where is my mind ? (ellior)

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{where is my mind}
crédit/ tumblr ✰ ellior

Si on ne l'avait pas invitée, Ellie n'aurait jamais mis les pieds ici, dans ce château. Déjà, depuis le temps qu'elle vivait à Savannah, elle n'avait jamais remarqué sa présence, alors que pourtant, elle passait chaque jour devant pour aller travailler. Ioan avait été sympathique, il lui en devait une comme il lui avait répétée maintes fois et voilà qu'elle se retrouvait au milieu de toute cette foule, sans même connaitre la moitié des gens. Elle se mêlait facilement aux autres et heureusement, la famille de son ami était plutôt cool, du moins, elle avait eu une petite discussion avec Iulia et elle avait même réussi à lui décrocher un sourire, preuve qu'elle n'avait pas à se sentir aussi mal à l'aise. Les grandes fêtes comme ça, n'était pas réellement son truc, elle préférait de loin une soirée entre potes avec des bières. Toutefois, cela lui faisait du bien de se changer un peu les idées et puis quoi de mieux qu'un château hanté pour halloween. Son déguisement ne sortait pas vraiment de l'ordinaire, ce soir, elle était une guerrière et elle assumait son choix plutôt spécial. Elle arborait fièrement un maquillage noir, très sombre qui faisait ressortir ses beaux yeux clairs. Elle n'avait pas l'habitude d'être autant maquillée, habituellement elle prônait le naturel, mais ce soir, elle avait fait un effort.

Les douze coups de minuits avaient sonné depuis plus d'une demi-heure maintenant et Ellie ressentait la fatigue. Elle avait travaillé jusqu'en début d'après-midi et elle n'avait eu que très peu de temps pour se reposer. Elle attrapait un petit gâteau pour être rassasié complètement, avant de retrouver ses partenaires de soirées. En pleine discussion, ils évoquaient les pires films d'horreur idéals pour halloween. L'étudiante assistait à ce débat, oui s'en était bien un, mais en tant que spectatrice. Ils n'étaient pas tout à fait d'accord, ce qui décrochait un sourire à Ellie. Elle s'amusait bien en fin de compte, elle qui pensait que la soirée serait ennuyeuse à mourir, trouvait un certain plaisir à être en compagnie des Popescu. Toutefois, la fête se terminait pour elle. Elle décidait de saluer ses compagnons, préférant de loin rentrer chez elle pour dormir. Oui, Ellie était exténuée et c'était probablement ce qu'elle avait de mieux à faire. Une étreinte avec Ioan, qui lui tenait péniblement sur ses béquilles. L'ouragan aura eu raison de lui malheureusement, une cheville cassée voilà ce qu'il récoltait de toute cette galère. Un large sourire sur les lèvres, Ellie tentait vainement de se frayer un chemin parmi la foule, ils discutaient, certains dansaient et aucun ne se préoccupait vraiment d'elle, tant mieux. “Pardon.” Lâchait-elle à plusieurs reprises, dans l'espoir qu'ils se décalent un peu pour la laisser partir. Elle avançait timidement et surtout agacée, elle voulait partir, mais cela restait un véritable sport. Voilà que parmi la foule se trouvait Junior. Elle qui aurait préféré l'éviter n'avait pas vraiment d'autres choix que d'affronter son regard, sachant qu'il se trouvait juste en face d'elle. Elle émettait un rire nerveux, ironique, rien que sa présence gâchait toute la soirée. “Ça va être quoi ce soir ? Je t'insulte, je t'embrasse et je me casse encore ?” Demandait-elle, le plus sérieusement du monde, faisant évidemment référence à leur dernière rencontre. Un lâche, comme toujours. “Tu sais quoi, je m'en fous en fait.” Elle le bousculait avant de tracer sa route sans même se retourner. C'était vraiment le moment de partir. Ellie attrapait un verre au passage, qu'elle ingurgitait d'une traite. Elle réalisait ensuite la raison pour laquelle elle n'avait rien bu ce soir, le sérum de vérité. Foutu Junior. Il ne manquerait plus qu'elle avoue ses péchés. En fin de compte, Junior la répugnait, elle se demandait parfois pourquoi elle lui portait autant d'attention, il ne le méritait pas.

J'ai l'impression que toute la ville a fait le déplacement et ça m'étonne un peu. Je ne pensais pas qu'après l'ouragan, autant de gens voudraient venir s'amuser dans le château d'un inconnu. Pour Micha et moi, c'est différent. On a pas de chez nous. Rien à reconstruire. Rien à nettoyer. On a rien perdu. On a pas été blessé. Contrairement à Anca. Je me demande encore si c'est vraiment l'idée de l'année de voir l'amener ici pour la nuit. Dans son état, je me dis que ce n'est peut-être pas prudent. Je ne voudrais pas que sa blessure s'ouvre à nouveau et que notre expédition finisse mal. Mais en même temps, je suis convaincu que prendre l'air, voir d'autres choses, d'autres gens, ne pourra que lui faire du bien. Tout comme à Michael. J'avoue d'ailleurs ne pas être totalement innocent dans mes intentions. Il faut que Micha se relève. Qu'il comprenne que la vie ne s'est pas arrêtée depuis la mort de Bee. Je ne lui demande pas de retomber amoureux, de redevenir aussi heureux qu'à l'époque. Je voudrais juste qu'il sorte la tête de l'eau. Qu'il sache qu'il y a encore tant de choses merveilleuses qui l'attendent. Et Anca est la candidate idéale pour l'aider à changer d'état. Sa douceur, sa chaleur, sa patience et tout cet amour qui déborde de son cœur. Je sais qu'elle ne pourra pas lui faire de mal. Au contraire, même. C'est certain.

J'attrape un verre au passage et étant passé devant, je me retourne pour leur proposer d'aller s'assoir quelque part mais.. personne. Je fronce les sourcils, pivote, tourne sur moi-même à plusieurs reprises, parcourant la salle des yeux. Hé merde.

- Micha ?
Je fends la foule, nerveux.
- Anca ?

Putain, mais où sont-ils ? Je me mets bêtement à stresser. Anca sur ses béquilles, toute seule, elle risque de se faire bousculer de tous les côtés. Elle risque de se faire mal. De se faire blesser. Et si elle se met à saigner à nouveau ? Et si elle se retrouve toute seule, coincée, sans personne pour l'aider ? Et si elle se vide de son sang, toute seule ? Je ferme les yeux une seconde, alors que cette pensée me ramène directement à mon pire souvenir. Des flashs remontent, nos rires, les phares de la voiture, le bruit de l'impact, son corps inerte, désarticulé. Je secoue la tête et m'oblige à rouvrir les yeux, à reprendre du mouvement, alors que je sens une angoisse latente éclore dans mon ventre. Je souffle, un peu désorienté. Il faut que je fasse comme d'habitude. Que j'enterre tout ça dans un coin de ma tête. Caché. Ou je vais finir comme Michael. D'ailleurs, en parlant de lui, voilà que je m'inquiète aussi pour son compte. Lui, tout seul au milieu de toute cette foule, il ne va pas supporter. Il faut que je le retrouve. Il le faut.

- Micha ? MICHA ?

Je descends mon verre d'une traite et m'en débarrasse avant de me remettre à traverser toute la salle, bien décidé à le retrouver. De toute façon, je ne vais pas passer la soirée tout seul, comme un con. Et rien ne pourra venir me détourner de ça. Rien. Sauf peut-être..

- Ellie ... ?

Je me fige, honteux et mal à l'aise tout à la fois. Les bras qui pendent bêtement le long de mon corps. Vu la tête qu'elle tire, elle n'est clairement pas heureuse de me revoir. Je la comprends. A sa place, je ne le serais pas non plus. Je détourne les yeux, bien trop minable face à son regard accusateur, rempli d'une haine qui ne m'avait encore jamais été destinée. Et ça me fait mal. Ses pupilles qui me brûlent la peau et je voudrais disparaître, à nouveau. Mais je ne bouge pas. Je déglutis, attendant son coup de massue. J'en ai même oublié Anca et Michael. Il n'y a plus qu'elle, qui prend toute la place au milieu de cette foule oppressante. Elle prend toute la place et mon air aussi, vu la difficulté soudaine que j'ai à respirer.

- Ça va être quoi ce soir ? Je t'insulte, je t'embrasse et je me casse encore ?

