Je regarde le gâteau d'un air dubitatif, avant de le mettre au frigo. J'aurais dû en acheter un, un vrai, dans une pâtisserie. Sauf qu'elle l'aurait vu, parce qu'y a pas 50 endroits où le planquer, donc je pouvais pas. Bon, le mien est pas si moche et le glaçage, même s'il est pas parfait, est pas si mal non plus. Oui, dans l'absolu, je suis plutôt satisfait de moi, surtout qu'il est bon. Oui, il y avait un morceau cassé, que j'ai goûté donc, et j'ai fait un peu de cache-misère. Et ça a plutôt bien marché vu qu'il a l'air nickel. Pas assez bien pour elle et pour l'occasion, mais j'espère que ça suffira. C'est du chocolat, plein de chocolat, avec un glaçage chocolat noir et blanc, donc ça devrait lui plaire.
Et vu qu'elle est déjà hésitante pour Noël, comme si elle s'attendait à ce que je change d'avis et que j'annule tout, ça lui fera une belle surprise. J'espère. Que ce soit pas le genre de truc qui la fasse paniquer et se cacher sous un fort de coussins, parce qu'avec elle, on ne sait jamais. Elle va rougir et balbutier, ça je m'y attends, mais le reste, je n'en sais rien. Mais quel que soit le résultat, il fallait bien le fêter. Qu'elle le veuille ou non au final. C'est super important un anniversaire, surtout quand on en a été privé depuis si longtemps, surtout pour elle. Elle a 17 ans, c'est pas rien. Et puis, c'est Quinn.

Je soupire et me passe les mains dans les cheveux en regardant autour de moi. J'esquisse un sourire en voyant l'amoncellement de décorations de Noël. Si je vois dans son regard qu'elle craint encore un revirement, on peut pas dire qu'elle ait beaucoup hésité quand on a fait les magasins. Heureusement que j'avais mis pas mal d'argent de côté pour l'occasion... Le sapin est surchargé, et pourtant, il est quand même grand, surtout au vu de la taille de l'appart. Et les bonhommes de neige et autres chalet en neige sur les fenêtres. Et des guirlandes en pop-corn et en papier canson sur les murs. On a de la chance que la demi-portion soit sage et n'ait pas essayé de tout bouffer. Et je parle de la demi-portion poilue, pas celle qui chante faux. Elle, elle a bien mangé la moitié des pop-corn avant d'en faire des guirlandes. Le résultat fait un peu maison de lutins, avalanche de vert, rouge, doré, blanc et argent, mais elle a eu l'air d'aimer autant le faire que d'admirer le résultat et c'est tout ce qui compte non ?

Je jette un coup d'oeil à l'horloge. Bon. Elle s'est perdue. Sinon elle serait déjà revenue. « Hey microbe, tu retrouves ton chemin ? T'as besoin que je vienne à la rescousse ou ton partenaire t'aide à retrouver la maison ? » Non, je commence pas à m'inquiéter, du tout. Je repose le portable, pianotant un instant sur la table. Oui, bon, d'accord, j'avais un peu compté sur le fait qu'elle se perde, histoire d'avoir le temps de lui faire un gâteau et le reste, mais je voulais pas non plus qu'elle se perde vraiment quoi... juste un peu pour le gâteau et pour fignoler l'appart. Elle a fait des cupcakes et on a déjà fait des sablés de Noël, mais le minimum c'était un gâteau d'anniversaire non ? Avec un joyeux anniversaire Quinnie écrit dessus à la main sisi, avec dix-sept bougies magiques. Oui, dix-sept trucs insupportables qui se rallument tout le temps. Je rajoute des décorations, plus anniversaire, ballons et ce genre de trucs. Okay nickel. Tout est parfait. Même si on est que deux. Toute façon, on a pas besoin d'être plus, pas vrai ? Non, elle sera contente... ouais, évidemment.

Ah merde ! Je vais farfouiller dans mon armoire et j'en sors ses cadeaux, posant le plus gros sur la table et triturant le petit nerveusement, comme un con. Ouais, à côté de celui de Zak, ils vont paraître un peu ridicules, mais tant que ça lui plait... ça lui plaira, pas vrai ?
Je lève la tête en entendant la porte et un sourire se dessine sur mes lèvres.

« Heureux de te voir revenir à la maison petit poucet. »

Je prends le sac de croquettes dont on a pas vraiment besoin, l'autre étant planqué dans un coin, et je la laisse rentrer en le posant à terre.

« Joyeux anniversaire Quinnie. »

Je lui souris en lui tendant la petite boite, hésitant un peu, attendant de savoir si je me suis foiré ou pas. Même pas du cadeau, juste de le souhaiter déjà.

Je prends une profonde inspiration et je serre le billet de cinq dollars que j'ai dans la main que Luka m'a donné pour payer les croquettes. Ca devrait pas être si difficile que ça non ? Je dis bonjour, je pose le paquet sur le tapis roulant, j'attends que ça fasse bip, qu'on me dise le montant et hop, je tends le billet, je prends ma monnaie et je m'enfuis à la maison. Et Mitaines aura à manger.

Dis comme ça, c'est un truc à la portée du premier venu hein. Alors pourquoi ça fait bien cinq minutes que je me dandine d'un pied sur l'autre, sans oser avancer et fixant la caisse avec un mélange de terreur et de…  je sais pas trop quoi en fait. Pourtant j'ai hâte de rentrer à la maison parce qu'il faut dire ce qui est, on a trop bien tout décoré. Je me suis peut-être un peu enflammée, comme quand il m'a laissée repeindre ma chambre mais il avait l'air content non ? Et puis c'est tellement joli toutes ces couleurs, les guirlandes, les décos accrochées au sapin et tout le reste. Et le sapin il sent super bon, même s'il perd ses épines tout partout. Et c'était drôle de faire les guirlandes de pop-corn même si j'en ai mangé des tonnes à en avoir mal au ventre.

C'est fou ça, depuis qu'il m'a dit qu'on fêterait Noël, j'ai l'impression d'être redevenue une petite fille, qu'on est repartis des années en arrière et que rien de tout ce que j'ai vécu n'est arrivé. Et c'est vraiment chouette. C'est comme s'il arrivait à effacer les trucs mauvais et qu'il les remplaçait par des moments comme hier, quand on a plié les guirlandes en papier et qu'il s'amusait à jeter des boulettes sur Mitaines pour me faire rire. C'est comme pour le reste, je sais même pas comment il fait pour arriver à me donner l'impression que je vais y arriver et que je pourrais vaincre tout ce qui m'effraie tous les jours.

Bon et ça, ça fait partie des trucs que je dois réussir à faire. Il avait l'air tellement sûr de lui quand il m'a dit d'aller à la superette du coin chercher les croquettes que je peux pas le décevoir. Je prends une profonde inspiration et je m'avance, profitant du fait qu'il n'y a personne à la caisse. Les yeux baissés, je baragouine un vague bonjour, serrant mon billet de toutes mes forces et me mordillant la lèvre inférieure tellement fort que ça commence à me faire mal. J'attrape le paquet et je suis sur le point de m'enfuir quand j'entends la dame lâcher, d'un ton joyeux.

"Et ta monnaie mon petit ?!"

Ah zut, la monnaie. Je deviens encore plus rouge et j'ai un sourire désolé alors que j'attrape les pièces sans être capable de dire quoi que ce soit. Elle souffle alors, d'un ton super doux.

"Et Joyeux Noël petit chou !"

Je me retiens de couiner et je manque de lâcher mes pièces, les joues écarlates, serrant mon paquet contre moi. Je regarde tellement pas où je vais que je finis bien évidemment par me perdre et par tourner une rue trop tard. Je m'en rends compte uniquement quand je reçois un sms de Luka et je grimace avant de faire demi-tour. Je suis pas vraiment perdue hein, je commence à connaitre un peu le quartier grâce à Jael. Mais c'est quand même pas super simple de m'orienter. Surtout quand on a peur de son ombre, moi je vous le dis.

Je finis quand même par arriver et je fronce les sourcils quand il me débarrasse direct du paquet et que je remarque la déco. Y a des trucs de changé non ? Genre, les ballons, ils étaient pas là tout à l'heure. Et la banderole non plus. Y a quoi de marqué dessus ? Non je dois mal lire, ça peut pas être ça. Je me fige totalement quand je l'entends me souhaiter un bon anniversaire et il me faut bien quelques secondes pour baisser les yeux et voir qu'il me tend un paquet.

"Je…"

Et je cille, incapable de dire quoi que ce soit, incapable de refouler la foule d'émotions qui sont en train de se bousculer dans ma tête. Mon anniversaire. Je pensais qu'il avait oublié. Que le monde entier avait oublié en fait. Et c'était pas si grave en fait. On allait déjà fêter Noël et c'était déjà magique. Même si ouais, j'avais peur qu'il change d'avis, qu'il se dise que c'était trop de boulot, trop de frais pour pas grand-chose au final. Mais mon anniversaire, j'y pensais plus depuis des semaines, voire des mois. Le seul truc qui était important, c'est que ça voulait dire qu'il me restait plus qu'un an avant d'être majeure, 365 jours avant qu'il n'y ait plus de risques qu'il vienne et qu'il m'enlève à lui. Le reste, on s'en fiche. Mais là, c'est juste tellement plus que ce que j'aurais pu espérer. Et je sais pas quoi lui répondre. Et je sens les larmes qui commencent à monter, celles que je retiens depuis plus de deux ans.

Je lâche alors, le plus stupidement du monde.

"Mais j'ai pas de cadeau d'anniversaire pour toi moi… je suis trop nulle."

Et je me mets à pleurer, serrant mes bras autour de moi, incapable de lui dire merci et de lui dire à quel point ce qu'il vient de faire est important pour moi.

Je me suis listé ce qu’il y avait à faire, à acheter ou à préparer. Si je te jure, j’ai fait une liste comme les mamies et j’ai barré au fur et à mesure. Donc logiquement j’ai rien oublié. J’essaye de me dire que ce serait pas si grave, que le principal, c’est de lui fêter son anniversaire et que si c’est pas parfait, elle le verra même pas. Sauf que non. Sauf que moi, je saurais. Et qu’il faut que ce soit parfait. Enfin, autant que je peux. Parce que si elle n’a pas fêté Noël depuis des années, son anniversaire non plus. Et ça se fait pas. Je vais prendre des cours de yoga ou de méditation un jour, pour ne plus avoir envie d’aller le trouver juste pour lui péter la gueule. Parce que là, la boxe, ça marche plus des masses. J’en apprends trop, tout le temps, et pourtant, à chaque fois, j’ai déjà l’impression d’avoir touché le fond de la connerie humaine. Mais non. Il est surprenant en fait, d’être parvenu à toujours trouver de nouveaux trucs pour la blesser et lui faire mal, quelle que soit la façon de le faire. Enfin bref ! On va pas pourrir cette journée en pensant à lui… Pas comme si je devais me rappeler tous les jours qu’elle a besoin de moi, que je dois pas faire de conneries, qu’il en vaut pas la peine, que je suis vachement mieux ici avec elle et qu’on s’en fout royalement de ce pauvre con. Tout ce qui compte c’est elle donc et son anniversaire. Et Noël. Les deux en fait.

Tout ça pour dire à la base que j’ai prévu les ballons et quelques autres décos. C’était déjà horriblement trop décoré au vu de tout ce qu’on a fait, donc j’ai pas eu à rajouter grand-chose non plus à ce niveau. Non, c’est pas horrible, horrible, c’est juste… un peu comme sa chambre. Un trop plein. Mais je suppose qu’il faut bien compenser les années où elle n’a rien eu. Et au moins, on reste dans les mêmes tons de couleurs ici, on a pas l’impression qu’une licorne a vomi partout comme dans sa chambre.
Et j’ai prévu aussi le gâteau. Le reste on avait déjà plus ou moins, vu que c’est Noël, pour le coup, on a quand même la masse de bouffe qu’elle aime. Et à picoler aussi, ça peut être pas mal. Même à deux ouais. Et on sait jamais que Zak débarque plus tôt que prévu.
Et son cadeau. Forcément, la base quoi. Faut juste que ça lui plaise. Je sais qu’elle le trouve beau, elle s’était extasiée, si l’on peut dire en parlant d’elle, devant en s’arrêtant devant la vitrine du bijoutier. Mais la connaissant, elle va me dire que c’est trop. Ou que ça lui ira pas. Ou une autre débilité du même genre. Et je vais finir en devant la convaincre de le garder. Toute façon, elle peut pas refuser, c’est un cadeau. Et je peux pas le rendre, j’ai perdu la facture, là voilà. Ouais, on dira ça.

Enfin, pour le moment, on va déjà gérer la situation immédiate. Et pour le coup, c’est, encore, une nouvelle situation. Premier Noël. Premier anniversaire. Premier cadeau. Ça fait beaucoup non ? Ouais, mais c’est comme ça, pas le choix, faudra s’y faire. Ça va, ce sera qu’une fois par an, elle aura le temps de s’en remettre !

Bon. j’ai peut-être été trop vite. Ou trop optimiste… Non, quand même, c’est… Okay si. Je reste avec le paquet tendu vers elle, mon sourire disparaissant petit à petit quand je vois sa tête. Non pas que je sois plus content ou quoi, mais c’est juste qu’elle… Figée, affolée, un peu paumée. Et ça a beau être pour une bonne cause, pour elle, pour un truc chouette, j’aime pas la voir comme ça. Mais là, contrairement aux fois où je l’aurais prise dans mes bras et couverte de chocolat et de plaids, je lui laisse du temps. Déjà parce que rien qu’être sortie dehors, seule, pour acheter des croquettes, ça a dû être compliqué pour elle. Et je sais qu’elle ne l’a fait uniquement pour ne pas que sa boule de poils ne meure de faim. Et puis parce que c’est une sensation positive qu’elle devrait avoir non ? Même si elle bloque, c’est parce que c’est cool… non ?

Je la fixe quand je la vois les larmes aux yeux. A ce point ? Elle a jamais pleuré. Pas une fois en six mois. Même quand elle paraissait à bout. Comme si elle avait dépassé ce stade, ce qui était peut-être le cas, ce qui m’a toujours fait chier.
Mais pour l’instant, c’est plus fort que moi, je souffle un rire en l’entendant. Oh seigneur… Je secoue doucement la tête en la regardant, un léger sourire amusé aux lèvres. Elle est trop. C’est totalement con comme réflexion, mais c’est trop chou pour le coup. Même si ça m’énerve aussi qu’elle ne sache pas comment réagir pour un simple souhait et un petit cadeau. Mais… je sais à quel point ça doit être compliqué et embrouillé dans sa tête. Et qu’elle songe à offrir un truc en retour… oui, je l’ai déjà dit, je suis définitivement foutu. Mais je trouve ça trop mignon quand même je m’en cogne.

Je pose le paquet sur la table dans l’entrée, avant de passer lentement mes bras autour d’elle quand elle commence à pleurer et à se recroqueviller sur elle. Je passe mes mains avec douceur dans son dos, essayant de l’apaiser, posant mes lèvres sur son front en silence. Je reste comme ça un moment, sans cesser mes mouvement dans son dos, le temps qu’elle se calme un peu.
Et je retrouve un mince sourire, sans m’éloigner d’elle.

