Ne sortez pas. Ne côtoyez personne. Evitez tout contacts, lavez vous les mains. Ces mots résonnèrent plusieurs fois dans la télévision que nous avions l’habitude de garder allumée dans la salle de conférence - quand nous n’étions pas en train d’y rencontrer qui que ce soit évidemment - et en temps normal, cela ne m’aurait pas fait paniquer de quelconque façon, mais quand ceux-ci commencèrent à être accompagnés avec quelques détails sur ce qui se déroulait dans l’hôpital de la ville, ce même hôpital autour duquel j’étais allé faire une visite plus tôt dans la journée pour me tenir au courant de l’avancée des travaux d’un bâtiment connexe que j’avais conçu, je ne me sentis pas trop rassuré. Et puis, parce que rien n’était fait pour m’aider dans le cas présent, j’en avais l’impression, je me sentais fatigué, probablement plus qu’à l’habitude aujourd’hui. Et borné comme je pouvais l’être de temps à autre, je ne parvenais pas, dans ma tête, à associer cette fatigue au fait que la veille, j’avais passé pas mal de temps sur la rénovation de la chambre qui deviendrait bientôt une nurserie, et que je n’avais pas nécessairement pris de temps pour me reposer avant cette journée de travail plutôt chargée. Était-ce parce que cette dite fatigue m’avait prise tout à coup, ici et maintenant ? Je n’en savais trop rien, mais une chose était certaine, c’était que je ne me voyais clairement pas rentrer à la maison sans prendre quelconque précaution, sans savoir ce qui en était, sans avoir la certitude que je pourrais retourner auprès de ma femme enceinte et de mon fils sans leur transmettre une terrible maladie. Parce que si jamais il venait à leur arriver quelque chose en raison de ma paresse ou de mon inconscience, jamais je ne saurais me le pardonner, c’était sûr et certain. Mais que pouvais-je faire ? Ma journée tirait à sa fin, je n’avais pas d’autre projet que je pouvais vraiment entamer, et je n’allais certainement pas obliger le concierge du bâtiment à attendre que je sois parti pour commencer son boulot, parce que pour sûr, lui aussi voudrait rentrer chez lui à un moment ou un autre. Embêté, je décidai quand même de ranger mes affaires, en m’assurant toutefois de ne rien rapporter à la maison, ou du moins, de ne rien prendre que je ne jugeais pas essentiel. Puis, j’allai à la salle de bains pour me laver les mains une dernière fois avant de finalement sortir, sans toutefois me rendre à ma voiture. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en toute franchise, je n’en eus pas le courage, je n’eus pas la capacité de me convaincre que c’était là une bonne idée que je me rende directement chez moi, sans savoir ce qui en était. Tant pis si certains pouvaient juger que j’étais paranoïaque, à ce point, je m’en moquais quelque peu, pour être tout à fait franche. Je pris alors mon téléphone portable, puis j’envoyai un message à Arya, lui précisant seulement que je resterais un peu plus longtemps que prévu au bureau et qu’elle pouvait préparer le repas sans moi, que j’allais me débrouiller pour le coup. Je ne savais pas comment, parce que je n’avais pas nécessairement faim, mais je n’allais pas les priver non plus, elle et Micah. Volontairement, je ne lui avais pas parlé de mes inquiétudes, et je n’allais pas le faire, tant et aussi longtemps que je ne serais pas sûr de ce qui en était en tout cas. Une fois que ce fut fait, je considérai les rues avoisinantes, où il n’y avait pas grand-monde pour le moment, et me disant que marcher un peu saurait peut-être me calmer, je commençai à progresser, lentement mais sûrement, les mains dans les poches, essayant tant bien que mal de ne pas songer à toute cette histoire.

Tandis que je marchais dans la rue, sans trop savoir où j’allais, je ne m’attendais certainement pas à être abordé par qui que ce soit. Non seulement parce que je n’avais dit à quiconque où j’allais, compte tenu que je n’étais pas certain de ma destination immédiate, mais aussi parce que même si je n’avais pas pour habitude de traîner dans les environs de mon lieu de travail, m’y rendant que pour aller travailler et quittant pour me rendre directement à la maison, j’avais bien remarqué que les rues étaient fortement tranquilles pour une heure où normalement, certains rentraient du boulot, promenaient leur chien, tentaient de calmer leur bébé qui pleurait un peu trop… Mais là, ces gens étaient trop peu nombreux, j’avais l’impression, et cela ne m’aida nullement à me rassurer par rapport à ce que j’avais entendu précédemment. Malgré tout, je poursuivis ma route, quelque perdu dans mes pensées, si bien que ce fut en sursautant que j’accueillis la personne qui venait d’arriver à ma hauteur et qui, visiblement, m’adressait la parole. Heureusement pour moi, je n’eus pas d’autre geste agressif ou même peut-être un peu brusque, ce qui me permis de tourner la tête vers mon interlocuteur pour me rendre compte qu’il s’agissait d’un homme que je connaissais plus que bien. Déjà un peu plus rassuré, mais pas totalement, je fus capable de lui dire:  « Oh hey, ça fait un bout oui… » sans toutefois être aussi assuré de mes propos que je pouvais l’être en temps normal. Mais parce que je refusais que mon ami croie que j’avais une attitude pareille à cause de lui ou quelque chose dans le genre, je tentai de me reprendre à sa nouvelle question, puis lui dire:  « Ça va, et toi alors, depuis le temps ? » Malheureusement, mes propos ne sonnèrent pas des plus convaincants pour autant, rendant le tout encore plus décontenançant pour moi. Pendant un instant, je tentai tant bien que mal de m’accrocher à l’espoir qu’Ace n’allait pas s’en rendre compte, pas pour le moment en tout cas, mais malheureusement, ce ne fut pas vraiment le cas. En effet, Ace sembla remarquer que quelque chose clochait, mais il m’en fit part d’une façon qui ne m’aida pas trop à me calmer, à un tel point que tout ce que je sus dire, ce fut:  « Hein ? Vraiment ? Non je… » Légèrement dépassé par mon propre comportement, je m’arrêtai volontairement, et je soupirai. J’inspirai ensuite profondément pour m’imposer le fait de reprendre ma contenance, désormais bien décidé à paraître à peu près normal, au vu des circonstances. Cependant, je me rendis compte bien rapidement que même si j’avais toute la volonté du monde, toute cette histoire m’embêtait grandement, et je ne savais pas si je serais en mesure de parler normalement de tout et n’importe quoi. Résigné, je finis par dire à Ace:  « En fait c’est que… » me rendant compte qu’après-coup que je n’avais peut-être pas vraiment réfléchi mes propos dans un premier temps. Marquant une petite pause, je songeai à mes propos, et j’ajoutai:  « Tu as entendu parler de cette… épidémie, maladie, je ne sais trop ? » Je décidai de m’en tenir à cela pour le moment, préférant savoir si j’avais halluciné ou quelque chose du genre avant de me prononcer. Tandis que j’attendais la réponse de mon ami, je plaçai mes mains dans mes poches, comme si je voulais m’assurer de ne pas trop me stresser, ou plutôt, pas paraître trop stressé, parce que je ne voulais pas non plus qu’Ace vienne à penser que j’étais malade ou quelque chose du genre. Le simple fait de penser que je pourrais être affecté, c’était amplement suffisant.