les poings qui se crispent et se décrispent plusieurs fois d’affilé. les mâchoires serrées, reflet qui renvoie la réalité et qui la fait grimacer. reed, devant son miroir, qui n’apprécie pas ce que lui renvoie le rectangle où elle apparaît, engoncée dans une longue robe de soirée d’un noir de jais qui fait ressortir la blancheur d’une peau nacrée. elle se bat quelques instants avec les complexités du tissu, essayant de passer ses bras aux bons endroits. le bas de son dos est découvert, juste assez pour que reed ne se sente pas totalement coincée. parce que la princesse des rues, elle ne supporte absolument pas les tenues guindées qu’elle se sent obligée de porter pour cette trop longue soirée qui s’annonce et qui n’est pas là d’être terminée. ce matin, la voix monocorde de maman a raisonné dans le combiné : « lou » grimace immédiate qui se dessine sur le minois gracile. « un gala a lieu au juliette gordon low birthplace ce soir. j’espère évidemment t’y voir. » l’espoir… un bien grand mot et ô combien utile derrière lequel se cache un ordre à peine masqué qui ne manque pas de l’enflammer. avant que le rejeton n’ait le temps d’arguer et de se débiner, la marâtre s’empresse d’ajouter : « il serait de bon ton que la société ait le plaisir de te regarder. de trop longs mois que tu évites les mondanités maintenant… et les gens aiment votre histoire. » nouvelle grimace, prunelles qui viennent caresser le plafond du penthouse. quand elle dit « votre histoire », elle parle évidemment des fiançailles dans lesquelles elle se retrouve aujourd’hui bloquée alors qu’elle espérait être débarrassée du carcan familial et étouffant qui l’engluait. jasper graham, petit garçon qui est parti de rien pour se hisser assez dans la société pour attirer le regard pourtant avare de la lagoon mère. bien qu’il n’ait pas leur rang, il a tout pour plaire… si ce n’est cette personnalité sous-jacente que personne ne connaît et dont reed a pu faire les frais.
soupir désabusé qui quitte les lippes nimbées d’un rouge à lèvres rougeoyant, elle attrape une pochette où elle glisse son téléphone et diverses autres babioles pour quitter son cocon adoré. reed, elle aurait davantage préféré passer la soirée à cocooner dans ses jeans délavés plutôt que de devoir jouer l’hypocrite devant les journalistes à montrer un bonheur qui n’est pas le sien, périmé. heureusement, il lui reste encore quelques minutes de répit alors qu’elle arrive en bas de la résidence, berline exagérément rutilante qui l’accueille avec antoine, son fidèle chauffeur (français) qu’elle ne supporte pas, sur le côté. « madame… » elle ne lui adresse qu’un regard rapide avant de s’engouffrer dans l’habitacle, manteau trop léger pour la protéger réellement du froid qui lui glace les os et le nez. « juliette gordon low birthplace. » elle lâche simplement, pour rétorquer un « je sais. » suffisant. pour ne pas changer, elle lance un regard noir à antoine dans le rétroviseur, qu’il ignore superbement. et la voiture s’élance à travers la ville pour arriver jusqu’au somptueux bâtiment loué pour l’occasion. et lou qui n’a aucune idée du sujet du gala… et lou qui a le cœur qui bat, anxieuse à l’idée de passer une soirée dans ce genre d’endroit. mais il est temps que l’agneau rejoigne les loups et qu’elle s’arme de son courage.