Je ramène mon regard dans le sien, à la fois surpris et confus. Je sais pertinemment que ce que j'ai fait la dernière fois, c'était mal. C'était dégueulasse. Injuste et lâche. Mais le fait de l'entendre le formuler à voix haute, ça ne fait qu'empirer les choses. J'ouvre la bouche pour me défendre, mais elle ne m'en laisse pas le temps. Elle me coupe brusquement, prétextant n'en avoir rien à faire et s'en va, me contournant avant de prendre la fuite. Je pivote sur moi-même, la suivant du regard, ahuri. Non ! Non, elle ne peut pas juste s'en aller comme ça. On a des choses à se dire, je crois. Des choses à régler. Et j'ai beau avoir conscience que c'est probablement le pire moment et le pire endroit pour le faire, quelque chose que je n'explique pas me pousse à agir dans ce sens malgré tout. Je m'élance derrière elle, incroyablement nerveux, mon pouls s'emballe et je sens mes mains devenir légèrement moites, trahissant l'appréhension qui me saisit la gorge à cet instant. Je la rattrape sans mal, tandis qu'elle boit un verre et ma main gauche attrape doucement mais fermement son poignet droit, avant de l'obliger à faire demi-tour pour me confronter. Et je voudrais lui dire, tout simplement, que je suis désolé. Que je n'avais pas voulu que ça se passe comme ça. Que j'ai merdé. Mais sans que je ne puisse rien y faire, c'est tout autre chose qui m'échappe.

- Ellie, attend, je peux t'expliquer. Déjà, si je t'ai embrassé c'est parce que, clairement, t'en avais envie aussi.

Quoi ? Non ! Mais, je. Ta gueule Junior, tout de suite. On a dit que tu t'excusais.

- Et si j'suis parti ensuite, c'est parce que j'ai paniqué. T'es la première fille que j'embrasse depuis la mort de ma dernière copine. Je pensais que j'étais prêt pour ça, mais faut croire que non. Et en plus y a Micha qui m'en veut dès que j'approche une fille, oui parce que ma copine c'était aussi la sienne en fait. Et lui il s'en remet pas. Et je crois qu'il m'en veut de m'en remettre. Mais en fait je vais pas bien du tout, mais j'suis obligé d'aller bien, pour lui. Moi je m'occupe de lui, mais pour moi, y a personne.

Je marque une pause avant d'enchainer.

- Techniquement, t'es pas la première fille que je réembrasse. Y en a une autre, Ivy, mais elle c'est différent. On fait ça parce qu'on est malheureux tous les deux et qu'on se sent seuls. Mon dieu, est-ce que je suis réellement en train de dire tout ça ? Pitié, que quelqu'un m'achève. - Mais t'embrasser toi, c'est.. c'est pas pareil. C'est toi. Et j'ai pris peur. J'suis désolé.

Et enfin, je me tais. J'ai les yeux écarquillés, complètement sonné par mes propres mots. Toutes ces choses que je n'avais jamais formulées à voix haute. Dont j'avais seulement à moitié conscience et que j'essaie de faire disparaître dans les bras d'Ivy depuis des semaines. A l'intérieur, mon palpitant à littéralement explosé et je crève de honte d'avoir lâché tout ça à Ellie. Et surtout, je ne comprends pas. Je sais que parfois, je dis des tas de conneries. Mais là ? Tout est sorti de façon incontrôlable, et j'avais assisté, impuissant, à ma propre déchéance. Je passe mes mains dans mes cheveux, les tirant en arrière et mon regard se détourne rapidement du sien, parce que je ne peux plus le soutenir. Je me sens horriblement mal. Je me fais envahir par toute une flopée d'émotions beaucoup trop intenses. Et subitement, j'ai beaucoup trop chaud. J'ai l'impression d'étouffer. Mes joues virent au rouge et mon souffle devient irrégulier, ma poitrine tremble légèrement, lorsqu'elle se soulève et s'affaisse, au rythme de mes respirations fébriles.

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Il y avait du monde ce soir, beaucoup de monde et Ellie s'était sentie oppressée dès son arrivée. Elle n'aimait pas forcément la foule, tout ce bruit entêtant. Elle était venue pour faire plaisir à Ioan, parce que se retrouver face à sa famille l'avait mise plutôt mal à l'aise. Au début, ils parlaient entre eux et l'étudiante se sentait quelque peu exclue, seule au monde. Heureusement, cela n'avait pas duré bien longtemps, les deux femmes qui accompagnaient son rescapé comme elle aimait l'appeler, s'était montré sympathiques et intéressée. La plus jeune lui avaient posés de multiples questions quant à Ioan, cherchant probablement à le caser. Ça l'avait amusé, elle s'était prêtée au jeu, ne niant pas le fait que Ioan était très beau garçon. De plus, il était marrant, intéressant et très courtois envers Ellie. Elle ne cherchait pas nécessairement de relation, elle préférait de loin profiter du moment venu et voir ce qui en découdrait par la suite. Elle n'avait donc pas blâmer Madalina pour ses questions, elle comprenait bien que la famille semblait assez important pour eux, malgré quelques désagréments. Elle avait écouté, beaucoup même et même si elle n'avait pas eu tous les détails, des froids éloignaient cette famille. Après cette soirée agréable, Ellie se sentait fatiguée, c'était bien mieux pour elle qu'elle quitte les lieux. Elle avait bien profité et les laisser en famille lui semblait important. Ils avaient besoin de se retrouver un peu seuls. Elle saluait donc la petite bande qui l'avait accompagné, remerciant chacun de leur présence. Elle n'était pas impolie, elle ne jouait pas la comédie avec eux, elle était sincère et cette soirée resterait mémorable pour elle. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas ri autant et c'était bien grâce à eux. Ellie adressait un dernier signe de main, cherchant à se frayer un chemin jusqu'à la sortie. Des coups de coudes, des personnes qui se pensent seules et qui ne prennent même pas le temps de se pousser un peu, elle en avait suffisamment vu pour ce soir. Elle avait très hâte de rentrer chez elle, de prendre une douche et surtout de dormir, c'est ce qui importait le plus.

Cette soirée aurait bien pu finir sur une bonne note, mais non, il fallait qu'elle le croise lui, Junior. Elle roulait très vite des yeux en croisant son regard, affichant une mine fermée. Son regard montrait de la colère plus qu'autre chose. Pourtant, elle était envahie par des tas d'émotions, elle était déçue aussi, déçue d'être toujours la dernière roue du carrosse, d'être un pion dans sa pitoyable vie. Elle lui adressait quelques mots, tous aussi tranchants les uns des autres. Un rire s'échappait alors de sa bouche, nerveuse et surtout dégoutée par lui. Elle ne prenait même pas le temps d'entendre ce qu'il avait à dire, ça elle s'en fichait royalement. Il n'allait pas gâcher sa soirée, c'était absolument hors de question. Il avait fait suffisamment de mal à son coeur, à son être tout entier. Elle fuyait donc, se frayant un chemin parmi la foule qui les entourait. Les gens riaient aux éclats, ils semblaient heureux d'être ici. Quant à Ellie, elle ne voulait plus jamais croiser son regard, mais malheureusement, elle se retrouvait figée, incapable d'avancer à cause de ces stupides invités. Elle attrapait très vite un verre, qu'elle avalait sans même réfléchir. Un remontant ne faisait pas de mal, surtout dans cette situation. Elle maudissait les gens intérieurement, elle avait envie de se jeter sur eux pour qu'ils s'écartent, mais elle n'eut pas le temps. Junior venait à attraper son poignet, la retenant vers lui de façon à ce qu'elle se retrouve face à lui. Ce sentiment de haine toujours présent, elle avait envie de l'insulter. “PARDON ?” Elle lui coupait la parole, surprise de l'entendre dire un truc pareil. Certes, elle en avait eu envie, mais c'était quoi ses excuses à la con ? “T'AS PANIQUÉ?” Oui, elle hurlait, comment pouvait-il encore s'enfoncer comme ça, c'était presque hilarant. Elle ne pouvait s'empêcher de l'interrompre, c'était trop pour elle. Et il déversait un flot de paroles, elle ne comprenait pas tout, il évoquait alors sa petite copine décédée, qui était aussi celle de son frère. Oula, c'était un peu dur à suivre toute cette histoire. “Et bien trouve-toi une baby-sitter.” Ellie se montrait dur envers lui, mais il déconnait à plein tubes et Ellie ne désirait pas être le lot de consolation. Elle se détachait de son emprise, ne souhaitant pas qu'il la touche. Il ne méritait plus sa confiance, ni son attention, surtout après ce qu'il lui faisait constamment subir. “Génial, je suis contente de connaitre l'identité de ton plan-cul régulier.” Ça lui déchirait le coeur encore une fois. En soi, ils n'étaient pas ensemble, il avait le droit de fréquenter la personne de son choix, elle ne pouvait pas lui reprocher cela. Toutefois, il n'était quand même obligé de lui avouer ça, elle aurait préféré de loin qu'il garde ses détails pour lui. “Tu veux que je te dise quoi hein ?” Chaque confrontation était une véritable épreuve, elle s'attendait toujours au pire avec lui, il la décevait tellement. “Si tu tenais ne serais-ce qu'un peu à moi, t'arrêterais ton petit jeu.” Elle replaçait correctement ses cheveux, observant quelques personnes qui s'intéressaient à eux. “Je ne suis pas un jouet junior. J'en ai marre que tu me prennes pour une conne.” Elle plantait son regard dans le sien. “J'sais plus quoi penser moi, à un moment j'ai toute ton attention et puis quoi ? Dix minutes après, tu changes d'avis, tu me considères comme une véritable merde.” Elle baissait doucement les yeux, inspirant profondément. Ses mots étaient difficiles à dire, mais elle ne pouvait plus continuer comme ça, il la détruisait, à petit feu. “C'est trop dur, t'es en train de me perdre Junior, est-ce qu'au moins tu le réalises ? Tu me fais souffrir. A chaque fois que t'es là, je tremble, j'ai peur de ce que tu vas me dire, j'suis à bout.” Elle n'osait même plus soutenir son regard, elle tremblait, elle sentait ses mains devenir moites. Avouer ce qu'elle avait sur le coeur lui faisait terriblement mal, elle sentait une partie d'elle voler en éclats.