« C’est vrai que ça va être un peu tendu pour le mien… »

Je recule un peu, juste assez pour la regarder.

« … Mais ça devrait aller, t’as encore plus de trois mois pour m’en trouver un génial. »

Je remonte une main, laissant l’autre dans son dos, et non, c’est pas parce que j’aime l’avoir dans mes bras, et je relève délicatement son visage.
Je la dévisage, souriant toujours avec douceur, effleurant sa joue du pouce pour y essuyer une larme.

« Si tu pleures trop, ça va inonder le salon, et Mitaines, et le sapin… Ce serait terrible. Mais… si je dis que je suis content de t’avoir fait pleurer, ça fait un peu sadique hein ?... »

J’essuie ses larmes.

« On va juste dire que j’aime bien que tu sois heureuse. »

Je pose mes mains sur ses joues et l’embrasse sur le front. Je m’éloigne à nouveau, un peu, avant de faire une connerie cette fois.

« Tu pensais vraiment que je pouvais oublier ?
"Mon anniversaire, c’est en même temps que Noël. Même que du coup, il faut au moins deux cadeaux. Mon nours a besoin d’un un nouvel œil-bouton et j’aimerais bien une corde à sauter et des barrettes en forme d’étoiles aussi ! ". J’ai dit que ça faisait trois cadeaux, et tu m’as regardé en haussant les épaules "J’ai dit au moins deux, mais ça peut être plus" accompagné d’un sourire sans dent… »

Je souris et j’attrape le paquet.

« J’en ai qu’un cette année… Mais j’espère qu’il te plaira.
Joyeux anniversaire Quinn. »

Je me rappelle, quand j’étais petite, la première fois que mon père m’a laissée prendre une photo toute seule. C’était le gros arbre derrière la maison. Quelques semaines avant qu’il soit hospitalisé pour la première fois. Et deux ans avant que l’autre abatte cet arbre juste parce que mon père l’adorait. On avait passé l’après-midi dehors et j’avais le bout du nez tout gelé, ça le faisait rire et il essayait de me faire croire qu’il allait tomber à force. Et puis, il m’a laissé prendre l’appareil entre mes mains pour faire ce que je voulais. Je crois que j’ai ri aux éclats. J’étais juste ravie qu’il me laisse faire, même si maman fronçait les sourcils en disant que j’étais trop petite. J’ai emporté la photo avec moi quand Luka est venue me chercher. Elle est floue, mal cadrée et je pense qu’on peut difficilement faire pire comme choix de sujet mais c’est pas grave. Elle représente un truc que j’avais pas ressenti depuis super longtemps. Que j’avais même oublié en fait.

Je crois qu’on appelle ça le bonheur.

Et c’est ce que je ressens là, de suite. Avec une vague de panique. On va dire qu’il y a 50% de bonheur, 50% de peur que tout s’envole en fumée. Ou peut-être même plus, j’en sais rien du tout. Sans compter que je sais pas comment réagir en fait. Ni ce que je dois dire. Le pire c’est que c’est tellement fugace, tellement improbable d’être juste heureuse comme ça que ça me fait pleurer et donc dire n’importe quoi. Exactement ce que je voulais pas. Logique implacable.
Pourtant, Luka arrive à me faire rire, à me faire passer des bons moments, à me donner l’impression que tout va bien. Mais là, je sais pas, c’est juste tellement plus fort que d’habitude que c’est trop d’un coup pour la tête de linotte que je suis.

Heureusement, Luka fait le seul truc à faire dans un moment pareil. Il me prend dans ses bras sans rien dire. J’ai presque l’impression qu’il me berce et j’arrête de trembler presque totalement, même si j’ai vraiment du mal à reprendre mon souffle et à arrêter de pleurer aussi. Et quand il reprend la parole, je lâche, dans un mélange de larmes et de rire.

"Dé…désolée… C’était idiot de répondre ça hein."

J’essaie vaguement de sourire quand il relève mon visage mais c’est super dur. Comme je me rends compte à quel point c’est plus compliqué de dire merci que de dire désolée. Je sais pas faire, je suis pas habituée.

"Ouais c’est pas… tout de suite. Ok. Je… trois mois. Et je dois pas te faire un cadeau d’anniversaire parce que c’est le mien. D’accord."

C’est stupide de dire ça à haute voix, je sais bien, mais des fois j’ai besoin d’énoncer certaines évidences, pour les rendre tangibles. Tout comme chaque soir, je me répète qu’il est pas là et qu’il me fera pas de mal, que Luka l’en empêchera. Ca me permet de faire moins de cauchemars qu’au début, même si je sais que c’est pas gagné. J’arrive à le fixer, mon regard accrochant le sien alors que je souffle, dans un murmure.

"Je m’étais juré de plus jamais pleurer quand t’es parti pourtant. Plus jamais. Parce que ça sert à rien. Et je tenais bon jusque-là… mais j’veux pas inonder le sapin ou noyer Mitaines."

J’inspire doucement, m’accrochant toujours à lui avant de reprendre, toujours sur le même ton.

"Pourquoi t’es content que je pleure ?"

Et je cille quand il essuie encore mes larmes. Ca commence enfin à se calmer un peu mais il en faudrait pas beaucoup pour rouvrir les vannes. Et il faut pas. C’est pas bien de pleurer quand il se passe des bonnes choses en plus. C’est trop nul. Je veux pas qu’il croit que je suis pas contente alors que c’est tout le contraire. Je ferme les yeux quand il m’embrasse sur le front et je pose mes deux mains sur les siennes quelques secondes avant de murmurer, d’un ton encore plus bas.

"Je le suis… sauf que c’est difficile à gérer."

Plus que je l’aurais cru. Je peux quand même pas m’empêcher de froncer les sourcils quand il reprend, avant de lâcher un autre rire, toujours un peu entrecoupé de sanglots. Pas facile hein.

"Je pensais pas que tu te souviendrais de ça. Tu sais que monsieur nours a toujours le même bouton de cet anniversaire ? Je voulais surtout pas le perdre vu que je sais pas comment t’as réussi à en trouver un aussi classe. Et t’avais réussi à trouver tout le reste aussi."

Je sais pas comment mais j’arrive à sourire ce coup-ci et pour de bon. Comme il fait pour se rappeler de trucs comme ça ? Je sais que moi, je me souviens de tout, d’absolument tout le concernant mais quand même, c’est pas pareil. Je veux dire, je suis amoureuse de lui, c’est normal de tout retenir. Là il est pas obligé. Ca lui sert même à rien.

"Heureusement que j’ai retrouvé mes dents hein. Même si ces barrettes me manquent. Je suis sure qu’elles m’iraient super bien."

Oui, je sais, j’essaie de gagner du temps. Parce que j’ai pas la moindre idée de ce qu’il y a dans ce paquet et, d’une certaine façon, ça me fait un peu peur. Je finis quand même par l’ouvrir avec précaution, comme si j’avais peur qu’il se casse, qu’il s’envole, qu’il disparaisse ou je sais pas quoi du même genre. Je fronce les sourcils en me demandant vraiment ce que ça peut être et, quand je comprends, je me fige totalement. Il me faut bien une ou deux minutes à le regarder sans oser bouger d’un cil avant que je l’effleure du bout des doigts et que je lâche, incrédule.

"Il est magnifique Luka. C’est trop. Beaucoup trop pour moi. Surtout que je suis pas aussi jolie qu’Arwen."

Faut pas que je me remette à pleurer, ça le ferait carrément pas. Alors je me précipite dans ses bras et je me cache quelques secondes dans le creux de son cou, juste histoire de reprendre un peu une contenance. Ca va bien se passer. Enfin jusqu’à ce que je me rappelle qu’on va aussi fêter Noël et que je lui ai préparé un cadeau. Et que je vais m’angoisser jusqu’à ce qu’il l’ouvre en espérant que ça lui plaise. Ah, zut, trop tard.

J'aimerais bien la voir comme ça plus souvent. Vu qu'elle pleure, ce genre de phrases, ça peut prêter à confusion effectivement. Mais d'un autre côté, elle réagit. La plupart du temps, elle semble presque indifférente, jusque-là en fait, et je me suis demandé si elle saurait réagir et dépasser tout ça. Je sais bien que ça va prendre du temps, qu'elle a déjà fait d'énormes progrès, même si elle ne s'en rend pas compte. Elle sourit et parvient à se comporter parfois comme si tout allait bien, c'est déjà plus que ce que j'espérais il y a quelques semaines. Mais je sais pas, ça m'a toujours gêné qu'elle ne m'engueule pas, ne pleure pas, ne pique pas une crise. Elle garde trop de trucs pour elle, et je sais que c'est là, juste sous la surface, et que ça ne demande qu'à sortir. Comme là donc. Et là, c'est une bonne chose, c'est parce qu'elle est heureuse non ? Ou que ça lui fait plaisir à minima. Et donc oui, je trouve ça cool que ça lui permette de lâcher un peu de lest. Sans parler que ouais, je suis content que ça lui fasse plaisir donc.

Tout ça pour dire que j'essaie de la calmer et de la rassurer, même si elle me fait rire malgré elle, comme souvent à vrai dire quand elle a des réactions du genre, un peu décalées et saugrenues. Je suis pas sûr qu'elle le voit de la même manière que moi, mais je trouve ça à la fois rigolo et adorable. Et j'ai déjà dit que j'étais pas net quand il s'agissait d'elle.
Elle finit par se calmer, un peu, et souffle un rire au milieu de ses larmes. J'esquisse un sourire, sans doute plus convaincant que le sien, mais elle essaie. Et je hoche la tête quand elle reprend, répétant mes mots et enregistrant à sa façon le message énoncé.

« Voilà. A moins que ce soit un message pour que je t'en fasse un le jour de mon anniversaire ? » Mon pouce effleure sa joue.  « Tout va bien. Je t'offre un cadeau parce que c'est ton anniversaire à toi et que j'en ai envie. D'accord ? »

Je la fixe, autant pour l'aider à s'ancrer ici avec moi, qu'elle se perde pas dans des pensées à la con, que pour m'assurer qu'elle va bien et que je lui en demande pas trop. Je déglutis et ma main se crispe un peu dans son dos en l'entendant, avant de retrouver un sourire un peu triste, ma main toujours poser sur sa joue.

« Ça fait du bien de pleurer parfois. Et... ça sert pas à rien. Je... Je suis là maintenant. Et pleurer parce que tu es heureuse, c'est plutôt bien je trouve en plus... Parce que c'est pour ça hein ?...
Tu peux pleurer quand tu en as envie Quinn, même si c'est parfois parce que c'est trop, ou parce que tu es triste, ou en colère. Quelle que soit la raison. Et je te laisserais plus, alors... Si tu as besoin, je suis là pour t'aider et te soutenir quand tu en as besoin, quand tu le désires... et t'empêcher de noyer Mitaines. »

Je suis pas sûre qu'elle l'accepte, ou le comprenne vraiment. Elle ne sait pas, plus ce que ça fait d'avoir sur qui compter, quelqu'un avec qui tu peux te comporter normalement, avec qui tu peux rire, pleurer, hurler, te plaindre... Et si elle s'est réellement convaincue que pleurer ne servait à rien, à cause de moi donc, de combien d'autres trucs elle a pu se convaincre ? Ouais, qu'elle est nulle et inutile et que c'est un boulet, ça il a bien réussi son boulot. Je retiens un soupir, et me contente de m'occuper d'elle. Elle reprend encore plus bas, même si je me suis figé quand elle a placé ses mains sur les miennes. C'est pas normal d'être con au point de trouver ça super cool.

« Tu as le temps pour gérer ça. Tu peux hurler et sauter de joie aussi, ça marche aussi bien, tu sais en faisant un "Iiiiiiiiiiih" ? »

Je lui souris, essayant de pas trop me focaliser sur sa proximité et sur le fait que même si je dis le contraire, une partie de moi n'aime pas la voir pleurer. Je préfère carrément la voir rire quand même. Et mon sourire s'agrandit.

« Bien évidemment que je m'en souviens. Je sais que j'ai une mémoire de poisson rouge, mais les trucs importants, je m'en souviens. Et je l'avais... trouvé sur une veste d'un magasin de surplus de l'armée. Et il est classe oui, c'est cool que monsieur nours l'ait toujours, ça me fait plaisir. Et je trouve toujours ce que je veux... Ou presque. »

Okay, ça va mieux. Son sourire là, c'est un vrai non ? Donc c'est cool, ça va. Et pourquoi c'est si étonnant que je puisse me souvenir de ce genre de choses ? Elle m'avait fait rire, avec son air innocent et son sourire édenté, alors qu'elle me réclamait des cadeaux, donc oui, je m'en souviens de ça. Entre autre.

« C'était mignon quand t'étais petite, mais j'avoue que là, ça ferait bizarre. Et vu que c'esst la deuxième fois que tu m'en parles en deux semaines, oui, je vois ça qu'elles te manquent. Même si je me fais la même réflexion que pour les dents... »

Sérieux, soit je suis doué, soit elle est vraiment facile à cerner. Et non, j'ai même pas jeté de coup d’œil sous le sapin, vers un des petits paquets. Elle va être contente donc. Cool. Encore.
Enfin, pour le moment, je reste les yeux rivés sur elle alors qu'elle ouvre le paquet, comme s'il contenait du cristal. Bon, d'accord, c'est fragile c'est pas forcément une mauvaise idée, d'autant plus avec elle. Quoi ? Je suis objectif, et dans le genre maladroite, elle se pose quand même.
Et je bouge pas davantage qu'elle quand elle regarde le collier. J'esquisse un sourire quand elle l'effleure et qu'elle prend enfin la parole. Voilà, qu'est-ce que j'avais dit ? Mais j'ai pas le temps de répondre que je la reçois contre moi. Okay ça va. Je gère. Je repasse mes bras autour d'elle, la serrant doucement contre moi. Je murmure contre ses cheveux, prenant sur moi pour ne pas faire comme elle en me réfugiant contre son cou. Parce que là, ce serait moyen hein.

« Bien sûr que si tu l'es. Et il t'ira très bien, je te le promets. Tout ce qui m'intéresse moi, c'est de savoir si ça te plait. Et ça a l'air d'être le cas, dooonc... »

Je m'éloigne un peu, mes mains caressant toujours ses cheveux, jusqu'à ce que je cesse doucement en m'en rendant compte. Je lui souris.

« Tu veux l'essayer ? »

Je désigne le collier, l'attrapant entre mes doigts. Et je reprends en haussant une épaule.

« Après, à toi de voir si tu veux continuer d'ouvrir des cadeaux, ou si tu veux manger... et souffler tes bougies. »

Je la regarde, un sourire en coin, le collier se balançant au bout de sa chaine. Ça va. Tout va bien se passer, y a pas de raison.

J’ai du mal à me calmer, à me dire que les choses se passent bien, que là, je devrais sourire et pas pleurer. Mais c’est difficile de gérer autant de sentiments en même temps en fait. Je sais vraiment pas faire. Encore moins quand Luka est le premier concerné. Alors je me répète les choses, comme une gamine stupide et incapable d’assimiler quoi que ce soit. Je fronce les sourcils à ses propos, me faisant trop sérieuse l’espace d’un instant.

"D’accord. Et non, je veux pas de cadeaux quand c’est ton anniversaire à toi. Ce serait pas juste. Et t’avais envie de me faire un cadeau. Okay."