alors elle s’élance dans le bâtiment, manque de rendre son dernier repas en voyant le nombre de dorures exagérées, hauts plafonds d’un blanc pur et dénué de saleté, moulures à la française qui ne manquent pas de charme mais qui ne font qu’ajouter à l’ambiance guindée qu’elle ne parvient pas à supporter. malgré une antipathie évidente pour son fiancé, reed fouille la foule à la recherche de ses yeux mordorés. et en le voyant, discutant avec une pimbêche hissée sur de trop hauts talons, son sang ne fait qu’un tour. elle marche avec rapidité jusqu’à lui pour passer son bras dans le sien, sourire de convenance (bien qu’un peu crispé) plaqué sur les lèvres. « mon ange… » elle roucoule, parfaite dans son rôle, avant de toiser la femme qui l’accompagne, tendant une main ferme mais froide. « ree… lou lagoon, fiancée de monsieur graham ici présent. » elle se présente, sourire qui s’élargit davantage alors que le minois de l’autre se décompose. elle ne répond d’ailleurs même pas avant de tourner les talons, mine déconfite à l’appui. alors reed se tourne vers jasper, flammèches dansant dans ses opales claires. elle chuchote, colère sourde faisant légèrement trembler sa voix. « tu ne peux pas t’en empêcher, n’est-ce pas ? » elle gronde en tentant de maîtriser sa voix, tant pour le nombre de décibels que pour les aspects chevrotants. « n’oublies pas que je n’ai absolument rien à gagner dans cette histoire, jasper… si ce n’est la perte de ma liberté et un petit con à la clé. » elle souffle, une certaine jalousie pointant dans sa voix rendue amère. néanmoins, s’il faut se tenir bien, reed ne tarde pas à le quitter pour aller bavasser avec quelques mâles des environs, à qui elle n’hésite pas à faire des œillades énamourées… pour mieux défier son fiancé d’un regard noir. les hostilités sont lancées… et les convives n’ont plus qu’à trembler.

sourires charmeurs et regards enjôleurs sont distribués à tout va alors que les lèvres se posent sur une coupe de champagne. en face de lui, sa proie est captivée, ses émotions terriblement lisibles sur son visage. il parade Jasper, excelle dans cet art de la séduction à la sensualité qu'il se plait à exacerber. sa compagne est ravie de l'attention qu'il lui accorde, et boit ses paroles. ses réactions sont quasi-épidermiques et dans son langage corporel, Jasper lit qu'il pourrait l'avoir. il y a les pupilles dilatées qui ne le lâchent pas du regard et les cils qui les encadrent qui papillonnent un peu trop. les lèvres sont humectées, mordillées, et se plaisent à former une moue qui a visiblement pour objectif de faire trembler son coeur. les joues sont rosées par une excitation à peine dissimulée et les soupires sont langoureux. la main qui se pose sur son bras et son rire sonore à chacune de ses plaisanteries ne font que l'affirmer. ça l'amuse ce tableau Jasper, il aurait presque l'impression d'être un charmeur de serpent qui la fait danser au rythme de ses syllabes. séducteur sans être malséant, il n'y a que dans ses silences que se révèlent les intentions. il ne faudrait pas que quelqu'un puisse dire avoir surpris Jasper Graham, fiancé de l'héritière Lagoon, en train de flirter avec une autre demoiselle à un gala. le coût à payer et les préjudices causés seraient trop importants. le calcul est rapidement fait, aussi Jasper reste à distance respectable, impeccable dans son costume hors de prix taillé sur mesure, monstre de politesse et de faux-semblants. il rayonne lors de ces événements, Jasper, né pour briller en société. il a toujours le bon mot à placer, la bonne tournure de phrase pour faire passer son message de la meilleure des manières. calculateur, il parle business d'une voix de velours, engrangeant dans son sillage une ferveur maîtrisée. derrière les sourires pourtant, se cachent les canines acérées, la faim sourde de pouvoir, l'agacement de devoir supporter les discours les plus stupides. il est impatient Jasper, et aimerait obtenir ce qu'il veut sans s'infliger la logorrhée sans fin de chacun. le problème dans ces soirées c'est que c'est un rassemblement de personnes qui ne parlent pour la plupart que pour le plaisir de s'entendre parler. on entend bien trop souvent