Lorsqu'elle se retourne enfin, je me prends toute sa haine en pleine face. Et c'est si fort, si dense, que ça me fait mal. Comme si elle venait de m'assener un coup d'poing. Je déglutis, perds un peu de mon courage mais une sorte de force intérieure qui m'étais encore inconnue jusqu'à maintenant me pousse à parler. Elle me pousse à dire des choses, beaucoup trop de choses. Des informations qu'Ellie n'aurait jamais dû savoir. Je ne sais pas ce qui m'arrive, ni pourquoi je lui parle de Bee. Ça me perturbe et je courbe un peu l'échine, évoquer ce sujet tabou me met mal à l'aise et réveille la peine qui sommeille en moi depuis sa mort. J'ai également envie de m'éclater la tête contre les murs lorsque je lui dis qu'elle avait envie que je l'embrasse. Merde. Mais qu'est-ce qui me prend ? Je devrais être en train de balbutier, de m'excuser lamentablement, le regard confus, comme je le fais toujours. Au lieu de ça, je lui expose exactement tout ce qui me passe par la tête, sans détour ni retenue. Et surtout : sans aucun contrôle. Mais qu'est-ce que je fous ?

- PARDON ? Elle a crié si fort que j'en sursaute et recule d'un pas, la dévisageant avec stupeur. Je suis mal, mal, mal. - T'AS PANIQUÉ ?

Je bafouille un peu, perdant mes moyens. Je ne sais pas quoi répondre, toutes les émotions qui émanent d'elle sont si violentes et m'agressent. Je me sens démuni. Comme un gosse qui se ferait ruer de coups de pieds par des plus grands. Mais ça ne s'arrête pas là. Ellie est si en colère qu'elle est bien décidée à ne rien m'épargner. Rien.

- Et bien trouve-toi une baby-sitter.
- Mais, je..

La bouche grande ouverte, je l'observe, blessé. Je sais que c'est égoïste. Que je ne devrais pas. Que c'est elle qui n'est pas bien et que je devrais me concentrer là-dessus. Tout faire pour arranger les choses. Mais Ellie ne m'a jamais repoussé et n'a jamais ignoré mes souffrances jusqu'à aujourd'hui. Et je n'encaisse pas. Je baisse les yeux, le cœur en miettes. Penaud. Et je me sens plus seul que jamais. Si seul que ça vient me serrer la gorge et tordre les entrailles. Je me sens abandonné par les deux personnes les plus importantes. Michael et maintenant, Ellie. Pourtant, c'est moi qui l'ai abandonné le premier. C'est moi qui suis parti sans rien dire. Mais c'est plus fort que moi. Je ne peux m'empêcher d'inverser les rôles.

- Génial, je suis contente de connaitre l'identité de ton plan-cul régulier.

Je cache mon visage avec mes mains en soupirant de désespoir. Merde, la boulette. Je ne sais plus quoi faire et je n'ose même plus ouvrir la bouche, puisque dès que je le fais, j'aggrave la situation. Je souffle et laisse mes mains glisser dans mes cheveux, les tirant en arrière avant de les libérer. Mes bras retombent le long de mon corps et mon regard se voile d'une détresse évidente. Je suis complètement embrouillé. Je ne m'étais jamais retrouvé dans une telle situation auparavant. J'avais toujours été déprimé par le manque de filles dans ma vie, alors que tout semblait si facile pour Michael. Aujourd'hui, c'était l'inverse. Il y avait trop de filles et je n'étais pas taillé pour gérer ça. Je n'étais pas de ces tombeurs qui savent comment faire. Moi, j'étais juste complètement dépassé.

- Tu veux que je te dise quoi hein ?
- Je veux juste que tu me pardonnes Ellie, j't'en supplie, je ne supporte pas d'être fâché avec toi, ça me bouffe.

Mon regard implore sa pitié et pourtant, une fois encore, je m'en veux de lui avoir dit ça. Parce que c'est égoïste et pitoyable. Mais je n'ai rien pu faire pour le retenir, c'est sortit tout seul, franchissant la barrière de mes lèvres sans me demander mon accord. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, mais c'est un peu terrifiant.

- Si tu tenais ne serais-ce qu'un peu à moi, t'arrêterais ton petit jeu.
- Mon jeu ?

Que je m'écrie, stupéfait, sans comprendre de quoi elle parle. Y a des fois ou vraiment, mon QI ne me sert à rien. J'suis comme un tout petit garçon qui ne comprend rien à la vie.

- Je ne suis pas un jouet junior. J'en ai marre que tu me prennes pour une conne. Mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine. - J'sais plus quoi penser moi, à un moment j'ai toute ton attention et puis quoi ? Dix minutes après, tu changes d'avis, tu me considères comme une véritable merde.

Je fronce les sourcils, dubitatif. Je n'avais pas réalisé. Je n'avais pas vu à quel point j'avais merdé avec elle. Je n'avais pas compris ce que je lui avais fait endurer la dernière fois. Et la culpabilité vient me terrasser. Je baisse les épaules, honteux. Je me sens horrible. Je suis horrible. Je n'arrive même plus à soutenir son regard. J'enfonce mes mains dans mes poches, ne sachant plus quoi en faire et je demeure totalement silencieux. Les mots ne viennent plus. Ils s'entrechoquent dans mon crâne sans parvenir à former une phrase. Je voudrais me jeter sur elle, la blottir dans mes bras, la garder serrée contre moi pendant des heures. Mais je ne bouge pas d'un centimètre, pétrifié par sa souffrance.

- C'est trop dur, t'es en train de me perdre Junior, est-ce qu'au moins tu le réalises ? Tu me fais souffrir. A chaque fois que t'es là, je tremble, j'ai peur de ce que tu vas me dire, j'suis à bout.

Je relève brusquement la tête vers elle, comme foudroyé. La bouche entrouverte, le cœur au bord des lèvres, le souffle coupé. Je ne me contrôle plus et m'avance subitement vers elle, j'attrape ses mains dans les miennes sans lui demander son avis et je les serre tendrement, comme pour tenter d'arrêter ses tremblements. Tremblements douloureux qui viennent ébranler tout mon squelette.

- J'veux pas te perdre une seconde fois Ellie. J'ai été nul, j'ai été minable de partir sans rien dire. Mais c'était nécessaire, j'avais besoin de couper les ponts avec toute cette vie là. Mais Ellie, je le jure, y a pas une journée qui passait sans que je pense à toi. Tu me manquais, tout le temps, tous les jours. J'ai souvent voulu reprendre contact avec toi, mais après ce que j'avais fait, je ne savais pas comment revenir vers toi.. je savais que tu allais m'en vouloir et je sais pas, je..

Et voilà qu'à nouveau, j'ai envie de me saisir de son visage et de capturer ses lèvres pour les faire miennes. Je ferme les yeux et fronce les sourcils, pour m'efforcer à penser à autre chose. Je ne pouvais pas faire deux fois la même connerie. Je n'en avais pas le droit, je ne me le pardonnerais pas. Et elle non plus.

- Je suis désolé si j't'ai fait du mal la dernière fois, mais j'suis complètement perdu en ce moment.. Je fais n'importe quoi. Mais j'avais tellement envie de t'embrasser, j'ai pas su me retenir. Et là c'est pareil, j'ai tellement envie de t'embrasser à nouveau, c'est horrible comme j'en ai envie.

Oh non, je n'ai pas dit ça ? Si. Achevez-moi, pitié. Pourquoi j'ai dit ça ? Pourquoi ce soir les mots s'échappent sans me demander mon avis ? Je rougis comme jamais, je balbutie, je panique. Je tente une diversion.

- Michael va vraiment mal, j'essaye de prendre les choses en main, de prendre un peu sa place mais je ne gère pas du tout et je fais que de la merde... J'arrive pas à être lui.

Je ne sais même pas pourquoi je lui dis ça. Et j'ai honte. Honte d'être si minable face à elle. De lui avouer vouloir être un autre. Surtout qu'elle déteste Micha, je devine sans mal que cette révélation ne va pas lui faire plaisir. Je soupire, désemparé et épuisé par tous ces sentiments qui se livrent une bataille sanglante dans ma poitrine. Quoi que je dise, quoi que je fasse, j'ai tout faux. Toujours.

