Ça faisait déjà une semaine que j'enchainais le boulot la journée et les combats le soir sans vraiment avoir le temps de faire autre chose. J'étais un peu crevé en ce moment, et mes seules sorties hors "travail" c'était pour promener Acker. J'avais pas non plus le temps d'aller voir Denzel d'ailleurs, je lui avais envoyé un ou deux messages par jour ça va de soit, mais je pense qu'il fera un peu la gueule. Oh et puis merde je lui dois rien non plus, je peux bien ne pas avoir le temps, alors s'il veut faire le gamin ça sera son problème hein.

Encore une journée assez longue au boulot, avec les fêtes j'ai eu pas mal de clients à la chaine venus acheter ou se renseigner pour des jeux vidéos, j'ai à peine eu le temps de prendre ma pause déjeuner. Une fois la boutique fermée, j'ai fais ma routine habituelle. Maison, repas, promener le chien ... Puis je suis retourné dans les rues. J'aurais peut-être pas dû y aller, j'ai hésité en fait. Tout s'est passé un peu comme d'habitude en fait, sauf que je me suis fais rétamer la gueule par mon adversaire. J'étais sûrement trop fatigué, j'arrivais pas vraiment à anticiper et c'est pourquoi je m'en suis pris plein la gueule.

Je suis reparti dans les rues en essayant de rentrer chez moi. Je boitais à moitié, j'avais du sang qui coulait du nez et de la bouche que j'essayais d'éponger avec un mouchoir. J'étais pas si loin de chez Denzel au final. Je pourrais peut-être en profiter pour le voir et en même temps me reposer. Puis il m'engueulera peut-être pas si je suis dans cet état, j'aurais la paix au moins quelques minutes non ? Je l'aime Denzel hein, mais qu'est-ce qu'il peut gueuler pour tout et pour rien. Moi qui suis plutôt du genre silencieux d'ordinaire... Ca me donne vite mal au crâne. Je suis arrivé devant chez Denzel en pleine nuit, mais il y avait de la lumière. Je savais pas s'il y avait quelqu'un chez lui alors j'ai frappé. J'ai attendu qu'il vienne m'ouvrir en continuant d'appliquer le mouchoir sur mon nez. Il mettait un peu de temps, je savais pas s'il était avec un client venu chercher un peu de came, du coup j'ai frappé à nouveau, en l'appelant à travers la porte.

" Denzel, ouvre moi. C'est Solal "

J'entends du bruit à l'intérieur, je me demande s'il a des invités, ce genre de choses. J'attends un peu, est-ce qu'il m'ignore ? Je l'entends pas arriver. Du coup je frappe encore. Il vient m'ouvrir, je vois sa sale gueule apparaître dans l'encadrement de la porte. A sa tronche, il s’apprêtait à me crier dessus ça se voyait. Et il s'est ravisé quand il a vu que j'essayais d'arrêter mon sang de couler. Je connais ses réactions par coeur. Là il va ruminer parce que quelqu'un m'a frappé mais en même temps c'est le jeu quand on fait dans le combat de rue, faut bien s'attendre à mordre la poussière, je peux pas gagner à tous les coups. Puis il m'a déjà vu rentrer dans un état pire que ça, je trouve qu'aujourd'hui ça va encore.

" J'suis pas au top de ma forme, je me suis mal défendu. "

Ni plus, ni moins. Je devrais peut-être lui dire aussi que je suis désolé de pas être venu le voir plus tôt, tout ça, mais c'est pas le moment et pas le lieu visiblement. J'entendais un peu de bruit à l'intérieur. Soit des potes à lui étaient là, soit il était en plein deal et dans tous les cas, c'était pas une bonne idée de lui montrer une quelconque forme d'amour là. Puis est-ce qu'il le mérite hein ? Je me contente de lui poser la question en désignant l'intérieur de la pièce, pour savoir si je dérangeais ou pas.