une voix qui s’élèvera plus haut que les autres dans une parodie de discussion privée afin d'exposer sa dernière réussite à une assemblée qui n'en a que faire. si Jasper se savait pervers narcissique, il savait également reconnaître la vacuité de la personnalité de ses pairs. vous semblez être arrivé seul monsieur Graham, comptez-vous repartir de la même manière ? l'invitation indécente est à peine dissimulée et Jasper, qui honnêtement filtrait les paroles de la demoiselle, manque de s'étouffer avec la boisson dorée. un sourire vient ensuite étirer ses lèvres alors qu'il hausse un sourcil amusé. c'est alors qu'une voix aux octaves graves et aux consonnes ronronnées se fait entendre derrière lui. Reed. époustouflante dans la robe couvrant son corps de la plus délicate des manières, son regard est cependant à l'opposé de la douceur de sa vision. son sourire devient rictus lorsqu'elle prend son bras en geste possessif. sa compagne en face se fige, et déçue par la tournure des événements voir intimidée par la froideur de l'héritière Lagoon, prend rapidement la fuite. la reine des glaces tourne alors vers elle des opales flamboyantes. la jalousie ne te va vraiment pas au teint, mon ange. si le ton est narquois, le visage reste un masque de tranquillité, afin de ne pas perturber l'image qu'ils reflètent en tant que couple. Jasper s'approche de la sirène et pose une main dans le bas de son dos avec un haussement de sourcil suffisant. tu te donnes trop d'importance Reed, on sait tous les deux que ce n'est pas vraiment pour ta marchandise que je suis là. dans le jeu de la vie de Jasper Graham, Reed était peut-être sa reine, elle faisait cependant toujours partie des pions. et si elle tourne les talons pour aller dans un sens, lui choisit le chemin opposé. leur personnalité respective prennent trop de place pour que les échanges ne soient pas, comme toujours, électriques. se promenant de convives en convives, il oublierait presque la présence de sa fiancée d'apparat jusqu'à ce qu'il surprenne son nom dans la bouche d'un autre. et visiblement celui-ci a des choses à dire à son acolyte. tu savais que la petite Lagoon s'était officiellement rangée ? j'ai trouvé ça drôle quand elle s'est retrouvée officieusement dans mon lit. et les rires qui suivent cette remarque suant la testostérone. Jasper se fige, et lorsqu'il traverse la salle pour retrouver celle dont le comportement entache ses projets, c'est de marbre qu'il se dresse dans cette salle. la retournant vers lui sans ménagement, c'est avec un sourire feint et un ton acéré qu'il s'adresse à elle. putain, mais tu pourrais pas baiser discrètement comme tout le monde ? t'es en train de me faire passer pour le cocu de service avec tes conneries. contenant tant bien que mal la colère suscitée par une fierté eraflée, il pose une main sur le cou gracile de Reed en une parodie de geste d'affection pour la galerie. s'il renvoie une image sérieuse, intérieurement, Jasper fulmine. parce que s'il séduit à longueur de journée, le connard narcissique il apprécie pas trop l'idée que sa fiancée fasse de même, des relents de possessivité obstruant son jugement. Y avait pas écrit sur ton cv que tu t'étais tapée la moitié des personnes dotées d'une perche ici.

jasper graham. démon au minois angélique, monstre qui se pare dans des vêtements au prix indécent, incube qui susurre les mots qu’il faut. jasper, c’est un marionnettiste au même titre que reed, qui a su utiliser un esprit brillant pour devenir joueur de flûtes charmant les palpitants innocents. il décortique les cerveaux humains comme l’on retirerait quelques escargots encore fumants d’une coquille : méticuleusement, patiemment, d’un coup vif et incisif. et c’est ainsi qu’il contourne les barrières d’une société haut placée qui devrait lui être refusée, pour mieux s’immiscer dans les cœurs et dans les corps. reed, au fond (tout au fond), elle l’admire assez… parce qu’il a un talent pour tromper. derrière ses sourires enjôleurs, jasper plante ses griffes acérées dans les âmes qu’il tentera bientôt de manipuler pour en faire quelques serviteurs dociles qu’il récompensera d’un baiser sur la tempe et d’un sourire gracile.
