Mon boulot, c’était ce que j’aimais le mieux faire, c’était ce que je faisais le mieux et c’était ce qui me permettait de garder un certain contrôle sur ma vie. Certains pourraient dire que c’était peut-être malsain, mais moi, je m’en moquais. Jamais je n’étais allée à un point de perdre la tête à cause de mon emploi, et j’avais toujours su garder une vie personnelle relativement équilibrée. Pourquoi ? Parce que mon boulot, prenant comme il était, me faisait oublier mes problèmes, me permettait de tout oublier quand venait le temps d’être seule, tranquille chez moi, ou de sortie quand le temps me le permettait. Ça avait toujours marché, jusqu’à récemment, jusqu’à ce fameux jour où Cole était apparu, comme sorti de nul part, à la mairie où je travaillais, en venant à m’annoncer qu’il avait accepté un mariage arrangé, soi-disant pour sauver son entreprise. Après cette conversation, je l’avais renvoyé de mon bureau, incapable de supporter le fait qu’il doive se plier à ce qui me paraissait être des histoires de l’époque médiévale. Les mariages arrangés, c’était quelque chose qui m’horripilait, qui se trouvait à être contre mes principes. Je me doutais bien que Cole n’avait pensé à cela en faisant un tel arrangement, j’en étais même persuadée, parce que si j’avais compris, il ne me calculait plus au moment de cette décision. Malgré tout, j’étais dégoûtée, dégoûtée qu’il se plie à une telle mascarade, mais dégoûtée aussi parce que je savais que le fait que je n’avais pas eu de ses nouvelles n’était pas qu’une simple passade, une erreur qui aurait pu être réparée avec le temps. Avec ce mariage, le peu d’espoir que j’avais pu avoir pour lui, pour nous deux, venait de complètement s’estomper. Évidemment, jamais je ne saurais l’admettre directement, à qui que ce soit, mais oui, j’avais eu cet espoir, et maintenant, il me fallait en faire le deuil. Cependant, cela s’était avéré pas mal plus difficile que je ne l’aurais cru, si bien qu’encore aujourd’hui, ce deuil, je ne l’avais pas encore fait. Par conséquent, une journée de congé où je n’avais rien au programme devenait particulièrement longue, tellement qu’après quelques heures à tourner en rond dans mon appartement, je compris que je me devais de sortir, me changer les idées, faire quelque chose pour ne pas devenir ce qui me semblait dingue. Même si ce n’était pas nécessairement dans mes habitudes, je choisis d’enfiler une tenue de sport, puis d’aller courir, marcher, me promener un peu, qu’importe, tant et aussi longtemps que j’avais autre chose à faire, quelque chose à regarder qui serait susceptible de me changer l’esprit, me faire changer d’air aussi. Prête en quelques instants, je pris mon téléphone ainsi que mes écouteurs, plaçant ce premier dans la poche de ma veste juste avant de tourner la poignée de la porte de ma demeure. Le plus normal à ce moment aurait été que je referme la porte une fois être passée pour prendre la route, mais il y avait quelque chose sortant de la normale qui me l’empêcha, une personne. Sitôt, je sursautai, reprit rapidement mes esprits, puis les perdit encore une fois quand je vis de qui il s’agissait; Cole. Pendant un instant, j’en vins à me demander pour moi-même s’il était vraiment là ou bien si j’étais devenue folle au point de l’halluciner. Puisque je ne pouvais passer, j’en vins à la conclusion que oui, il était bel et bien là, et pourtant, ce ne fut pas assez pour que je sache réagir immédiatement. Pourtant, il fallait que je me bouge, que je fasse quelque chose. Mais quoi ? C’était bien ça mon souci avec lui; je ne savais jamais comment m’y prendre, et c’était plus vrai que jamais maintenant que tout était plus complexe, incapable à régler avec quelques baisers et paroles bien placées. Au final, après m’être appuyée sur la porte, tentant tant bien que mal de prendre un air neutre, mais un peu froid, je lui dis:  « Que me vaut cette visite ? Tu n’es pas supposée être avec ta fiancée à choisir la couleur des serviettes de table ? » Bien malgré moi, mon propos avait été rempli de sarcasme, mais visiblement, c’était la meilleure protection que j’avais trouvée, pour ma personne, pour mon bien-être, même si au fond, je ne pouvais pas dire que j’allais bien, ce qui était probablement le plus horrible dans tout cela.

