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 A toutes nos premières fois | Elaïn

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Caïn Devaux

Caïn Devaux
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MessageSujet: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyDim 6 Nov - 1:28

Il se tient là, comme un con avec son verre à la main et la Bambi absente dans l’autre. Que du vide entre ses doigts et la panique qui se met à l’étreindre tout d’un coup. Il se sent stupide, au milieu de la foule, sans costume ni vêtement classe, juste le bon vieux Caïn en encre et en loque. Il redresse ses lunettes de soleil sur son front pour scruter la foule. Personne. Enfin si. Mais pas celle qu’il cherche. Pas l’unique gamine capable de se paumer alors qu’ils se tenaient la main il y a à peine quelques secondes. Un juron lui échappe, il repose son verre sur la table sans même y tremper ses lèvres, parce que toute envie de se bourrer la gueule l’a quitté. Putain. Ca devait être leur soirée. Tous les deux. Rien que tous les deux à s’amuser, à faire peur aux gens, à faire de la pub pour la boutique aussi parce que soyons honnête, rien de mieux qu’Halloween pour proposer une séance vaudou ou bien un coup de téléphone rapide sur la ligne du paradis.
Mais non. Fallait que Bambi lui glisse entre les doigts. Et ça c’était vraiment nul. Il se gratte la tête, respire lentement par le nez et entreprend de commencer à chercher sa biche. Ca doit pas être bien compliqué, la connaissant elle a du se figer sur place dès qu’elle s’est rendu compte qu’il n’était plus là, à attendre qu’il vienne la récupérer. Sauf qu’après de longues minutes d’intenses recherches dans la salle, Caïn est incapable de retrouver Bambi. Et ça commence vraiment à l’énerver. Il donne un petit coup de pied dans une des tables avant de sortir de la salle au pas de charge.

Il arpente les couloirs Caïn, appelant la jeune femme à voix haute, espérant entendre son nom crié en retour. Mais rien. Juste du silence. Il ouvre des portes, monte les étages, redescend. S’il croise des gens qu’il connait, il ne daigne pas s’arrêter, parce que pour le moment il n’a qu’une chose en tête : retrouver Bambi. Ca tambourine dans sa poitrine, c’est désagréable, ça lui rappelle étrangement une scène du passé : la porte ouverte, la chambre vide, les lieux vidés. Le souffle court il aperçoit soudain une masse de cheveux sombres ondulant, une jeune femme, qui avance devant lui. Bambi C’est forcément elle, ça ne peut être qu’elle. Caïn ne prend même pas le temps de remarquer qu’elle n’est pas habillée de la même façon que celle qu’il cherche, il se contente d’accélérer le pas pour la suivre. Le temps qu’il la rattrape elle est entrée dans une salle sur sa droite et il la suit à l’intérieur, posant sa main sur son épaule pour l’arrêter ; « Bambi putain me fait plus jamais… » Ha. Non. Ce n’est pas Bambi. C’est une jeune femme peut être un peu plus vieille que sa biche, moins brune, différente. Une femme qu’il n’a jamais vu. « Pardon… Mauvaise personne » qu’il bafouille avant de se retourner vers la porte pour sortir de la pièce. Sauf que la poignée refuse de s’ouvrir. « C’est quoi ce bordel ? » Il appui de toute ses forces, insiste, mais la porte ne cède pas. « Putain » Nouveau coup de pied, Caïn se décale et regarde autour de lui. On dirait une salle de cinéma, un peu vieillotte, l’air poussiéreux. Sans faire attention à la femme enfermée avec lui, il s’avance dans la salle, cherchant une autre sortie du regard, se disant que d’habitude dans les cinés, y a toujours une porte vers le fond. Caïn se glisse entre les sièges, avance, mais rien. « Ok. Y a quelqu’un qui a décidé de jouer au con » qu’il murmure entre ses dents, de plus en plus énervé. Rageusement il se laisse tomber sur un siège et croise les bras, fixant l’écran devant lui qui soudain se met à crépiter. Un film ? Non. Mais. On se fout de sa gueule ! Comme s’il avait envie de regarder un film. Il voulait Bambi. Et puis c’est tout ; Personne d’autre. Sauf….Swann. « Swann » Ca le frappe d’un coup, comme une claque en pleine gueule et d’un bon Caïn et debout, et tous les sens en éveil. Dans sa cage thoracique ça tambourine, ça joue la samba, ça se met à clignoter dans tous les sens : alerte maximale car c’est la première fois qu’il la revoit depuis tout ce temps.
Sur l’écran des images s’enchainent en continue et y a toujours un dénominateur commun : Swann et lui. A l’école de danse. Ils tournent ensemble, encore et encore, main dans la main ils ondulent, ils ne font plus qu’un. Deux âmes qui se percutent, qui entrent en collision, qui fusionnent. Il connait cette musique, il la connait sur le bout de des doigts. Et debout dans la salle, Caïn sent des doigts fantômes le long de sa colonne vertébrale. Elle s’éloigne, tourbillonnante, gracieuse, un putain de cygne qui ouvre ses ailes pour s’envoler. Et elle saute. Il tend les bras pour la réceptionner, s’emmêle les pieds, trébuche, l’entraine avec elle.
La musique continue mais ils sont maintenant tous les deux au sol, elle contre lui, lui contre elle. Caïn ferme les yeux un instant et il sent presque le souffle chaud de la jeune femme contre sa peau, contre ses lèvres. Le Caïn de la vidéo lui le sent pour de vrai. Il sait à cet instant qu’il ne la lâchera plus, qu’il ne la quittera plus. Swann dans ses bras, et son cœur qu’il extirpe de sa poitrine pour le lui offrir sur un coussin de velours. Je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime, jusqu’à ce que la mort les sépare. Mensonge. Menteuse. Salope. Non. Pourquoi. Caïn ne veut pas voir ça, il ne veut pas voir cette scène qui a signé le début de sa fin, ce passage de sa vie qu’il a tenté de cacher au plus profond de lui : le jour où il a compris, où il l’a supplié de garder les yeux ouverts pendant qu’il l’embrassait, pour qu’elle le voit lui donner le dernier morceau de son être.
Ecran noir.
Y a plus d’oxygène dans ses poumons, y a trop de larme dans ses yeux. Y a cette colère sourde qui le rend aveugle. « MERDE MERDE MERDE MERDE » C’est son poing qui s’abat contre le dossier du siège, c’est son cœur qui se brise à nouveau en milliers de morceaux. C’est sa rage qu’il déverse, c’est son amour qui meurt une fois encore. Et toujours. Piégé dans la spirale infernale des souvenirs, les images font bien trop mal. Et puis soudain l’écran qui recommence à clignoter, un gémissement d’animal à l’agonie qui lui échappe de ses lèvres. Pas encore. Pourtant il peut pas s’empêcher de regarder, parce qu’il y a cette petite voix au fond de lui qui le supplie de profiter, de ces images, de Swann qu’il ne reverra jamais.
Mais cette fois ci ce n’est pas sa vie qui se déroule devant ses yeux trempés. C’est autre chose, qu’il ne le concerne pas lui mais qui la concerne elle. La fille qui n’est pas Bambi.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyDim 6 Nov - 19:44