et ce qui l’enrage davantage, c’est ces sourires entendus et ces œillades appuyées qu’il ose encore lancer aux jeunes femmes issues de son monde à elle. il n’est qu’un parasite, insecte parmi les mets délicieux et luxueux. il se pose et exige, répandant de par ses pattes quelques douzaines de maladies qui les achèvera tous, elle comprise. elle qui fulmine, enrage en l’imaginant s’adonner à quelques coups de butoir intéressés à une pimbêche dénichée pour l’argent qu’elle pourra lui apporter ou un quelconque soutien financier. depuis ces quelques mois qu’il a partagé… reed aurait bien pu commencer à s’attacher, entre deux crachats de flammèches, entre deux disputes mouvementées. devant ses prunelles claires, y’a l’image nette d’une étreinte passionnée qu’ils ont partagé qui commence à se dessiner. et toujours, reed se demande pourquoi elle a décédé.
l’étincelle qui scintille dans ses prunelles et le sourire éclatant qu’il envoie à l’assemblée lui donne quelques indices qui ne font rien pour la calmer. jasper, c’est un bel homme… quand on ne regarde que la surface et que l’on omet de gratter le vernis d’hypocrisie qui le recouvre et qui pourtant luit. reed, elle ne voit plus que ça quand elle pose ses opales ombragées sur le minois de son fiancé. « la jalousie ne te va vraiment pas au teint, mon ange. » si les deux derniers mots se veulent caressant, reed les reçoit pourtant comme un coup dans la mâchoire ou dans l’estomac qui vient lui couper le souffle. mais c’est un sourire tendre qu’elle parvient à lui renvoyer, malgré des éclairs foudroyants qui dansent dans ses mirettes nullement touchées par ce sourire de circonstance. « de quelle jalousie tu parles ? » elle demande innocemment, sourire s’agrandissant. et malgré toute la bonne volonté qu’elle a rassemblé, un frisson délicieux lui parcourt l’échine en sentant l’épiderme froid de ses doigts dans le bas de son dos découvert. elle se persuade cependant mentalement que ce n’est dû qu’au contact glacé de sa peau et non l’élan d’envie qui lui vrille le bas-ventre, faisant danser des papillons dans son corps qui lui chatouillent les tréfonds. « tu te donnes trop d'importance Reed, on sait tous les deux que ce n'est pas vraiment pour ta marchandise que je suis là. » elle en oublie instantanément le désir qui lui échauffait la peau sous cette gifle verbale. elle le sait, tout autant qu’elle ignore les raisons qui la font continuer. pourquoi ne pas arrêter cette comédie et ne pas le laisser se débrouiller avec ses ennuis ? après tout, rien ne les lie. si ce n’est le penthouse qu’elle paie en partie et où ils ne cessent de ramasser les bouts de verres brisés… et les nuits où ils viennent s’oublier dans les bras l’un de l’autre dans une étreinte passionnée. mâchoires crispées, elle rétorque mi-voix un : « tu n’avais pourtant pas l’air de t’en plaindre, de ma marchandise, il y a quelques nuits. » dans un grondement sourd, félin, primitif, la fierté écorchée à vif. et elle tourne instantanément les talons pour aller ronronner auprès d’autres mâles, non sans vérifier si son fiancé la suit d’un regard embrasé… pour constater avec une pointe de dégoût et d’amertume qu’il est aussi aller batifoler. « qu’il fasse ! » argue l’égo blessé d’une reed agacée. « tu n’as absolument pas besoin de lui pour faire ta vie. » il ajoute, relevant métaphoriquement le nez pour rehausser sa fierté. alors elle réagit par sourires aux regards lubriques qui lui sont lancés tandis que les orbites sont attirées par son décolleté et sa peau dénudée, combien même ces hommes ne lui inspirent que des nausées momentanées.