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Comme à chaque fois qu'elle se retrouvait en face de lui, les mots sortaient spontanément, elle ne l'épargnait pas. Elle était dure, parfois cruelle, mais elle n'y pouvait rien. C'était à cause de lui qu'elle se retrouvait dans l'embarras, tiraillée entre ses sentiments un peu plus fort chaque jour. Junior était peut-être son âme-soeur, l'homme qu'elle désirait le plus avoir à ses côtés, mais son comportement, ses mots et sa lâcheté n'aidaient pas. Elle n'aimait pas être confrontée à lui, parce qu'à chaque fois cela finissait avec des cris, des pleurs. Il sortait tout ce qui lui passait par la tête visiblement, lui racontant un peu plus de choses à son sujet, son passé qui avait fait de lui ce qu'il était devenu à présent. Il était seul, sans personne pour le consoler et impulsive, Ellie l'incitait à se trouver une nounou. Une nounou ? Vous le croyez ça ? Elle avait vraiment dit ça ? Putain, mais elle s'en prenait à lui comme s'il avait tous les tords dans cette histoire. La faute lui revenait toujours et au fond c'était assez véridique, surtout après ce qu'il avait fait la dernière fois. Elle n'avait pas digérée leur dernière rencontre. Il l'avait embrassé, apaisant ainsi toutes ces colères, puis il avait fuit, comme un lâche, sans même se retourner. Comment était-elle censée interpréter cela ?

Voilà qu'il lui avouait à présent qu'il s'envoyait en l'air avec une fille, pour penser à autre chose certainement. Intérieurement elle hurlait, elle était jalouse, parce qu'elle n'aimait pas l'imaginer dans les bras d'une autre femme. Égoïste, elle se doutait bien qu'il avait ses raisons. Junior avait peut-être besoin d'un peu de tendresse, d'attention, mais s'il ne jouait pas avec le feu, Ellie lui accorderait toute son attention. A nouveau, elle inspirait grandement alors qu'il implorait son pardon. “J'aimerais tant de pardonner, mais... je n'y arrive pas, je n'y arrive plus.” Cette situation la bouffait elle aussi, elle n'aimait pas être distante avec lui, elle aimerait tellement retrouver cette complicité qui les liaient il y a longtemps. Voilà qu'il ne comprenait plus ou qu'il feignait de ne pas la comprendre. Il n'était pas bête Junior, Ellie l'avait su dès le premier regard. Il se rabaissait sans cesse, mais cela ne faisait pas de lui un inculte. “Tu sais très bien ce que je veux dire Junior.” Il jouait avec elle, un coup je t'aime bien, puis après je t'en veux. La vie était tellement compliquée parfois, l'amour tout autant. Pouvait-on vraiment parler d'amour à ce stade-là ? Où on se détruit l'un et l'autre sans prendre de répit ? Elle baissait les yeux, incapable de relever la tête. Bordel ! Pourquoi fallait-il que ce soit si compliqué ? Ellie se sentait complètement dépassée par cette conversation, elle avait envie de fuir elle aussi, de ne plus jamais subir cette situation d'impuissance face à lui. Après son flot de paroles, elle déglutissait, incapable de poursuivre son discours. Elle tremblait, elle venait de lui ouvrir son cœur, de se montrer vulnérable et même si elle s'attendait à être soulagée, c'était tout le contraire. Pitoyable, voilà comment elle se sentait.

Les yeux clos, elle peinait à reprendre sa respiration déjà trop saccadée. Le cœur et les paupières lourdes, au bord des larmes, elle rouvrait les yeux lorsqu'il attrapait ses mains, elle fixait attentivement celles-ci sans comprendre ce geste. Il serrait ses mains et elle avait l'impression de lui appartenir, tandis qu'elle soufflait doucement, sans dire un mot, sans même se montrer démonstrative. Figée, elle n'était plus maîtresse d'elle-même. Ses mots, la douceur de sa voix, cette sorte de déclaration qui la faisait frémir, mais pourtant elle restait de marbre. Ellie retenait ses larmes, elle ne devait pas encore craquer. Il fallait qu'elle se montre forte, même si elle était touchée en plein coeur. Elle était à la fois tétanisée et surprise par ce qu'elle entendait, mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Elle le laissait s'exprimer, sans lui couper la parole pour une fois. Elle buvait ses mots, jusqu'à ça : "Et là c'est pareil, j'ai tellement envie de t'embrasser à nouveau, c'est horrible comme j'en ai envie." Aussitôt, elle relevait timidement la tête, plantant son regard dans le sien, un regard désespéré. Malgré toute cette maladresse, elle aussi semblait attirée par ses lèvres, indéniablement, mais elle ne pouvait pas s'y résoudre. Puis le moment de tendresse s'estompe peu à peu lorsqu'il se met à évoquer son cher frère. Il allait mal, cool, Ellie n'allait pas être prise de pitié pour un tel homme, qui ne méritait absolument pas son attention. Elle détournait son regard, reprenant ainsi la parole après un long moment sans ouvrir la bouche. “Je ne veux pas que tu sois lui.” Avouait-elle, à demi-mot. Non, Micha représentait tout ce qu'elle haïssait. “Tu n'as pas à être comme lui, tu vaux beaucoup mieux que ça Junior.” Cela n'allait pas lui faire plaisir, mais il savait déjà ce qu'elle pensait de son frère alors bon. “Le garçon qui m'a plu était l'exact opposé de son frère, il était doux, fragile, affectueux...” Elle s'était beaucoup attachée à lui, à sa simplicité, au fait qu'il soit différent des autres. “J'ai beaucoup d'affection pour toi, tu le sais, mais tu me mets toujours la tête à l'envers. Je veux que tu sois toi-même et pas un autre.” Elle rougissait. Clairement, elle n'était pas très douée pour exprimer ce qu'elle ressentait. Il était bien le seul à lui faire perdre ses moyens. Sa main venait à se poser sur sa joue, elle caressait son visage du bout de ses doigts, un léger sourire sur les lèvres. “Prouve-moi que tu tiens à moi.”

désolée pour le retard

- J'aimerais tant de pardonner, mais... je n'y arrive pas, je n'y arrive plus.

Je déglutis et baisse les yeux un instant, peiné par ses paroles, pourtant légitimes. Je me sens incroyable stupide là, face à elle. J'ai envie de m'enfuir à nouveau, parce que je ne veux pas qu'elle me voit m'effondrer devant elle. Je n'ai pas envie de me trainer à ses pieds, de me foutre à genoux devant elle pour la supplier d'essayer encore. Ce serait terriblement gênant, autant pour elle que pour moi. Et puis, ce serait également très égoïste de ma part, de vouloir la forcer à me pardonner alors que, clairement, elle ne veut pas. Elle ne peut pas. Je relève la tête et inspire bruyamment avant de souffler avec difficulté, passant une main dans mes cheveux. Je suis nerveux, mal à l'aise et de plus en plus triste par la tournure que prennent les évènements. Je voudrais pouvoir trouver les mots justes, pour la remettre en confiance, pour apaiser nos tensions, pour réparer toutes mes conneries. Mais je n'y arrive pas. Je ne sais pas ce qui m'arrive ce soir, mais les mots sortent tout seuls, de façon abrupte et avec une franchise déconcertante. Ça ne me ressemble pas et pourtant, je suis incapable d'arrêter ça. Comme si quelqu'un d'autre avait le contrôle de mon cerveau et se jouait de moi, pour m'enfoncer encore plus.

- Tu sais très bien ce que je veux dire Junior.

J'aurais voulu lui assurer que non. Lui dire que je ne comprenais pas, que je ne voyais pas de quoi elle parlait. Mais une partie de moi savait pertinemment. Et ce soir, apparemment, je n'étais pas capable de mentir. Je glisse mes mains dans mes poches de pantalon, ne sachant plus quoi en faire, regardant autour de moi avec un certain désespoir. Comme si j'attendais une aide mystérieuse. Micha ou Anca par exemple. Quoi que, non, pas Micha. Ça ne ferait qu'aggraver la situation. Tout risquerait de dégénérer et vu l'état actuel de mon jumeau, ça me semblait particulièrement risqué. Les mots me brûlent la langue, veulent sortir contre ma volonté alors je serre les dents, aussi fort que possible, cherchant à limiter les dégâts, à éviter la catastrophe. Je m'en voulais d'agir ainsi avec elle, je déconnais totalement. Et je ne saurais même pas comment expliquer mon attitude à son égard. Je crois, tout simplement, que j'ai du mal à conjuguer ma vie passée et ma vie présente. Qu'Ellie est la seule personne de mon ancienne vie qui me manque véritablement, mais que je ne suis peut-être pas totalement prêt à lui faire prendre part dans la vie que je mène actuellement. Je suis tiraillé, confus, perdu. Et c'est elle qui trinque, c'est elle qui morfle. Je suis un être lamentable et j'ai franchement honte d'agir de façon aussi égoïste.