≈ ≈ ≈
{A toutes nos premières fois}
crédit/ tumblr
Ne me touche pas. Ne me touche pas. Ne me touche pas.

Les épaules qui la frôlent, les mains moites qui l'effleurent, les haleines de conversations sur son cou. Elle presse le pas, regrettant même d'avoir posé le premier dans cet endroit. C'est les costumes et les rires et les voix. C'est les effluves d'alcool qui ne veulent pas quitter les pans de sa robe noire, alors qu'elle fuit la salle précédente pour se réfugier dans la prochaine. Elle a pas visualisé la sortie, elle pensait pas devoir se replier aussi tôt dans la soirée. Halloween. L'excuse parfaite pour se balader sourire cousu à l'envers en travers du visage. Le paradis. Mais c'était insupportable, tout ce ramassis de gens. Elle avait plus l'habitude. Des gens, pas des ramassis. Elle était un beau ramassis de choses, de traumatismes empilés les uns sur les autres. Ça tenait à peine, sa tour infernale. Ça vacillait au moindre coup de vent, à la moindre bourrasque. Elle vacillait un peu aussi, un verre à moitié vide à la main. Puis il y avait les gens - ça, elle avait plus de mal. Fallait supporter sans broncher, sourire sans questionner, saluer sans connaître. C'était donner, donner, et donner, mais qu'est-ce qu'elle aimait être égoïste. 

Le liquide ambré qui tourne. D'un coup sec, elle renverse la tête en arrière et termine sa boisson d'une traite. Il fallait qu'elle sorte. Il lui fallait un autre verre. Le verre, puis la porte. Dans cet ordre là. Allez, Lena. Bouge toi de là. Sans réfléchir, elle s'engouffre dans un nouveau couloir, le tissu rabattu contre sa cuisse comme une armure. Ça montrait de trop, cette robe. Elle était pas moche, cette robe. Elle était mal taillée, certes ; cette robe. Et elle aussi. Pâle comme un cadavre, osseuse comme deux. Le costume ambulant d'une gamine des rues affamée à qui on aurait balancé un bout de tissu pour la charité.

