa suite dans l'obscurité ambiant de leur chez eux.
T’es encore jamais venu ici. T’as encore jamais vu l’antre des Caldwell. A quoi ça ressemble. Et c’est un joyeux bordel qui t’accueille. Là, juste au milieu de la pièce. Comme un trop pleins de choses à ne plus savoir qu’en foutre. On peut pas dire que la pièce soit grande. On ne peut pas dire que ce soit rangé, ordonné. Juste un joyeux bordel ambiant mais surtout propre d’un joyeux fouillis. Ici on sent qu’on vit, qu’on se bouscule, qu’on se côtoie. Souvent à plusieurs. Trop nombreux à vivre les uns sur les autres et tu souris légèrement. Comme autrefois. Toujours brouillons et fouillis. Mais chaud et agréable. Refermant doucement la porte, l’accompagnement, les mains de la dos, tu t’appuies sur le montant en bois pour mieux suivre les mouvements de Nora. Elle et son verre de lait, ces cochonneries chocolatés et t’as cette putain impression qu’elle n’a jamais changé. Qu’elle est toujours là même. Plus adulte, plus sombre et abîmée par la vie, mais qu’elle reste la même, fidèle à ces faiblesses. qu’est-ce qu’il a encore fait ? T’oses pas trop t’aventurer, pourtant tes pas te font lentement progresser dans la direction de sa voix, se rapprocher un peu plus d’elle pour mieux la voir, mieux ressentir sa présence dans cette minuscule cuisine. T’as le regard partout sauf sur elle. Le frigo qui ronronne, le plan de travail, les placards, levier, la vaisselle propre. Rien. Non rien. T’es celui qui fait des choses qui foutent la merde entre lui et toi. Entre toi et eux. Il a pourtant essayé d’être le charmant connard qu’il est d’habitude. Celui qui regarde mais tente d’ignorer. Celui qui grogne plus qui ne parle, qui crie et exige. Je n’étais encore jamais venu… T’accuses pas. Tu constates. T’as un regard global pour l’appartement. Sans critique, t’essaies de tout enregistrer. Les meubles. Leurs dispositions. Le canapé légèrement affaissé, la télévision qui crache des images sans sons. Ces portes. Ce bout de lit qu’on peut apercevoir au bout d’un couloir. L’odeur caractéristique des Caldwell. Ces photos placardés sur le devant du congélateur. Des gosses que tu reconnais pour les avoir fréquenté. Les avoir aimé. La fraternité, au complet. Photos jaunis ou légèrement abimées par les années et puis une qui attire particulièrement ton attention. Fébrile, l’atmosphère s’alourdit dans la pièce. T’as ce besoin de la voir de plus prêt, de la toucher. Le geste qui se tend et qui attrape pour mieux la regarder, tu vois ces bouilles de l’enfance. La rondeur d’un sourire. Dimples dans toute sa splendeur. Tornade brune complètement débraillée, décoiffée, le visage égratigné. Accrochée au col de son aîné, sourire infaillible d’un gosse qui se la raconte, qui s’impose, au centre du trio. Le sourire racoleur, celui qui attire et qui accroche, fendue en plein milieu à cause d’un coup vicieux. Et toi… vilain petit canard qui s’incruste sur la photo. L’épaule qui s’appuie innocemment contre celle de Nash et le visage qui aborde un léger œil au bord noir. Je suis désolé… Un instant. Une seconde. Une minute. Le temps de l'aveu. J’ai conscience que j’ai merdé Nora, que tout ça, c’est qu’un beau gâchis. Que j’ai perdu bien plus que ce que j’aurais pu imaginé mais je devais m’éloigner. Tu te souviens de ce jour avec une étrange netteté. De cette photo prise pour immortaliser les gueules cassées que vous arboriez. Nora a tout juste six ans quand elle met une magistrale raclée à Ty Macintosh, de trois ans votre aîné. Pour sauver l’honneur familiale parce que son frère vient de se manger un coup de poing et toi… tu sais plus trop comment mais t'essaies de les séparer et tu manges sévère alors que tu veux simplement passé la pause déjeuner à partager des Jelly Belly, achat inespéré de ta mère, avec les Caldwell. Instant troublant suivit d’une inspiration douloureuse, tu t’arraches de la photo, pour revenir sur la présence de Nora, silencieuse, verre de lait à la main et le pépito aux bords des lèvres. Tu comprends ? J’avais besoins de partir. Y a qu’une seule personne qui ne t’as jamais réellement compris. Seulement elle, parce que c’est la seule a qui t'as tout balancé. Comme ça. T’avais besoin d’en parler, d’être écouté, compris et amnistier dans tes actes commis et pas toujours très clairs.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: même pas je regrette (noras) Jeu 23 Mar - 17:23