mais ses projets sont bien vite avortés lorsque jasper lui attrape le bras et l’oblige à se retourner, prunelles enflammées par des remarques qui l’ont froissé. « putain, mais tu pourrais pas baiser discrètement comme tout le monde ? t'es en train de me faire passer pour le cocu de service avec tes conneries. » ses mâchoires se crispent une fois de plus. si ses demandes sont murmurées, elles sont bien trop vindicatives pour ne pas attirer l’attention des gens présents. « Y avait pas écrit sur ton cv que tu t'étais tapée la moitié des personnes dotées d'une perche ici. » l’électricité fait crépiter l’air autour des deux entités, alors que reed arme sa main qui vient fendre l’air et l’épiderme de sa joue, geste qu’elle ne parvient pas à retenir. « j’y peux rien si j’suis pas satisfaite avec toi. » qu’elle crache, venin s’attardant quelques secondes sur sa langue. elle se tourne ensuite vers l’assemblée, larmes roulant de ses prunelles vers la fin de son menton pour s’écraser lourdement et avec fracas sur le sol dallé. « j’ai… j’ai besoin de prendre l’air… » elle sanglote lentement, avant de se tourner vers son fiancé et de l’accuser d’un doigt pointé. « il m’a violenté ! vous l’avez vu ! et les mots qu’il a utilisé… catin, il a lancé ! il ne mérite pas votre attention, vos gentilles attentions. ce n’est qu’un être de la pire espèce. » elle ajoute dans une voix chevrotante aux trémolos volontairement peu maîtrisés. et quand elle croise les opales sombres d’un jasper bientôt désemparé, elle lui adresse un sourire carnassier en espérant avoir piétiné une partie des efforts qu’il avait fournis. dans ses prunelles embuées, y’a des « tu l’as bien mérité, honey » ou encore quelques « alors, qu’est-ce que tu vas bien pouvoir faire pour te sauver ? », œillades moqueuses qu’elle ose lui adresser. la bataille a débuté et ne se terminera que lorsqu’un des deux aura capitulé.
un homme affable s’approche pour lui proposer son bras, qu’elle agrippe fermement en feignant d’être trop choquée pour savoir correctement marcher. reed passe pour la femme bafouée et éplorée qu’elle ne sera jamais pour mieux ruiner les espoirs de son adoré.

Jasper, c'est la gueule d'ange qui cache la rage animale, le calme qui tente d'occulter la tempête, la lune qui tente bien trop souvent d'éclipser le soleil. Jasper il a beau ne rien montrer, il manque souvent d'imploser. il a besoin d'extérioriser le golden boy, de trouver un exutoire à la frustration qu'il emmagasine au quotidien. l'exutoire prend bien trop souvent la forme d'une Reed qui minaude à la manière d'un chaton et écorche sa peau de ses griffes acérés. Reed c'est le cadeau empoisonné, la rose aux épines qui taillade tout ce qu'elle peut sur son passage. on n'en sort jamais indemne avec les Lagoon, ça, Jasper l'avait bien compris. ce qu'il prenait au début pour un partenariat fructueux, un échange qui lui permettrait d'atteindre facilement ses désirs de pouvoir s'était révélé être un nouveau défi au goût amer rappelant celui des travaux d'Hercule. et si Jasper déployait quotidiennement des forces surhumaines pour s'élever vers les strates olympiennes de la société, il ne se sentait pas pousser des ailes de demi-Dieu, au contraire. chaque jour qui passait était un nouveau combat plein de difficultés auxquelles il tentait tant bien que mal de ne pas céder. lorsque les forces s'épuisaient, il n'y avait plus que sa volonté de fer pour maintenir le cap. et celle-ci se voyait sérieusement ébréché par les attaques lancinantes de celle qui partageait son espace vital à temps plein, son lit le temps de quelques nuits jamais préméditées, souvent écourtées.
et visiblement, ce n'est pas ce soir que Reed se décidera à être toute sucre et miel pour les regards extérieurs. non, au contraire, elle est décidée à se donner en spectacle et à l'entraîner dans sa chute avec elle. la gifle qui fend l'air vient s'écraser sur sa joue et la colore d'une teinte écarlate. la douleur agit comme un électrochoc, et Jasper s'immobilise soudain bien trop conscient de la scène qui se déroule devant lui. il encaisse l'attaque Jasper, accuse le coup pour ne pas empirer la situation qui lui glisse déjà beaucoup trop des mains. autour de Reed et elle, les gens se sont immobilisés et observe la scène du coin de l’œil, une main devant le visage pour mieux commérer avec leur voisin. l'esprit clinique observe les réactions en arrière plan tandis que les sirènes déclenchent leur vacarme assourdissant dans son esprit. l'héritière Lagoon a lâché ce qui ressemble tout bonnement à la bombe A chez les gens de ce monde, une crise conjugale en public. les rumeurs n'allaient pas manquer de fuser, et dès demain, tout le monde sera au courant de l'incident. Jasper serre les dents, serre les poings, serre tout ce qu'il peut pour justement éviter que ses mains ne viennent enserrer la peau laiteuse du cou de Reed. en silence, il la laisse partir sans quitter des yeux. il doit l'avouer, son jeu d'actrice est superbe, un sans faute. il entends les murmures accueillir son départ, et Jasper réalise qu'il a intérêt à se secouer et mettre en place une stratégie de crise s'il veut sauver sa réputation. plus encore, s'il veut sauver l'image de leur couple.