J’inspire doucement et je hoche de nouveau la tête quand il reprend la parole, même si je suis pas vraiment convaincue par ce qu’il dit. Enfin si, je suis heureuse, c’est sûr, mais le reste, c’est pas vraiment ça.

"Je sais que t’es là maintenant. Et que tu fais plein de trucs pour moi. Mais pleurer t’as pas fait revenir quand j’ai demandé. Et puis je peux pas te faire ça, tu me supportes assez comme ça pour pas avoir ça en plus. Et je…"

Je secoue la tête, refusant de dire le reste à haute voix. Que j’ai peur que ça finisse par tellement le saouler qu’il me jette dehors le jour de mes 18 ans. Ou, pire encore, qu’il me renvoie là-bas. Il a promis que je retournerais jamais là-bas mais s’il en peut plus hein ? Ca pourrait se comprendre, je suis un sacré cas quand même. Mais ça, on verra plus tard. Pour le moment, ça a pas l’air de trop lui prendre la tête non ? Il a même l’air content. Alors je me raccroche à ça et à ses mains, comme à une bouée de sauvetage. J’ai un bref sourire, mon regard se perdant dans le vide l’espace d’un instant avant de souffler, un peu plus haut.

"Si je fais des bonds partout, je suis capable de trébucher et de tomber. Ce serait pas de bol."

J’ai l’impression que c’est bon, que les larmes se sont taries pour cette fois. Je me sens un peu moins ridicule et mon sourire se fait moins hésitant quand on parle de mes barrettes et de mon ours en peluche.

"Oh c’est un nours militaire un peu alors. Et donc c’est un truc important pour toi. D’accord. C’est… gentil. Y a des trucs que t’arrives pas à trouver ? Genre pour de vrai ?"

Je le fixe un instant, franchement incrédule, avant de laisser filer un rire quand il reprend et de secouer la tête.

"C’est pas tant qu’elles me manquent c’est juste que… oublie, c’est idiot. Mais ouais, sans dents, je pourrais pas manger tout ce que je veux, ce serait dramatique."

Je finis par me décider à ouvrir le paquet et là… c’est carrément la croix et la bannière pour pas refondre en larmes, moi je vous le dis. Et comme je suis incapable de trouver les mots pour le remercier, je me précipite dans ses bras sans même y réfléchir, sans même me dire que ça pourrait peut-être lui déplaire ou le mettre mal à l’aise. J’ai plus 10 ans quoi. Mais déjà que je pouvais pas m’en passer quand j’étais môme, là autant dire que c’est dix fois pire. Je suis même pas sûre qu’il se rende compte à quel point j’ai besoin de sentir sa présence, d’être dans ses bras, d’être avec lui. Et d’un côté, je me dis que c’est pas plus mal qu’il le sache pas, ça évite qu’il se sente mal à l’aise vu que bon, c’est pas comme si c’était la même chose pour lui. Je veux dire, des filles, il en prend dans ses bras tout le temps, quand il veut, c’est pareil. Enfin non, là il fait juste ça parce que c’est moi qui me jette dans ses bras quoi.

"Il me plait beaucoup oui. J’ai jamais rien eu d’aussi joli. Je vais avoir peur de le casser."

J’essaie sans succès de cacher ma grimace quand il arrête de me caresser les cheveux, me focalisant sur le pendentif qu’il tient entre ses doigts.  Et d’un coup, je me fige alors que je me rends compte qu’il s’est fait tout beau, avec une chemise repassée et tout. Non pas qu’il soit pas beau en temps normal, bien au contraire, mais là, pfiou, c’est encore autre chose. Alors je cille et je fronce le nez avant de souffler, sautillant sur place.

"Oh attends une minute !"

Et je file, le plantant au milieu de la pièce avec le pendentif entre les doigts, me précipitant dans ma chambre pour en sortir une robe qu’Aleks m’a prêtée. Elle était un peu grande donc elle m’a aidée à l’ajuster mais au moins, ça change du gros chandail et du jeans délavé que je porte non ? Je m’emmêle un peu les pinceaux et je me débarrasse de mes baskets avant de ressortir de là en essayant d’aplatir un peu mes cheveux.

"Voilà. Comme ça je peux essayer de faire honneur à ton cadeau. Et à ta tenue. C’est mieux que tout à l’heure non ?"

Oui, dans le genre pas du tout sure de moi, je me pose là. Mais bon, faut pas trop m’en demander quand même. Surtout que je me trouve particulièrement ridicule dans cette tenue, quand bien même elle m’a assuré que ça m’allait super bien. Et je fixe Luka, guettant sa réaction, essayant d’ignorer cette inquiétude qui s’insinue partout où elle peut, comme toujours. Je me rends même pas compte que je me tords les doigts nerveusement et d’un coup, je me trouve tellement ridicule d’espérer que… qu’il me trouve jolie ? Ouais, c’est idiot. Totalement.

Alors je souffle, les joues rouges et piquant un peu du nez alors que je me trouve de plus en plus stupide.

"T’as parlé de gâteau ? J’ai droit à un vrai gâteau d’anniversaire et tout ? Et on va ouvrir les cadeaux de Noël après c’est ça ?"

Oui des trucs pragmatiques et dont la réponse me plaira plus que s’il peut me trouver jolie ou non. Parce que je le sais que je suis pas jolie. Je l’ai entendu assez souvent pour en être convaincue.  C’était vraiment une mauvaise idée de mettre cette robe en fait.

J'avais sans doute eu raison de m'angoisser un peu sur tout ça sur sa réaction surtout. J'étais pas trop loin, je commence à bien la connaître quand même, même quand ses réactions sont disproportionnées et cheloues parfois, comme là. Même son froncement de sourcil me fait sourire. Elle se prend tellement la tête à vouloir faire des efforts. Alors je continue d'approuver d'un signe de tête, avant d'essayer de lui faire comprendre qu'y a pas de mal à pleurer, au contraire même. Mais ça, c'est pas gagné. Je hausse un sourcil en la fixant, même si j'aime pas forcément entendre ce genre de trucs. Ouais, je sais. Combien de fois, elle a dû pleurer en me demandant de revenir hein ? Ouais, à cause de moi, elle s'est convaincue de trucs bien moches... Ma mâchoire se crispe un peu et j'inspire profondément. Non, on ne va pas commencer à culpabiliser encore plus, on a dit joie et bonheur ce soir. Ouais, bon plan.

« Et tu … ? » Je soupire doucement. « Je te supporte pas, t'es pas un boulet... Sans toi, ce serait...  Je suis heureux que tu sois là.
Et tu fais autant de trucs pour moi que le contraire Quinn, c'est juste que tu t'en rends pas compte quand c'est toi qui fait. »

Et elle essaie même de faire encore plus que ce qu'elle croit. Mais elle ne m'écoute jamais quand je lui dis de toute façon. Quoique je lui dise... Il faut lui répéter encore et encore... et même là, faut qu'elle ait une preuve tangible pour s'en rendre compte et l'accepter la plupart du temps. Après, c'est pas comme si j'avais pas le temps de lui faire comprendre. Je souffle un rire en l'entendant, lui pokant le bout du nez.

« Ce serait bête oui. On va donc éviter pour le coup. »

Et tout s'allège subtilement alors qu'elle a l'air d'aller un peu mieux. Je la fixe. C'est quoi ça ? Elle me prend pour superman ou quoi ?

« C'est pas gentil, enfin, je dis pas ça pour l'être, c'est juste... » Je hausse les épaules et lui souris amusé. « Genre pour de vrai... C'est si incroyable que ça ? Faut arrêter de croire que je suis infaillible hein, c'est cool, mais tu risques d'être super déçue un jour.
Et c'est juste que quoi ? Et te connaissant, tu aurais trouvé une solution pour manger tout autant. Mais tu serais beaucoup moins jolie j'avoue. »

Bon, et faut pas déconner, elle finit par ouvrir le cadeau, sinon j'aurais été obligé de lui faire allezallezalleeeeez, et ça aurait été moyen. Bon, et forcément, du coup, je la récupère contre moi. Et non, pour le coup, ça vient pas de moi, ce qui m'empêche pas d'en profiter. Non, je vous vois venir, on parle de Quinn, je suis sage. Mais j'aime bien. Beaucoup. L'avoir que pour moi un peu comme ça. Même si je vais éviter de trop y penser comme d'hab, parce que ça pourrait devenir gênant. Ça, putain, comment ce serait moche. Je sais pas si je crains plus de lui faire peur, de la choquer ou pire... et si je la perdais à cause de ça... de moi ? Je me prends à nouveau la tête hein ?
Je souris, me concentrant sur ce qu'elle dit, et sur le fait que ça lui fasse plaisir.

« Alors c'est le principal. Je suis content qu'il te plaise. »

Et on va éviter de se dire qu'effectivement, elle pourrait peut-être le casser. Mais non, je sais qu'elle en prendra soin. Et je l'ai entre les doigts, à vouloir lui mettre, quand elle grimace avant de se figer. Quoi ? J'ai dit une connerie ? Merde. Pourquoi, elle me regarde comme ça ? J'ai un truc qui cloche ?... Mes yeux s'écarquillent un peu alors qu'elle sautille et se sauve. Il s'est passé quoi là ? Bienbienbien. Je regarde le chat qui vient se frotter contre moi, avant de le prendre d'une main et de le soulever.

« T'as faim hein ? Tu sais ce qui se passe boule de poils ? »

Je vais ressortir son paquet de croquette caché et remplis sa gamelle, avant de le reposer à côté. Ouais, je parle au chat. Mais j'y peux rien, c'est de sa faute à elle. Elle, elle fait les marionnettes avec... et le pire, c'est  qu'il a l'adore, il est toujours dans ses jambes. Il dort avec, il s'installe sur ses genoux sur le canapé, et elle, elle est ravie. Forcément, elle a jamais eu d'animal. Et faut dire que lui, pour un chat, il est super câlin. Sans doute parce qu'elle est tellement contente de l'avoir et de pouvoir s'en occuper qu'il le ressent. Quand je pense que j'ai dû lui trouver un cadeau parce qu'elle a dit que ce serait pas juste qu'il en ait pas...

Je me retourne en entendant la porte de sa chambre se rouvrir, ouvrant la bouche pour poser une question. Et je la vois. Et ma question meurt sur mes lèvres et mon cœur s'arrête quelques secondes. Une robe. Elle a mis une robe. Et elle est magnifique. J'ai un sourire totalement con qui apparaît sur mon visage. Elle a jamais mis de robe. Déjà, la voir en t-shirt sans pull c'est un exploit. Je sais que c'est pour cacher ses cicatrices, je suis pas con, mais c'est pas agréable pour autant. Et là... une robe. Je savais même pas qu'elle en avait une. Et elle est vraiment jolie, la robe. Parce qu'elle, elle est...

Et avant que je ne réagisse, ou parce que j'ai mis trop de temps à réagir, je sais pas trop, elle reprend la parole pour m'interroger sur le gâteau. Je cligne des yeux, me rendant compte que je suis en train de la mater depuis sans doute trop longtemps. Je m'avance vers elle, et relève son visage du bout des doigts.

« Tu es magnifique. Tu es vraiment... La robe te va très bien. T'es superbe Quinn. »

Je l'embrasse sur la joue, parce que j'en ai envie et que voilà. Et je m'éloigne en inspirant et en hochant la tête.

« Un gâteau fait maison, avec amour, mademoiselle ! Et après, les cadeaux de Noël. Ou avant, comme tu préfères. Mais d'abord... »

Je me déplace derrière elle, plaçant le collier autour de son cou. Et oui, vu d'ici son décolleté est encore plus flagrant... Je fronce les sourcils et toussote.

« Tu lèves tes cheveux farfadet ? »

Et je lui accroche, faisant glisser mes doigts sur son cou pour m'assurer que le collier est bien mis. Oui, juste pour ça. Et je retire mes mains, avant de l'embrasser dans le cou. Je retourne devant elle et je lui souris doucement.

« Il est encore plus joli à ton cou tu sais...
Bon. Ton gâteau ? Oui, on a dit... Ferme les yeux ! »

Je sors le gâteau et place les bougies, m'assurant qu'elle ne triche pas, ou pas trop du moins.

« Joyeux anniversaaaaiiiire.... »

Et ouais, pour elle, je chante. Y a bien que pour elle d'ailleurs.

C’est fou comme il peut arriver à me faire me sentir bien, tout simplement. A me faire oublier tout ce qui cloche chez moi et à me faire croire, même l’espace d’une seconde, que je peux tout faire grâce à lui. J’arrive même pas à m’imaginer où j’en serais s’il avait pas été là, s’il était pas venu me chercher. Enfin si, je sais, les cicatrices sur mes poignets donnent une petite idée de ce que j’aurais continué à faire en son absence. Je déglutis, chassant cette pensée de mon esprit alors qu’il continue de sourire, comme si rien de tout ça n’était débile, comme si ma réaction était juste un peu décalée mais rien de grave, comme si ça arrivait à tout le monde tous les jours. Je peux quand même pas m’empêcher de lâcher, dans un murmure, incapable de savoir si je veux le regarder dans les yeux ou pas.

"Et j’ai peur qu’un jour t’en aies marre de tout ça. Que tu veuilles une vie plus normale sans avoir à me gérer. Parce que sans moi, ce serait plus simple, t’aurais moins de prises de tête et tu serais pas obligé d’acheter des tonnes de crackers toutes les semaines. Surtout que je vois ce que je peux faire pour toi en fait, c’est… nan, je vois vraiment pas."

Je hoche la tête au reste de ses propos, fronçant le nez quand il le poke et essayant de me concentrer pour pas faire une crise de nerfs. Ne pas pleurer on a dit. Une fois c’était déjà trop.

"Ca servirait à rien surtout, c’est pas en pleurant que les choses s’arrangent. Et Mitaines aurait une tête de rat mouillé, comme quand je lui ai donné son bain."

Cette image, comme son attitude, arrivent à me faire sourire et à me détendre enfin un petit peu. Ce qui est quand même mieux parce que bon, j’aurais eu l’air fine à pleurer toute la journée de Noël. Et j’aurais un peu bousillé tout ce qu’on organise depuis des semaines. J’inspire profondément avant de plisser les yeux vers lui et de souffler, un rien perplexe.

"C’est juste que… ? Et je sais que t’es pas infaillible. Mais tu répares toujours tout. Ca, tu peux pas le nier quand même, regarde, même avec moi tu t’en sors. Et c’est idiot mais ces barrettes représentent un truc cool, un joli souvenir de quand je t’ai rencontré. Donc voilà. Je t’avais dit que c’était bête."

Je lui tire la langue au reste de ses propos, sans relever que oui, je me serais probablement débrouillée pour manger comme je veux. Quand on a faim, on a faim, et puis c’est tout. J’ai passé trop de temps à devoir regarder les bons plats me passer sous nez au sens premier du terme parce que j’étais pas assez gentille ou sage pour ça.

Et le reste… ce cadeau est juste parfait. Beaucoup trop pour moi d’ailleurs mais je le connais, il voudra jamais le rendre. Ou alors il va froncer les sourcils et tout, ça va nous prendre la tête et… bref… je sais même pas comment le remercier alors je me jette dans ses bras, contente qu’il me repousse pas, ça aurait été un peu gênant quand même hein. Et je profite de sa présence, un peu trop d’ailleurs pour que ce soit parfaitement innocent avant de hocher la tête.

