1 †Roxane elle a fait des études puéricultrice, mais elle n’a pas trouvé cette voie suffisamment satisfaisante, alors elle s’est lancée dans le bénévolat, une expérience humaine tellement plus enrichissante. Elle a la chance de ne pas devoir s’inquiéter des revenus de la maison, son mari s’occupant de leur confort à tous les deux. Elle peut ainsi s’occuper des enfants à l’hôpital à plein temps, et de la maison le reste du temps. 2 † Il y a quatre ans, son rêve de petite fille s’est réalisé quand Lazar lui a demandé sa main. Elle savait déjà qu’il était celui avec qui elle finirait ses jours. Mais elle attendait, avec patience et persévérance, elle attendait qu’il se décide. Ce fut comme une consécration quelque part. Le mariage se fit en petit comité, à dire vrai, elle ne se souvient plus tellement des gens présents. Elle se sentait juste sublime, et tellement aimée. Puis il était si beau dans son costume de jeune marié. Le plus beau jour de sa vie. 3 † Jolie poupée, elle aime prendre soin d’elle, mettre ses plus beaux atours pour lui plaire, mais aussi pour ne pas lui faire honte. Parce que quand elle fait des efforts, il l’emmène avec lui à de soirées. Vous n’imaginez pas à quel point elle est fière d’être à son bras, fière de son mari et de ce qu’il fait. Au moins, quand elle l’accompagne, elle sait qu’il termine la soirée dans son lit. 4 † Ce qu’elle peut être distraite, Roxane. Toujours le nez en l’air et les idées qui s’évadent. Ça la rend si maladroite. Un jour, elle se fera renverser par une voiture, à force de bailler aux corneilles. Roxane, c’est la jeune femme qui trébuche dans la rue, en chaussures plates et sur un sol lisse, les écorchures, les bleus sur son corps, c’est parce qu’elle ne regarde pas toujours où elle va, elle n’a pas un bon équilibre. Elle en rit sans cesse, et Lazar la sermonne, en mari inquiet. Combien de fois lui a-t-il répété de faire attention ? Elle mériterait des cours de maintien, pour éviter les bleus inutiles. 5 † La famille de Roxane ? Elle n’en a pas. Enfin, c’est lui sa famille à présent. Ses parents sont morts il y a une dizaine d’années. Ils l’avaient eu sur le tard, Roxane était un cadeau inespéré alors que sa mère avait déjà cinquante ans. Sa mère s’est éteinte dans son sommeil et son père, de chagrin, s’est laissé dépérir. Elle ne leur en a jamais voulu, elle comprend cet amour. A la vie, à la mort. Elle était fille unique, ce qui fait qu’aujourd’hui, il n’y a plus de famille qui tienne. Il n’y a plus que Lazar et elle, et cela lui suffit. 6 † Oh bien sûr, elle voudrait des enfants. Ils essayent d’ailleurs. Mais le corps de Roxane semble récalcitrant. En un an, elle a déjà fait deux fausses couches. Ce sont des épreuves bien plus difficiles à surmonter qu’on ne le pense. Par deux fois elle a porté la vie, par deux fois son corps l’a trahi et l’a rejetée. Pour dire la vérité, elle rêve d’un enfant de lui, de Lazar. Mais la récente perte de Faith lui fait espérer un moment de répit. Elle n’a pas envie de recommencer tout de suite. Mais elle ne le dit pas, non. Parce que Lazar, il espère tellement, il attend tellement d’elle. Alors elle fait semblant, pour lui. 7 † C’est vrai que Roxane, elle n’a pas beaucoup d’amis. Les gens les plus proches d’elle, elle les a connus grâce à Lazar. Des amis de son mari, qui sont devenus ses amis. Elle est proche des femmes qu’elle a rencontré à l’hôpital, des gens qu’elle aide lors de son bénévolat à la soupe populaire, mais elle n’a jamais invité personne à la maison. Elle pourrait, bien sûr – pense-t-elle – mais elle sait que Lazar n’aime pas trop ça. Mais elle a des amis, si. Vraiment. 8 † Quand les choses deviennent trop dures à supporter, quand les tracas viennent parasiter son esprit, quand les doutes s’immiscent, Roxane, elle monte le son. Très fort. Parce qu’elle a ce besoin d’assourdir ses pensées, de sentir les basses faire vibrer tout son être. Ca lui fait du bien, ça la détend. Mais timide, elle ne le fait que quand elle est seule à la maison, parce que c’est dans ces moments-là qu’elle peut prendre soin d’elle. Quand il rentre, la radio a intérêt à être mise en sourdine.  9 † Claustrophobe, elle a la hantise des endroits exigus, sans fenêtres, sans lumière naturelle. Elle ne prend jamais l’ascenseur – sauf quand il est là pour la rassurer. Elle cherche toujours la fenêtre quand elle rentre dans une pièce, au risque de suffoquer. C’est incontrôlé, elle ne sait pas d’où ça vient, mais les phobies ne s’expliquent pas. Les espaces exigus, sombre, avec une seule issue, elle en tremble. Violemment.  10 † Mensonges, mensonges, mensonges, … MENSONGES. REVEILLE-TOI BORDEL ! Pousse ! Hurle ! Rue dans les brancards ! Sors-toi de là, bordel ! Tout ça, c’n’est pas TOI. Tout ça, c’est LUI. T’es pas morte Jillian. JILLIAN. Je sais que t’es toujours là. JILL’ !! Roxane, c’est pas toi, c’est lui. S’il te plait, Jill’, Rox’, sauve-toi. S’il te plait, me laisse pas là, dans le noir. Tu nous as tué Roxane. Tu l’as laissé faire. Roxane, fais quelque chose ! HURLE ! BATS-TOI ! … Me laisse pas là… Tais-toi.