y a ces yeux perçants qui transpercent l’obscurité du couloir de l’immeuble et de l’entrée de l’appartement. y a ce regard troublant, ces yeux qui ne cachent rien posés sur toi et c’est comme si tu t’efforçais à repousser tous ces souvenirs, cette proximité perdue qui reviennent te hanter comme des traîtres. atlas il a jamais rien su cacher, y a tout qui se lit sur son visage. et si tu t’en es souvent amusée, aujourd’hui ça ne sait que t’agacer un peu plus. y a toutes ces émotions qui suintent de son regard, de son visage de grand garçon qui aurait aimé rester gamin un peu plus longtemps et tu ne veux pas lire ça. tu veux pas savoir ce qu’il pense, encore moins te rendre coupable de lui en vouloir alors qu’il revient avec ses yeux de chien battus auxquels t’es jamais été foutue de refuser quoi que ce soit. mais pas ce soir. ce soir tu tiendras bon, parce qu’atlas, il t’aura plus comme ça. il a créé le champ de bataille et s’il revient maintenant pour se rendre compte des dégâts, t’as pas envie non plus de lui céder cette place. cette place chère à ton coeur qu’il avait autrefois et qu’il a laissé comme si ce n’était rien. c’est des conneries alors ? question dans l’air, comme ça, pour faire semblant de s’y intéresser. parce que tu veux pas te lancer dans cette conversation, pas vraiment. tu veux juste lui dire d’aller trouver nash ailleurs et retourner à ton bordel, puisque c’est visiblement pas pour toi qu’il est là. qu’il a jamais eu l’intention de t’expliquer, de t’inclure dans peu importe ce qu’il se passait. à la place, tu t’asseois au milieu de la pièce à côté de ton bordel, à siroter ton verre de lait et à croquer dans tes biscuits. peut-être que t’attends qu’il parte. mais peut-être que t’en as pas vraiment envie non plus. tu sais pas, tu préfères pas y penser. sourcil haussé à la remarque, un regard pour l’appartement quand il avoue ne jamais être venu ici. t’avais pas fait le rapprochement. est-ce que ça t’intéresse vraiment ? peut-être que vous en resterez aux banalités, que vous ferez comme ces derniers mois, à ne rien échanger à part un bonjour, ça va ? ça t’irait très bien. mais atlas, il comprend pas que tu veux éviter cette conversation autant que possible, ou bien il s’en fiche. et il lance les mots maudits, comme si ça n’avait aucune importance. désolé, hein... t’as le rictus un peu tordu, c’est comme si t’étouffais un rire. un coup d’oeil pour la photo qu’il tient entre ses doigts, les souvenirs qui te submergent, le bon temps de l’enfance qui revient comme une claque en pleine gueule. et tu le vois à nouveau, ce regard qui t’horripile. celui qui déclenche les tempêtes, celui que t’aimerais ne plus jamais apercevoir. et tu détestes qu’il te regarde comme ça. avec ses grands yeux, les mêmes yeux bienveillants qu’il posait sur toi quand t’étais rien d’autre qu’une gamine. et là, des années plus tard, des années trop tard, t’as l’étrange et désagréable impression d’être toujours cette gamine. et t’es bien placée pour savoir que cette gamine n’existe plus depuis longtemps, que dimples on l’a laissée tomber comme une moins que rien, qu’un jour on a cessé de s’occuper d’elle, de jouer avec elle, jusqu’à ce qu’elle s’efface complètement. et tu pensais pas que ce serait difficile, sans lui. si douloureux. tu pensais pas, mais c’est trop tard maintenant. j’men fous