Même si je fis mon possible pour garder un air impassible, je craignis pendant un instant la réaction de Cole suite à ma pique, à un tel point que je regrettai de l’avoir limite agressé de la sorte alors que je ne savais pas ce qu’il me voulait. Évidemment, je voulais me protéger, mais rien ne me disait qu’il n’était pas venu pour s’expliquer, s’excuser. J’avais trop peu d’espoirs de cela, mais quand même, là, c’était limite comme si je ne lui en avais pas donné l’occasion, et je m’en trouvais quelque peu ridicule. Heureusement - si je pouvais le dire ainsi - Cole ne sembla pas m’en tenir rancune, comme si limite, il comprenait pourquoi j’avais réagi de la sorte, et qu’il avait décidé de ne pas m’en vouloir. Je doutais fort que ce n’était pas cela qui s’était passé dans son esprit, je me doutais aussi qu’il ne comptait pas me donner raison pour le coup, même moi, je n’étais pas certaine que je pouvais être particulièrement fière de ce que je lui avais dit. Mais je n’allais pas m’excuser, non, ça, ce n’était juste pas possible. Et puis, dans le cas présent, ouvrir la bouche à nouveau aurait tôt fait de couper la parole à Cole qui en vint à m’expliquer qu’il était venu me déposer quelque chose, un quelque chose qui, soudainement, il trouvait ridicule. Ne pouvant pas voir ce qu’il pouvait cacher derrière son dos, je fronçai les sourcils, ne voyant clairement pas où il voulait en venir. Encore une fois, je ne dis rien, lui donnant ainsi l’occasion de sortir de son dos une enveloppe, qui contenait une lettre, si je me fiais à ses propos. Une lettre, mais pas n’importe laquelle; une lettre supposée m’expliquer tout ce que je me devais de sa voir. Par rapport à quoi ? Sa situation ? Son mariage ? La fin de notre histoire ? Parce que oui, il y avait des choses que je voulais savoir par rapport à tout cela, si bien que je ne savais pas par où commencer, et que je n’arrivais pas à comprendre comment Cole avait pu tout consigner sur un bout de papier, un bout de papier qui, soudainement me semblait terriblement impersonnel, beaucoup trop formel. Pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas l’expliquer ? Pour éviter les questions trop gênantes ? Pour m’éviter moi ? Avais-je été si horrible à son adresse la dernière fois, à la mairie ? Cette dernière question, bien malheureusement, j’avais l’impression que je devais peut-être répondre par la positive. Évidemment, lui non plus n’avait pas donné sa place niveau vacheries dites, mais quand même, peut-être aurais-je pu mettre ma fierté de côté, me montrer plus ouverte ? Réprimer cette mauvaise habitude que j’avais de me braquer et de me borner quand quelque chose me frustrait, ou bien quand j’étais en panique comme à ce moment là ? Je ne savais pas trop, je n’avais pas l’impression de savoir grand-chose, sauf une chose, bien importante; je n’avais pas envie de lire une lettre et me dire qu’après cela, tout serait terminé. Parce que même s’il ne l’avait clairement pas dit, je l’avais senti, je l’avais compris que ce serait ainsi. Le point sur cette lettre, ce serait le point sur nous deux, sur notre histoire, cette histoire qui avait marquée ma vie et sur laquelle, au fond de moi, j’avais su tirer un trait à proprement parler. Marchant sur mon orgueil, j’expirai profondément, puis je dis:  « Attends… » Pour la première fois, j’avais été relativement douce, j’en avais l’impression. En tout cas, j’avais fait un énorme effort pour. Et j’espérais que ça, il allait l’apprécier, parce que sinon, ce que je dis par la suite, soit:  « Je ne veux pas tout apprendre sur un bout de papier… Est-ce vraiment trop demandé de me l’expliquer ? » ne passerait certainement pas bien, je m’en doutais déjà. À ce point, s’il voulait simplement lire la lettre à voix haute et partir par la suite, limite, je pourrais l’accepter, mais je voulais que ça vienne de lui, de sa voix, de ses expressions, de sa personne, et non pas quelque chose qu’il aurait pu écrire que trop formellement, ou qui laisserait tant de choses en suspens qu’au final, ça n’aurait absolument rien changé. Mais pour cela n’arrive pas, encore fallait-il qu’il veuille bien me le dire, de vive voix, parce que sinon, il me faudrait me contenter de cette lettre, semblait-il, et c’était la dernière chose dont j’avais envie actuellement.

