Putain, ce qu'il faut pas faire pour gagner des thunes. Et encore ça rapporte presque rien, de promener des chiens. Plus ça va, plus Lola a hâte de pouvoir arrêter tout ça. C'était drôle au début, elle pensait que c'était une idée géniale et qu'elle serait payée à rien foutre. Mais non. Les maîtres sont chiants, on la réquisitionne à des horaires qui l'arrangent pas, et la plupart des boules de poils sont tellement mal dressées que c'est elle qui se fait promener plutôt que l'inverse. Alors elle bougonne en longeant la plage, tenant Gizmo – un gros berger allemand – en laisse à bout de bras. Sa main libre tient son portable, sur lequel elle a le nez rivé, regardant les p'tites annonces en quête d'une activité avec un peu plus de reconnaissance. Mais du coup, sa poigne se desserre sur la laisse, tellement que quand le chien finit par tirer d'un coup sec sans raison apparente, elle lâche. Il s'met à courir à toute allure, et elle l'observe une seconde, la bouche grande ouverte, indignée. « GIZMO AUX PIEDS ! » Tu parles. Il s'arrête même pas. Alors elle part à sa suite, en continuant de gueuler sans que ça n'ait le moindre effet. Il court et il court, jusqu'à atteindre le terrain vague sur lequel un cirque a élu domicile. Et une fois arrivée sur place, Lola réalise qu'elle l'a perdu de vue. Y a des chapiteaux, des cages, des caravanes, des gens, des bestioles, et aucune trace de Gizmo. Sûrement qu'il s'est faufilé quelque part dans tout ce bordel, le con. À bout de souffle, elle se met à sa recherche, avançant lentement pour pouvoir observer les alentours. On n'lui prête pas vraiment attention, les gens ont l'air occupés à bricoler et monter des trucs, sûrement en train de réparer les dégâts provoqués par l'ouragan. C'est triste à voir mais elle s'attarde pas vraiment dessus, s'aventurant dans ce mini village comme si de rien n'était. Elle navigue jusqu'aux caravanes où les gens se font soudain plus rares, manifestement tous regroupés là où il y a du boulot. Et toujours aucune trace de Gizmo. Ça la désespère tellement qu'elle se met à traîner des pieds, en rasant les roulottes, pour finalement y jeter des coups d'œil furtifs par les fenêtres. Elle en vient même à oublier le chien et la raison de sa venue ici, surtout quand elle aperçoit des costumes colorés dans l'une des caravanes. C'est beau, ça brille, ça lui donne envie. Et puis elle s'dit que ces trucs là, ça doit valoir cher. P't'être qu'elle pourrait les vendre sur E-bay ? C'est mal. Mais elle a besoin de fric. Personne verra rien, ils sont tous loin et elle est seule au milieu de leurs piaules. Puis ils doivent en avoir plein, des costumes. C'est pas comme si elle piquait le dernier bout de pain d'un orphelin. Jetant un dernier regard autour d'elle pour s'assurer qu'il n'y a personne, elle finit par s'approcher de la caravane, se félicitant en découvrant que la porte n'est pas verrouillée. Alors elle s'y engouffre tranquillement, venant tâter les costumes qui sont encore plus beaux vu de près. On dirait même du fait main, et elle se dit que ça peut vraiment rapporter pas mal de fric. Un grand sourire aux lèvres, elle en colle un contre sa silhouette, comme pour voir si ça lui irait. Tellement accaparée par son cambriolage improvisé qu'elle capte pas que quelqu'un arrive derrière elle.