" Je peux entrer ? "

J'ai fais un pas en avant pour commencer à rentrer, au moins un peu en attendant qu'il me réponde, dans tous les cas je me ferais discret et au pire je repartirais. Je suis vite fait allé chercher un mouchoir en prenant soin d'éviter la pièce où étaient les personnes visiblement. J'ai une nouvelle fois appliqué le mouchoir sur mon nez en le regardant. Je devais avoir l'air un peu con comme ça mais bon. Je me suis adossé à un mur en le regardant un moment. Je me demandais s'il m'en voulait pour cette semaine, ou s'il était juste énervé que je sois blessé. Ou même encore si c'était la présence de ces personnes qui le dérangeait. J'ai rien dis de plus, je lui ai fais signe qu'il pouvait faire comme si j'étais pas là s'il voulait et qu'il pourrait me demander s'il avait besoin d'aide, au cas où. Je suis ensuite allé piocher une bière dans le frigo de Denzel et j'ai bu un peu.

Je le sens ruminer tout seul pendant que je prends mes aises dans la cuisine. Il est forcément en colère contre moi. Mais j'ai toujours préféré ignorer parce que je veux pas m'engueuler avec lui. En général il pète son câble et après je le laisse se calmer. Ça évite les conflits. Alors que je pose ma bouteille de bière sur la table un moment, je le sens empoigner mon bras. Je bouge pas d'un poil au début, puis je le vois qui essaye de me traîner alors je me contente de le suivre sans dire un mot, il me pousse légèrement une fois arrivé dans la chambre pour que je m'asseois sur le lit. Je m'exécute en soupirant un peu.

" Tu te souviens que j'existe quand t'es blessé en fait. "

Je m'attendais à quelque chose du style. Il a un ton agacé mais il ne me crie pas dessus pour autant aujourd'hui, il ne hausse pas non plus le ton. Peut-être qu'il est toujours inquiet ou c'est à cause des personnes qui l'attendent dans le salon.

" Faux. C'est pas vraiment à toi que je pense en premier quand je suis blessé, j'ai d'autres priorités. Juste envie de te voir. "

D'un côté, je dis ça avec un ton détaché comme si je m'en foutais complètement mais c'était vraiment pas le cas. Enfin j'ai pas tord, parce que j'ai des gens pour ça, je veux dire, quand je suis blessé il y a des personnes qui sont là pour m'apporter des anti douleur ou pour me servir d' "infirmier", comme Milou par exemple. Mais le voir râler comme un ado quand il me pince le nez pour arrêter le sang de couler, ça me fait craquer d'un côté. Juste pour le plaisir de voir sa tête de con qui s'inquiète pour moi ... Ça valait le coup de venir le voir. C'est peut-être égoiste de ma part de le faire stresser alors que j'aurais pu aller me soigner alors, et c'est peut-être même perfide de ma part de prendre du plaisir à le voir dans cet état, mais je pense pas qu'il m'en voudra. D'ailleurs, il lit peut-être dans mes pensées parce qu'il se met à pincer mon nez plus fort, je me contente de lever les yeux vers lui et de le dévisager. Il sort ce dont j'ai besoin, je le remercie pas, enfin, j'acquiesce juste de la tête quand il me dit quoi faire. Je prends la relève en pinçant mon propre nez et en penchant la tête en arrière.

" Fais attention à toi. "

Comme je soupçonnais les magouilles qui se déroulaient dans le salon je préférais rester sur mes gardes et à l'écoute, au cas où il y aurait besoin de j'intervienne. On sait jamais. J'ai beau traîner dans l'illégalité moi aussi, ce qu'il fait est parfois pire que les combats de rue.

Je reste assis un moment sur le lit où il m'a laissé, à éponger un peu mon sang. Mais je suis pas vraiment rassuré, non pas que je lui fasse pas confiance, après tout il s'y connait, c'est son boulot. Mais on sait jamais dans ce milieu. Tous des pourris. Denzel est un pourri lui aussi alors je sais de quoi je parles. Je reste aux aguets, j'écoute, je reste concentré comme lorsque je me bat, à l'affut du moindre bruit.