Orgueilleuse, je n’aimais pas admettre mes erreurs, surtout quand je n’étais pas persuadée à cent pour cent que j’en avais fait une. Mais là, quand Cole en vint à me dire que je ne comprenais pas pourquoi il avait sacrifié sa vie amoureuse, je ne sus faire autrement que de baisser la tête et admettre que non, je ne comprenais pas. Parce que personnellement, jamais je n’aurais fait une chose pareille, pas aux premiers abords en tout cas. Venant de moi, j’étais consciente que c’était limite une ironie, parce que je me dédiais à mon boulot plus qu’à qui ou quoi que ce soit au monde, mais jamais je n’avais dit que j’allais me lier à mon boulot au point de sacrifier toute chance de trouver le bonheur. Plus encore, si j’étais tant noyée dans mon travail, outre parce que celui-ci me plaisait énormément, c’était aussi parce que c’était la seule chose à laquelle j’avais trouvé pour m’accrocher, pour ne pas devenir dingue après que Cole ait cessé tout contact, et encore plus maintenant que je savais qu’il était fiancé, sans que je n’en sache rien, sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit, outre l’écouter en silence, aller au bout de ses confessions et de ses explications. Je ne sus pas dans un premier temps si c’était une bonne idée, mais entre des propos de vive voix et un bout de papier, la première option me semblait la moins pire. C’est ainsi que j’appris ce qui s’était passé suite à son départ, plus en détails. Dans nos échanges, j’avais eu vent que ce n’était pas toujours aussi simple, que parfois, il finissait de travailler fatigué, lassé, perdu dans tout cela. Et chaque fois, j’avais fait mon possible pour essayer de l’encourager, l’aider, même si c’était bien compliqué, vu la distance et le fait que la gestion d’entreprise, ce n’était pas mon truc. Mais là, il était évident que j’aurais voulu en faire plus, surtout au moment où Cole avait perdu cet ami qui lui était cher, quand il avait pu ressentir cette culpabilité dont il me faisait part, m’arrachant un air désolé, presque les larmes aux yeux. Mais ça, je ne voulais pas le laisser le voir, je ne voulais pas qu’il en déduise tout de suite qu’outre de la tristesse pour sa situation, je me sentais confuse. Je me sentais confuse parce que j’admettais que je l’avais jugé trop vite pour le coup, que j’avais pensé d’une façon égoïste, qui ne me ressemblait pas nécessairement, parce que lorsque je l’avais revu à la mairie, j’étais dégoûtée, en colère d’avoir appris ses fiançailles de cette façon, dans le journal local. Évidemment, je n’approuvais pas totalement le geste, mais si c’était là la seule solution, que pouvais-je y faire en fait ? Soupirant, pour ça, j’étais limite prête à concéder, mais il n’en demeurait pas moins que la rage, la déception était encore là, et elle dépassait cette simple confession. Et très rapidement, encore plus que je ne l’aurais imaginé, je mis le doigt sur ce qui me frustrait tant et ce, depuis le début. Sitôt son discours terminé, je me permis finalement de relever le regard, et après avoir inspiré profondément pour m’assurer de ne pas avoir une voix trop brisée, je demandai:  « Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Pourquoi tu m’as laissée de côté de la sorte ? J’aurais… » Je m’interrompis quand je réalisai que j’étais en train de reprendre mon attitude « j’aurais pu t’aider à sauver le tout » alors que non, ce n’était pas le cas. Ce n’était pas être défaitiste, seulement réaliste. Mais après, ça ne venait pas changer le fait qu’au moins, j’estimais avoir été présente quand venait le temps de le soutenir, autant que possible. Pourquoi ? Parce que je l’aimais, tout simplement. Mais là, j’avais un profond doute sur la réciprocité de mes sentiments, d’où le fait que je terminai mon propos en disant:  « Je pensais que j’étais un peu plus importante que ça pour toi… » Je savais bien que dit ainsi, mon propos semblait quelque peu égoïste, mais il fallait bien que je me rende à l’évidence ; si je ne pouvais pas changer la réalité professionnelle de Cole, au moins, je pouvais essayer de comprendre ce qui s’était passé par rapport à nous deux, parce que sommes toutes, c’était ce qui était le plus abstrait, mais surtout le plus douloureux, pour moi en tout cas.