Lola s'émerveille, Lola s'dit qu'elle devrait peut-être troquer ses vêtements contre le costume. Au moins l'essayer, pour voir si elle est jolie dedans. Elle est même prête à ôter son t-shirt quand des trucs s'abattent brutalement à ses pieds. Elle lâche un cri de surprise, avant de sentir quelque chose passer à toute vitesse près de sa tête, effleurant ses cheveux. Et quand elle voit le couteau planté dans le mur face à elle, puis ceux à ses pieds, elle crie une seconde fois. On vient vraiment d'lui envoyer des lames ? Mais c'est quoi ce bordel ? Elle fait volte-face, le costume toujours coincé entre ses doigts, et s'retrouve nez-à-nez avec un garçon. Un garçon qui n'a vraiment pas l'air content. « Tu bouges pas, il m'en reste encore deux. » Il a le regard noir, ses phalanges effectivement refermées sur deux autres armes. Lola le trouve très flippant, alors elle choisit d'obéir, et se fige. « T'es qui ? Et tu fais quoi ici ? » Merde. Merde, merde, merde. Il pouvait pas rester là-bas, à réparer on n'sait trop quoi sans faire chier le monde ? Elle se sent prise au piège, et la posture menaçante de l'inconnu n'arrange rien. Surtout qu'il lui paraît vachement imposant de là où elle est, comme si elle faisait face à un géant alors qu'elle n'est qu'une brindille – comme s'il pouvait la casser en deux par la force de ses mains, s'il décide pas de la poignarder d'abord. « NON MAIS T'ES COMPLÈTEMENT DINGUE ? » C'est sorti tout seul. Parce qu'elle est clairement pas rassurée, trop paralysée par la peur pour se trouver une excuse potable dans l'immédiat. Alors elle utilise son plan B : elle détourne l'attention sur lui, et elle l'incendie. « Ça va pas d'envoyer des couteaux sur les gens ? Et si j'avais bougé, hein ? J'LE RECEVAIS EN PLEINE TÊTE ? TU VOULAIS ME TUER OU QUOI ? » Elle gueule mais elle reste parfaitement immobile, de peur qu'il ne lui envoie les lames restantes si elle esquisse le moindre mouvement. Ses doigts se crispent autour du costume, qu'elle se met inconsciemment à serrer tout contre elle, s'y agrippant à défaut de trouver autre chose pour se rassurer. « Tu mériterais que j'porte plainte, pendejo ! » Ouais, elle a du culot. C'est elle qu'on devrait traîner au commissariat ; c'est elle qui a fauté la première, en s'introduisant chez quelqu'un. Mais c'est pas ça qui va la stopper, bien au contraire. Elle est douée pour n'pas reconnaître ses torts. « Allez c'est bon Edward aux mains d'argent, on a bien rigolé. Maintenant tu ranges ça et tu fais pas l'con. » Elle essaie d'avoir l'air autoritaire mais c'est pas franchement concluant. Parce qu'elle a la trouille, et que ça se voit.

« Repose le costume. » Alors oui, mais non. Elle a l'impression que ça lui fait un bouclier, que si elle y croit assez fort, le tissu se transformera en acier et lui permettra de survivre à ce psychopathe. « Pose tes couteaux d'abord. » C'est une bonne alternative ça, non ? Non. Le bonhomme n'a pas l'air de cet avis, à en juger par le regard qu'il lui lance. « M'oblige pas à le répéter une seconde fois. » Il rigole pas. Vraiment pas. Y a un frisson qui parcourt l'échine de Lola, parce qu'il la fait vraiment flipper avec la froideur de sa voix et les lames entre ses doigts. Du coup elle finit par obtempérer, abandonnant lentement le costume là où elle l'a trouvé, priant pour que ça suffise. Pour qu'il dise ok merci, bonne journée, et qu'il la laisse repartir comme si rien ne s'était jamais passé. Elle est prête à tout oublier, si ça veut dire qu'elle aura plus jamais à le croiser. « Tu sais ce qu'on fait aux voleurs par ici ? » Vu la tronche qu'il tire, elle a pas franchement envie de savoir. « On leur coupe la main. » Voilà, elle se portait bien mieux avant de connaître la réponse. Parce qu'elle a aucune envie de perdre sa main. Elle a déjà eu très peur de perdre un bras pendant l'ouragan, mais elle s'en est sortie entière. De préférence, ce serait cool que ça puisse continuer comme ça. Mais là encore, ils sont un peu – beaucoup – en désaccord. Il fond sur elle et elle lâche un cri de surprise, persuadée que son heure est venue, qu'il va lui trancher la jugulaire et la découper en petits morceaux. Il se contente pourtant de lui attraper le poignet, pour étaler sa main sur la table et percher son couteau comme une épée de Damoclès au-dessus de celle-ci. Elle observe ses doigts s'enfoncer dans les nervures du bois, et elle donnerait tout pour pouvoir passer à travers et se libérer du type. « Donne-moi une bonne raison de ne pas le faire. » Y en a plein des bonnes raisons, comme par exemple le fait qu'elle est droitière et que ça serait vraiment mesquin de la priver de sa meilleure main. Mais elle doute que ça suffise à la sauver. Elle ouvre la