Putain. Ça vibre dans sa tête. Blondie le corps en miettes. Éparpillées sur la moquette. Elle écoute tranquillement le son de la braguette. Qui se referme. Elle écoute. Comme les fous qui se délectent des chants funéraires. Et elle profite du silence éphémère. Une paix illusoire. Elle se sent comme ces pauvres bêtes avant l'abattoir. Avant qu'il ne décide d'en finir. Il a un ricanement carnassier. Le dégueulasse. L'enfoiré satisfait. Sa main capture sa mâchoire pour serrer fort. Un peu trop. Il veut juste un son. Un cri. Un grognement. Un gémissement. Une réaction. Mais elle en fait rien Amé. Elle garde ses yeux limpides fixés sur son visage ravagé. Par la boisson, par les années. Agacé, il commence à s'impatienter. Et y a son poing qui vient cogner une pommette. Quelques bleus en plus sur l'albâtre de sa peau. Au fond, qu'est que ça peut foutre ? Et il continue. Des heures, des minutes. Amé elle a perdu la notion du temps. Elle voit juste le soleil dehors. Qui brille. Beau-papa qui vacille. Il fatigue le connard. Elle le sait Amé. Elle le sent. Les mains tremblent d'avoir trop donné. De l'avoir trop sonnée.
Puis il se lasse. Se casse, avec sur le bout des lèvres un murmure, pétasse. Elle reste couchée un moment. Juste un moment. Pour respirer. Et oublier. Il manque quelques mèches à sa tignasse. Ses beaux cheveux de tournesol. Elle soupire Amé, elle se relève et elle monte dans sa chambre. Elle fouille. Fout tout en boule. Et puis elle le trouve. Le petit sachet d'eden. Sa farine de paradis. Sa neige en été. Elle prend pas la peine de faire de beaux traits. Elle entasse. Elle effrite. Elle sniffe. Trépasse. Et puis toutes les couleurs se mélangent. Dans sa glace, elle a la sensation d'être la plus belle des pouffiasses. Elle voit plus le visage amoché. Les pommettes enflées et bleutées. Les bras griffés. Le dos bouffé. Pour une fois elle se croit belle Amé. Désirable, désirée. Alors qu'elle a juste l'air d'une folle abîmée. Complètement défoncée, elle regarde par la fenêtre et elle le voit. Aspen le débile qui suce beau-papa. Pour du pognon. Pour vivre. Il s'active dans le jardin et le soleil fait ressortir sa crinière rousse. Elle est tout sourire Amé. Sa langue claque contre son palais. Aspen c'est un peu comme une poupée. Elle aime le tordre dans tous les sens. Lui faire perdre patience. Parce qu'elle se sent importante blondie, quand elle le voit s'affairer comme une fourmis. Le valet elle l'appelle Amé. Comme si elle valait mieux que lui. Elle vaut forcément mieux que lui. T'es rien Aspen.
Blondie se maquille un peu. Pour couvrir les bleus. Ça s'efface pas non. Ça lui colle à la peau. Les mains du beauf tatouées sur la gueule. Amé se change. Amé s'arrange. Enfile un petit short en jean et un top qui laisse entrevoir son nombril. Fringuée comme une putain. Petit coup d'oeil dans le miroir. Elle descend les escaliers. Regarde le gros porc affalé sur le canapé. Fatigué d'avoir brisé la gamine écervelée. Amé elle pourrait le flinguer. Le laisser crever la cervelle étalée. Sur le mur, sur le sol, sur sa mère. Mais Amé se contente de sortir dans le jardin. Elle s'approche à pas de loups. Reluque le joli roux. Et son sourire qui se peint. T'as oublié de la mauvaise herbe là... Ah bah non, en fait c'est toi. Son rire éclate comme un carillon. Fière d'être conne. Fière d'être une abjection.