Même si ça avait été plus avantageux pour moi de dire que je n’aurais pas tenté de le dissuader, que j’aurais accepté sa décision et que j’aurais vécu avec, ça aurait été un mensonge. Je me connaissais, et je savais que j’aurais tenté de le persuader que c’était ruiner sa vie au profit des autres, que ça ne se faisait pas, que nous n’étions plus à l’époque des mariages arrangés. Et si ça n’avait pas été suffisant, j’aurais remué terre et ciel pour trouver d’autres arguments jusqu’à ce que je gagne. Parce que j’étais comme ça, parce que j’étais têtue et que j’étais encore plus pénible quand j’étais persuadée que j’avais raison. Pire encore, changer d’avis ici et maintenant n’aurait certainement pas été crédible, compte tenu de la scène que je lui avais faite à la mairie, il y a quelque temps de cela. Mais ce qui me faisait le plus mal, c’était qu’alors que j’étais fière d’avoir des idées arrêtées, en ce moment, je les regrettais presque. Pendant un instant, ne serait-ce qu’un petit instant, j’aurais voulu ne pas avoir des idées aussi arrêtées, pas à ce moment-là, il y a quelques mois, juste pour que Cole ne prenne pas la décision de couper le contact. Puis, quand je réalisais que ce n’état pas réaliste, parce que je savais que je ne l’aurais pas acceptée, ça devenait encore plus pénible à vivre et là, debout devant mon ex-petit ami, je me sentais paniquer, et c’était un sentiment horrible, si bien qu’il me fallut passer ma main dans mes cheveux et inspirer profondément, en espérant que cela allait passer, mais ce ne fut pas le cas. Puis, comme si c’était fait exprès, Cole vint ajouter une couche en mettant le doigt sur ce qui faisait le plus mal dans tout cela, à savoir le fait qu’il se sous-estimait, qu’il pensait que je méritais mieux, autant à cette époque qu’aujourd’hui. Je n’étais pas stupide, je savais qu’il avait fait des erreurs et qu’il était loin d’être parfait, mais toujours je m’en étais moquée, parce que j’avais appris à vivre avec ses défauts, comme avec ses qualités. Et ce mélange fit en sorte que là, tout de suite, je n’avais plus le courage de l’engueuler, tenter de lui dire qu’il avait eu une mauvaise idée, rien de tout cela. Il savait déjà ce que je pensais, mais j’avais l’impression qu’il ne pouvait comprendre ce que je ressentais. Telle une gamine pourrie gâtée, je lui dis:  « C’était toi, mon bonheur. » sans être capable d’ajouter quoi que ce soit. Je savais bien qu’il voulait défendre sa cause, essayer de me convaincre que c’était pour le mieux, et je le respectais, mais je n’arrivais pas à assimiler cela. Je ne voulais pas l’assimiler, je ne voulais pas me résoudre à l’idée qu’il me fallait le laisser partir comme si de rien n’était, accepter qu’il se marie avec une femme qu’il n’aimait pas et faire une croix dessus, définitivement. Peut-être que ce serait la solution la plus saine, mais certainement pas celle qui me plaisait le plus. C’était la dernière chose que je voulais voir arriver, qu’importe ce qui s’était passé, qu’importe ce qu’il avait pu faire. J’étais consciente que je me faisais probablement plus de mal que de bien en réagissant de la sorte, mas je ne savais pas faire autrement, pas dans l’immédiat. En gros, il me faudrait plus de temps pour assimiler la chose, parce qu’à un moment ou un autre, il me faudrait le faire, parce que je me doutais bien que qu’importe ce que je pouvais penser, ressentir faire, ça ne changerait rien. Pourquoi je m’attardais à ça en fait ? Je ne savais même pas, je ne savais pas ce que je faisais actuellement, tout court.