bouche, la referme, contemple le couteau et puis le visage de son agresseur, sans trop savoir lequel est le pire. Le couteau risque d'être plus douloureux, mais lui au moins, il lui file pas la chair de poule rien qu'avec un regard. « Attends, attends, y a un quiproquo là... » Elle sait pas trop comment désamorcer la bombe. Il est tellement glacial qu'elle arrive pas à entrevoir le meilleur angle d'attaque, et elle a peur de couper le mauvais fil. Elle a vraiment, vraiment pas envie qu'il lui explose à la gueule. « J'suis pas une voleuse. » Putain. C'est clairement pas sa meilleure chance – pas alors qu'elle avait ses affaires dans les mains. Mais tant pis, elle a plus qu'à broder. Et prier. « J'ai perdu mon chien. On se baladait, j'regardais les coquelicots, et il m'a échappé. J'ai essayé de l'appeler mais c'est une foutue tête de mule. Alors je l'ai suivi jusqu'ici, puis y avait plein de gens là-bas et je sais pas où il est parti. » Tout est vrai, du coup elle assure un peu ses arrières. Elle se dit qu'au moins, il aura pas l'impression qu'elle le prend trop pour un con. Même si elle le fait un peu quand même. « La porte était mal fermée, du coup j'ai voulu jeter un coup d'œil, au cas où il soit entré ici en mode : plop je m'incruste chez les gens... J'suis désolée. Je voulais pas te causer du tort. » Rien à voir avec Lola d'il y a approximativement deux minutes. C'est le jour et la nuit – la grande gueule mégalo laisse place à la gentille gamine qui n'a pas eu de chance, et y a de quoi se demander si c'est la même personne. Pourtant elle pense ce qu'elle dit, au moins en partie. Elle lui veut pas d'mal à ce type, à la base elle avait pas l'intention de causer des problèmes. Mais au final, ils trouvent toujours leur chemin jusqu'à elle.

Silence. Peut-être que ça a marché ? Peut-être qu'elle vient de réussir à sauver ses miches avec son demi-mensonge complètement foireux ? Pendant une seconde, elle y croit. Elle y croit vraiment, et y a même une vague de soulagement qui s'empare d'elle. Mais ça dure pas. Elle a juste le temps de le voir bouger le bras et elle lâche un cri strident, fermant les yeux de toutes ses forces. Elle attend la douleur. Elle attend la froideur de la lame, la chaleur du sang. Elle attend de finir manchot alors que c'était vraiment une journée sympathique à la base, elle aurait mieux fait d'aller cueillir des coquelicots pour de vrai. Alors elle attend mais rien ne vient, si ce n'est la pression qui se fait plus forte sur son poignet et qui le tord, lui arrachant un gémissement plaintif. Elle rouvre les yeux puis le regrette quand elle croise ceux de son tortionnaire. « Et les menteurs, on leur coupe la langue. » C'est de pire en pire. Elle pose enfin les yeux sur sa main, réalisant que le couteau s'est abattu à même pas un centimètre de ses doigts, mais au moins elle est encore entière. Elle voudrait être rassurée, mais c'est compliqué alors que le type continue de lui tordre le poignet et qu'elle se retient comme elle peut pour pas se mettre à pleurer. Ses yeux sont humides, mais elle arrive à tenir bon pour l'instant. « Mais j'peux pas faire ça ici, ça laisserait des traces. » Il la relâche enfin et elle est tentée de remercier tout le monde, lui et Gizmo et la caravane, mais finalement non. Parce que ses mots viennent de se frayer un chemin jusqu'à son cerveau, et qu'elle se fige instantanément. « Attends, quoi ? » Ça veut dire quoi, qu'il peut pas faire ça ici mais qu'il va le faire ailleurs ? La panique la gagne à nouveau mais il a pas l'air de s'en soucier plus que ça. On dirait même qu'il s'en fout complètement. « Récupère le costume. » Elle a très envie de lui dire non et de partir en courant, mais elle est paralysée par la peur, et l'autorité qui vibre dans sa voix l'empêche de protester. Elle finit par s'exécuter dans des gestes mécaniques, sursautant quand il lui attrape le poignet à nouveau – et elle commence à se dire que ça va lui laisser des traces sur l'épiderme. « On va où ? » Elle préfère retourner dans la caravane, en fait. Ça la rassure pas des masses de voir qu'ils s'éloignent du cirque, et que le type a toujours l'air aussi fâché. « Y a quoi dans ta mallette ? » Elle espère que c'est pas les couteaux. Tout mais pas les couteaux. « Écoute, j'ai été ravie de te rencontrer mais j'suis pressée, faut que je retrouve mon chien. » Non parce que ça, c'était vrai. Et elle n'a aucune envie de s'éterniser à ses côtés. Sauf qu'il n'en a toujours rien à foutre, et qu'il la relâche en ouvrant sa mallette. Elle voit les lames briller et elle a envie de chialer. « Enfile le costume. » C'est une blague, c'est ça ? « Pour quoi faire ? » « Et n'essaye pas de te barrer. Sauf si tu veux te récupérer un couteau