- Bambi putain me fait plus jamais … 

Elle sent une main sur son épaule et sans réfléchir, elle pivote, prête à assommer d'un coup de poing le connard qui a osé s'approcher. Ils sont pas bien impressionnants, les deux poings qu'elle lève. Ne me touche pas. Ne me touche pas. Ne me touche pas.

- Je sais pas à quel jeu tordu tu joues, mais je te préviens ...

Elle termine pas, elle s'est paumée au beau milieu de sa phrase. Elle regarde autour d'elle, et reconnaît rien. C'est des rangées de sièges et un écran géant. C'est le type qui essaie de forcer la porte, de toute évidence scellée. Méfiante, elle se recule. Porte fermée, mon cul. Qu'est-ce qui lui garantissait qu'il avait pas fait le coup lui-même ?

- Ouvre ça maintenant , elle ordonne d'un ton sec.

Elle se sait claustrophile et pourtant, elle se sent claustrophobe. Elle a pas confiance. Jamais. Encore moins enfermée dans l'obscurité avec un foutu fanatique de Disney.

- Swann

- Pardon ?

Et aussi vite, elle voit la théorie de son homicide se casser la gueule. Sur l'écran, les images défilent, plus étrangères les unes que les autres. Et l'homme qui les fixe d'un air aussi bizarre, comme foudroyé sur place. Elle croit le reconnaître à plusieurs reprises ; à  quelques différences près. Il avait l'air heureux. Le cœur qui se sert un peu, elle ose un regard et s'en veut immédiatement. Arrête ça. Pitié. Ravale les larmes. Cache ta gueule. Dégage de là, elle sait pas quoi faire pour toi. Au bout d'un moment, la bande du film saute, et le noir se fait. Elle se tient debout, un peu con, à regarder le type se déchaîner sur le dossier du siège devant lui. Elle se sent presque de trop, maintenant que la femme du projecteur s'est éteinte. Pourquoi il était éteint comme ça.

- Okay, très drôle, est-ce qu'on peut se casser maintenant ou ..., elle hasarde.

- Seven ?

Putain, c'est quoi ce délire ? Toi. Juste toi, Lena. Regarde comme t'es jeune là-dessus. Regarde comme t'es maigre. Regarde la gueule désespérée que t'as, à courir dans ce bordel de camés avachis dans leur fumée. Tu tranches sévère, avec le reste. T'as l'air presque gentille, alors que tu pousses un des gars contre le mur, bras en clé sur la trachée. T'as envie qu'il crève. Tu veux juste ton frère. Et tu piges que dalle, ma pauvre. Tu piges rien. T'étais juste sortie, toi, ta brillante idée, et lui. Puis t'étais rentrée, toi, ta brillante idée, sans lui. T'es prête à parier qu'ils l'ont gardé ici, cette bande d'incapables explosés jusqu'aux veines. T'as regardé à côté, rien qu'un moment. Et ils te l'avaient pris.

- Où est-ce qu'il est ?

- J'vois pas de qui tu p ...

Le coup de genou qui part entre les jambes. Tu le laisses pas remonter. Hypnotisée par l'écran géant, elle sent les larmes dévaler sur les joues. Éteignez ça. Arrêtez tout. Pitié. Seven, Seven, Seven. Elle est désolée. Putain, elle est tellement désolée.

- Seven. Arrête tes conneries, je sais qu'il est là.

- Putain Popescu, il est là où tu l'as laissé il y a deux heures.

Non.

- Non, elle murmure, les mains plaquées sur Les oreilles.

Arrêtez. Arrêtez. Arrêtez.

- NON.

La main qui part dans sans gueule. La main qui part dans le vide. Le noir. Et elle qui se retourne vers l'inconnu, le corps entier secoué de spasmes. Ne me touche pas. Ne me touche pas. Ne me touche pas.
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Caïn Devaux

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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptySam 19 Nov - 0:35