"Oh ça oui, il me plait."

C’est là que d’un coup, bim, je me rappelle que j’avais prévu une tenue pour cette journée, histoire de pas avoir l’air ridicule avec mes gros pulls. J’enfile la robe qui me serre un peu au niveau du bustier mais bon, c’est un détail ça. J’arrive même à mettre des collants sans les filer, ça c’est le miracle de Noël ! Bon, les chaussures, on oublie. Déjà j’en ai pas qui pourraient convenir et si j’en avais, je pense que ça finirait en drame. Bref, je sors de ma chambre, persuadée d’être ridicule, surtout qu’en fait, il dit rien. Il me regarde sans dire un mot. Ca, ça craint vraiment. Je crois que je me suis jamais aussi sentie gênée de ma vie et plus les secondes passent, plus je me dis que j’aurais vraiment, mais alors vraiment jamais dû mettre cette fichue robe.

Alors je parle du gâteau, histoire de dire quelque chose. Mais il répond totalement autre chose. Moi, magnifique ? Il a bu pendant que j’étais en train de me changer ou quoi ? La robe est jolie ouais, mais c’est tout, faut pas exagérer. Et pourtant, je sais pas, sa façon de regarder est différente. Peut-être qu’il me trouve vraiment jolie. A cette pensée, je deviens encore plus rouge mais j’arrive à esquisser un sourire timide alors que j’arrive à le regarder dans les yeux.

"… tu trouves vraiment ? Sans mentir ? Tu dis pas ça pour me faire plaisir ? Enfin, même si c’est que pour ça, ça marche sacrément bien en tout cas. Et puis, je me suis dit que je devais faire un effort, tu t’es fait tout beau toi. Et puis t'es grave sexy avec cette chemise."

Quoi, ça se dit pas ? Je m'en moque, c'est la vérité. Quand il m’embrasse sur la joue, j’ai l’impression d’avoir les jambes qui tremblent. Oh oui, je suis tellement ridicule que j’ai envie d’aller me rouler en boule dans un coin. C’est juste un bisou sur la joue, ça veut rien dire du tout. T’as déjà embrassé des garçons… bon deux ok, donc tu sais ce que c’est un vrai bisou.

"Toi… t’as fait un gâteau ? Je dois m’inquiéter ou pas ?"

Je me frotte le nez, songeant que je l’ai jamais vu cuisiner un truc sucré en fait. Oh les premiers temps c’est lui qui faisait à manger en attendant que je sorte de mon espèce d’état léthargique mais tout ce qui relevait de la pâtisserie, il le ramenait du resto. Donc ouais, je suis un peu sceptique. Mais cuisiné avec amour comme il dit. Oui, je sais, je devrais pas me rattacher à ce genre de détails, c’était juste une figure de style.

Je m’exécute sans réfléchir quand il me demande de lever mes cheveux et j’attrape ma tignasse d’une main, me figeant quand je sens ses doigts effleurer ma nuque. Okay, on va faire comme si de rien était hein. Enfin, j’y arrive carrément pas quand il m’embrasse et je peux pas retenir un frisson alors que je rougis de plus belle. Il a rien vu hein, faites qu’il ait rien vu.

"Encore plus joli ? C’est pas possible ça… Et je ferme les yeux ? D’accord."

J’arrive à sourire alors que je ferme les yeux et que je trépigne sur place. Je sens Mitaines qui se frotte à mes pieds et je l’attrape, le grattouillant alors que j’attends, curieuse du résultat. Quand il se met à chanter, j’ai d’une coup de nouveau une boule dans l’estomac et je le fixe, les yeux brillants. Pas qu’il chante faux hein, ça c’est moi mais c’est juste… parfait ? J’attrape les pattes du chaton pour le faire applaudir en rythme et mes yeux s’écarquillent quand je vois le glaçage.

"Oh… il est en… chocolat ? Genre tout en chocolat ? Je dois souffler les bougies c’est ça ?"

Je m’exécute en souriant tellement que je me dis que je vais avoir mal ce soir et je suis sur le point de crier victoire, quand la première se rallume. Puis une autre. Et ainsi de suite. Alors, sans même m’en rendre compte, je pars dans un fou-rire incontrôlable avant de souffler un "oh non !" pas vraiment convaincu.

Ca c’est un chouette anniversaire. Oh, mais c'est Noël aussi. J'avais presque oublié.

Je pensais pas lancer ce genre de sujet ce soir. Parce que c'est un peu les trucs qui fâchent et qui dépriment. Mais d'un autre côté, j'aurais dû le savoir hein, que le cadeau et le reste ça effleurerait toute cette merde. Je la fixe et j'hésite entre être encore plus désolé et blessé pour elle et être amusé qu'elle pense des trucs pareils. Alors j'esquisse un sourire mi-figue mi-raisin.

« Une vie normale ? Parce que notre vie n'est pas normale ?... Sans toi, j'ai eu le temps de tester microbe, et je t'assure que de devoir ramener une remorque de crackers par semaine est un faible prix à payer pour t'avoir avec moi. Et tu... » Je soupire et souris en secouant la tête. « Tu me fais rire. T'essaie toujours de faire en sorte que tout aille bien. Tu chantes faux, et du coup, j'ai l'impression de chanter trop bien. Tu m'écoutes quand je me plains du taf en jurant, même si tu donnes l'impression que tu vas prendre feu sur place à cause des insultes, et c'est rigolo. Tu cuisines. Tu me paieras une voiture de sport plus tard. Hum, voyons... T'as l'air un peu heureuse avec moi... Et ça fait pas mal de trucs je trouve déjà. »

Et je confirme qu'un mec amoureux est aussi con qu'une nana amoureuse hein, parce que clairement, juste le fait qu'elle soit là quand j'arrive et qu'elle ait l'air bien suffit à me rendre heureux. Même moi je trouve ça gnangnan, donc oui, vous pouvez vous marrer.

« Et tu as raison, les choses ne s'arrangent pas en pleurant, mais ça fait du bien parfois... Et c'était rigolo, même s'il a pas eu l'air d'apprécier lui. »

Je lui souris alors qu'elle semble aller un peu mieux au fur et à mesure. Et je hausse les épaules quand elle reprend.

« C'est juste que ça te concernait, donc oui, c'était important... » Même si je m'en rendais pas vraiment compte à l'époque on est d'accord. « Et je me suis électrisé, brûlé et coupé en apprenant à faire. Et je fais des erreurs, même avec toi non ? Mais ça finit par marcher quand même en fin de compte. Et c'est pas bête, c'est mignon de savoir que c'était un chouette souvenir pour toi. »

Je souris encore plus quand elle tire la langue, preuve irréfutable s'il en est que j'ai raison. Ventre sur patte. A se demander comment elle fait pour rester un poids plume d'ailleurs vu que son plus grand exploit sportif est sans doute de m'aider à monter les courses dans les escaliers.

Le cadeau lui plait et c'est tout ce qui compte. Ça et le câlin okay. Et comme à chaque fois que je l'ai dans les bras, c'est pas super évident de rester... sage ? On va dire ça comme ça. Quoique quand elle fait un cauchemar et que je m'allonge à côté d'elle pour qu'elle se rendorme, c'est limite plus facile, parce que bah... J'en sais rien, mais la plupart du temps, ça pose pas de problème. Ouais, bref donc.
Et aussi brutalement qu'elle m'a sauté dessus, elle me lâche et se sauve dans sa chambre. Je devrais pas être étonné, on parle de Quinn, mais quand même, ça, elle l'avait jamais fait. Mais ça dure pas longtemps et quand elle sort, elle... oui, je buggue un peu. Ou beaucoup. De base, au naturel, en jeans et pull, elle est déjà vraiment jolie, même si elle s'en rend pas compte. Mais là, en robe, c'est... Pas que j'ai vraiment besoin d'une confirmation, mais elle est quand même vachement bien foutue. Et l'image qui se superpose parfois à ce qu'elle est aujourd'hui, celle de la gamine édentée que j'ai rencontré y a 10 ans, elle fait un peu tâche là et s'efface un peu. Parce qu'elle est juste... magnifique oui. Rouge pivoine évidemment, mais ça n'enlève rien, au contraire.
Je hausse un sourcil.

« Grave sexy hein ? Rien que ça ? Ça valait le coup de la repasser alors. » Genre non, ça me fait pas plaisir qu'elle me dise ça. Je lui souris doucement, sourire sans doute un peu con quand même. « Et non, c'est pas pour te faire plaisir, même si je suis content que ça soit le cas quand même... Tu es vraiment magnifique. »

… Et un peu trop sexy aussi... Je peux même être fier de moi vu que je me contente de lui faire un bisou sur la joue. Je fronce un peu les sourcils, faussement offusqué, alors qu'elle se frotte le nez.

« Attends, t'es en train de te moquer là ? Vu le nombre de pancakes grillés ou de muffins pas assez cuits que j'ai goûté, tu pourrais faire un effort !... Donc oui. J'ai fait un gâteau. Et non, t'as pas de quoi t’inquiéter, c'est Zak qui m'a filé la recette... »

Genre, elle va avoir plus confiance en lui qu'en moi quoi. Ouais, bon, d'accord, niveau cuisine, c'est clair, je peux la comprendre... Mais quand même... ça pourrait être vexant et blesser mon petit cœur tout mou, elle devrait y songer non ? Mais oui, je m'en fous, je sais bien. Surtout que j'ai pas perdu mon objectif de vue, de lui mettre son collier, va pas te monter la tête à imaginer autre chose je te vois venir. Et je sais pas ce qu'il me prend, je l'embrasse dans le cou. Un baiser léger et rapide. Si, je sais très bien ce qu'il me prend, mais d'habitude, je résiste vachement mieux. Et elle frissonne. J'aurais peut-être pas dû. Ou si ? Je sais pas. On va dire que c'est pas si grave hein ? Même si oui, une partie de moi est plus que ravie de sa réaction. Idiot.
Je hoche la tête à sa question, plus sérieusement que je ne l'aurais pensé, avant de m'occuper du gâteau. Et je souris rien qu'à la voir. Oui, là, on retrouve un peu la gamine qu'elle était, et la... jeune femme qu'elle devrait normalement être. Et c'est trop cool. Je souffle un rire malgré moi en voyant le chaton maltraité applaudir à sa place.
Je la laisse souffler. Une première fois.

« Genre tout en chocolat oui. Même le glaçage pour lequel j'ai galéré et qui n'est pas si mal réussi... je trouve... je crois. »

Et les bougies commencent à se rallumer. Ouais, on pourrait se dire qu'à 17 ans, c'est con de faire ça. Mais j'adorais ça quand j'étais petit. Et je me suis dit... Bingo. Que ça la ferait rire. Alors forcément je souris, avant de me mettre à rire aussi.

« Allez, on souffle ensemble une dernière fois ? Et fais un vœux si c'est pas déjà fait ! »

Je l'attends et la laisse souffler à nouveau presque tout toute seule. Oh, ça va, c'est son gâteau d'anniversaire à elle. Et comme ça, j'en profite pour prendre quelques photos sans qu'elle ne râle. Et je commence à éteindre les bougies avec les doigts, avant que la cire ne tombe sur le gâteau.

« Tu sais ce qui me ferait grave plaisir à moi là ? » Je relève les yeux vers elle, avant de commencer à couper des parts. « Des photos. Des vraies. Histoire d'en avoir des récentes de toi. De ton appareil. De toi, de mon magnifique gâteau, de toi ouvrant tes cadeaux de Noël, de nous deux... ça serait cool. Non ? »

Et je lui tends une part en souriant, même pas inquiet qu'elle l'aime pas... D'accord, juste un peu. Mais j'ai misé sur le chocolat, c'est une valeur sûre le chocolat. Mais qu'elle l'aime ou non, je veux des photos. Aucun rapport je sais.

Je sais pas si je dois froncer les sourcils ou sourire à ses propos. Ou réagir encore autrement mais si c’est le cas, je sais encore moins ce que je suis supposée faire ou dire. J’arrive quand même à lever un œil vers lui en me mordillant nerveusement la lèvre inférieure alors que je l’écoute, que je bois ses paroles même. Dire que ça me fait comme un baume au cœur est un doux euphémisme et j’ai qu’une envie, c’est de me jeter dans ses bras. Mais bon, ça se fait pas hein.

"Une vie moins prise de tête pour toi ? Sans avoir à faire tout ce que tu fais pour moi tout le temps, pour m’aider à aller mieux, pour me rassurer, pour réussir à me faire croire que je peux avancer, être forte alors que toute seule j’y croirais pas une seconde. T’es toujours là à m’écouter raconter mes trucs inintéressants du lycée et je…"

Je soupire, tout comme lui et j’ajoute, avec un sourire incertain.

"… je fais tout ça ? Pour de vrai ? Tu regrettes vraiment pas d’être venu me chercher ?"

Je sais, une part de moi ne sera de toute façon jamais entièrement convaincue par sa réponse. Parce que forcément, je me dis qu’il serait quand même mieux sans moi. Pour de vrai. Il pourrait avoir une vraie copine, se faire une vie avec elle, alors que là je gâche tout. Mais ça, je peux pas lui dire. J’aurais trop peur de voir sa tête. Je me contente de hausser les épaules au reste de ses propos, pas convaincue.

"Pas toujours. Des fois c’est même pire en fait. Mais Mitaines avait besoin de ce bain, j’y peux rien moi. C’était écrit sur la bouteille d’antiparasites que t’as ramenée."

Je secoue la tête, incrédule, quand on parle de tout ce dont il se souvient me concernant quand j’étais gamine.

"Je pensais pas être aussi importante quand j’étais petite. Enfin, tu me connais, je pense pas être si importante tout court en fait. Tu fais peut-être des erreurs mais au final, t’y arrives toujours oui. C’est ce qui compte. Et j’ai un tas de chouettes souvenirs grâce à toi. Un peu plus chaque jour maintenant. C’est chouette ça."

Mon cadeau d’anniversaire est chouette. Plus que chouette mais j’ai même pas de mot pour dire à quel point je suis heureuse de le recevoir. Et même pas parce qu’il est beau mais parce que Luka a pensé à moi. Et puis bon, il est magnifique aussi. Bref, je me jette dans ses bras avant de m’enfuir tout aussi vite pour me changer. Visiblement, ça lui plait de me voir en robe. C’est cool. Je crois.

Je hausse les épaules, toujours aussi rouge alors que j’en profite pour le mater un peu. Quoi, je fais rien de mal non ? Et puis il doit être habitué. J’arrive quand même à esquisser un sourire amusé à sa réaction et je hoche la tête.

"Ouais grave sexy. Encore plus que d’habitude quoi. Je note l’effort de repassage, parce que c’est pas moi qui ferais ça."

Une de mes nombreuses phobies. Les fers à repasser. Enfin bref, on oublie et on se focalise sur le fait qu’il me trouve magnifique. Vraiment. Ok, je peux gérer. Et puis bon, c’est avec cette robe qu’il me trouve jolie, demain, tout sera revenu à la normale. Je pouffe de rire à sa réaction quand je me méfie de son gâteau avant de souffler, malicieuse.