dans le dos. » Il s'met à tripoter ses couteaux et elle a l'impression qu'elle va faire un infarctus. « Non, ça va aller merci, je crois que je préfère m'en passer. Mais si tu pouvais garder tous les couteaux dans la mallette ça m'arrangerait. Et puis jette-la. Loin. Très loin. » Ça sert à rien de parler, on dirait qu'il ne l'écoute même pas. Les mains tremblantes, faut qu'elle s'y reprenne à trois fois pour réussir à enfiler une jambe, puis l'autre. Elle galère, l'échine fébrile, ses vêtements gênant le passage du costume. Elle se sent foutrement ridicule et elle a soudain l'impression que ce costume est le plus moche du monde, et qu'il mérite juste qu'elle lui vomisse dessus. « Voilà, j'peux partir maintenant ? » Elle peut pas s'arrêter de parler encore et encore, comme pour se rassurer, mais sa voix tremble autant qu'elle. Parce qu'elle a peur d'avoir compris ce qui l'attend, et qu'elle a franchement pas envie de devenir une cible géante. « Je veux pas jouer aux fléchettes. S'il te plaît. J'ai dit que j'étais désolée, laisse-moi partir. » C'est une supplique, même si elle tente de rester à peu près digne. « Je ferai tout ce que tu veux, j'te jure. Laisse-moi m'en aller. S'te plaît. » Elle veut vraiment pas finir embrochée.

« Non. » Il veut pas qu'elle parte et le calme de sa voix n'a rien de rassurant – au contraire. Elle continue de parler encore et encore, à plaider sa cause, suppliant du regard. « Tais toi. » Il s'en fout. Tout ce qu'elle tente ne semble pas avoir le moindre impact sur lui. Il vient l'attraper une nouvelle fois et elle se fait balader comme une vulgaire poupée. « Arrête, tu m'fais mal ! » Mais manifestement, ça aussi il s'en fout. Il la cale contre un tronc d'arbre et elle lève les yeux vers lui, aussi fâchée que paniquée. « Bouge plus. » Il s'éloigne, elle sait qu'elle a aucune échappatoire. Elle a trop peur qu'il mette ses menaces à exécution si elle tente de s'enfuir, alors tout ce qu'elle peut faire c'est le suivre du regard en silence. Il attrape un couteau, elle devient livide. « Tremble pas. » Elle se fige comme elle peut, et laisse échapper un cri apeuré quand elle voit le couteau partir. Elle l'entend atterrir quelque part au-dessus de sa tête, si proche qu'elle se demande comment il a pu ne pas la toucher. Son bourreau est prêt à recommencer, et elle regrette de n'pas pouvoir mettre les mains dans ses poches à cause du costume. Le chapelet hérité d'sa grand-mère s'y trouve et même si elle ne croit pas en tout ça, ça lui donnerait un peu de réconfort. Le deuxième couteau frôle son oreille. Elle ferme les yeux de toutes ses forces, plaque sa paume là où se trouve le chapelet, comme si le sentir à travers le tissu pouvait suffire. Et dans sa tête, elle s'met à prier, répétant en boucle ce qu'elle a entendu la plupart des membres de sa famille réciter encore et encore, espérant que ça suffise à la sauver. À lui éviter de finir poignardée. Quand ça s'arrête elle ne s'en rend même pas compte, continuant sans relâche, crispée contre le bois dans dos. Elle sent même pas l'inconnu se rapprocher, et elle sursaute quand elle entend sa voix – effleurant un couteau dans son mouvement brusque, lui arrachant un nouveau cri étranglé. « Maintenant, tu te casses et tu reviens plus ici. Et si ton chien est dans le cirque, il y restera. Tout ce qui rentre dans notre périmètre nous appartient, c'est comme ça. » Ses prunelles rencontrent celles, implacables, du type. Et elle devrait obéir. Elle devrait fuir sans demander son reste, se barrer maintenant qu'il lui en donne l'occasion. Mais elle tremble trop fort et ses jambes sont en coton ; la peur est toujours là, oppressante, étouffante. Ça lui comprime la poitrine et lui brûle les veines, la paralysant. Elle bouge pas. Elle maintient son regard, même s'il l'angoisse profondément. « Mais en fait, le chien c'est pas le mien. » Elle devrait pas dire ça, elle continue d'aggraver son cas. Mais comme trop souvent, les mots dégoulinent avant qu'son cerveau ne puisse les arrêter. Elle réfléchit pas, elle contrôle pas. « Je suis payée pour le promener. Alors si je le ramène pas à son maître, il va s'fâcher. Et je serai obligée de lui expliquer qu'au cirque, un cinglé m'a agressée, et a volé son chien. Pas sûr qu'il approuve ta politique, là. » Ça sonne comme une menace mais y a des trémolos dans sa voix et elle continue de trembler comme une feuille. Elle regrette déjà ; elle se mord la langue mais c'est trop tard, elle reste collée au tronc pour pas s'effondrer et elle se demande si elle devrait pas prendre l'un des couteaux pour le brandir, au cas où. Mais elle ose même pas bouger – il est près, trop près. Et elle commence à s'dire qu'elle devrait apprendre à la fermer.

