« Allez, fais pas la difficile… »
Vincent hésite. Est-ce qu’il venait d’entendre ce qu’il s’était dit ? Il s’arrête un instant. Il fait nuit sombre sur la plage de Tybee Island. Il s’était pensait seule entité restante dans les lieux suite aux célébrations de fin d’année de sa faculté de droit. Un goût amer d’alcool entre les lèvres, il portait encore les traces des festivités : cravate dénouée, chemise entrouverte et les cheveux ébouriffés. Il sentait encore le parfum du feu de camp dans l’air.
Il choisit alors d’ignorer la situation. Il y voit rien dans l’noir, Vincent. Il sait pas ce qu’il se passe. Il a mal entendu – puis il a trop bu, aussi, et c’est pas vraiment ce qui ferait plaisir au père de famille, de savoir son fils en état d’ébriété à ces heures de nuit. Il tourne le dos à la provenance du bruit, fouille dans ses poches pour retrouver les clés de sa voiture, non sans ressentir une pointe de doute envahir ses pensées. Il marche d’un pas décidé.
Un gémissement étouffé.
Vincent hésite. Est-ce qu’il venait d’entendre ce qu’il s’était passé ? Il s’arrête. Il écoute, dans le noir – et son cœur bat fort en sa poitrine, fort fort fort. Quelque chose n’allait pas… Non ? Non. Deux adolescents, sans doute, découvrant ensembles les joies de la sexualité tout comme lui, plus tôt – quand il avait seize ans et des connaissances plus qu’approximatives de la physionomie féminine. Il chasse son inquiétude. Il reprend sa march -
Un cri.
Non. Il n’y avait pas d’ambiguïté. Il ne pouvait pas continuer son chemin – comme une bête ignorant des vautours s’acharnant sur un des leurs. Combien de temps pouvait-il se rassurer de son inaction ? Allait-il être un salaud, « laisser faire » ? Les pensées embourbées par l’alcool et par l’inquiétude (Est-ce que Fitzgerald senior agirait ? Est-ce-que c’est une attitude digne de notre réputation ?) – Vincent ne réfléchit pas vraiment, lorsqu’il accoure dans la pénombre vers une horrible situation : une agression. Du moins, ce qu’il peut en distinguer, dans le noir, sans étoiles aucunes : une jeune fille dénudée, en larmes, et un imposant inconnu sur elle, lui recouvrant le visage. Et sans réfléchir, il se jette sur lui comme un chien.
Il le surprend, il a l’avantage. Il les surprend tous les deux. La victime, les yeux grand ouverts, n’arrive pas à comprendre la situation tout de suite – mais, jugeant qu’il accourait à la défense, se recouvre la poitrine et s’éloigne à genoux des lieux du combat. Le type, lui – il n’y comprend rien. Alors, Vincent en profite. Il est grand, il est fort – il l’assaille de coups aux visages et s’entend même vociférer des mots profanes qu’il n’a jamais entendu passer la barrière de ses lèvres. Tout en lui brûlait de rage, à cause de l’injustice, du crime, du dégoût. Parce que c’était sans doute cela, le monde réel des crimes et des souffrances, par-delà les cours d’assises.
Mais son état alcoolisé ne le rend pas des plus précis – et il ne tarde pas à manquer la cible. L’agresseur, alors, prend le dessus, dans le sable qui tourne rouge sang – leur sang. Poings, ongles, et genoux se cognent. Vincent, dans le noir, tâte une énorme pierre. Oui, cela mettrait fin à leur combat acharné. Dans un effort motivé par une montée d’adrénaline non contenue, il soulève celle-ci d’une main, avant de venir la frapper contre la tête de l’autre homme.
Mais rien ne se passe comme prévu. Il ne contient pas sa force. Au lieu de tomber assourdi, son crâne semble se briser en mille-et-un morceaux. Au lieu de s’évanouir, il meurt immédiatement, s’affaissant sur le dos, le cerveau éclaté et les yeux grands ouverts. Au lieu de retourner en séminaire, le semestre prochain, Vincent ira en prison.
Au loin – il distingue le regard de la jeune fille, qui a cessé de bouger, et l’observe en silence, le corps tremblant. Vincent, lui, ressent le sang de l’inconnu rouler contre sa peau, allant sous les plis de sa chemise. Il ferme les yeux, avant de se laisser retomber contre le sable – comme dans un cauchemar.
« Putain… »

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