Mais la honte ne m'arrête pas pour autant. Je viens me saisir de ses mains et je me lance dans un interminable laïus. A la place d'Ellie, franchement, je crois que je me serais foutu une baffe. Parce que je le mérite amplement. Il faudrait que j'arrête ça. Que je me montre clair avec elle, que je lui dise ce que j'attends d'elle. Mais comment j'peux faire, quand même moi je ne sais pas ce que je veux vraiment ? Enfin si, apparemment, je veux l'embrasser. Et comme un con, je le dis. Ouais, à voix haute. Triple crétin. Ellie relève doucement la tête vers moi, les yeux un peu rouges et ça m'étreint le cœur de la voir dans cet état, encore plus que d'ordinaire car c'est de ma faute. Et pourtant, j'oublie vite ça, parce que l'envie de l'embrasser prend le pas sur tout le reste. C'est tellement dégueulasse, je n'comprends pas ce qui m'arrive en ce moment.

- Je ne veux pas que tu sois lui.
- Je sais...

Que je souffle doucement, un peu dépité. Je sais qu'elle ne veut pas, parce qu'elle le déteste. Parce qu'elle ne voit que ses mauvais côtés. C'est son truc ça à Micha, de se montrer uniquement sous son mauvais jour. Je ne sais pas pourquoi il fait ça, alors qu'il dispose de milliers de qualités. Bee avait su le voir comme je le vois moi. Et pour ça, je ne pouvais que l'aimer encore plus. Malheureusement, peu de gens avaient la capacité à passer outre son allure rustre et ses mauvaises manières. Personne ne voyait la personne courageuse et prête à mille sacrifices pour autrui. A mes yeux, malgré notre relation actuelle, il restait une personne bienveillante. Et je n'hésiterais pas à tout sacrifier une seconde fois pour lui s'il me le demandait.

- Tu n'as pas à être comme lui, tu vaux beaucoup mieux que ça Junior.

Aussitôt, je me renfrogne et ma pression autour de ses mains se fait plus légère, j'hésite presque à les relâcher complètement et à m'en aller. Mais dieu merci, je parviens à rester raisonnable et je ne bouge pas de là. Je me contente de la fusiller un peu du regard, ne cherchant pas un seul instant à lui cacher mon mécontentement.

- Arrête Ellie ! Arrête de dire ça.

J'ai monté le ton, fâché. Je ne peux pas m'empêcher de le défendre. Encore plus depuis la mort de Bee. Avant, quand Ellie le critiquait, je me contentais de soupirer et de lever les yeux au ciel avant de passer à autre chose. Mais aujourd'hui, je ne peux plus. Je me sens redevable vis-à-vis de lui, je me sens le devoir de le défendre envers et contre tous. Contre le monde entier. Le protéger.

- Le garçon qui m'a plu était l'exact opposé de son frère, il était doux, fragile, affectueux... Ma colère retombe aussitôt, incapable de rester fâché contre elle plus de quelques instants lorsqu'elle tient ce genre de propos. - J'ai beaucoup d'affection pour toi, tu le sais, mais tu me mets toujours la tête à l'envers. Je veux que tu sois toi-même et pas un autre.

Je ne peux pas m'empêcher d'esquisser un petit sourire lorsqu'elle dit que je lui mets la tête à l'envers. C'est sûrement un peu bête, mais ça me fait me sentir important. Ça me donne l'impression de compter encore pour elle, et pas simplement en tant qu'ami. Ça me réchauffe le cœur et, l'imitant, je me mets à rougir aussi. Je toussote et tente de me reprendre rapidement, de ne pas virer rouge cramoisie parce que ce serait assez humiliant. Elle libère une de ses mains des miennes et avec, vient me caresser doucement la joue. Je frissonne et pose mon regard dans le sien. Oh mon dieu, Ellie, ne fait pas ça. Pitié. A ce stade là, ce n'est pas simplement de l'embrasser dont j'ai envie. Je détourne les yeux, embarrassé. Et je sens que je suis à deux doigts de dire une grosse connerie.

- Prouve-moi que tu tiens à moi.
- J'ai envi-dmpooim. Je suis venu écraser mes mains sur ma bouche pour me forcer à me taire, étouffant la fin de ma phrase et la rendant incompréhensible.

J'écarquille grand les yeux, affreusement gêné par ce qu'il vient de se passer. J'attends un peu et dès que je sens que je ne vais plus dire n'importe quoi, je retire mes mains et souffle. Je ferme les yeux et mes épaules s'affaissent dans un mouvement de dépit.

- J'suis désolé, je sais pas c'qui se passe mais j'ai l'impression de ne pas contrôler ce que j'raconte ce soir c'est horrible. Je frotte mon crâne dans un mouvement perplexe et déglutis. J'attrape sa main et l'entraine à ma suite. - Viens, j'étouffe ici.

Je fends la foule jusqu'à arriver dehors où j'en profite pour inspirer une grande bouffée d'air frais, espérant ainsi que ça m'aidera à calmer mes esprits et retrouver le contrôle de moi-même. On s'installe sur un des bancs qui trainent dehors et je libère sa main, un peu à contre-cœur. Puis, je me tourne vers elle, la dévisage et la première pensée qui me viens c'est que..

- T'es vraiment jolie ce soir. Quoi ? Je fronce les sourcils et peste. - Merde ! Je relève les yeux vers elle et elle ne semble pas saisir tout ce qui se passe. - Non pardon, c'est pas ce que je voulais dire. Enfin si, t'es jolie ce soir, mais je voulais pas le dire. Je le disais dans ma tête et.. Je me coupe brusquement, réalisant que je m'enfonce. Je soupire bruyamment et viens poser mon front sur son épaule dans un mouvement découragé. - Je suis complètement embrouillé ce soir, excuse-moi.

Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais il se passe un truc, j'en suis sûr. Je décide donc de me taire et de l'inciter elle à parler, espérant ainsi que ça suffira à m'éviter d'autres bourdes de ce genre-là.

- Assez parlé de moi. Qu'est-ce que tu deviens, hein ?

Je ne savais pas comment j'allais pouvoir lui prouver que je tiens à elle, mais j'étais prêt à tout essayer. Et commencer par rattraper le temps perdu me semblait pas trop mal. Je m'approche un peu, nos jambes se frôlent et je viens désormais posé ma tête dans le creux de ma main, prenant appui sur le dossier du banc. Je la fixe, pour lui prouver mon intérêt pour elle et le fait que je suis totalement à son écoute.

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Comment était-elle capable de faire face à cette situation ? Ellie se posait lamentablement cette question. Au fond d'elle, elle était persuadée de l'avoir perdu à tout jamais, certaine de ne plus faire face au même Junior qu'autrefois. Il avait changé, de bien des façons il avait changé. Il était devenu tellement complexe que l'étudiante était à présent incapable de lire à travers lui. Avec le temps, il était devenu indécis, distant et incroyablement froid. Elle l'avait connu bienveillant et sensible, mais tous ses traits n'appartenaient plus qu'au passé. Il avait gagné en assurance et Ellie ne reconnaissait plus l'homme qu'elle avait tant aimé. Les mots sortaient tout seuls, sans qu'elle ne puisse les retenir. Jamais elle ne lui avait ouvert son coeur et là, elle ne contrôlait plus rien. Autant dire que c'était surprenant parce que même si Ellie ne mâchait pas ses mots, elle savait faire preuve de retenue et surtout garder ses sentiments enfouis au fond d'elle. Elle attendait un mot de sa part, un geste, qui lui prouverait qu'elle avait tort, qu'il était toujours attaché à elle, qu'il saurait la remarquer parmi une foule de cent personnes, parce qu'elle était unique à ses yeux. Au lieu de ça, il la laissait parler, trop parler et Ellie elle s'enfonçait un peu plus dans la désillusion. Visiblement ses mots le mettait mal à l'aise, il se touchait les cheveux, il cherchait une échappatoire à cette situation insupportable. Ses gestes ne passaient pas inaperçu pour elle, ils avaient le même tic en commun, si on pouvait appeler ça ainsi. Elle stoppait son récit, avouant à son premier amour qu'elle ne souhaitait pas qu'il soit comme son frère. C'était de lui qu'elle s'était éprise, pas de Micha et c'était pour de bonnes raisons. Le sujet tabou revenait à présent sur la table. Elle ne voulait pas qu'il soit lui et encore une fois elle touchait un point sensible. Il relâchait légèrement la pression qu'il exerçait sur ses mains avant de prendre la parole. "C'est ton frère, tu l'aimes, je comprends ça. Je ne veux juste pas que tu fasses les mêmes choix que lui." Et autant dire qu'il avait accumulé les mauvais. Elle voulait le faire réagir et ne pas se prendre la tête avec lui, pas là tout de suite où les tensions semblaient s'être apaisées au fil de la discussion. "Je veux que tu sois toi-même." qu'elle répétait à nouveau. Elle esquissait un mince sourire à son égard, plongeant son regard dans le sien pendant plusieurs secondes.