alors Jasper fait ce qu'il fait le mieux, il se drape de cette aisance insidieuse qui le caractérise et prends un air contrit, presque gêné alors qu'il se tourne vers le serveur derrière le bar à qui il lance un murmure qui se veut audible de tous. il vaudrait mieux ne plus la servir, elle a tendance à en abuser ces derniers temps. je suis désolé pour cet épisode. les yeux penauds sont de mise alors qu'il joue l'humilité en traversant la salle les mains dans les poches. il sait bien que la meilleure moyen de concurrencer le comportement erratique de Reed, c'est de lui opposer un calme sans faille. les murmures vont bon train alors qu'il s'éloigne. lorsqu'il lève les yeux, il lit dans les yeux des femmes une attention particulière. le désir qui s'y cachait s'est mué en un attendrissement pour le fiancé abandonné par une compagne à la réputation excessive et qui doit en ramasser les pots cassés. il ne sait pas si son numéro fonctionnera avec tout le monde, mais il aura au moins le mérite d'avoir tout tenté. à l'extérieur, il repère rapidement Reed et l'homme qui l'escorte avec un peu trop d'assiduité. le calme disparaît et la foudre revient, accompagnée de ses meilleures amies jalousie et colère. arrivé à leur hauteur, Jasper laisse le masque se fendre lorsqu'il s'adresse à l'homme qui couve sa fiancée d'un regard bien trop insistant et affamé à son goût. venir en aide à une demoiselle en détresse ne vous dispense pas de vos manières, monsieur. le regard est noir, le ton gronde. Jasper tente de se contenir, ses phalanges blanchies sous la pression qu'il exerce dessus. elles risqueraient d'ailleurs de s'abattre sur l'indésirable s'il ne passe pas son chemin. mais celui-ci comprends le message et avec un dernier regard vers Reed il s'en retourne vers les festivités. sans un mot, Jasper se défait de sa veste qu'il pose sur les épaules de la jeune femme. j'espère que t'as bien profité de ton moment mon ange. la tension est palpable et il ne fait rien pour la dissiper, son regard plein d'une rage qu'il ne dissimule pas. parce que si tu oses refaire ça Reed, je te jure que même ton papa ne pourra rien faire pour toi. ses prunelles noires la détaillent sans ciller, les muscles tendus au possible alors qu'il tient son menton entre ses doigts. tu me donnes des envies de meurtre. un battement de cil, et voilà sa colère devenir fébrilité. c'est le problème de la rage animale, elle transforme toutes les pulsions les plus féroces, et nimbe les limites de la haine et de la passion de brumes opaques.

reed, douce manipulatrice, douce marionnettiste. elle ne supporte pas de voir jasper entouré de gamines superficielles issues d’un monde de dorures, sans jamais le moindre problème. y’a ses phalanges qui ont blanchi à force d’être serrées les unes contre les autres, mâchoires crispées, mirettes dirigées vers son fiancé. la vérité, c’est sans nul doute que reed tient bien plus qu’elle ne le voudrait à cet être si irritant, si agaçant. si la gamine lagoon n’a jamais porté de véritablement jugements sociaux sur les autres, reed prend un malin plaisir à se détester d’être attachée à ce prolétaire issu de rien, issu des ruines fumantes d’une famille de vaux-rien. qu’est-ce qu’il a de plus ? ou en tout cas, qu’est-ce qu’il n’a pas qui le rend si intéressant ? le luxe ?
