C'était un temps pour peindre. Il faisait bon, le soleil était au rendez-vous et pas un nuage à l'horizon. Étonnant en cette saison hivernale et pourtant, le printemps allait bien montrer le bout de son nez. Parmi les quatre, le printemps était la saison préférée de Lily. Elle représentait le renouveau, une nature qui se réveillait après des mois d'hibernation et la naissance de nouvelles couleurs lumineuses. Naturellement souriante, les journées ensoleillées avaient le don d'optimiser sa bonne humeur et lorsque le morale était au plus bas, les rayons de soleil lui mettaient du baume au cœur. En tout cas, après avoir profité de son lit pendant de longues heures, Lily se leva le sourire aux lèvres, malgré l'humeur morose de la vieille. Il devait être 10h passé, alors elle n'engloutit qu'une tartine et un thé en guise de petit-déjeuner, avant de se préparer à sortir.

Prête en étant simplement habillée d'un jean, d'un haut blanc et d'une veste rose poudrée, Lily veilla à prendre tout l'équipement nécessaire pour exécuter de nouvelles peintures. Un oubli pouvait si vite arriver avec elle. Le chevalet sous le bras et son sac accroché à l'épaule, elle descendit les escaliers d'une traite. Avant d'évidemment se rendre compte qu'elle n'avait pas fermé à clé la porte de son appartement. Soupirant d'exaspération, elle escalada à nouveau les quatre étages, prenant soin de vérifier qu'elle avait cette fois-ci tout ce qu'il lui fallait et qu'elle n'avait rien oublié, fermant pour de bon la porte derrière elle. Lily, une fois hors de l'immeuble, se dirigea vers le parc de son quartier, tandis qu'elle contemplait les mœurs d'un samedi matin à Savannah. Elle salua de la main le marchant de légume du coin et sourit au marchant de glace durant son passage.

Lorsque ses pieds la guidèrent finalement à sa destination, elle s'installa non loin de la fontaine qui était l'un de ses endroits favoris. Mais avant d'attaquer directement sa toile, elle prit tout de même ses aises sur le banc sur lequel elle s'était postée. Observant les alentours, elle avait toujours aimé cette place bucolique, qui émanait une âme animée et où la nature était florissante. Lily s'inspirait des différentes scènes que ce lieu lui offrait. Comme les enfants qui courraient autour des jeux, les personnes âgés qui nourrissaient les pigeons ou encore les couples qui roucoulaient sur les bancs. A cette pensée, une étrange et bien familière mélancolie, envahit son être. Forsyth Park était également un recueil de nombreux souvenirs pour elle. C'était exactement là où elle était assise, qu'elle avait aperçu pour la première fois Aiden. Il était exactement...

Soudain, ses yeux s'écarquillèrent, son souffle resta entravée dans sa gorge. Pourtant, son coeur galopait dans sa poitrine à tout rompre et son sang ne fit qu'un tour. Là, non loin de la fontaine se tenait... Aiden. Enfin, elle pensait le voir. Son regard se plantait sans faillir à cet homme qui avait des traits similaires à celui qu'elle aimait, celui qu'elle avait perdu. Mais son esprit devait lui jouer des tours. Avait-elle perdu la tête, au point de tellement vouloir le revoir un jour, qu'elle se créait ses propres illusions ? Et plus elle le fixait et plus la réalité semblait inévitable. Alors, prenant son courage à deux mains, Lily se leva. Tout son corps tremblait d'appréhension, de choc, de peur et d'anticipation. Elle mit toute sa volonté pour déclouer ses pieds qui paraissaient fermement encrés au sol. Abandonnant son matériel de peinture derrière elle, son âme était uniquement focalisée sur ce nouvel arrivant.

Et lorsqu'elle fut à, à peine, quelques mètres de lui, le doute s'agrippa à la jeune femme. Peut-être qu'il s'agissait réellement une mascarade montée par sa raison trop chagrinée. Peut-être qu'encore une fois, elle espérait un peu trop. Peut-être qu'elle sera une nouvelle fois déçue. « Aiden...? » Trop tard, son coeur étouffé venait de parler à sa place. Et cela ressemblait une pâle tentative dite à voix basse. Elle recommença, cette fois-ci, plus fort, les poumons gonflés. « Aiden ! C'est toi ? » Et ce qu'elle vit eu l'effet d'une bombe. C'était lui, Aiden Stewart. Les cheveux plus longs, une barbe qu'elle n'avait jamais vue auparavant et habillé d'une manière différente. Néanmoins, son rythme cardiaque accéléra la cadence, jusqu'à entendre le sang cogner contre ses tympans. Lily ne fut plus maître de ses mouvements, lorsqu'elle se jeta contre lui. Probablement qu'elle passait pour une femme désespérée ou même folle. Mais désormais, ce qui comptait c'était qu'Aiden était en chair et en os et qu'elle le tenait dans ses bras.