Ellie s'efforçait de rester calme, de trouver les bons mots. Toutefois, Junior partait au quart de tour, alors elle faisait tout son possible pour se maitriser. Elle tournait plusieurs fois sa langue dans sa bouche pour éviter de dire à nouveau une bêtise. Sa main lâchait délicatement la sienne avant de se poser sur sa joue, qu'elle venait caresser du bout des doigts. Sa demande pouvait paraitre surprenante, mais elle n'en pouvait plus de vivre le cul entre deux chaises, elle voulait qu'il soit franc avec elle et qu'il cesse de la prendre pour un yoyo. Il ouvrait alors la bouche avant de porter sa main contre celle-ci. Elle arquait un sourcil, s'écartant doucement pour mieux observer sa tête. "Tu peux répéter ?" Euuuh pas compris. S'il continuait de parler de cette façon, elle allait fortement songer à engager traducteur. "Tu m'expliques ce qu'il s'est passé là ?" Demandait-elle, en croisant les bras contre sa poitrine, un air plutôt sévère sur le visage. "Je n'ai absolument rien compris." Hormis peut-être les deux premiers mots, mais à part ça, le flou total. Il revient très vite sur sa réaction, et encore une fois elle ne comprend pas tout. Faut le déchiffrer ce Junior. Cependant, il n'était pas le seul a ne pas comprendre pourquoi ils parlaient trop et surtout d'une telle façon. Ellie se posait bien des questions.

Il attrapait vivement sa main pour l'entrainer parmi la foule, puis à l'extérieur. Le froid saisissait son corps tout entier et elle se surprenait à avoir quelques frissons. Elle frottait légèrement ses bras envahie par le froid avant de prendre place sur le banc à ses côtés. Elle préférait fermer la bouche et le laisser parler, parce que s'il l'avait emmené avec lui, c'était certainement qu'il avait des choses à dire lui aussi. Des choses surprenantes toutefois. Lorsqu'il rouvrait la bouche c'était pour la complimenter ? Elle n'avait pas entendu une telle remarque élogieuse depuis ? Depuis des années en fait. Puis il pestait, s'excusait, décontenancé et rendant la situation encore plus bizarre qu'elle ne l'était déjà. "Je ne sais pas vraiment si je dois dire merci, ou bien partir en courant." Elle écarquillait les yeux, glissant sa main sur son front face à ses mots. Il posait sa tête sur son épaule, tandis qu'elle ne protestait pas, elle restait silencieuse. Elle aussi était perdue, un peu trop d'ailleurs et ça l'effrayait. "Si tu étais le seul." Les deux semblaient aussi minables l'un que l'autre.
Elle humidifiait rapidement ses lèvres, gardant son calme pour s'éviter encore des stupidités pareilles. Un blanc s'installait entre eux pendant près d'une minute, avant qu'il ne lui demande ce qu'elle devenait. "Ce que je deviens ?" Depuis quand il posait ce genre de questions. Soit il avait un peu trop abusé sur l'alcool, soit elle ne le connaissait pas aussi bien qu'elle le prétendait. Elle sortait son paquet de clope de sa poche, glissant une cigarette entre ses lèvres avant de lui en proposer une. Elle ne savait pas s'il fumait, mais bon, cela ne la surprendrait pas. Son comportement était étrange, mais il semblait enclin à la discussion. "Et bien je suis interne et je... " Elle affichait une légère moue, que pouvait-elle bien lui raconter à propos d'elle. "Et je suis célibataire." Oh la bourde. "Oublie ce que je viens de dire." Elle le dévisageait un instant avant de détourner son regard du sien. "Et toi ?" Il fallait vite qu'elle change de sujet, c'était gênant.

- C'est ton frère, tu l'aimes, je comprends ça. Je ne veux juste pas que tu fasses les mêmes choix que lui.

Je la fixe, sans vraiment comprendre. Non, je ne comprendrais jamais cette animosité qu'ils ont l'un pour l'autre et qui semble refuser de s'effacer, malgré le temps qui s'écoule. Je ne comprends pas pourquoi Ellie refuse de voir tout ce qu'il y a de bien en Micha, à quel point il a pris soin de moi, veillé sur moi, s'est sacrifié pour moi. Tout comme je ne comprends pas pourquoi Micha refuse de voir à quel point Ellie m'a fait du bien elle aussi, à quel point c'est une personne fiable et loyale, qui s'est toujours évertuée à prendre soin de moi. Ils ont ça en commun : prendre soin de moi. Alors qu'est-ce qui bloque ? Ça m'échappe. Je soupire doucement, ne voulant plus me battre à ce sujet.

- Je veux que tu sois toi-même.

Je plisse doucement les yeux, comme perplexe. Puis je finis par relâcher la pression, mes muscles se détendent et j'esquisse même un petit sourire, très brièvement. Ellie doit probablement être la seule personne à m'aimer réellement tel que je suis, à me préférer à Michael. Elles préfèrent toutes Michael, je m'y suis fait à force. Et j'ai travaillé dur pour devenir comme lui, pour marcher dans ses pas. Alors voir tous mes efforts réduits à néant par Ellie qui balaye tout ça d'un revers de la main, qui désapprouve ça totalement, c'est difficile à encaisser. J'suis largué.

- Peut-être.. Peut-être que c'est moi tout ça !

Je hausse les épaules et la dévisage, attendant qu'elle confirme. Mais je ne suis moi-même pas convaincu par mes propres mots et au vu de la tête qu'elle fait, elle non plus. Je soupire péniblement en levant les yeux au ciel, un peu dépité par tout ça. Je passe une main sur mon visage et je ne peux pas m'empêcher d'ajouter, toujours sans rien contrôler.

- Non t'as raison, ce n'est pas moi du tout. J'en ai juste marre d'être invisible, d'être le mec sur qui tout le monde peut marcher sans rien craindre en retour.

Jusqu'à présent, c'était toujours Micha ou Ellie qui volaient à mon secours lorsqu'on s'en prenait à moi, parce que je n'osais rien dire quand on m'emmerdait. J'étais de ces garçons qui appliquaient le précepte de tendre l'autre joue quand on m'attaque. Et c'est pathétique. Je voudrais changer. Je voudrais être plus fort. Je voudrais être différent. Mais est-ce qu'on peut renier sa nature profonde ? Plus le temps passe et plus j'en doute, au vu de mes erreurs et de mes échecs. Je ne serais jamais Micha. C'est comme ça. C'est triste, c'est frustrant, mais c'est comme ça.
C'est là que je me retrouve à en dire trop, sans pouvoir m'arrêter. Et je commence à sérieusement me poser des questions sur ce qu'il se passe ici. Ellie me dévisage, hébétée, n'ayant visiblement rien compris à ce que je viens de marmonner malgré moi sous mes mains. Et c'est tant mieux bon sang. Je retire mes mains de ma bouche, soulagé d'avoir échappé à cette énième humiliation. Et à dire vrai, j'aurais eu un peu peur de m'en prendre une ou de la faire fuir en sortant un truc aussi déplacé dans une conversation aussi sérieuse. Je suis nul, bordel. Nul, nul, nul. Son air sévère ne me rassure pas franchement et je me retrouve incapable de changer correctement de sujet lorsqu'elle me pose ses questions, ayant l'irrésistible envie d'y répondre avec une franchise totale, alors que c'est l'exact opposé que je cherche à faire. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ce soir ?

- J'allais dire un truc super gênant et j'ai pas pu m'empêcher de le dire, alors j'ai juste essayé de limiter les dégâts, parce que je n'avais pas du tout envie que tu entendes ça. Je sais pas ce qui m'arrive ce soir je suis désolé, c'est comme si... je sais pas, comme si les mots sortaient tout seuls sans que je ne puisse rien y faire.

Je lui lance un petit regard confus, craignant qu'elle me prenne vraiment pour un illuminé, ou un gros menteur. Je pourrais toujours jouer la carte du sdf, dire qu'entre le froid, la mauvaise bouffe et l'alcool, je déraille un peu. Peut-être que ça passerait. Ou alors elle me foutrait son pied au cul. Ouais, probablement plus la deuxième option. N'en pouvant plus de rester à l'intérieur et souhaitant mettre un terme à cette situation atrocement embarrassante, je décide de me tirer de là et de l'emmener avec moi. On se retrouve dehors mais, malheureusement pour moi, les choses ne s'arrangent clairement pas. C'est tout l'inverse même. Je me retrouve à en dire trop encore une fois, à m'emmêler les pinceaux et je la sens complètement perdue face à moi. Génial.

- Je ne sais pas vraiment si je dois dire merci, ou bien partir en courant. Elle ferait sûrement mieux de se tirer de là, avant que je n'aggrave encore plus la situation. - Si tu étais le seul.