qu’tu sois désolé. tu crois que t’es le premier à te barrer sans rien dire comme un connard ? t’es ni le premier, ni le seul. constatation difficile, mais plus vraie que jamais, aujourd’hui. vous comptez plus les gens que vous perdez petit à petit, de ceux qui se détachent, qui s’en vont. de ceux qui vous tournent le tos, vous laissant livrés à vous-mêmes. on les connaît les gens comme toi. on les voit tous jours, jusqu’à ce qu’un jour on les voit plus. vous avez fini de vous inquiéter pour ces gens-là, fini de vous en soucier. un jour ils existent, le jour d’après ils disparaissaient, c’est comme ça que ça fonctionne apparemment. mais de tous ceux qui partiraient t’aurais jamais pensé qu’atlas vous tournerait le dos. le trio infernal amputé de son meilleur membre, de l’étoile la plus scintillante, l’homme au plus grand coeur. y avait rien pour vous sauver nash et toi, si ce n’était lui. t’aurais pu être mort dans un fossé qu’on aurait jamais rien su. y a le regard noir d’une colère que t’essaye pourtant d’éviter face à la constatation pourtant évidente. atlas, vous l’auriez perdu. peut-être pour de bon. et ça te met dans une colère furieuse de le réaliser, de voir surtout qu’il ne s’en rend pas compte. c’est comme s’il s’en foutait et c’est sans doute le coup de grâce. celui qui fait le plus mal. mais t’as l’air d’aller bien alors je suppose que ça n’a pas d’importance. haussement d’épaule, mi-insolent, mi-nonchalant. tu sais plus comment agir, crier ou pleurer, repousser ou abandonner. tu le montreras jamais, tout ce qu’il remue à l’intérieur de toi. t’aimes penser qu’il te connaît plus aussi bien, qu’il pourrait pas comprendre. ça te donnerait une raison de plus de pouvoir le détester, plutôt que de continuer à l’aimer si fort.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: même pas je regrette (noras) Mar 28 Mar - 12:43
NORAS
y a ces bleus sur leur peau au cœur des écorchures de ces gamins qui trinquent et qui culpabilisent des démences des parents, du souffle qui les attise...
Moment de silence qui s’étire. T’as ce regard qui s’accroche et qui n’a de cesse de dévisager cette gamine. Cette gosse. Tu la vois si seule dans le bordel ambiant de l’appartement. Détachée, désintéressée, rien à foutre que tu la bouffes littéralement du regard. Rien à foutre que t’es cette sensation d’avoir de nouveau seize ans et Nora qui s’étonne de n’avoir qu’un minuscule ronflement au niveau de sa poitrine et toi, désabusé, tu ne peux que regarder et rougir avant de balbutier qu’elle est parfaite comme elle est. Elle te manque la Nora au regard candide dans ses couches quand t’avais que six ans. La Nora balafrée a force de se batte comme une chiffonnière avec ses frère, avec ses mecs, ses amis. Bande de potes hétéroclites. Tous accrochés les uns aux autres, à vivre trop vite, à s’émanciper trop vite, dans la violence et l’oublie et en l’ayant quitté du haut de ces treize ans, t’as la désagréable impression d’avoir loupé le meilleur. D’avoir perdu le meilleur. Toutes ces années. Juste elle et toi. Elle qui des fois ne voyait en toi qu’une tête de poupée à coiffer. Entre tendresse inavouée et étreinte solide, t’as perdu une précieuse amie. Ta frangine. Ta princesse pas tout à fait parfaite. « Oui. Des conneries… je n’ai jamais été capable de te mentir de toute façon. Revenir te voir sans d’abord régler les problèmes avec ton frère, ça aurait été compliqué. » Tu hausses les épaules avant de remettre la photo à sa place. Tu la remets exactement là ou elle doit être, dans un coin du frigo, trônant parmi tant d’autres. Une dernière attention pour elle puis t’enlèves ta veste comme si t’as l’intention de passer un moment ici. T’essuies le ton grincheux de Nora. Il glisse sur toi et t’as l’impression que jamais rien n’a bouger. Elle et son coté cochon mal luné et toi qui se fou de cette mauvaise humeur, de