" Rentre dans cette pièce et je vous défonce toi, tes potes et tout ton gang, ok ? "

J'entends les pas juste devant la porte de la chambre. Denzel qui hausse la voix. Je me lève silencieusement, pour pas attirer l'attention plus que ça vers la pièce. J'entends un bruit sourd, quelqu'un a été plaqué contre un mur. Je me tend un peu, je pose presque la main sur la poignée lorsque j'entends le cliquetis assez particulier d'une arme qu'on pointe sur quelqu'un. Je sens mon coeur battre dans ma poitrine, je respire pour faire le vide, si j'interviens maintenant ça risque de les faire flipper et ils vont tirer. Ca me fait chier mais faut que j'attende, en priant pour que Denzel puisse se débrouiller seul. J'entends sa voix. Une porte qui claque puis plus aucun bruits. Je recule de quelques pas pour m'éloigner de la porte et il entre. Je le regarde, il me regarde à son tour et il lâche un soupir avant de me tendre sa main.

" Viens là "

Le timbre de sa voix que j'aime tellement. Sur ce ton bien spécifique qui me fait craquer, un peu ferme mais bienveillant en même temps, le genre de truc qui va pas du tout avec son caractère de merde. Je fais quelques pas vers lui et je viens me coller à lui et déposer un baiser au coin de ses lèvres.

" T'as pas à t'énerver quand je suis blessé tu sais, je suis adulte, je vais survivre, j'ai déjà pris pire dans la gueule quand j'ai commencé~ "

Mais j'avoue que le voir hors de lui quand il me voit dans cet état ça me fait quelque chose. Lui qui est toujours en train de faire la gueule, de râler ou de faire son chieur, ça lui va bien aussi d'être inquiet ou jaloux. Ce gars arrêtera jamais de me surprendre franchement. Il est parfait.

Il me prend contre lui et enfouis sa tête dans mon cou. Je sens son souffle contre ma peau. Il essaye de se calmer, plus il essaye plus il me serre dans ses bras. Moi ? Je bouge pas d'un poil, j'attends en écoutant sa respiration. Je me décide enfin à passer une main dans son dos au bout de quelques secondes, mais je reste toujours aussi silencieux. J'attends. J'attends qu'il s'énerve à nouveau ou qu'il me fasse une remarque désobligeante. Parce que je le connais comme ma poche et je sais qu'il va le faire.

-Envoie un texto la prochaine fois abrutis

Comme quoi, je vous l'avais dis. Il a relevé la tête pour me regarder quelques instants pendant que je levais les yeux au ciel. Je savais pas quoi lui dire. Je vais pas m'excuser non plus, j'étais blessé et j'avais pas pu le voir depuis un moment c'est lui qui devrait me remercier d'être venu rien que pour lui non ?~ Par moments il me fatigue mais au fond j'arrive à le trouver craquant dans son côté chiant. J'allais lui dire un truc enfin mais alors que j'ouvrais la bouche il a posé ses mains sur mon torse et m'a poussé assez fort pour me faire tomber sur le lit. Putain, la douceur du gars sérieux. En plus je suis "blessé", il pourrait me ménager un peu.

-Enlève ton T-Shirt.
" Vicieux. "

Je lève la tête avec un léger sourire, juste pour le faire chier. Je le regarde fixement sans bouger.

-Et ton froc aussi. Et me regarde pas comme ça.

Aller, trêve de connerie, faut bien qu'on regarde si j'ai rien de grave, un peu comme d'habitude. Je retire mon haut et mon pantalon, je me redresse un peu sur le lit et j'essaye de voir un peu mon état. Plusieurs hématomes, marques de coups, rien de bien alarmant pour le moment. C'est devenu habituel, juste dur à repérer par moments avec les tatouages. Une légère douleur quand je bouge au niveau du bras droit et des côtes. Je me rallonge sur le dos.

" Tu t'occupes de moi, le râleur ? "

-Tu sais très bien que je résiste pas à un chiot blessé devant ma porte.