Au moment où je me retrouvai à regarder Cole dans les yeux tandis que celui-ci m’avouait que j’étais son bonheur à lui aussi, non seulement, je fus touchée par ses paroles, mais encore plus par ce que je vis dans son regard. En effet, dans ses yeux, j’avais vu, pendant un instant, cette froideur qu’il adoptait pour se donner un air plus fort à son habitude, complètement disparaître. Pendant un bref moment, pendant quelques mots, quelques secondes, j’avais retrouvé Cole, mon Cole à moi, celui que j’avais profondément aimé et que je pensais aimer indéfiniment et que, je ne pouvais faire autrement que de l’avouer, j’aimais toujours. Bien sûr, cela ne serait pas suffisant pour étouffer toute cette frustration, cette rancoeur que je ressentais à son égard, à l’idée qu’il m’ait plantée là, et que maintenant, il allait se marier avec une autre femme, sans que je puisse y faire quoi que ce soit, parce qu’il était trop tard, parce que tout était décidé et qu’il était impossible de changer le cours des choses. Je savais que je ne pouvais pas m’accrocher à cet espoir, c’était irrationnel, et comme pour me faire à l’idée, je pris ce moment comme étant probablement le dernier où j’aurais affaire à l’homme qui faisait battre mon coeur et perdre tous mes moyens, et non pas l’homme d’affaires rempli de remords qui allait perdre sa vie pour tenter d’apaiser sa conscience et aider des gens dans le processus. Mais cette idée, elle me terrifiait, faisait en sorte que je ne savais que faire. D’un côté, j’avais envie de le retenir, mais le pouvais-je vraiment ? J’en étais trop peu convaincue, à un tel point que je restai plantée là, donnant alors l’opportunité à Cole de s’approcher, poser sa main sur ma joue, m’arracher un frisson au passage, et finalement me voler un baiser. Un baiser d’abord doux, puis finalement, de plus en plus passionné. Un baiser semblable à ce dernier que nous avions échangé à son départ, un baiser comme celui que j’avais imaginé pour nos retrouvailles, dans le cas où celles-ci se seraient déroulées pour le mieux, bien évidemment. Bref, c’était un baiser délicieux, si bien que je me perdis dans celui-ci, oubliant mes principes, oubliant ce qui était logique et ce qui ne l’était pas pour prolonger ce moment, pour que nos lèvres ne se quittent plus. Mais ça, c’était trop demandé, je m’en rendis compte rapidement, beaucoup trop rapidement. Le baiser prit fin, Cole s’éloigna, déjà prêt à partir, me laissant ainsi en reste, devant une nouvelle évidence; je n’avais pas envie de le laisser partir, pas comme ça, pas une nouvelle fois. Je savais au fond de moi, dans ma tête, que cela ne faisait pas de sens, que j’allais certainement le regretter par la suite, mais à ce point, je m’en moquais, je me moquais de tout et du monde entier. N’écoutant que mon coeur et mes pulsions, je repris ma contenance et je lui dis, fermement:  « Tu n’as pas le droit de partir comme ça. » Ensuite, je ne lui laissai même pas le temps de répondre, prendre une décision, rien de tout cela. Plutôt violemment, même si je fis quand même attention pour ne pas lui faire mal non plus, je le plaquai contre la porte d’entrée, et je me permis, à mon tour, de l’embrasser, non pas en passant par quatre chemins, mais avec passion, me disant que si jamais c’était la dernière fois que je pouvais le faire, que c’était le dernier contact que j’avais avec lui, alors je ne voulais pas arriver au bout de ce moment en ayant quelconque regret, pas sur ce qui se passait dans l’immédiat en tout cas.

Peut-être que j’allais le regretter plus tard, peut-être même que j’allais m’en vouloir toute ma vie d’avoir réagi de la sorte ici et maintenant, mais là, tout de suite, je n’avais pas envie de le laisser partir sans rien faire, sans profiter une dernière fois de son contact alors que je n’avais jamais eu le droit à un adieu en propre et due forme. Après, je ne savais pas ce que cela voulait dire, je ne savais pas où cela allait me mener, mais ce que je sus, c’est qu’au moment où je me rendis compte que ce n’était pas dans les intentions de Cole de me repousser, parce qu’il ne le fit pas au moment où j’en vins à l’embrasser à mon tour, me laissant alors profiter de son contact un petit moment, jusqu’à ce que finalement, ce contact soit rompu et que mon ex-petit ami en vint à dire ces mots que je ne voulais pas entendre, ces mots que je supposai destinés à nous rappeler à la réalité, nous dicter ce qui était le plus normal, le plus rationnel à faire. Inutile de mentionner que pour le coup, je restai là, à le regarder, les yeux écarquillés, limite paniquée que ce soit ainsi que cela se termine, qu’il finisse par se détacher de mon contact et que tout soit fini, une