Il s'met à rire, et les tremblements de Lola redoublent. C'est aussi agréable que le bruit d'une tronçonneuse. Il la terrorise – on dirait le Joker, on dirait qu'il est sur le point de péter les plombs, définitivement. Et puis il l'attrape par le col du costume alors qu'elle couine comme un animal qui va se faire dévorer, ses mains venant automatiquement s'accrocher aux poignets de son agresseur pour pas s'effondrer, quand il la décolle de son appui. « Ah ouais, il va s'fâcher ? » Il est tellement proche qu'elle suffoque, reculant la tête autant qu'elle le peut pour tenter d'échapper à son regard furieux, sans succès. Elle se cramponne à lui, tremblante, les jambes flageolantes. « Attends d'voir ce que ça donne si c'est moi qui me fâche. » Elle veut vraiment, vraiment pas voir. Elle croyait qu'il était déjà fâché. Elle ose pas imaginer si ça, c'est qu'un avant-goût. « Retire le costume. TOUT D'SUITE ! » Il hurle et il la relâche, elle perd l'équilibre, elle s'effondre à genoux. Le souffle vient à lui manquer, des sanglots lui encombrant la gorge même si elle tente de les retenir coûte que coûte. Mais ses yeux la trahissent, embués de larmes alors qu'elle obéit en se redressant. Ses mains sont fébriles et elle lutte quelques secondes pour retirer le costume, avec une furieuse envie d'y foutre le feu. Elle a jamais autant détesté un vulgaire bout de tissu. « Tu peux raconter c'que tu veux à qui tu veux, j'en ai rien à foutre. » Quand il entre à nouveau dans son champ de vision, les couteaux ont retrouvé leur place entre ses doigts. Elle blêmit. « Tiens, tiens, prends-le. » Elle lui fourre le costume dans les bras sans attendre, cherchant à s'en séparer le plus vite possible. Et même si elle tremble, même si elle a visiblement envie d'pleurer, y a une flamme dans le fond de ses yeux. Il la terrorise, mais ça l'empêche pas d'être en colère. Le regard noir, les poings serrés, même quand elle essuie rageusement une larme qui lui a échappé. « Si t'as pas disparu du camp dans les deux minutes.. C'est pas l'arbre que je viserais la prochaine fois. » Elle veut pas savoir, elle veut pas rester là. Tant pis pour le chien, tant pis pour le client, tant pis pour les billets. Elle veut plus jamais venir ici, elle veut plus jamais faire face à ce type. Priant pour ne surtout pas le recroiser en ville. « T'es vraiment un malade ! Fais-toi soigner ! » Les mots qui défient mais la voix qui a perdu tout son panache ; Lola n'est plus qu'une boule tremblotante, l'air plus fragile que jamais. Elle le contourne en rentrant à moitié la tête dans les épaules, comme si elle avait peur qu'il en profite pour lui sauter à la gorge. Et alors qu'elle s'éloigne enfin, elle peut pas s'empêcher de lancer des regards en arrière pour vérifier qu'il ne met pas la menace à exécution. Elle trébuche, manque de se ramasser, accélère le pas même si elle a l'impression que ses jambes n'arrivent plus à la porter. Elle fait un détour pour ne pas avoir à traverser le cirque à nouveau, le contournant lui aussi, fuyant aussi vite qu'elle le peut vu l'état où elle est. Et silencieusement, elle se promet qu'elle n'y mettra plus jamais les pieds.

(RP TERMINÉ)