Je relève la tête, libérant ainsi son épaule et je la dévisage, à la fois intrigué et soulagé. En tout cas, elle le cachait bien mieux que moi. Enfin, ce n'est pas comme si j'avais déjà eu un quelconque talent pour cacher quoi que ce soit un jour, et encore moins mes émotions. Je lui offre un petit sourire à la fois désolé et encourageant, cherchant à la rassurer, à lui couper l'envie de fuir. De me fuir. Alors je me contente de lui poser une question bateau, juste pour l'encourager à parler, à rester. Rester avec moi. Parce que je suis bien quand elle est là.

- Ce que je deviens ? Elle a l'air surprise de ma question et ça me met un petit peu mal à l'aise. Je déglutis et hausse doucement les épaules et en hochant lentement la tête de bas en haut pour confirmer. - Et bien je suis interne et je... Elle .. ? - Et je suis célibataire. Oh. Je me redresse subitement et la dévisage, interloqué. Peut-être un brin satisfait même. Je tente de réprimer un sourire mais je n'y parviens pas vraiment. - Oublie ce que je viens de dire. Et toi ?

Quoi ? C'était quoi ce cinéma ? Pourquoi est-ce qu'elle était aussi confuse de m'avoir lâché cette information ? Et cette façon de fuir mon regard, de réorienter la conversation sur moi. Je ne disais rien, demeurant silencieux, l'analysant comme je le faisais toujours avec les gens. Avec cette furieuse envie de tout savoir, de tout comprendre d'eux. Même si ce talent se trouvait vachement limite lorsqu'il s'agissait des filles à mon égard, le tout était généralement faussé par mon immense mésestime de moi-même. Mais là. Là, j'étais presque sûr de moi. Je fronce légèrement les sourcils, gigotant un peu sur le banc pour trouver une bonne position.

- Hé bien, depuis que je suis parti je vis dans la rue avec Micha et on..

Oh puis merde, on s'en fout de ma vie. On s'en fout de ce que j'ai fait depuis que je suis parti. Rien de glorieux, clairement. Et puis, y a bien plus intéressant à faire dans l'immédiat que de lui raconter mes tristes péripéties. Je fonds sur elle, pose ma main droite sur sa joue pour l'obliger à me regarder et encore une fois, sans plus attendre, mes lèvres viennent se poser sur les siennes, lui volant pour la seconde fois un baiser. Bien plus tendre et doux que la dernière fois cependant. Et ça me transcende de la tête aux pieds. Le goût de ses lèvres, leur texture, leur douceur, putain ce que ça a pu me manquer. Pendant un instant j'oublie tout. Je glisse mon bras gauche autour d'elle pour la rapprocher de moi, pour la garder contre moi, intensifiant au passage mon baiser, me faisant avide d'elle. Je finis par relâcher la pression et nos lèvres se séparent, doucement cette fois-ci, pas de rupture brutale. Je déglutis, le cœur en feu, des fourmis jusque dans mes entrailles. Je souris timidement et retire mon bras et ma main d'elle. Je voudrais trouver les mots justes. Dire la bonne phrase. Assurer. Lui montrer que je tiens à elle comme elle me l'a demandé. Et pourtant, je me retrouve jeté dans la froide réalité et je me recule brusquement, la mine dépitée, désolée.

- J'peux pas, merde. Je me prends la tête entre les mains, terriblement nerveux. - Micha ne veut pas. J'ai.. j'ai promis à Micha qu'il ne se passerait plus rien entre nous parce que sinon ça va lui faire du mal.

Elle va me tuer. Me découper en morceaux et me jeter dans une benne à ordure, c'est sûr. Je la dévisage, terriblement confus.

- Ellie, je, pardon, c'est.. Je ne veux pas blesser Micha. Mais je ne veux pas te perdre une seconde fois non plus et du coup je sais plus quoi faire.

Je la supplie du regard, de me comprendre, de me pardonner cet énième faux pas. J'enchaine les boulettes, je fais n'importe quoi. Et je m'en veux, c'est affreux comme je m'en veux. Je tente d'attraper ses mains à nouveau, mais les miennes tremblent, redoutant un refus de sa part et elle aurait raison. Elle aurait raison de me jeter, de m'insulter, de me dire de partir et de lui foutre la paix dorénavant. Pourtant ce n'est pas ça que je veux. C'est tout l'inverse même. Depuis quand je suis aussi égoïste ? Micha a visiblement déteint sur moi plus que je ne le pensais.

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Ce n'est pas lui, il n'est pas cet homme froid et sans compassion, Junior il est autre chose. Ellie elle l'a bien compris, elle l'a connu à un moment où il était fragile et maintenant il pense qu'elle s'est servie de sa naïveté, ce qui est totalement faux d'ailleurs. Elle n'est pas bien sentimentale Ellie et elle s'est attachée à lui parce qu'il avait quelque chose de différent, une sensibilité qu'aucun autre n'avait, encore moins son frère. Micha et Junior c'était le jour et la nuit, pourtant désormais ils ne font plus qu'un, intrépide et impulsif, comme si les qualités qui lui avaient tant plu avaient disparu avec le temps. Encore une fois, elle se retrouvait contrainte de lui dire qu'elle ne voulait pas qu'il soit comme son frère. Cette discussion ils l'avaient déjà eu, à plusieurs reprises, à chaque fois qu'ils se retrouvaient en face, mais ça revenait toujours sur la table, parce qu'il n'acceptait pas l'animosité qu'il y avait entre Ellie et Michael. Le courant ne passe pas entre eux, c'est comme ça et c'est bien difficile de changer les choses. Le visage de Junior se crispe, il pense qu'il est comme ça, que c'est lui tout ça, mais Ellie elle n'approuve pas, elle hoche la tête négativement, dépité de le voir se considérer ainsi. "Tu n'es pas invisible, tu n'es pas faible." qu'elle lâche spontanément. Le voir s'évoquer de cette façon ça lui fait mal, parce qu'elle voit à quel point il n'a aucune confiance en lui, à quel point il est dépendant dans son frère. Elle détourne son regard du sien, mal à l'aise, ne sachant pas vraiment trop quoi dire pour lui remonter le moral. Il y a pourtant des tas de choses qu'elle peut dire, qu'elle peut faire, mais le faire sans dénigrer son jumeau ce n'est pas aussi facile, parce que forcément elle pense toujours à leur comparaison, aux hommes bien distincts qu'ils sont tous les deux.
Voilà qu'il commence à parler, à trop parler puis à se stopper subitement, portant sa main contre sa bouche pour ne pas en dire trop. Ellie, elle est perplexe, elle ne comprend pas vraiment ce qui lui prend de déballer autant de franchise d'un coup. Il n'est pas dans son état normal et son comportement est bizarre, oui c'est le mot. Après ce moment incompréhensible et gênant, Junior se justifie. Il semble un peu perturbé et mal à l'aise face à elle, face aux mots qu'ils allaient sortir, mais Ellie n'a strictement rien compris, elle est dans le flou total. Néanmoins, elle se sent un peu pareille, un peu trop honnête et ça ne lui ressemble pas du tout. "Je peux tout entendre tu sais." Avoue l'étudiante. Après tout, elle a vu suffisamment de choses, elle n'est plus choquée, encore moins lorsqu'elle est avec lui. Il lui a dit tellement de choses touchantes, blessantes que plus rien ne la surprend, elle s'attend juste au pire, toujours. Il lui prend la main, l'entraine jusqu'à l'extérieur, comme oppressé par toute cette foule. Ellie elle n'aime pas vraiment quand il y a beaucoup de monde, elle se sent vite de trop et ce n'est donc pas une si mauvaise idée d'aller prendre un peu l'air. Cela leur fera le pus grand bien, à tous les deux. De plus, Ellie s'apprêtait à partir au moment où elle l'a croisé.

