1– Élevée comme de la porcelaine qui pourrait se fêler au moindre mouvement, avoir des serviteurs pour tout faire à sa place n’est pas qu’un cliché ou un euphémisme dans cette famille. En résulte, des caprices parfois fous, -mais pas vraiment arrogants-, ainsi qu’une nonchalance qu’on perçoit maladroite dans ses gestes graciles, faibles et lents. Elle n’a presque jamais rien eu à faire toute seule, même les choses les plus simples de la vie courante. Veste de tailleur à 5 000 dollars et paille dans son verre d'eau. Mais au milieu de tout ça, c'est Iris la plus simple et la plus j'm'en foutiste. 2– Le père dirige une société de capital-risque les plus cotées de New-York. La mère est membre actionnaire de nombreux titres de la presse luxe et siège à leurs conseils d’administration. Homme et femme d’affaires redoutables assis sur des comptes en banque plus que remplis sans parler des héritages respectifs, Sarah prévoyait de suivre leurs traces avec des études de droit et commerce international. Et finalement, le point noir, l’extraterrestre de la famille, c’était Iris. 3– Observée, photographiée sous tous les angles, elle en a l’habitude depuis longtemps, avant même de jouer les mannequins. Celui qui la fera rougir n’est certainement pas encore né. Les affaires de la famille font les gros titres dans les colonnes “business”. La vie de Sarah était tout aussi exposée, peut-être plus du côté “people”, “la fille de-” et son parcours festif. Elle en jouait Sarah. Et maltraitait autant les journalistes que eux le faisaient. Son décès aussi a été en Une il y a trois ans. 4– Iris est véritablement sortie de l’ombre à partir de là. Avec ses cannes comme des allumettes, de la photogénie à revendre. Elle balade sa silhouette de liane avec incandescence et une fausse pudeur bouleversante. Un naturel désarmant. Avec ce quelque chose de très attachant, une petite faille au fond de l'oeil. Magnétisme atomique et sourires énigmatiques. Elle serait prometteuse si on ne fait pas comme tout le monde en la sous-estimant. 5– Regard ronchon, regard glacial, regard-juge, regard boudeur, regard-tueur, regard-rêveur, regard insistant, regard du diable. Elle paraît souvent impassible, quoique légèrement déconcertée, alors elle vous observe, comme si vous étiez, dans une fiole, un composant censé être soluble et que vous vous transformiez en une suspension visqueuse. Elle dévisage, étudie, attentive, tantôt fascinée tantôt curieuse ou interdite. Ses yeux parlent beaucoup plus pour elle. Ça a toujours été comme ça. Elle a souvent tout dans la tête. Et elle préfère les silences gênants aux conversations forcées. 6– Iris possède un sens aigu de l’orientation. Elle ne se perd jamais. Elle se retrouve simplement souvent là où elle n’avait aucune intention d’aller. C’est différent. Ajoutez à cela une poisse assez incroyable qui ne la surprend même plus et vous voyez à peu près où elle va. C’est-à-dire nulle part. 7– Elle se sent seule sans sa soeur. Et elle redoute de plus en plus cette sensation qui l’oppresse. C’est inconscient, il y a pas mal de choses qu’elle ne fait plus ou qu’elle fait maintenant, parce que Sarah ne peut plus. Elle ne rit plus Iris. Elle sourit un peu. Parfois c’est faux, parfois c’est vrai. Elle ne mange pas toujours, se fait vomir aussi. La presse a encore titré “et une anorexique de plus !” et elle a répondu que oui, elle avait un problème et qu’elle essayait de le régler. Ses parents l’ont appris comme ça. Pas que son père s’en préoccupe vraiment. La relation déjà quasi-inexistente s’est un peu plus enterrée dans l’oubli quand il a enterré sa fille-chérie. 8– Elle a un peu de mal à se lâcher et faire la fête depuis tout ça. Pourtant, elle aimait bien tournoyer. Elle a fait de la danse classique et du piano. Mais en grande fainéante, elle n’a jamais poussé ses talents. Comme le chant. “Chante pour moi et rien que pour moi Iris”, qu’elle lui disait. C’était leur secret à Sarah et elle. 9– Elle est presque restée naïve. Deux verres d’alcool, et elle ne répond plus de rien. Et rien qu’avec ces occasions, elle est bien capable d’avaler du ghb sans s’en rendre compte. Pourtant pourtant… C’qu’elle peut détester toutes ces drogues. Tous ces poisons qui ont empêché Sarah de nager pour pas se noyer. Tous ces poisons qui l’ont poussés à s’perdre dans les nuits acides. Iris vous jugera et sera impitoyable face à cette faiblesse. 10– Alexander Jefferson. C'est sa mère qui l'a repéré, qui l'a approché, intéressée par son profil et sa façon de conduire ses affaires. Son ambition lui rappelle quelqu'un. Elle l'a amené dans la famille il y a cinq ans et l'aide au besoin. Jeff a pris ses marques et a surtout posé ses mains sur Sarah. Iris pour témoin. C'était celui qui ne venait pas tout à fait de leur monde mais qui s'imposait quand même. C'était lui, la représentation de ses premiers émois fantasmagoriques d'adolescente. Image erronée dans la tête, elle peut pas s'empêcher de l'aduler, de l'adorer, de le vouloir. Alors qu'ils ne se sont réellement parlés qu'après le décès de Sarah. Elle était jalouse de sa grande soeur et maintenant elle culpabilise de se rapprocher de lui. Pourtant, elle sait qu'elle se prendrait un râteau monumental si elle exposait clairement ce qu'elle ressent pour lui. Alors Iris attend. Iris cherche malgré tout à le connaître toujours plus. Iris espère qu'un jour, il ne la verra plus comme la petite soeur d'une ex-quelque chose. Qu'il la voit comme une femme et pas une gamine. Et en attendant, elle cherche son attention et toutes les excuses possibles pour ça. Mais peut-être que dans l'fond, s'accrocher ainsi à Jeff, c'est aussi se laisser hanter par le souvenir de cette soeur qui les relie. Elle sait pas vraiment au final. Elle sait pas ce qu'elle fait Iris. Elle a besoin qu'on lui dise la vérité. Toutes les vérités. Même si ça fait mal. Parce que c'est pas comme ça qu'elle tiendra ses rêves entre ses doigts.