nouvelle fois. Heureusement pour moi, ma panique ne dura pas longtemps, s’estompa même complètement lorsque Cole en vint à remettre le baiser, puis finalement, tenir ces paroles qui venaient tout changer et qui, dans le cas présent, eurent pour effet de me satisfaire. De quoi ? Encore une fois, je ne saurais pas le dire, mais une chose était certaine, c’était que je m’en moquais. Bien décidée à saisir le moment présent, je lui adressai un petit sourire qui voulait dire tant de choses mais qui, quand même, laissait trahir mes intentions. Puis, je me reculai, et je pris sa main dans la mienne, utilisant ma main libre pour pousser la porte et entrer en sa compagnie dans mon appartement. Ensuite, je refermai celle-ci derrière nous, puis pour la première fois depuis une éternité, nous nous retrouvâmes seuls, l’un avec l’autre, loin des regards de tous, loin de toute personne qui était susceptible de venir briser ce moment. Et même s’il y avait le feu dans l’immeuble, je me doutais bien que je m’en moquerais bien, parce que je ne voulais qu’une chose; passer un moment avec Cole, même si c’était le dernier. Maintenant que nos lèvres étaient entrées en contact, c’était comme si j’avais retrouvé cette drogue dont j’avais été obligée de me passer pendant longtemps, trop longtemps et à présent, il n’était pas question que je la lâche. D’ailleurs, comme si je n’avais pas envie de prendre quelconque risque que cet homme qui avait envahi mes pensées et qui envahissait toujours mon coeur prenne la porte et quitte pour de bon, je l’entraînai sur le canapé le plus près, l’obligeant à s’asseoir tandis que je faisais de même à ses côtés, pour ensuite passer mes bras autour de son cou afin de l’embrasser une nouvelle fois, d’abord sur les lèvres, et finalement au niveau du cou.

Pendant un bref instant, même si je m’efforçai de ne pas le montrer, je craignis encore que Cole allait retrouver ses esprits, me lâcher et finalement partir. Je savais que cela était idiot, et cela me rappelait que ce n’était pas une bonne idée, mais au moment où je me sentis basculer sur le canapé et que je vis mon ex-petit ami s’installer par-dessus ma personne, je compris que mes craintes n’avaient plus raison d’être. Et à partir de ce moment, j’oubliai tout. J’oubliai à quel point nous serions susceptibles de le regretter, non pas parce que nous aurions passé un dernier moment ensemble, mais parce que la séparation définitive serait davantage douloureuse. Je savais qu’elle n’était pas encore arrivée, mais je m’en doutais déjà, sauf que là, je ne voulais pas la craindre. Je voulais penser à Cole, je voulais penser à nous deux, m’accrocher à ce moment et en profiter pleinement et ce, sans arrière-pensée quelconque. C’est ce qui arriva; pendant ce moment, court, mais intense, je sentis que nous étions seuls au monde. J’avais retrouvé ce sentiment de liberté, ces moments où nous pouvions faire ce que nous voulions, sans que personne ne vienne nous dire quoi faire, sans que rien ne vienne nous perturber. J’avais retrouvé ce sentiment qui me donnait des ailes quand nous étions ensemble, qui me donnait l’impression que nous pourrions aller jusqu’au bout du monde ensemble, à un tel point que tout cela devint enivrant, étourdissant. Mais je m’en moquais, parce que pour la première fois depuis plus d’un an, je me sentais bien, je me sentais comblée. Ce moment avait été magique, unique, si unique que ce serait probablement le dernier. Cette réalité revint me frapper alors que je ne m’étais pas faite prier pour poser ma tête sur l’épaule de Cole, l’entourant de mon bras, laissant glisser mes doigts gentiment sur son torse pour me délecter du contact de sa peau sur la mienne. Prise par l’émotion, je refusai toutefois de céder, m’obligeant à profiter de ce moment, rester dans ses bras, m’imprégner de son contact, de son odeur, pour ne jamais l’oublier. Je ne sus déterminer combien de temps je restai ainsi, mais ce fut seulement lorsque j’eus trouvé suffisamment de courage pour me détacher de Cole que je le laissai finalement se lever pour partir, non sans manquer de lui donner un dernier baiser, un véritable baiser d’adieu, consciente que ce serait le dernier et le faisant durer aussi longtemps que possible pour cette raison. Puis, ce fut à regret que je le vis quitter mon appartement, me laissant seule dans un déluge de sentiments partagés, parce que si d’un côté, j’étais heureuse d’avoir pu partager ce moment avec lui, je savais toutefois que cela ne se reproduirait pas, parce qu’il avait des devoirs, des obligations qui nous l’empêchaient. Et ça, je savais déjà que c’était plus que malsain, même si je préférais ne pas y songer, pour aussi longtemps que possible.