reed, elle a toujours haït au plus haut point ce monde de dorures et de paillettes, de facilité exacerbée. reed, elle a toujours voulu tout tenter, tout essayer, tout goûter. et reed, force est de constater qu’elle a commencé à préférer les bas-fonds d’une société agonisante plutôt que ses hauteurs dans lesquelles elle est née. après tout, on veut toujours ce que l’on ne peut obtenir… et reed, combien même elle est fascinée par ces ruelles dégueulasses et viciées, elle n’est néanmoins pas concernée. elle pourra y passer autant de temps qu’elle le souhaitera, elle restera l’héritière lagoon, gamine ayant toujours vécu dans le luxe tout en baragouinant qu’elle n’aime pas ça.
alors ça doit être pour ça que jasper la fascine tant. lou s’improvise sociologue, analysant les comportements d’un garçon issu de la classe moyenne pour en comprendre les différentes facettes. jasper n’a qu’un intérêt scientifique à ses yeux… juste ça, et surtout pas une certaine sympathie, un certain attrait doté d’ambiguïté. toujours est-il que la jalousie consume le sang battant follement dans ses veines, et que c’est pour cette raison qu’elle commence à faire une scène. elle préfère tout – même jouer les naïves, les femmes battues, les femmes faibles – plutôt que de se disputer en public et de risquer de ternir son image, tant chérie par sa marâtre.
elle accède avec soulagement et un rictus satisfait aux douceurs d’une nuit fraîche, la main reposant sur le bras tendu d’un dandy intéressé par les courbes à peine cachées de la brune enfiévrée de dégoût pour cet être à qui elle est liée. elle s’imagine tranquille quelques instants en venant admirer les feuillages impromptus du jardin, mais c’est bien loin de ce qu’elle imaginait : jasper ne tarde pas à arriver. « venir en aide à une demoiselle en détresse ne vous dispense pas de vos manières, monsieur. » lou adresse un regard consterné en direction de son fiancé, pour mieux jouer de ses faiblesses devant l’homme qui l’a sauvée. pourtant, reed ne fera rien pour l’empêcher de s’en aller : elle ne demande qu’une confrontation privée. quand l’homme adresse un regard à reed, cette dernière affiche un sourire léger, comme pour lui signifier qu’il peut s’en aller. « ça ira », murmurent ses opales céruléennes et un tantinet amusées. j'espère que t'as bien profité de ton moment mon ange. parce que si tu oses refaire ça Reed, je te jure que même ton papa ne pourra rien faire pour toi. » et reed, elle fond devant son regard courroucé, sans doute plus masochiste qu’elle ne l’avait imaginé. s’il tient son menton entre ses doigts, la brune s’amuse néanmoins à passer une main contre la barbe naissante recouvrant ses joues, griffant son épiderme sensible. « tu me donnes des envies de meurtre. » elle pouffe légèrement avant de rétorquer. « ainsi, nous sommes deux. » puis elle lève les yeux au ciel pour ajouter. « tu es incroyablement sexy quand tu me menaces comme ça, tu sais. » elle roucoule, approchant sa bouche de son oreille pour la taquiner du bout de sa langue. « tu me donnes beaucoup d’envies différentes… » elle susurre avant de se libérer de son étreinte légère pour s’éloigner. « je n’ai jamais eu besoin de mon père pour me protéger, et tu devrais le savoir. » elle lâche sèchement, prunelles auparavant si embrasées devenues glaciales. reed, elle n’a peur de personne et elle a toujours été capable de se défendre. l’idée de refaire le portrait de jasper ne la dérange presque pas : ça ne serait qu’une manière de le marquer comme sien. « et qu’est-ce que tu me ferais, mon cœur ? » elle demande sur le ton de la provocation, s’approchant de nouveau pour déposer un baiser violent et passionné sur ses lèvres, s’emparant de lui comme d’un objet. reed, elle veut qu’il lui appartienne. reed, elle veut l’agacer si fort qu’il ne pourra penser à rien d’autre qu’à elle. reed, c’est un paradoxe ambulant, haine farouche autant qu’amour primal pour cet être si éloigné de sa réalité.