"Oui je me moque. Pour une fois que je peux. Et genre ils étaient super bons tu disais, même s’ils étaient pas cuits. Tu m’aurais pas menti que pour me faire plaisir, n’est-ce pas ?"

Bien sûr que si, je le connais assez pour savoir qu’il le ferait. Mais quand même, pour le principe, il devrait arrêter. Parce que bon, si je tombe sur quelqu’un de pas aussi gentil et prévenant que lui, ça va faire mal.

"Mais si c’est une recette de Zak, tout va bien alors. Enfin t’étais pas obligé d’en faire autant tu sais… merci."

Il m’accroche alors le collier et quand il m’embrasse dans le cou, autant dire que mon cœur a un raté et que je deviens plus rouge encore. Pourquoi il fait ça ? Ca peut être totalement innocent ce genre de trucs ? Si, ça l’est forcément, ça peut pas être autre chose venant de lui. Mais je pensais pas que ça pourrait me faire autant d’effet en fait. Heureusement qu’il amène le gâteau et que je suis distraite par Mitaines sinon j’aurais peut-être dit ou fait un truc que je devrais pas.

Je continue d’agiter les pattes du chaton qui se laisse faire alors que je regarde le gâteau avec une gourmandise que je cherche même pas à cacher.

"Il est trop beau ce glaçage."

Voir les bougies se rallumer est vraiment rigolo et j’ai les yeux qui pétillent quand je lève de nouveau les yeux vers lui.

"Oh, un vœu ? Je… c’est pas simple. Tout est tellement parfait là de suite que…"

Bon en fait si, je sais exactement ce que je voudrais et je le fixe un instant sans rien dire avant de sourire, un peu gênée et de souffler de nouveau les bougies. Je le suis des yeux alors qu’il les éteint du bout du doigt, louchant sur cette énorme part de gâteau avant de libérer Mitaines qui part attaquer les chaussures de Luka, comme toujours.  Je fronce les sourcils quand je vois qu’il me prend en photo mais je dis rien, tellement je suis trop contente là, tout de suite.

Et je l’écoute en silence, triturant mes doigts nerveusement avant d’attraper la part de gâteau qu’il me tend. J’en prends une bouchée, sans trop oser rien dire et mon regard s’illumine avant qu’en prenne une deuxième et une troisième.

"Oh il est trop bon "

Bon, je me rends compte que je dois répondre un truc et je prends une profonde inspiration, le fixant avec les yeux brillants.

"T’aimerais vraiment un truc comme ça ? Je peux aller chercher mon appareil oui. Surtout que ton gâteau mérite une photo avant que je mange tout."

Et je repose mon assiette, attrapant Mitaines qui veut l’attaquer et me précipitant dans ma chambre. J’en ressors quelques instants après, l’appareil photo autour du cou mais, surtout, un énorme paquet mal emballé dans les mains et le chat sur l’épaule. C’est un cadre que j’ai fait moi-même, enfin plein de mini-cadres que j’ai collés les uns aux autres avec plein de photos que j’ai faites ces derniers mois. J’ai même mis Zak à contribution qui en a prises de moi et m’a filé les quelques unes qu’il avait de Luka et de moi tous les deux. Ca vaut pas une vraie photo vu que c’était de son téléphone mais ça rend pas si mal au final. Y a des photos de nous deux, de Zak, des endroits où on va, même de Mitaines tiens… toute notre vie depuis qu’on est là. Je le pose devant lui, sautillant nerveusement d’un pied sur l’autre avant de souffler, dans un murmure.

"Joyeux Noël Luka."

Et j’allume mon appareil, prête à prendre une photo avec un sourire.

On va se concentrer sur l'ombre de bonheur que je distingue dans son regard. Ouais, y a d'autres trucs qui s'y mêle, mais c'est moins fun, et puis, elle a quand même l'air heureuse non ?

« Ma vie n'est pas prise de tête. Et arrête, je fais rien de particulier, si ça t'aide, c'est tant mieux. J'ai pas à te faire croire quoi que ce soit, tu le fais toute seule. Tu avances, tu te construis, je suis juste là en support moi. Rien que le fait que tu aies autant à raconter en revenant du lycée prouve bien que tu te débrouilles non ?
Et non, je n'ai pas regretté une seule fois d'être allé te chercher. Je craignais davantage que tu le regrettes toi... Et tu fais même bien plus que tout ça, pour de vrai. Je suis content que tu sois là. »

Il faudra que je lui répète, que je trouve une solution pour lui faire comprendre et accepter que j'aurais jamais pu faire autrement et que je ne saurais plus faire sans elle. J'aime pas qu'elle se prenne la tête à croire qu'elle est un poids et que je ne veuille pas, plus d'elle, parce que c'est exactement ce qu'elle pense. Elle me sort suffisamment ce genre de trucs pour que j'ai capté à quel point ça la travaille, et j'ai vraiment horreur de ça. J'esquisse un sourire en la fixant sans insister sur le reste non plus, me contentant de hocher la tête en souriant quand elle parle de Mitaines. Je sais toujours pas si je dois plaindre ce chat ou être heureux qu'elle prenne tout ça tant à cœur. Toute façon, si je dis quoique ce soit, elle va me dire que je suis pire avec elle... ce qui n'est pas faux.
Je la regarde et hausse une épaule.

« Si tu n'avais pas été importante, j'aurais pas passé autant de temps avec toi, j'aurais pas cherché à te plaisir aussi souvent. Tu crois pas ? Donc, moralité, t'as toujours été importante. » J'esquisse un sourire. « Et on va continuer d'en fabriquer, pour que tu continues d'en avoir des nouveaux, parce que oui, c'est super chouette. »

Des nouveaux souvenirs comme là quand elle ouvre son cadeau. Et elle a beau être mitigée et sortir des idioties, elle le trouve beau et ça lui plait. Et j'adore la voir comme ça. Ou quand elle capte que je suis bien habillé et qu'elle ressort avec une robe et qu'elle est... ouais, incroyable.
Je la dévore du regard et je sais même pas comment elle peut ne pas s'en rendre compte, mais c'est tant mieux hein. Et mon sourire con s'accentue et je vais effleurer sa joue du pouce, m'en voulant presque un peu d'avoir parlé du repassage.

« Plus que d'habitude... Comme ça j'ai une chance d'être à la hauteur avec toi, c'est cool. »

Je lui fais un clin d’œil, même si je suis carrément sérieux. Et une partie vachement égoïste se dit que c'est pas plus mal qu'elle ne me croit pas entièrement, parce que sinon, si elle se rendait compte qu'elle est à tomber, elle attirerait vachement plus de mecs non ?... Ouais, ça craint. Autant de le penser que de savoir que c'est vrai et que je veux pas...
Elle rit et se moque la vile. Mais elle a raison, et je souffle un rire à mon tour.

« … Absolument pas, je n'aurais pas osé... Ils auraient été encore meilleurs bien cuits en fait... »

Je la fixe et hausse un sourcil.

« Je devrais être méga vexé que t'aies confiance en lui et pas en mes capacités... Et un anniversaire, ça se fête. J'avais envie de faire ça bien. »

Parce qu'elle le mérite amplement. Ça, tout le reste et beaucoup plus même. Et on va dire que c'est la robe qui me fait un peu oublier mes bonnes résolutions et ma retenue... mais c'est rien qu'un petit bisou. Bon, dans le cou certes, c'est moins innocent que sur la joue, mais quand même, elle va pas le prendre mal ou s'imaginer que je... ouais, elle va pas s'imaginer ce qui me trotte dans la tête pour de vrai...

Autant dire que le gâteau tombe à pic. Et elle sourit et a l'air ravi quand elle le voit. C'est une bonne surprise du coup non ? Je lui souris, mon regard se faisant pétillant.

« Ça te plait ? »

Question con, c'est que le glaçage. Mon sourire s'agrandit et je hoche la tête alors qu'elle réfléchit à un vœu. Elle a presque l'air trop sérieuse d'un coup, mais elle finit par souffler et par poser le chat quand je coupe le gâteau. Je soupire en essayant de pas écraser le chat qui essaie de me dévorer, tout en prenant quelques photos, même si elle fronce les sourcils. Elle dit rien et me laisse faire, ce serait vraiment con de pas en profiter. Surtout que merde, elle a un sourire tellement joli là maintenant de suite. Et je pousse même la chance, ou l'audace, jusqu'à lui demander des vraies photos d'elle. Autant elle adore la photographie, en faire, autant quand il s'agit d'elle, c'est plus compliqué. Mais c'est elle que je veux. En photos je veux dire. Hum.
Mais elle répond pas. Bon, je dois en conclure que j'en demande trop ? Je retrouve malgré tout un sourire en la voyant, avant de hausser un sourcil amusé.

« Sérieux ? Tu aimes ? Pas juste pour me faire plaisir ? »

Je la fixe quand elle semble se décider à me répondre, et j'acquiesce en silence. Évidemment que j'aimerais des photos, c'est quoi cette question ?... Mais elle se barre à nouveau. Ça va devenir une habitude ? Bon, okay, elle est revenue en robe la première fois, donc c'était plutôt cool.
Je mâchouille un bout de gâteau, et la fixe quand elle sort, équipée comme pour partir en excursion. Le chat, l'appareil photo et...
Je souris en fixant le paquet cadeau, énorme, qu'elle tient entre les mains. Je pousse le plat et les assiettes, et elle le pose devant moi. Je relève le regard vers elle et cligne des yeux.

« Pour moi ? » Mon sourire s'agrandit. « Mon cadeau de Noël ? Que t'as fait toi-même de tes petites mains ? »

Je regarde le paquet emballé un peu n'importe comment, avant de lui jeter un coup d'oeil. Ouais, faut que je l'ouvre je sais. Et d'un coup, je comprends mieux ce qu'elle a ressenti tout à l'heure quand elle observait le sien. Je l'ouvre, jetant les bout de papiers sur le chat, et j'oublie totalement qu'elle a l'appareil à la main et que c'est pas moi que je voulais. Parce que son cadeau... Je le fixe durant je sais pas combien du temps, détaillant chaque photo. Elle, Zak, nous, même le chat, le parc... J'effleure du doigt une photo de nous d'eux où elle rit... où on rit... C'est Zak qui a pris ça ?

Je la regarde enfin à nouveau, avant de faire le tour sans la quitter des yeux et de passer le dos d'une main sur sa joue, me penchant juste un peu pour l'embrasser sur la joue, à la commissure des lèvres.

« Merci Quinnie. »

Je l'embrasse sur le front et passe mes bras autour d'elle.

Okay.
J'ai merdé à quel point là ?

J'inspire, avant de reprendre dans un murmure.

« Il est magnifique. T'as fait du super boulot. C'est vraiment... parfait.
… Tu veux les tiens ? »

Ouais, on va faire ça, c'est bien ça. Je la relâche, essayant de conserver un sourire. Enfin, un sourire pas trop con du moins. Je vais récupérer un gros paquet sous le sapin, un moyen et un petit, que je vais déposer sur la table en la regardant. Je grimace un sourire.

« J'ai un peu triché... Y en a un fait maison, mais les autres... ouais, j'ai un peu triché... »

Et on va enterrer très très loin l'envie que j'ai de l'embrasser pour de bon. Et essayer de pas trop penser à ce que j'ai fait. Faudrait peut-être que j'arrive à la regarder normalement pour ça non?

Se concentrer sur les trucs positifs. Du genre ce que je ressens là, maintenant tout de suite. Avec lui, alors qu'on fête mon anniversaire pour la première fois depuis…et bien depuis qu'il est parti. Mais ça soulève tellement de trucs négatifs que je sais pas trop comment gérer tout ça. Heureusement qu'il est là même si je laisse filer un soupir avant d'esquisser un sourire.

"On va pas être d'accord là-dessus je crois. Je pourrais te faire une liste longue comme le bras de tous les trucs qui te prendraient potentiellement la tête. Je l'ai peut-être même faite fait ? Et tu fais plus qu'être un simple support. Je me débrouille parce que… parce que je sais que c'est à toi que je vais le raconter en rentrant, que tu seras là pour m'écouter, même si c'est pas intéressant. Ca l'est carrément moins que tes histoires de boulot en tout cas."

Je hoche quand même la tête au reste de ses propos. Il est content que je sois là. Bon, c'est pas le terme le plus agréable à entendre mais c'est déjà mieux que rien non ? Je veux dire, s'il utilisait un terme plus fort, je suis pas sûre que je le croirais de toute façon. Déjà que là, vu la tête qu'il tire depuis quelques semaines, j'ai du mal à être convaincue. Mais bon, je me raccroche à ça et je profite de ce sentiment de bonheur qui brule comme une petite flamme en moi.

Je hausse une épaule en retour et je me mordille la lèvre, esquissant une ombre de sourire à ses propos.

"Je suis importante donc. Et je l'ai toujours été. Est-ce que… est-ce que tu te rends compte à quel point tu es important pour moi aussi ? Vraiment ? Encore plus avec tous ces souvenirs qu'on se fabrique tous les deux."

J'aime bien la façon dont il me regarde quand je reviens en robe, même si je dois y accorder beaucoup trop d'importance parce que bon, des jolies filles, il en voit tout le temps. Et des beaucoup plus jolies que moi. Et pourtant, mes joues rosissent encore plus, je pensais pas que ce serait possible alors qu'il effleure ma joue du pouce et que je me demande, l'espace d'une seconde, comment ce serait s'il me prenait vraiment dans ses bras. Pas pour un câlin comme d'habitude mais… bref, on s'en fiche, c'est pas au programme. J'ai une moue quand on parle de repasser, me frottant le haut du bras sans même vraiment m'en rendre compte et je secoue la tête.

"Une chance ? T'es fou, t'es vraiment… beau. Ouais, je crois que c'est le terme qui va le mieux. Alors que bon, cette robe est même pas à ma taille donc…"

Je secoue la tête de plus belle a à son clin d'œil, me faisant faussement boudeuse l'espace d'un instant avant de rire quand on parle de mes premiers échecs culinaires.

"Arrête ou je t'en refais des crus rien que pour te punir ! Ou des brûlés ! Na ! Et sois pas vexé, tu réussis tellement de choses que tu peux  ne pas être parfait partout, sinon je serais beaucoup trop mal à l'aise. Donc, si on liste, tu sais pas faire les gâteaux et t'es bordélique. Voilà."

Ce coup-ci c'est moi qui lui décoche un clin d'œil avant de perdre un peu le fil de mes pensées quand il m'embrasse dans le cou. Ok, c'est normal, c'est rien de bien important hein. Surtout pas pour lui qui fait plein de bisous à plein de filles et… bon, on passe à autre chose hein. Le gâteau. Il est super bon ce gâteau hein et je le fixe, le regard brillant avant de hocher la tête.

"Oui. Parce que ça se voit que t'as fait plein d'efforts pour moi. Et c'est…"

Je soupire, incapable de finir ma phrase et me concentrant sur le morceau de gâteau qu'il me tend. J'en mange un gros morceau, les yeux ronds et j'agite ma cuillère devant lui, la bouche pleine.

"Mais vouich, il est chuper bon !"