Un chiot blessé, qu'est-ce qu'il faut pas entendre... Je suis tout sauf un animal sans défenses. Je sais me gérer en général surtout au niveau des blessures. Mais bon. Je suis dans mes pensées pendant qu'il sort de la pièce. Il revient deux minutes après et il me tend une poche de glace que je me presse d'empoigner avant de la foutre sur ma tête. J'en profite pour me cacher le visage, comme ça il voit plus ma tronche. Je le sens juste s'asseoir à côté de moi puis, ses mains sur mon corps. La crème est froid et c'est légèrement douloureux quand il l'applique sur mes bleus mais c'est pas insupportable non plus, c'est même plus agréable si c'est lui qui le fait que quand je me soigne seul. Pourtant, utiliser un mot se rapportant à la douceur quand on parle de Den ça peut sembler paradoxal.

C'est quand il m'embrasse que je me met à sourire un peu contre ses lèvres. Je me ravise vite avant qu'il se rende compte que ça me satisfait, j'ai pas envie qu'il prenne la grosse tête non plus. Je peux sentir sa main caresser mes cheveux ... Franchement quand il est comme ça, il se ressemble vraiment pas. Ca serait presque un amour... Il se redresse, je retire mon bras de sur mon visage et je le regarde un moment avant de me retourner sur le ventre comme il me le demande. Je m'étale un peu en essayant de trouver une position qui me fasse pas mal aux côtes, mais c'est peine perdue alors je reste un peu n'importe comment. Je le laisse reprendre ce qu'il faisait, je reste silencieux un moment. Parler pour rien dire c'est pas forcément mon truc... Et pourtant y a un truc qui s'échappe de mes lèvres.

" Merci. Je t'aime. "

Les deux mots que je peine souvent à lui dire. Il devrait le savoir toute façon, mais j'aime pas vraiment me répéter. Mais bon quand il met du coeur à s'occuper de moi et quand je le vois se mettre dans des états pas possible juste car il me voit blesser, ça me donne envie de lui dire. Je sais que c'est un connard. Je le suis aussi, je suis pas du genre à exprimer mes sentiments, je trouve que c'est une perte de temps. Mais si je suis pas capable de dire un truc aussi évident à l'homme avec qui je suis en couple, qu'est-ce que je serais capable de dire ? Je peux pas rester muet toute ma vie non plus. Alors avec cette espèce de tête de con, j'essaye de me montrer un peu moins silencieux.

" Tu me le dirais si tu étais dans les emmerdes. "

Je me sentais un peu con quand même, parce que j'allais l'inquiéter pour rien. C'était pas vraiment mon but. Je sais que je suis pas bavard mais en vrai je vais bien, c'est pas mon intention de lui faire croire que je cache quelque chose ou quoi que ce soit. Je soupire un peu et je retire sa main de ma joue pour la prendre. Je me penche pour l'embrasser à nouveau.

" Je te le dirais, je te le promet. "

Rien que là, c'est déjà trop de parlotte pour moi. Je sais pas trop où me mettre et je me sens pas forcément super à l'aise mais bon va falloir que je m'y habitue, logiquement je suis bloqué avec lui encore longtemps, p't'ètre même toute ma vie si ça se passe bien entre nous, alors faut que j'arrête de me fermer comme ça. Je passe une main dans ses cheveux en le regardant un moment, puis, en essayant de briser un peu le silence, je lui lance.

" T'as faim ? Tu veux pas que j'aille nous faire un truc et qu'on aille se poser devant la télé ? "

Je suis résistant, j'allais pas super bien mais je me sentais déjà d'attaque pour aller faire de la cuisine. J'aime pas de rien faire. Il y a très peu de moments où je fais rien dans ma vie en fait. Le boulot le matin, les promenades du chien, les combats le soir... Mon peu de temps libre je l'occupe comme je peux, je joue un peu aux jeux vidéos, et puis le reste du temps je suis chez Denzel. Alors je profite pour me redresser un peu.

" T'as envie de quoi ? Et t'inquiètes, je me sens déjà mieux."

Parce que le connaissant il allait encore râler parce que j'essayais déjà d'aller faire autre chose. Mais bon j'allais pas m'arrêter de vivre pour quelques hématomes, on peut pas faire mieux de toute façon.