ses remarques, de ces attaques qui parfois font mal. Abandonnant la veste sur le dossier d’un siège, t’évolues doucement dans la cuisine, enregistrant un maximum de toutes ces choses qui t’ont un jour manqué. Ce bazar. Ces tasses. Ces verres. Cette touche féminine malgré un univers plutôt masculin. Puis quand y a plus rien qui ne peut te sauver de cette issue fatale, quand t’as fais le tour et que tu te dois de sortir de cette pièce pour rejoindre la pièce principale, rejoindre la présence de cette belle ébène. Cette femme tempête. Celle qui ravage tout. Qui ébranle les fondations pourtant si solides que tu t’es un jour forcé à dresser pour ne pas faiblir, pour ne pas flancher. Seulement t’as de plus en plus de mal à tenir debout. Vaillant comme si tout ça n’avait aucune importance. T’as pourtant essayé de t’en convaincre. T’as même cru y être arrivé. Connerie. Tu te souviens de cette amertume d’avoir tout gâché quand t’as de nouveau respirer le même air qu’eux. Quand t’as de nouveau commencé à échanger, parler, regarder, sourire avec eux. Et ce gout du gâchis. Il est si âpre. Alors tu ne fais que la regarder, te tenant juste devant elle avant de t’accroupir doucement, occupant tes mains et venir regarder ce qu’elle a tant de mal rassembler au milieu de la pièce. Des fringues. Des bibelots. Des clés. La télécommande. « J’ai conscience que je n’aurais pas du partir. C’était du gâchis, mais c’était important. Je savais plus quoi faire… la fuite m’a semblé une bonne alternative. » Balançant négligemment la télécommande dans le tas de fringue, appuyant tes coudes sur les genoux, tu passes nerveusement tes doigts dans cette foutue tignasse, emmêlant un peu plus le joyeux bordel qui te sert de cheveux. Soupire imperceptible, t’as juste besoin d’un instant de silence. D’un instant de trouble pour bien réfléchir à comment le lui dire. Par quel chemin passer pour lui avoué ce que tu as sortie dans une gerbe de parole sans queue ni tête à son frangin. C’était sortie spontanément, énervé et excédé. Là, t’es plus calme, bien que fébrile de te tenir si prêt d’elle sans pouvoir la toucher. De cette main qui te démange, de cette présence qui n’avait de cesse de venir te chercher quand tu te planquais, quand tu cherchais un peu de solitude dans leur salon. Seul avec tes pensées chaotiques et cette désagréable impression de te retrouver dans un cul de sac. Acculé, tu savais plus comment faire, comment agir. T’as suivi l’instinct qui te poussait à prendre la tangente. T’as choisi d’être lâche mais t’avais que ça… n’est ce pas ? Question sans réponse que tu t’es longtemps posé, sans jamais trouvé de réponse convenable. Misère. Alors tu t’assoies. Juste face à elle. T’as plus l’intention de te défiler. Après tout, t’as déjà bien mit la merde dans leur vie en partant et en y revenant. T’as tout saccagé. Tu sais pas trop comment tout ça va te revenir dans la gueule. Et tu essuies ses remarques sarcastiques avec un profond silence. Elles n’ont jamais réussi à t’atteindre. Comme une seconde nature qui revient prendre sa place dans ton cœur, le réchauffer, tu grimaces tout de même, appréciant moyennement qu’elle te relègue au rang d’un mec parmi tant d’autre. Alors que t’as toujours été plus. Mais t’as perdu ce droit. « Toi aussi t’as l’air d’aller bien… pourtant j’ai l’impression que les choses ont radicalement changer avec ton frère. » Question silencieuse, tu t’avances prudemment même si tu préfères ne rien dire sur ton état actuel des choses. Non tu n’allais et tu ne vas pas bien. C’était la merde Nora. Je me suis vendu pour quelques billet, j’ai bafoué ma dignité et j’ai tué cette confiance qui vous m’aviez donné si aveuglement. Aveux balancé dans les murs hermétiques de tes pensées, plutôt te saigner que de l’avouer à haute voie. C’est une tare, une déviance que tu veux lui épargner. T’aimes pas en parler, t’aimes