Et puis, vu qu'il parle de photos, je me dis que c'est bon timing pour son cadeau non ? Je veux dire, des photos de moi, il en aura, de nous même. J'avoue, je suis inquiète et pas qu'un peu, guettant sa réaction et me contentant de hocher la tête à sa question. Qu'il l'ouvre et qu'on en finisse avant que je trouve mon idée tellement ridicule que je lui reprenne le paquet des mains.

Il l'ouvre et… rien. Enfin il dit rien. Pendant super longtemps. Et forcément, ça m'angoisse encore plus et je le fixe avec de grands yeux inquiets avant qu'il… m'embrasse ? Non, c'est pas un vrai baiser, c'est juste une marque d'affection, ça peut pas être autre chose. Parce qu'il avait voulu il l'aurait fait non ? Je me blottis contre lui par réflexe alors que je sais pas si mon cerveau bouillonne ou s'il est paralysé.

Et je cille quand il me relâche, hochant stupidement la tête alors que je souffle, sans même y réfléchir.

"Je suis contente qu'il te plaise. C'était pour ça les bouts de bois et les accidents de scie"

Mon regard se perd un peu dans le vide alors que je porte ma main là où il m'a embrassée. Je souris distraitement, sentant mes joues encore plus rouges que d'habitude, avant de ciller et de froncer les sourcils au reste de ses propos.

"Les miens ? T'as triché ? Mais… je..."

Je secoue la tête avant de m'enfuir de nouveau dans ma chambre et d'en revenir avec deux petits paquets que je lui tends.

"Bah t'es pas le seul à avoir triché. Enfin j'ai pas vraiment triché je… c'est des cadeaux faits maisons. Que j'ai fait pour les deux derniers Noëls. Je… je les ai emportés avec moi quand t'es venu me chercher. Je voulais que… tiens."

Et y a aussi des petits mots avec. Oh, c'est pas de la prose, loin de là, juste ce qui m'est venu quand j'ai emballé les paquets. Dans le premier, si je me rappelle, y a juste écrit "Tu me manques. Tout le temps." Et dans l'autre, je sais plus trop, je crois que c'est marqué "Où que tu sois, j'espère que tu passes un bon Noël et que tu as une pensée pour moi." C'est bête, je sais bien, surtout que les cadeaux sont pas terribles en plus, entre le bracelet en cuir que j'ai bricolé et  le petit porteclé légo, c'est limite ridicule. Je louche sur mes cadeaux à moi, indécise et sans savoir par lequel commencer. Sans compter le fait que je porte de nouveau ma main au visage là où ses lèvres se sont posées. Je suis vraiment idiote hein… Encore plus alors que je me dis que j'aimerais bien qu'il recommence.

J'esquisse un sourire amusé en la regardant. Tête de pioche. Enfin, tant mieux hein, ça l'aide et puis elle s'en sortira mieux comme ça non ? N'empêche que oui, d'un autre côté, c'est chiant un peu.

« Les trucs qui peuvent me prendre la tête, je les connais t'en fais pas, et y en a pas beaucoup qui te concerne. Et cool alors, si je suis plus qu'une béquille. Je suis donc une béquille et un genre de journal intime. » Je souris, me demandant si elle va s'énerver ou soupirer. « Mais je t'assure que c'est vachement plus intéressant que ce que tu penses. »

Je lui fais un clin d'oeil, toujours souriant, en essayant de pas trop m'appesantir sur le fait qu'elle a pas relevé le reste et de me convaincre que c'est parce qu'elle le sait et qu'elle me croit. Mais ouais, je sais,c'est plutôt qu'elle a pas trop envie de relancer ce genre de débat sans doute. Je finirais bien par réussir à lui faire entendre raison, ça prendra juste du temps, même si en attendant j'aime pas ça, parce qu'elle croit être un poids et... Bref ouais.
Je continue malgré tout, je m'entête pour qu'elle accepte un peu. Je pourrais me dire que c'est pas grave, que c'est pas un drame si elle sait pas qu'elle compte pour moi, que j'ai besoin d'elle et tout ça. Et dans un sens, je veux pas qu'elle sache à quel point elle l'est, importante. Mais elle, elle a besoin de le savoir et de s'en rendre compte. Qu'elle n'est pas rien, qu'elle est importante pour des gens, qu'elle est appréciée et aimée, qu'elle n'est pas... plus toute seule et qu'elle ne le sera plus jamais. Mais bon, c'est pas en quelques mois que je vais changer des années de tortures hein... surtout pas les dernières années en l'occurrence.
Et c'est à mon tour de la fixer, avec un léger sourire.

« Je commence à m'en rendre compte oui. Enfin, je crois. Donc... t'es importante pour moi, et je le suis pour toi. Si je le crois, tu le croiras aussi Quinn ? »

Parce que oui, je veux bien le croire. Même si dernièrement, elle commence à s'ouvrir un peu plus aux autres, un peu, et qu'elle rencontre d'autres personnes. Zak l'a aidé mine de rien, tout comme Alexs. Elle commence à avoir des amis, et c'est super cool. Quand bien même, ça veut dire qu'à terme je serais moins important pour elle parce qu'elle n'aura plus que moi. Enfin je me comprends. Je vais me répéter, mais le principal, c'est qu'elle aille bien non ?
Et là, elle a l'air d'aller plus que bien non ? Sur le point de prendre feu, mais elle semble heureuse. Faut dire qu'elle a pas l'habitude de mettre des robes. En six mois de temps, je ne l'ai jamais vu en jupe ou en robe, à tel point que je me suis demandé si elle essaie pas de cacher des trucs, comme avec ses bracelets aux poignets. Mais là, elle est juste splendide. Et je tente de pas prêter attention à son geste machinal alors que je lui souris de plus belle.

« Merci. Ravi de te plaire. » Je m'incline un peu. « Et je t'assure que si cette robe est jolie, toi, tu es vraiment belle. »

Et si elle me croit pas, mon regard devrait la convaincre non ? Ouais, comme si elle y faisait attention... Après tout, cela n'a aucune importance dans l'immédiat, elle rit, alors le reste...

« Tu n'oserais pas... Si ?... Et c'est vrai, je serais carrément trop parfait sinon à savoir tout faire. On peut donc mettre la cuisine et la pâtisserie dans les trucs que je gère pas... Et mon côté bordélique. Même si je me soigne ! »

Par obligation, mais ça compte quand même. Bon, okay, je perds un peu mes moyens, et j'essaie de me convaincre que ce n'est rien. Et ce n'est presque rien. Sa peau était bien trop douce sous mes lèvres, et je sens encore son parfum, mais ça ne compte pas hein. Pas trop. Pas pour elle. Bon, d'accord, ça a sans doute moins d'importance que ce gâteau en fait. C'est... bien. Sans doute... ouais, évidemment.

Je lui souris doucement alors qu'elle a le regard brillant. Et je souffle un rire quand elle goûte le gâteau  et s'extasie dessus. Oui, j'ai fait des efforts, comme toujours quand il s'agit d'elle. Bon, d'accord, plus que d'habitude, mais rien de plus normal pour une telle occasion. Une double occasion. Mais elle exagère, il est bon, mais pas non plus incroyable. N'empêche que mon sourire s'agrandit en l'entendant.

Et je la regarde à nouveau disparaître et réapparaître avec un énorme paquet. Bon, d'accord. Vu que je parlais de photos, non, que je réclamais des photos d'elle, logique qu'elle pense à son cadeau vu ce que c'est. Et je sais qu'elle attend une réaction de ma part, mais j'ai un peu de mal à réagir de suite. Parce que c'est tellement... parfait. Elle a réussi à condenser notre vie dans ces photos... Et elle sourit sur les photos. Zak fait le con, pour changer... Et elle aussi en fait à faire les marionnettes avec Mitaines... Elle a même pris des photos du parc où on va... Je souris en voyant celle où on est à trois en mode selfie. Elle a vachement réfléchi et travaillé. Pour moi. Pour me montrer à sa manière que tout ça compte pour elle. Parce que c'est ça non ? Sa façon de dire qu'elle est bien ici non ?

Et si le baiser dans le cou était une demi-erreur, je sais pas trop ce que je dois penser de celui-là. Je devrais, vu que c'est moi qui l'embrasse. Ou c'est tout comme. Ce n'est pas un vrai baiser, c'est même pas un baiser sur les lèvres, c'est juste... un léger tout petit dérapage. Voilà. Je l'attrape dans mes bras, souriant quand elle se blottit contre moi. Même si je dois la relâcher quand même.
Je lui souris, évitant de grimacer quand elle porte la main à sa joue. Bien. J'ai merdé. A quel point ?

« Je me doute bien que c'était pour ça... Ça a demandé beaucoup de travail... Évidemment qu'il me plaît. Il est parfait. Les photos sont magnifiques... Tu as vraiment bien bossé. »

Quoique non, j'ai peut-être pas trop merdé, elle sourit. Et rougit. Encore davantage. Donc ça va. Et je la regarde. Partir en courant. Encore. Quoi ? Je fronce les sourcils, les bras écartés, avant de rester à nouveau con en la regardant. Et putain de merde. Je vais quand même pas chialer hein, mais elle m'a fait des cadeaux alors que je l'avais laissé ? Sérieusement ? Elle a pensé à moi ? Je croyais qu'elle me détester...

« Tu m'as fait des cadeaux. Alors que tu m'en voulais... ? »

J'inspire et attrape les paquets.

« Okay, je les ouvre, mais après t'ouvre les tiens et j'ai le droit de me servir de ton appareil. Ça marche ? »

J'ouvre le premier et souris en voyant un porte-clef légo. Un cœur ? J'ouvre le petit mot qui l'accompagne et mon cœur se serre. Une pensée. Putain, j'ai pas arrêté de penser à elle. Sauf qu'elle, elle passait pas vraiment un bon Noël hein... elle, elle passait rien du tout... si ce n'est peut-être un séjour supplémentaire à l'hôpital. Je le garde dans une main avant d'ouvrir le second paquet. Et je souris à nouveau, en attrapant le bracelet fait de bouts de cuir et d'un symbole infini. Je le passe à mon poignet avant de lire l'autre mot. Et je reste figé en le lisant, ma mâchoire se crispant malgré moi.

« Tu m'as manqué aussi... Tout le temps farfadet. T'imagines pas à quel point... »

J'ai murmuré le regard rivé sur  le mot, sans même savoir si elle m'entend. Et la seconde suivante elle est dans mes bras, mes lèvres se retrouvant à quelques millimètres des siennes. Oh putain. Mais tu fous quoi espèce d'abruti ? Je peux vraiment pas... Je les fait glisser sur sa joue, sur laquelle je dépose un baiser, mes bras l'entourant pour la rapprocher de moi.

« Merci. D'avoir pensé à moi. D'être là. Je sais pas ce que je ferais sans toi. »

Je monte une main dans ses cheveux, la gardant contre moi, au moins le temps de reprendre contenance un minimum, reprenant un tout petit peu plus haut.

« Et là, je me dis que je vais avoir du mal à rivaliser avec tes cadeaux... Surtout que je les ai pas tous fait maison... »

Je m'éloigne à nouveau, sans vraiment la relâcher, et je lui désigne le plus gros. Le trépied que j'ai réussi à rendre assez chouette, et stable, ce qui est le plus important.

« Celui-là je l'ai fait moi-même... » Je lui jette un coup d'oeil. « Y a autre chose qui va avec, mais il est caché, parce que je me suis dit que t'allais dire que c'était trop... »

J'esquisse un sourire, avant de la relâcher en toussotant. Voilà, je suis absolument pas du tout gêné. Je lui donnerais plus tard, la table lumineuse pour ses photos...

« Celui-là, le petit... devrait te plaire... » De magnifiques barrettes nuages, arc-en-ciel et cœurs. « Et le dernier... ça te plaira moins. Mais j'aimerais bien que tu acceptes. »

Les gants de boxe roses, que j'ai eu du mal à dégoter mine de rien, et son inscription à la salle de boxe. Oui, elle va râler et dire qu'elle veut pas taper des gens, et surtout pas moi... C'est bien pour ça que j'ai fait le même cadeau à Aleks.
Et oui, je me rends parfaitement compte que je me concentre sur les cadeaux pour éviter de trop la regarder, et pour éviter, encore, de m’appesantir, encore, sur mes connerie.

Je fronce les sourcils. Il a pas l'air convaincu parce que je dis et ça m'agace. Surtout que j'aime encore moins ce qu'il est en train de dire là, tout de suite. Pour un peu, j'aurais envie de lui mettre un taquet. Si, comme dans les séries là, le truc que j'oserais jamais faire. Mais il mérite un peu quand même.

"T'es PAS une béquille et encore moins un journal intime. Idiot."

Bon c'est difficile de rester vraiment fâchée contre lui, parce que… bon parce que je l'aime ok, ça on est d'accord. Mais avec tout ce qu'il fait ce soir et le reste du temps, comme je pourrais ne pas lui sourire, ne pas avoir envie de me blottir dans ses bras en le remerciant ? Surtout que, l'espace d'un instant, j'ai l'impression d'être vraiment importante. De compter pour lui et de pas juste être la bouche de plus qu'il a à nourrir, pour qui il doit trouver des bouquins, des fringues et j'en passe.

"Donc je suis importante pour toi. Et tu l'es pour moi. D'accord."

De toute façon, le monde pourrait s'écrouler là, de suite, je m'en moque. Il y a que lui qui compte, quand bien même j'ai commencé à m'attacher à d'autres personnes. Ca pourra jamais être aussi fort, je pourrais jamais avoir ce sentiment de n'être entière que lorsqu'il est là. Et je pourrais surtout jamais lui dire, parce que c'est ridicule. Même s'il me fait rougir là, de suite, à me regarder comme si j'étais vraiment jolie. Comme il regarde les autres filles des fois. J'aimerais bien qu'il me regarde tout le temps comme ça en fait.

"Merci. Ravie de te plaire donc. J'ai bon ?"

J'arrive à me faire malicieuse, même si mon regard doit me trahir un peu pour le coup. Beaucoup même. Mais bon, c'est pas grave, c'est pas comme si j'arrivais à cacher mes émotions hein. Je lève le menton alors qu'on parle cuisine et je hoche la tête, l'air sérieuse.

"Bien sûr que j'oserais. Et JE soigne ton coté bordélique. Non mais."

En tout cas son gâteau est non seulement super joli mais aussi super bon. Et puis, il y a PLEIN de chocolat alors forcément, ça peut pas être raté. Je sais, je suis un estomac sur pattes, mais je sais reconnaitre les trucs que je préfère. Là, j'en sautille littéralement sur place avant de tiquer ce qu'il raconte et de lui ramener son cadeau. J'y ai passé du temps, à trier les photos, à choisir celles qui pour moi représentaient le mieux notre vie ici et me touchaient le plus. Et ça a l'air de lui plaire, pour de vrai non ? C'est encore plus que ce que j'espérais et j'essaie de pas trop me focaliser sur ce bisou. On a dit que c'était rien du tout même si je pensais pas que ce bref contact pouvait être aussi agréable. Je sais même pas comment j'arrive à parler normalement en fait, mais je reprends, en hochant la tête.

"Ouais, je me doute que t'avais deviné. J'ai eu un peu de mal à trouver des jolis bouts de bois quand même."