Une fois de dehors, il lui fait des compliments, lui dit à quel point elle est belle ce soir. Il aime juste son déguisement ou bien ? Cela fait bien longtemps qu'elle n'a pas entendu un mot gentil sortir de sa grande bouche. D'habitude, il lui fait plutôt des reproches et a force, Ellie elle s'y ait faite. Il lui explique donc qu'il ne comprend pas pourquoi il agit ainsi ce qui la fait cogiter. Il n'est pas le seul à se sentir impuissant face à cette situation. Les mots sortent tout seuls, sans qu'elle ne peut les contrôler et au fond ça l'effraye, parce qu'elle a bien trop de secrets pour prendre ce risque. Elle est surprise quand il lui demande ce qu'elle devient, elle déglutit, réfléchissant bien à ce qu'elle peut bien lui dire. C'est bizarre comme question, presque trop normal pour eux. Elle lui avoue alors qu'elle fait des études et qu'elle est célibataire. Elle est célibataire ! Non mais Ellie tu dérouilles complètement. Pourquoi elle lui dit ça ? Ça sonne un peu trop comme une proposition et c'est loin de ce qu'elle voulait, c'est même complètement puéril et elle a juste envie de se taper la tête contre un mur, stupide. Elle baisse les yeux, peu satisfaite de son comportement. Il fallait qu'elle trouve un moyen de lui faire oublier ses mots, alors elle changeait de sujet, c'était le mieux qu'elle puisse faire là tout de suite. Elle lui retourne donc la question, s'interrogeant donc sur ce qu'il fait de ses journées. En fin de compte, elle ignore tout de lui depuis qu'il a pris un nouveau départ. Il crache le morceau et Ellie est stupéfaite. Il vit dans la rue ? Non, mais dans quoi l'a entrainé Micha encore. Elle se doute bien que les conditions de vie ne doivent pas être faciles, qu'il doit en baver et au fond d'elle, elle est furieuse, abasourdie. Elle se sent mal, fautive, parce qu'elle aurait pu être avec lui et lui éviter un tel calvaire. Elle réfléchit trop, elle se fait une conversation dans sa tête, vite écourtée au contact de ses lèvres contre les siennes. Sa douceur et son entrain lui avait manqué, Ellie se surprend même à prolonger le baiser, à savourer cet instant qui lui procure d'intenses frissons. Elle se rapproche un peu plus de lui, glissant l'une de ses mains dans sa chevelure. Son regard transcendant détaille son visage, un mince sourire sur les lèvres. Ellie elle est contente, mais comme d'habitude c'est de courte durée. Il se recule doucement, brisant ce moment de tendresse avec lâcheté, pour ne pas changer ses habitudes. Pourquoi Micha est-il mêlée à cette histoire ? Junior lui obéit au doigt et à l'oeil et Micha n'approuverait pas ce baiser. Déçue pour l'énième fois, elle commence à perdre patience avec lui. "J'y crois pas, ça recommence." Elle serre les poings, s'écartant un peu plus de lui, qui tente malgré tout d'attraper ses mains, pour mettre de la distance. Elle tire une longue taffe sur sa cigarette déjà bien consumée, elle ne le regarde pas, elle ne sourit pas, elle est de nouveau en colère. "Micha ne serait pas d'accord ? Mais en quoi ça le concerne ? Tu m'expliques ?" Le ton monte doucement, alors qu'elle se lève pour faire les cent pas. Elle retient ses mots, elle essaye de se contrôler, mais c'est plus fort qu'elle, il faut qu'elle parle. "T'es son petit chien c'est ça ? Tu lui manges dans la main." Elle n'en peut plus d'être prise pour une conne, Junior à le don de gâcher tous les beaux moments entre eux, aussi rares soient-ils. "BORDEL, MAIS OUVRE LES YEUX MERDE !" Elle gueule, elle est dégoutée. "Tu te sers de moi, tu ne penses qu'à toi, encore une fois." Il est bipolaire ? lunatique ? C'est pas possible de tout foirer comme ça. "JE.NE.SUIS.PAS.TON.PANTIN" qu'elle articule bien, le coeur battant la chamade. Elle écrase furtivement sa clope, lui tournant le dos pour soupirer un bon coup. "Tu sais quoi, va te faire foutre, va rejoindre ton dieu vivant puisque tu ne vois que par lui. Restes en dehors de ma vie, arrête de me torturer comme ça." Elle passe ses mains sur son visage, avant de l'achever un peu plus. "Les choses ne peuvent jamais être simples avec toi, il y a toujours un mais. C'est agaçant, parce que je ne sais plus quoi faire avec toi." Une cause perdue, malgré tous les efforts.

- Tu n'es pas invisible, tu n'es pas faible.

Et ses mots me brûlent, je reste silencieux, ne sachant plus ce que je ressens. Si le fait d'entendre dire ça me touche et me fait du bien, ou si j'ai cessé d'y croire depuis mon départ. Et cette idée me rend triste. Auprès d'Ellie, à l'époque, j'avais su retrouver un semblant de confiance en moi. Je me comparais moins à Michael, je cherchais moins à lui ressembler, parce qu'Ellie me préférait moi à lui. A l'époque, tout me semblait si simple et si clair. Mais aujourd'hui, tout est confus. Plus rien ne semble évident. Je ne suis plus sûr de vouloir ressembler à Micha. Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais plus si je peux faire confiance à Ellie. Je marche sur une route pavée d'incertitudes et ça me tue, ça m'épuise. Je regrette ces moments de ma vie, tellement plus simples. Ceux avec Ellie, comme ceux avec Bee. Deux périodes radicalement différentes, pourtant semblables dans le bonheur que j'ai pu éprouver à ce moment-là, à me sentir beau et aimé à travers les yeux d'une fille. Mais ce n'est plus ce que je vois dans le regard d'Ellie aujourd'hui. J'y vois de la colère et de la déception et ça me fait me sentir plus laid et plus minable que jamais. Et c'est amplement mérité.

Je finis par l'entrainer dehors, ne supportant plus de rester là. Et puis, les choses s'enchainent d'elles-mêmes, des mots plus hauts que les autres, toute cette sincérité pendue au bout de nos langues qui s'échappent sans qu'on ne puisse rien y faire. C'est peut-être une bonne chose, je n'en sais rien. Et comme si les mots ne suffisaient pas, c'est tout mon corps qui réclame de lui prouver cette vérité latente qui sommeille en moi : l'envie de l'embrasser. De ne faire plus qu'un avec elle à nouveau, de retrouver la douceur de nos contacts d'autrefois. Son odeur, si singulière, venue bercer mes nuits et mes moments de solitude. J'en ai tellement envie que je ne m'impose aucune limite, aucune barrière et je viens me servir comme si ça m'était dû. C'est une satisfaction réconfortante qui m'envahit lorsqu'elle se met à me rendre le baiser. Et si mon corps implose, se rapproche du sien, désireux d'établir encore plus de proximité, ma tête elle, panique. Michael et Bee se mélangent, formant un méli-mélo douloureux. Je culpabilise vis-à-vis de Michael auquel j'ai promis que ça ne se reproduirait plus. Mais aussi par rapport à Bee, que j'ai l'impression de trahir. A moins que ce ne soit Ellie dont j'abuse, cherchant au creux de ses bras le réconfort dont j'ai besoin et dont Bee ne peut plus me couvrir ? Tout s'embrouille et un sursaut de conscience me fait cesser l'échange avant que ça ne dérape trop, avant que mon corps ne prenne les commandes et me fasse déconner, aller trop loin.

- J'y crois pas, ça recommence.

Je déglutis, honteux, le visage baissé, dissimulant ainsi mon regard plein d'appréhension. Je me déteste. Je me déteste de faire n'importe quoi, de toujours tout foirer, de blesser les gens que j'aime, de mentir, de tricher, de me planter encore et encore. J'enchaine les bourdes et pas qu'avec Ellie.

- Ellie, excu..
- Micha ne serait pas d'accord ? Mais en quoi ça le concerne ? Tu m'expliques ?

Je me braque face à son ton agressif et accusateur, ne supportant vraiment pas qu'elle puisse parler de Micha. J'ai relevé la tête pour la fixer et mon regard est sombre. Et puis, elle enchaine sans me laisser le temps d'en placer une. Elle déverse sur moi tout ce qu'elle retient depuis probablement trop longtemps. J'encaisse mal, je me sens horriblement attaqué, agressé et ses mots me blessent profondément. Comme une nuée de coup de couteaux juste là, dans la poitrine. Je suis devenu livide et pourtant, je boue de l'intérieur. Colère et tristesse se mêlent l'une à l'autre, formant une bombe à retardement. Mes yeux se voilent légèrement, trahissant ma honte et ma culpabilité. Pourtant mes traits tirés, ma mâchoire crispée, eux, sont les témoins de la rage grandissante qui m'habite. Tic, tac, tic, tac. Elle se tait enfin, cessant de déverser son acide sur mon pauvre palpitant agonisant et c'est à mon tour d'exploser. Je me lève brusquement, indigné, furieux, la voix tonnante.

- Ça concerne Michael parce que toute ma vie le concerne, comme toute sa vie me concerne ! C'EST COMME ÇA ! Il passera toujours avant tous les autres, POURQUOI TU REFUSES DE COMPRENDRE ÇA, HEIN ? Je reprends mon souffle et continue de plus belle, maintenant que je suis lancé, je ne peux plus m'arrêter. - J't'ai jamais considérée comme mon pantin et je suis PUTAIN DE DÉSOLÉ si je te fais mal, et j'suis encore plus désolé que tu puisses croire que ça m'éclate tout ça, que je le fais exprès ou j'sais pas ! J'agite les bras dans tous les sens, donnant un côté théâtrale à mon monologue. - Donc tu sais quoi, T'AS GAGNÉ ! J'me casse, j'te fous la paix, définitivement ! CONTENTE ?

J'enrage, les yeux brouillés par des larmes de colère et de peine, qui refusent malgré tout de couler, restant sagement à leur place. Je pivote et m'éloigne rapidement, à grandes enjambées, plus fâché que jamais. Tout en avançant, je me retourne une dernière fois pour lui hurler, comme un gamin :

- ET J'SUIS PAS SON CHIEN !

Et je disparais au bout de l'allée, ne laissant derrière moi que les vibrations assourdissantes de mon malêtre, de ma honte, de mon chagrin.

TOPIC TERMINÉ.

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