pas en faire l’étalage. T’as toujours eu cette honte, sinueuse, de voir qu’un jour… qu’un jour t’as du faire le même boulot que ta salope de mère. Pourtant, loin de t’avoir diminuer, t’as l’impression d’être moins abîmé qu’eux. D’avoir quand même moi morfler qu’eux. Et tu ne comprends toujours pas comme ça a pu arriver. « J’ai jamais voulu ça… j’ai pris la facilité parce que je pensais que c’était ce qu’il fallait faire. Ca devenait compliqué avec ton frère. Tu sais quand t’arrêtes de voir ces personnes, ces gens qui font que tu te sens accomplit. Cette famille. Ma famille… quand tes sentiments commencent à changer, fatalement, ça devient super compliqué. » Regard qui se détourne légèrement, le pouce qui caresse ta lève fendue, t’as encore le souvenir cuisant de son poing contre ton visage. De ce silence oppressant qui t’a faisait souffrir plus que n’importe quel coup alors qu’il cherchait par n’importe quel moyen te faire quitter les lieux… t’as jamais voulu ça. Tu voulais retrouver ta place. C’est tout ce que tu voulais. Retrouver cette entité qui te fait sentir vibrer. Cette place chaleureuse. Pas ce chaos ambiant. « J’crois que jamais plus rien ne sera comme avant. » Fatalité qui t’éclabousses. Eclabousses tes chimères que tu pouvais revenir comme si de rien n’était. Et t’as envie de la prendre dans tes bras. La serrer contre toi à l’en étouffer. « Je peux plus voir Nash comme un frère. C’est fini ce temps… lui et moi, ça ne sera plus jamais pareil. » Putain… mais toi. Toi Nora, ma Dimples. Tout sauf ça.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: même pas je regrette (noras) Jeu 13 Avr - 19:52
tu fais ce que tu sais faire de mieux, nora. tu feins. prétends que ça ne t'atteint pas. prétends que tu vas bien, très bien, sans lui. que tu t’en sors à merveille. t’envoies des visions de rêve, là, assise au milieu de la pièce devant ce joyeux bordel que t’as foutu. métaphore pas très subtile de ce que représente ta vie. des relations sans dessus-dessous, celles que t’as brisé par plaisir, par conscience, celles que t’as foutu en l’air sans savoir y faire, et celles qu’on t’as simplement enlevées, sans que t’aies quoi que ce soit à y redire. tu les vois, au milieu de ce bordel, les photos, les visages invisibles. ike. mads. nash. et peut-être même atlas, aussi. atlas qui lâche pas l’affaire. atlas qui ne veut pas te laisser tranquille, qui ne doit sans doute même pas voir que tu souffres. même en face de lui, atlas il a jamais rien vu de toute façon. tant pis. tous les deux en tailleur au milieu de la pièce et pourtant, rien n’est comme avant, à part sa lèvre fendue en deux, rappels d’un passé un peu plus heureux mais jamais moins chaotique. t’imagines que c’est un cadeau de ton frère. qu’il a fait ce que tu serais incapable de faire. et t’espères que ça fait mal, au fond. très mal. aussi mal que ça te fait mal à toi. aussi mal que ça n’a remplit de larmes tes yeux, autrefois. aujourd’hui c’est différent. t’espères, et tu t’en fous à la fois. meilleure alternative que de rester avec nous ? ça sort tout seul, sans que tu ne le réalises, sans que tu n’aies le temps de le stopper. stupide cerveau. c’est à moitié surpris, à moitié grognon. t’aimes pas croire qu’atlas ait préféré d’autres horizons plutôt que ceux qui s’offraient à vous trois et pourtant, t’es bien obligée de le croire. c’est ce qu’il a préféré, ces sept dernières années. c’est ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu, sans jamais vous glisser un mot, une lettre, un sms. c’est ce qu’il a préféré de vivre, sans vous. loin de vous. agir comme si vous n’existiez pas. plus. comme si vous trois, ça n’avait jamais compté. alors tu te fiches des raisons. des excuses. rien de tout ça ne t’importe, parce que c’est pas ce qui compte. c’est pas ce qui va y changer quelque chose, parce que vous pouvez rien rattraper de