Et puisqu'il triche, je fais pareil alors que je lui ramène les deux cadeaux ridicules que je lui ai fait pendant qu'il était parti. Je sais même pas pourquoi je fais ça en fait, c'est un peu pathétique non ? Je me contente de hocher la tête et de froncer les sourcils avant de souffler, à contrecoeur.

"Je t'en voulais pas c'est… pas si simple. Mais oui tu pourras utiliser mon appareil si tu veux."

En fait, je suis plus inquiète de sa réaction qu'autre chose là, de suite. Il peut bien prendre toutes les photos qu'il veut, je m'en moque, s'il s'énerve pas parce que j'aurais pas dû écrire ce genre de trucs ou les lui donner. Après tout ce qu'il fait pour moi en fait, c'est pas cool du tout. Mais son murmure me serre le cœur et j'ai à peine le temps de souffler un "tout le temps ? pour de vrai ?" que je suis de nouveau dans ses bras.

C'est là que je sens ses lèvres tout près des miennes et que mon cœur a un raté. Il va m'embrasser là non ? Je veux dire, pour de vrai quoi. J'ai pas vraiment le temps de m'enflammer ou de faire une mini crise cardiaque, je saurais pas trop le dire, qu'il m'embrasse … sur la joue donc. Et d'un coup, je suis soulagée de pas avoir bougé d'un cil. J'aurais eu l'air tellement ridicule si j'avais pensé qu'il allait le faire pour de vrai et… bref, c'est logique qu'il ait pas envie. Il s'est peut-être posé la question l'espace d'une seconde avant de revenir à la réalité. Pourquoi il voudrait m'embrasser moi hein ? Je suis bien trop stupide, maladroite et laide pour qu'il en ait envie.

Pour un peu, je me mettrais à pleurer tellement je me sens idiote. Ca va qu'il me garde dans ses bras, ça me permet de me reprendre et de me bricoler un sourire pas très convaincu quand il reprend la parole.

"De rien. C'est… normal tout ça. Et sans moi t'aurais pas une jolie chemise ce soir non ? Je suis sure que tes cadeaux son parfaits. Comme tout ce que t'as fait ce soir."

Ne pas se focaliser sur ça. J'ai les joues rouges mais pas pour les mêmes raisons alors que j'inspire doucement quand il se décide enfin à me relâcher. Enfin, même si j'ai pas envie qu'il le fasse, mais au moins, ça m'évite de me faire des idées totalement stupides.

"T'as fait un aussi gros cadeau toi-même ? Je me demande ce que ça peut… oh…"

Et je me fige en voyant le trépieds. Je le touche doucement, avec presque autant de précaution que je l'ai fait pour le collier et le sourire que j'ai est tout sauf forcé. Même si j'ai les larmes aux yeux. J'essaie de respirer doucement pour pas partir dans une crise de larmes avant de souffler, la voix tremblante.

"C'est… ça va me permettre de faire de jolies photos de nous ça. On pourra même être tous les deux avec le retardateur et tout. Ce sera chouette. Mais… y a un truc qui va avec ?"

Je plisse des yeux, oubliant un instant que je me sens totalement idiote pour le fixer, les poings sur les hanches.

"… tu triches encore plus que moi là. On avait dit un seul cadeau ! Et t'en fais beaucoup trop et …  et j'ai jamais été aussi contente mais c'est pas bien du tout. En plus j'arrive même pas à être fâchée, c'est encore pire. Voilà, maintenant je veux ouvrir mes autres cadeaux. Mais c'est toujours pas bien."

J'ouvre le petit paquet j'ai un rire quand je vois ce qu'il contient. Evidemment, je mets une des barrettes tout de suite dans mes cheveux, louchant à moitié alors que je galère un peu. J'ai carrément plus de cheveux que quand j'étais gamine, ça aide pas.

"Alors, verdict ?"

J'attends pas sa réponse et j'ouvre le dernier, fronçant les sourcils de plus belle alors que je comprends ce que c'est. Et je lève la tête dans sa direction, guettant un début de réponse que je vais effectivement surement pas aimer.

"Pas que j'aime pas ce cadeau mais… Tu m'expliques… ?"

Et comme ça, j'éviterais de me focaliser sur le reste hein. Idiote que je suis de croire qu'il pourrait vouloir … de moi.

Oh, elle s'énerve tient. Elle se retient un peu, mais je vois la lueur dans ses yeux et puis, le petit froncement là, qui la rend presque crédible, si je la trouvais pas si mignonne comme ça. Je me contente de lui sourire de plus belle avec un nouveau clin d’œil. Je vais pas trop en rajouter non plus, pour un peu, elle va vraiment m'en coller une à force, même si je reste plus que sceptique ouais. Tant mieux si je ne suis pas que ça, ou si je le suis pas du tout. Enfin, pas idiot, ça c'est pas nouveau, mais une béquille quoi. Même si je dois l'être un peu quand même, et notez que je m'en plains pas, au moins, elle a besoin de moi et je peux rester près d'elle. Ouais, un peu beaucoup minable dit comme ça je sais.

Enfin, pour le moment, on s'en fout, elle est heureuse, et c'est tout ce qui compte. Et je la fixe alors qu'elle semble accepter ce que je dis. Oui, je sais, j'ai du mal aussi à me dire que je peux être réellement important, autrement qu'en étant une béquille et autre. Mais je sais bien que je ne suis pas que ça, et qu'au final, je compte pour elle. Un minimum quoi. Mais elle, de son côté... je sais aussi qu'elle m'en veut d'être partie, ce que je comprends, même si je sais pas à quel point en fait vu qu'on en a jamais trop parlé. Et je me doute que ça doit être compliqué de concilier ça et le fait d'accepter que je tienne à elle. Même si perso, c'est pour cette raison que je pige pas trop comment je peux être important pour elle. D'un autre côté, il faut bien qu'elle se rattache à quelque chose et à tout voir, je suis mieux que ce qui lui servait de parents. Donc oui, elle tient à moi et je l'aide à aller mieux, parce que je suis un élément stable qui la soutient, pas comme un béquille sinon elle va s'énerver, et qui lui montre qu'elle peut y arriver.
Si on s'y penche d'un peu plus près, ouais, ça fait presque syndrôme de Stockholm, c'est un peu flippant... Ouais, non, on va éviter d'y penser une nouvelle fois, parce que non, c'est pas la première fois que je me fais la réflexion, et de se dire que c'est vraiment craignos. Donc, on oublie pour le moment cette pensée à la con.

Je lui souris. Sourire qui a le temps de vaciller et de se faire plus grand dans les minutes qui suivent alors qu'elle disparaît et revient, vêtue d'une robe. Et je me répète, mais dire qu'elle est belle est en dessous de la vérité et ne lui rend pas hommage, parce qu'elle est resplendissante. Et pour le coup, ça me gêne vachement moins qu'elle se rende compte que je la dévore du regard, parce que c'est un effort à souligner quand même. On va quand même tenter de pas la déshabiller du regard, ça ferait désordre...
Je hoche la tête, toujours souriant, toujours sans la quitter des yeux.

« Un peu du plagiat, mais oui, c'est ça. »

Je plisse un peu les yeux et lève les yeux au ciel quand elle confirme mes pensées. Si c'est pas vil de me menacer de muffins pas ou trop cuits, ça devrait être interdit. Mais je souffle un rire.

« Hé ! Je fais des efforts aussi ! Parce que je suis forcé, par toi, mais quand même, ça compte ! »

Et ça part un peu en vrille. Juste un peu. Genre un bisou dans le cou. Rien de bien méchant. Sauf que ça va pas en s'arrangeant. Parce que son cadeau est carrément super joli et ça se voit qu'elle a passé un temps fou à tout faire et à tout choisir pour fabriquer ce cadre, et les photos sont parfaites. Et d'un coup, je pige toutes les coupures et les pansements que j'ai dû lui mettre sur les doigts. Et parce qu'elle m'offre un cadeau qui me fait un peu trop plaisir et là, c'est un bisou un peu trop proche de ses lèvres. Mais c'est rattrapable non ? Même si elle semble un peu perturbée. Ça peut être par les cadeaux. On peut se dire ça voilà.

Enfin, les siens surtout pour le moment, vu qu'elle m'en ramène d'autres. Des vieux. Qu'elle a fait quand j'étais pas là. Et elle a beau dire qu'elle m'en voulait pas, là, je sais que c'est faux. Okay, c'est peut-être pas si simple, mais quand même. Et comme une gonzesse, je me retrouve les larmes aux yeux en lisant ses mots. Et je déconne. Encore ouais. Ou presque. Trop. Ou pas assez. Je sais pas. Je sais juste que c'était trop de lire tout ça, comme si j'avais besoin qu'on me rappelle que je l'avais laissé seule et qu'elle avait pensé à moi, trop sans doute.
Mais elle est dans mes bras à la seconde suivante et là, je me rattrape à temps. Ou trop tard ouais comme dit, je sais pas trop. Mais elle... je sais même pas comment j'arrive à reprendre mes esprits et à me dire que non, je peux pas faire ce que j'ai envie, que non, j'ai pas le droit de lui faire ça et que je veux surtout pas lui faire mal. Ouais, c'est sans doute ça qui me fait tilter. De pas vouloir la faire souffrir parce qu'elle se sentira obligée ou mal à l'aise ou je sais pas quoi. Et que ça cassera ce qu'on a déjà construit, ce que j'ai déjà avec elle. Et ça, je veux surtout pas. Même si c'est con à dire.

Je l'embrasse donc sur la joue en la joue et la garde contre moi un moment, histoire de pas avoir l'air trop à l'ouest. Sauf que même quand je m'éloigne, son sourire à elle est pas vraiment convaincant. Je déglutis et je tente de pas me dire que je viens limite de tout foutre en l'air. Mon sourire se fait un peu plus sincère en l'entendant.

« J'aurais rien de tout ça si t'étais pas là. Et sûrement pas une jolie chemise effectivement. Et tant mieux si ça te plaît pour le moment. »

Comme il le faut bien, je la laisse s'éloigner avant que ça ne devienne encore plus embarrassant, même si je doute que ça puisse devenir pire en fait au vu de sa réaction et de son teint cramoisi.
Et puis, surtout, elle doit ouvrir ses cadeaux. Ça fera peut-être oublier mes conneries. Je la quitte pas des yeux, légèrement inquiet, alors qu'elle ouvre le seul que j'ai véritablement fait moi-même comme c'était censé être le cas. Et j'esquisse un sourire en la voyant faire. Elle a de nouveau les larmes au yeux, mais c'est bon signe encore là pas vrai ? Je hausse une épaule.

« Un petit truc de rien du tout pour travailler un peu tes photos... Et oui, c'était un peu le but, avoir des photos tous les deux... Enfin, entre autre quoi. Hum. Et... ça te plait alors ? Ça te fait plaisir ? »

Genre j'ai besoin de m'en assurer oui. Bah oui. Clairement. Et clairement, elle va pas me dire non, donc c'est une question à la con, encore une fois. Pas grave. Surtout que je vais m'en prendre une cette fois, parce que je me retrouve à sourire alors qu'elle se fâche. Et qu'elle répond à ma question. Et je ne peux que sourire davantage en haussant les épaules.

« Je triche pas. C'est le cumul des années, c'est tout, comme toi. » Je lève un peu mon poignet sur lequel j'ai accroché son bracelet, fait maison certes, mais cadeau supplémentaire quand même. « Je veux juste que tu sois heureuse, surtout si ça t'empêche de te mettre en colère contre moi... Y a rien de trop crois-moi. »

Je ris à mon tour, plus parce qu'elle galère à mettre ces satanées barrettes qu'autre chose. Je l'observe une seconde quand elle m'interroge, et je hoche la tête.

« C'est pas mal du tout. Ça fait un mix original avec la robe. »

Je lui fais un clin d’œil. Évidemment que ça change rien et qu'elle reste beaucoup trop sexy dans cette robe qui, je confirme, est trop petite pour elle. Enfin, trop serré plutôt. Merde, elle a toujours eu autant de poitrine ? Enfin, je veux dire, depuis que je l'ai récupéré ?... Okay, concentres-toi, elle te regarde.
Oh, elle saute déjà moins de joie, j'avais raison. Je la fixe et esquisse un sourire, haussant les épaules, glissant les mains dans mes poches.

« Je t'en ai déjà parlé. J'aimerais bien que tu viennes et que t'en fasses un peu. Ça te ferait du bien. Je pourrais t'apprendre. J'en ai trouvé des roses en plus, j'étais obligé de te les prendre ! » Je désigne un paquet sous le sapin. « Si ça peut te rassurer, j'en ai trouvé des verts pour Aleks. Je me suis dit que tu aimerais peut-être plus si elle était là aussi, et puis, ça lui fera pas de mal non plus de savoir se défendre... Si tu veux pas me cogner dessus, on trouvera un punching-ball tu sais. Et puis, tu verras où je m'entraine comme ça... Et, si tu viens, ça évitera que tu restes seule quand j'y vais... »

Et non, c'est pas pour l'avoir plus à mes côtés. Même si c'est un bénéfice non négligeable je l'avoue de bon cœur. Non, pour de vrai, et en oubliant tous mes dérapages, je veux vraiment qu'elle commence à apprendre à se protéger. Je serais toujours là, tant qu'elle le voudra, mais ça n'empêche pas que savoir qu'elle sait cogner et se défendre me rassurerait vachement. Sans compter que ça lui ferait un bien fou de se défouler comme ça c'est clair...

C’est moi ou il sourit ? Je suis en train de m’énerver, de lui râler un peu dessus et ça l’amuse ? Pfff niveau crédibilité j’en mène quand même pas large hein. Le pire, c’est que si le sujet me tenait pas autant à cœur, je finirais par sourire avec lui. Mais là non, j’ai pas envie. Ca m’énerve qu’il puisse penser ça, qu’il se rend pas compte qu’il est tellement plus pour moi, tellement que je pourrais même pas trouver les bons mots pour dire ce que je ressens quand je suis avec lui. Et surtout quand il est pas là. Parce que je sais ce que ça fait de pas le voir, de pas l’entendre, de pas pouvoir me cacher dans ses bras quand tout va mal. Et j’ai plus jamais envie de vivre ça. Jamais.

Je soupire profondément, fronçant les sourcils de plus belle pour lui montrer que ça me plait pas du tout mais vu qu’il insiste pas, je laisse aussi couler à mon tour. Après tout, on est là pour profiter de cette soirée vraiment magique. Pour moi surtout. J’arrive à peine à croire qu’il a eu le temps de faire tout ça, de tout préparer juste pour me faire plaisir. A cette pensée, j’ai juste envie de lui sauter au cou et… oui, de l’embrasser.  Parce qu’il me rend plus heureuse que jamais je l’aurais cru possible, surtout il y a quelques mois. Et que ça, rien ne pourra me l’enlever, même si le reste est un peu moins clair dans mon esprit.

Quand je reviens de la chambre , la façon dont il me regarde me donne presque envie de m’habiller comme ça plus souvent. Pas tout à fait parce que bon, je me sens un peu déguisée en fait et j’ai tellement peur d’être encore plus maladroite que d’habitude. Ca va que je suis pieds nus, je sauve les meubles un peu. Je me demande quand même si je peux être encore plus rouge que je ne le suis déjà en fait. J’ai l’impression que mes joues vont prendre feu mais j’arrive quand même à sourire avec ma malice habituelle avant de secouer la tête.

