ANISSA ZIEGLER ✧ Il se souvient encore, de ses yeux bleus. Il se souvient, de ce regard bleu qui a croisé le sien. Il la voyait parler, il l'a vue s'arrêter. Il a souri, inconsciemment. Et il a continué son chemin. Il s'est assis pas loin. Et quand l'amie d'Anissa est partie, Casey n'a pas réfléchi, en face d'elle il s'est assis. Il ne la connaissait même pas, mais ça ne l'avait jamais arrêté. Peut-être que ce soir, il voulait rentrer avec elle. Pas une autre. Elle était sa cible, elle était « l'élue », elle avait su attirer son regard, son attention, son intérêt. Les coups d'un soir, il n'en avait pas tant que ça. Juste une fois, de temps en temps. Quand son cœur en avait envie, quand son corps parlait pour lui, quand son cerveau lui donnait l'accord. Anissa, elle lui plaisait. Il ne l'aurait pas nié. Pas comme elle. Il avait l'impression de lui plaire, lui aussi. Parce qu'elle flirtait – elle semblait avoir bu un peu, mais pas trop quand même, suffisamment pour être maîtresse d'elle-même. Du moins, c'était l'impression qu'elle donnait. Alors, ils flirtaient. Clairement, sans détour. Ça faisait tellement longtemps que ça ne lui était pas arrivée, à Anissa, et ça lui faisait du bien. Plus encore, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas tenté de la séduire. Même Jeff ne jouait plus à ce jeu-là. Jeff, Anissa était en train de le fuir. Elle fuyait sa protection, elle fuyait son obsession d'avoir un enfant, elle fuyait son amour, elle le fuyait. Peut-être que quelque chose s'est cassé en elle, peut-être que quelque chose s'est cassé entre eux aussi. Non, pourtant, tout va bien. Elle a juste besoin de temps pour oublier, besoin de temps pour avancer. Elle est peut-être bien brisée. Ça tombe bien : Casey aussi. C'est peut-être ça, le problème. Peut-être que deux personnes brisées s'attirent. Jeff aussi, est peut-être brisé. Anissa n'en sait rien, elle ne veut pas savoir : elle ne pense qu'à sa propre douleur. Des fois, elle pense à Casey aussi. Il lui plaisait, il lui plaisait vraiment. Il lui plaît encore. Elle voulait, mais elle ne pouvait pas. Elle était prise, mais il ne le savait pas. Et plutôt que de lui dire, plutôt que de l'admettre, elle a balancé le premier mensonge qui lui est venu à l'esprit. Pas possible, pas attirée par les hommes. Au fond, ce n'était pas un vrai mensonge, elle s'était toujours considérée comme bisexuelle, bien qu'elle n'ait jamais eu d'histoire avec une femme. Alors, oui, ce n'était pas un vrai mensonge. Si ? Casey a paru surpris, parce qu'elle avait vraiment l'air, d'être intéressée par lui. Mais Anissa est faible, Anissa a paniqué. Elle s'est rendue compte de sa bêtise, alors elle a préféré le mensonge. Elle est partie ce soir-là, bien vite. Obsédée par Casey, mais plus encore par son mensonge. Son mensonge, qui la protège contre lui, à chaque fois qu'elle le recroise. Du moins, c'est ce qu'elle se dit, Anissa. Mais Casey est loin d'être dupe. Il voit bien que quelque chose cloche. Il ne dit rien ; pourtant, il n'en pense pas moins. Parce qu'elle l'intrigue, et bon sang, parce qu'elle lui plaît. Beaucoup trop. Beaucoup trop pour sa santé mentale. Beaucoup trop pour son cœur encore fragile, bien qu'il ne l'admettra jamais. C'est peut-être trop tôt pour son cœur. Ou peut-être, au contraire, que c'est justement le bon moment, et que ça l'effraie. Peut-être que c'est justement le bon moment pour lui, pour son cœur. Mais pas pour elle. Jamais. Ou peut-être que si. Ou peut-être pas. Argh, elle l'obsède. Il n'en peut plus, il n'en dort plus. Et elle non plus – mais il ne le sait pas, il ne le saura jamais : toute histoire entre eux est finie avant même d'avoir commencé.