ce merdier. encore moins lui. y a plus qu’à se débrouiller, vivre avec, comme tu le fais toujours. comme tu le faisais encore, tentant de cicatriser des blessures qu’il avait laissé, avant qu’il ne revienne encore tout écraser sans même s’en rendre compte. ouais. on s’est demerdés comme on a pu quand t’es parti. atlas c’était le pilier, la colle qui vous gardait tous les trois ensemble. les inséparables, amputés de ce qui les faisait tenir debout. et sans lui, plus rien n’a jamais été pareil. t’as été incapable de te reposer sur ton frère, comme il a été incapable de te regarder comme il le faisait avant. y a plus rien eu entre vous, plus rien de joli en tout cas. nash et toi ça a été cassé à la minute où y avait plus atlas pour vous garder soudés. nash et toi vous avez jamais su vous retrouver, jamais après ça. alors c’est pas seulement lui que t’as perdu quand il est parti. quoi qu’il dise il t’a enlevé ton frère, aussi. emporté le peu d’innocence qu’il te restait, du haut de tes treize ans, ne te laissant plus que la vue horrifiée d’un monde trop cruel pour un corps si frêle. à qui la faute ? grogné sur la défensive, au tac au tac. y a que comme ça que tu peux te défendre, que tu peux l’empêcher d’entrer à nouveau. bâtir les murailles et se cacher à l’intérieur, bien loin des entrées barricadées. pourquoi maintenant, alors ? rien n’a changé tu sais. il est toujours aussi con. encore plus aujourd’hui. et c’est pas une fatalité, c’est que le cours normal des choses réalisé dans un air incompréhensif, renfrogné. la connerie a toujours été l’une de ses étranges qualités. et le pire de ses défauts. ancré jusque dans son adn, un truc qui coulerait dans vos veines, comme un mystère que vous auriez fini d’élucider il y a déjà bien longtemps. tu l’as toujours su, toi. c’était de notoriété publique, déjà avant mais encore plus aujourd’hui. et t’es bien persuadée qu’il le sait déjà, qu’il a payé une visite à nash avant même de penser que t’existait encore, toi aussi. ça a toujours été comme ça, de toute façon. nash avant nora. nash le sauveur espiègle qu’on préfère à nora le petit cochon pas sympa. nora qui vit dans l’ombre de son grand frère, encore et toujours. comme une malédiction qui semble s’être levée à la minute où il a filé. enfin, t’existait à côté de nash. pas derrière. pas cachée. t’étais entière, peut-être pour la première fois. et c’était même pas libérateur, parce qu’il était plus là. alors t’hausses pas de sourcil quand tu l’entends s’approcher du sujet dangereux. pas de surprise, pas d’exclamation, pas de curiosité malfaisante qui réveillera la colère. ça revient comme un écho sourd grouillant au fond de tes entrailles que t’aurais refusé d’écouter tout ce temps. tu l’as jamais vraiment su, mais tu t’en es toujours doutée. il aurait fallu être aveugle pour le manquer, à croire qu’il y avait qu’eux d’assez cons pour passer à côté. épargne-moi ton discours, atlas. tout ça c’était bon pour quand on était gosses, quand ça voulait rien dire. mais c’est fini ce temps. on est plus des mômes, il faut arrêter maintenant. rien que pour les mômes. c’était pas censé durer, jamais. il est révolu, ce temps là. fini les gamineries. les amourettes sans aucun aucun sens. atlas il a pas le droit de continuer à l’aimer, c’est interdit. pas lui. qui il veut, mais pas lui. ça t’apparaît pas comme une surprise, finalement. t’as toujours plus ou moins su, deviné sans jamais le demander, grillé les regards languissants, les blancs quand ton frère entrait dans la pièce. t’as toujours vu ses regards à lui se poser sur ton frère, quand le tien était rivé sur lui. t’as cessé d’exister dès que nash apparaissait. et t’en as jamais rien dit, contentée d’un soupir lassé, à le regarder bouffer du regard quelqu’un d’autre. c’était censé être un truc de gamin, innocent. et maintenant, vous n’êtes plus rien de tout ça.