"Du plagiat ? Tout de suite les grands mots. Tu veux pas des droits d’auteur en plus ?  Non mais."

Je pouffe de rire à sa réaction et au reste de ses propos. Visiblement, ça marche ce genre de menaces, c’est cool. Mais je lève quand même les yeux au ciel, pour le principe, quand il parle de son coté bordélique et du fait qu’il se soigne. Mon œil ouais.

"Tu ferais des efforts si j’étais pas là ? Ou tu vivrais dans une marée de boxers et de chaussettes sales ? Avant de finir écrasé par une tour de boites de pizzas vides…"

Je suis pas maniaque de base. Je crois pas. C’est juste qu’on m’a pas bien laissé le choix et que c’est plus devenu un toc qu’autre chose. Le désordre, ça veut dire que je vais me faire punir, d’une façon ou d’une autre. Je sais que c’est plus le cas, j’ai réussi à faire la part des choses, mais j’ai encore bien trop ce genre de réflexe pour les ignorer. Et puis, à défaut de pouvoir me rendre utile, autant que je garde l’appart dans le meilleur état possible non ?

N’empêche que, je me trouve vachement stoïque quand il m’embrasse dans le cou. Je glousse même pas alors que ça pourrait carrément être possible. Bon par contre, ça répond à ma question si je peux être encore plus rouge que tout à l’heure tiens. Mais il dit rien, c’est que ça doit pas être important pour lui. C’est juste pour… pour quoi au juste ? Comme ça ? Pour me dire qu’il me trouve jolie ? J’en sais rien moi comment ça se passe en fait. En vrai. Mais ça devient pire après. Enfin pire, façon de parler. Disons que je comprends encore moins ce qui se passe, si ce n’est que mon cœur a un sacré raté quand il m’embrasse comme ça. Parce que je suis déçue. Ouais, je sais, c’est stupide de croire qu’il pourrait me voir autrement que la gamine qu’il a sauvée. Et pourtant, l’espace d’une seconde, j’y ai cru. Et c’était chouette. Vraiment. Faut que j’arrive à chasser ce sentiment qui commence à prendre le pas sur le tout le reste. J’ai pas envie de nous gâcher la soirée et surtout de briser ce qu’il y a entre nous. Donc j’essaie de garder la tête haute, de faire comme si c’était exactement ce que j’attendais et je pense qu’il voit rien.

Enfin, j’espère, sinon il va me poser des questions et comme je sais pas lui mentir, je vais tout balancer et on sera super mal à l’aise et ce sera horrible. Et je le perdrais lui. Pour de bon. Le truc que je pourrais pas supporter. Donc ouais, me cacher un peu dans ses bras quand il me remercie pour mes cadeaux débiles, c’est bien ça. J’arrive à garder un semblant de contenance quand il me relâche et à être convaincante. Je crois.

"Oh, t’aurais probablement d’autres trucs tout aussi bien, voire mieux. Mais je suis contente que ce soit pas le cas. Pour moi en tout cas. Surtout cette jolie chemise. Et oui, tout ça, c’est vraiment chouette."

Oublie le reste, par pitié. Fais comme s’il s’était rien passé sinon tu vas pleurer et il va pas comprendre. J’inspire doucement, me focalisant sur mes cadeaux. Ouais, ça c’est un bon truc. Même si mon regard s’attarde un peu sur le bracelet que j’ai bricolé y a deux ans et qu’il a mis directement. Je souffle alors, sans même y réfléchir.

"T’es pas obligé de le porter hein. Je veux dire, t’as pas à le faire pour me faire plaisir. Je sais qu’il est pas super et je… bref. Je me vexerais pas si tu le portes pas."

Finalement, je me jette sur ce gros paquet. Et ce qu’il y a dedans me fait tellement plaisir que je pourrais encore en pleurer. Non mais j’ai quoi moi ce soir ? Je suis ridicule et je vais vraiment finir par tout gâcher. Mais non, ça va, je souris et il a l’air content. Et je me contente de hocher la tête, à court de mots l’espace d’une seconde alors qu’il me demande si ça me plait. Evidemment que ça me plait, comment ça pourrait ne pas être le cas ?

Je me fâche quand même un peu, pour le principe, même si je plisse des yeux quand il montre le bracelet.

"Ca n’a rien à voir. J’ai fait ça y a deux ans avec des restes de bijoux et de ceinture. Donc tu triches encore plus que moi. Surtout que j’ai pas besoin de cadeaux pour que tu me rendes heureuse."

Bon, j’arrive quand même à mettre mes barrettes et j’ose même pas imaginer quelle tête je dois avoir avec. Enfin, c’est pas grave, c’est pas comme si c’était acté que visiblement, je suis pas son genre. Sinon il m’aurait embrassée non ? Pour de vrai je veux dire. Alors que là, clairement, il a eu le choix et en fait il a préféré ne pas le faire. Ouais, je sais, je vais probablement ressasser ça à peu près un milliard de fois au moins, surtout quand je serais dans mon lit. Je louche alors sur mes barrettes, même si je peux pas les voir et je lui souris avec malice.

"Non, tu dois dire que je suis super classe et tout. Au minimum. Mais je pensais pas avoir autant de cheveux en fait. Hum, je devrais ptet les couper en fait. Ils font n’importe quoi en plus."

Je tire sur une mèche rebelle en grimaçant avant de lâcher l’affaire. Un jour, j’aurais une vraie coupe de cheveux. Voilà un de mes nombreux projets qui ne servent à rien. Voir les gants, ça me plait moyen, autant le dire tout de suite. Et il le sait, vu sa réaction. Genre les mains dans les poches. Je le connais assez pour voir qu’il est pas super à l’aise. Tant mieux, je suis pas la seule comme ça.

Je les attrape et je les fixe, un sourcil arqué et la moue dubitative.

"Ils sont jolis. J’aime bien le rose. Et Aleks en aura aussi donc. Mais… ça veut dire quoi ? Que tu seras pas toujours là pour me défendre ? Que t’en as pas envie ? Que tu veux te…"

… débarrasser de moi ? Ouais, j’arrive pas à finir ma phrase à haute voix, parce que ça me fait une boule dans la gorge direct pour le coup. Remarque, ça m’étonnerait pas plus que ça. Moi aussi j’aimerais bien me débarrasser de moi des fois. Je fronce alors les sourcils, essayant de les mettre sans grande conviction alors que je souffle, d’une voix pensive.

"Pourquoi tu veux que je te cogne dessus ? Après… j’aimerais bien voir où tu t’entraines oui. Ca me dérange pas de rester toute seule à la maison mais ça me ferait plaisir de passer plus de temps avec toi. Même si je vais avoir l’air ridicule là-bas."

Mais non ça m’angoisse pas du tout. Bon, peut-être un peu. Beaucoup ? J’y peux rien moi si je comprends pas ce qu’il veut vraiment.

Je sais bien que je ne devrais pas rire. Ni même sourire. C'est pas très cool pour elle, c'est même quelque peu vexant oui. Pourtant je peux pas m'en empêcher. Pas juste parce qu'elle ressemble à un chaton essayant de faire croire qu'il est un tigre, mais pour tout. Parce que c'est Noël et qu'elle est là, parce qu'elle a l'air heureuse, parce que rien de tout cela ne pourrait gâcher le plaisir que j'ai de la voir ainsi.
Et puis de toute manière, on s'en fout non ? Je veux dire, il y a quelques mois, elle me parlait même pas. Il y a quelques mois, elle ne réagissait pas vraiment. Il y a quelques mois, elle sursautait dès qu'il y avait un bruit trop fort ou trop soudain. Ouais, comme un petit animal sauvage perdu et déboussolé. Maintenant, elle sourit, rit et elle semble aller bien la plupart du temps. Et j'avoue que j'aime beaucoup la voir réagir, tant en bien qu'en mal. Donc si elle doit râler, froncer les sourcils, hausser le ton de temps à autre, même contre moi, ça me va. Au moins, elle réagit et elle apprend à dire ce qu'elle veut et ce qu'elle pense. D'accord, c'est un peu une excuse bateau, mais ça fait quand même partie des raisons qui me font sourire à présent, j'aime bien la voir pas contente.

Et quand elle revient, en robe, encore plus jolie que d'habitude, même si je l'aurais pas cru possible. Et qu'elle soit gênée et rougissante n'enlève rien à tout cela, au contraire. Et si je lui souris, sans pouvoir m'empêcher réellement de la dévorer des yeux, je réalise une fois de plus qu'elle a quand même fait beaucoup de chemin, et c'est vraiment trop cool.
Je réponds à son sourire, aussi malicieux qu'elle.

« Et tu me paierais en quoi ? En crackers ou en muffins au chocolat ? Si c'est le cas, je prends ! »

Et ses froncements de sourcils et pseudo-colères sont aussi rapidement oublié, alors qu'elle souffle de nouveau un rire. Okay, j'aime quand elle réagit, même en faisant la gueule, mais c'est quand même mieux quand elle sourit. Et qu'elle se moque de moi. Je souffle un rire à mon tour, avant de grimacer à mon tour.

« C'est une possibilité... Mais je ferais quelques efforts quand même, pour ne pas être écrasé par une tour de boites de pizzas ou pour ne pas être étouffé par des chaussettes sales... Ce serait une mort terriblement triste... »

Mais clairement oui, sans elle, l'appart serait dans un état épouvantable. Je sais même pas comment elle fait pour réussir à tout faire, tant ça me semble hyper compliqué à moi. Enfin, si, je sais, je me doute bien qu'elle a pas trop eu le choix et que... Bref.

Je me laisse un peu emporté, juste un peu... Mais non, un peu beaucoup en fait. Je saurais même pas trop dire pourquoi. Si c'est sa tenue, son sourire, sa joie, ou la situation. Sans doute un ensemble de tout cela. J'espère en tout cas. Sinon ça veut dire que je commence à atteindre mes limites et que je dérape parce que je suis un boulet de premier ordre. Et que je risque tout seul de tout foutre en l'air. Et ça, jamais je me le pardonnerais. Même si, dans le fond, quoiqu'il se passe, je serais toujours présent pour elle. Mais si c'est elle qui part ? Si c'est elle qui ne supporte pas tout ça, parce que je serais allé trop loin ? Je ferais comment pour veiller sur elle si elle est plus là, si elle veut plus que je l'approche ? Donc oui, c'est un mauvais plan. Très mauvais. Même si je m'arrête à temps, je sais que je suis déjà un peu limite. J'espère juste que c'est pas trop pour elle. Et je suis pas sûr que ce soit pas le cas. Mais elle dit rien et pour le coup, j'ai la sagesse de faire pareil.
Je secoue la tête en la fixant.

« Mieux ? J'en doute... Et on s'en fout non ? On est content que ce pas le cas tous les deux, donc voilà. »

Je fronce les sourcils en lui jetant un coup d’œil, avant de regarder à nouveau le bracelet.

« C'est pas pour te faire plaisir. Moi, je le trouve chouette. Vraiment. Beaucoup mieux que ceux en perles roses et bleues que tu m'avais fait quand tu étais petite... et qui doivent toujours traîner dans mon tiroir... »

Sans doute, comme si j'en étais pas sûr, comme si j'en avais pas pris soin depuis tout ce temps. Et elle a l'air d'apprécier aussi son cadeau, et pas qu'un peu. Elle sourit et hoche la tête. Bien, tant mieux. C'était un peu le but, c'est le principal. Je lui souris doucement, bien plus ravi et soulagé qu'elle ne pourrait le deviner.
Je la dévisage une seconde, retenant de peu la question qui me vient : "Je te rends vraiment heureuse ?" parce que là, pour le moment, je veux bien la croire sur parole.

« Je triche pas. C'est des cadeaux pour te faire plaisir. Pour... rattraper le temps perdu. Que j'ai eu envie de te faire. »

Pour me faire pardonner un peu. Pour faire oublier tout ceci... Peut-être. Mais je ne peux le dire ainsi. Elle va encore feuler sinon... Mon sourire ne me quitte pas alors qu'elle met une barrette et qu'elle tente de faire style ça lui va super bien. Déjà que petite, ça faisait hyper mignon, là, c'est... comment dire... un mélange original. Je ne la quitte pas des yeux alors qu'elle se fait de nouveau malicieuse.

« Super classe... Je dois donc te mentir. » J'ai un sourire en coin. « Tu es très jolie avec...
Et non. Coupe pas tes... Enfin... Tu peux un peu, juste un peu... Mais tes cheveux sont très bien ainsi... Enfin, tu fais ce que tu veux en fait. Si tu y tiens, je te laisserais de quoi payer le coiffeur. »

Bien sûr qu'elle fait ce qu'elle veut, quand bien même cela ne me plairait pas, j'ai rien à dire pas vrai ? Par contre, sur le reste, je peux quand même donner mon avis et pousser un peu. Comme pour la boxe, que j'aimerais bien qu'elle apprenne. Ça veut pas dire que je suis hyper à l'aise, parce que je sais qu'elle va pas aimer, mais quand même, j'y tiens.

Déjà elle ne hurle pas, c'est plutôt bon signe. Donc j'ai de quoi manœuvrer. Cool. Sauf que j'aime pas pour autant ce qu'elle dit. Je l'observe un instant, fronçant les sourcils en miroir, et j'inspire en la regardant, avant de l'aider à mettre les gants, avec lenteur et douceur.

« Non, ça veut pas dire ça. Je t'ai promis de toujours être là et je compte pas changer d'avis. Je serais là pour te défendre, parce que j'en ai envie Quinn. Rien ne changera ça. »

Je pousse un léger soupir.

« Ça veut dire que je veux que tu apprennes à le faire toi. Parce que tu as besoin de le faire. De prendre confiance en toi. De savoir que tu es capable de le faire. Parce que ça me rassurerait de savoir que tu sais te défendre toute seule. Pas parce que je serais pas toujours là. Mais... je veux que tu saches te protéger.
Et ça te ferait du bien en plus, autant de te défouler que de prendre un peu de muscles. Tu ressemblerais moins à un moustique... »

Je place une mèche de cheveux derrière son oreille et lui sourit doucement.

« Tu pourras venir, sans forcément être obligée de t'entraîner. T'aurais pas l'air ridicule, je suis sûr que t'as un super direct en fait. Et je veux pas forcément que tu me cognes dessus, même si je suis persuadé qu'une partie de toi adorerait pouvoir me coller une droite, juste pour montrer que tu peux être plus forte que moi... Je me dis juste que t'aurais moins de mal avec moi qu'avec quelqu'un d'autre... Justement parce que c'est moi... Et puis, honnêtement, même si t'es douée, t'es un moucheron, tu pourras pas me faire grand mal... »

Je lui fais un clin d’œil et frôle sa joue du pouce, avant de sourire de plus belle.

« Bon, vu que t'es coincée avec tes gants, je te proposes de sortir les petits fours et de commencer à manger. » Je me dirige vers le frigo, sans perdre mon air amusé. « D'ici à ce que tu les enlèves, j'ai peut-être une chance de pouvoir grignoter quelques trucs avant que tu ne manges tout qui sait. »

C'est tellement plus facile de lui parler de tout cela. Et plus amusant. Je vois d'ici son froncement de sourcils  et son air indigné. Promis, j'essayerais de ne pas rire trop rapidement.