Je sais pas à quel jeu tordu tu joues, mais je te préviens ... A quoi il joue ? Il aimerait bien lui retourner la question. Il joue à rien. Il aimerait bien pourtant. Ça rendrait la situation moins désespérée, moins flippante. Caïn lève les mains en signe de soumission quand il voit la jeune femme le menacer. Y a une sorte d’énergie macabre qui émane d’elle, bien loin de la lumière de sa douce Bambi. Mais pas moins intéressante. Un soupçon de détresse avec une goutte d’autodestruction, le genre de regard pleins de fantômes passé, et soudain il a envie de lui demander comment elle en est arrivée là, dans cet état, comme ça. Mais c’est pas le moment, c’est jamais le moment de toute façon, sauf quand il est assis derrière son bureau les cartes en mains. Qui sait, peut-être que s’il la recroise un jour il lui donnera sa carte pour qu’il vienne consulter, et qui sait peut-être qu’elle acceptera.
Caïn tourne les talons, la dépasse pour sortir de la salle, pressé de retrouver sa biche. Mais rien. Rien. Il a beau forcer, il a beau taper, la porte ne bouge pas. Ouvre ça maintenant Derrière lui la brunette s’énerve un peu plus, s’enfonce dans une panique palpable qu’elle lui communique sans vraiment le savoir. C’est une de ses malédictions à Caïn, cette putain d‘empathie qui lui bouffe les sentiments. Alors il s’éloigne, s’écarte d’elle et de son aura toxique pour chercher une sortie. Vainement.
Parce que c’est comme un coup dans la poitrine quand son regard se porte sur l’écran. Elle est belle Swann, tellement plus belle que toutes les femmes de la Terre. Plus belle que tout, à lui déchirer le cœur à coup de bec, à coup de griffe, oiseau de malheur. Quand elle est là Swann, y a plus assez d’air pour lui dans la pièce, y a plus assez de vie. Elle aspire tout comme un vampire et il finit vidé sur le carrelage. Même en image elle a cet effet là Swann, cette façon de briser son cœur à coup de pioche, bam bam bam, chocs répétés, jusqu’à ce que le cristal cardiaque vole en milliers de petits morceaux. Personne sait. Pas même Bambi, et pourtant dieu sait ce qu’elle est courant de la situation. Personne sait combien elle souffre, et y a ce gémissement de bête sauvage blessé qui reste coincé dans la gorge au fur et à mesure que les images défilent.
Noir.
L’écran devient noir. Tellement noir. Comme la fois où elle l’a abandonné. Noir comme la nuit sans sa Lune. Noir sans Swann, noir sans Amour. Tellement de noir que Caïn n’entend pas la voix pleine de tremblements de sa camarade d’infortune. Tellement noir qu’il se sent étouffer. Respire Caïn, respire. C’est une petite voix dans sa tête et des doigts fantômes qui s’emparent des siens. Bambi même de loin, arrive à s’infiltrer dans son cerveau, à tirer sur les nerfs qu’il faut pour l’apaiser. Bon sang, ce qu’il voudrait l’avoir en face de lui maintenant, l’embrasser un peu partout, l’aimer jusqu’au bout. Il en serait capable, là tout de suite, de se soigner en elle, alors qu’il se l’est toujours refusé.
Mais y a le blanc.
Blanc de la lumière qui sort à nouveau du projecteur, et Caïn relève la tête, partagé entre l’appréhension et le désire brutal de voir de nouveau un passage de sa vie disséquée sur cette toile. Mais ce n’est pas Swann. Ce n’est pas lui non plus. C’est une gamine trop maigre pour son âges aux yeux teintés de folie. C’est une gamine qui ressemble étrangement à la brunette qui est entrée avec lui, à celle qu’il avait oublié trop obnubilé par sa propre détresse. C’est des mots, des échanges, des gueulantes poussées et des coups distribués. Pendant un instant il oublie tout, Swann, la danse, sa propre vie et se laisse aspirer dans les souvenirs de la jeune femme. Popescu un nom balancé, ça lui rappelle quelque chose, il en a déjà entendu parler. Qui ? Il ne sait plus, il ne se souvient plus. Il arrive pas à penser, à réfléchir. Il est perdu. Tellement perdu. Non. c’est un murmure à quelques pas de lui, la brune qui se bouche les oreilles sans comprendre qu’elle devrait aussi se cacher la vue. NON. qu’elle hurle et son désespoir devient si palpable qu’il se mélange à celui de Caïn. Elle chancelle la demoiselle, petite brindille sur le point de casser. Et quand elle se tourne vers lui, les yeux pleins de larmes et l’agonie peinte sur le visage Caïn se sent crever lentement mais surement. En quelques seconde il l’entoure de ces bras, ce petit bout de femme qui ne veut surement pas ça. Il se laisse tomber avec elle, sans un mot ni une phrase, mélangeant ses larmes aux siennes. Qu’elle se débatte où qu’elle se laisse faire, il ne bougera pas. Il ne peut pas. Il se raccroche à elle pour croire que tout est bien réel, que tout ce qu’ils viennent d’expérimenté est vraiment arrivé. Il la sent battre à cent à l’heure contre sa peau et son rythme se calque au sien. « Y a rien gamine. Y a rien. » qu’elle soit plus vieille ou pas que lui, il s’en fout, elle semble tellement fragile dans son étreinte, encore plus que la Biche, irréelle et diaphane. « Respire gamine, respire avec moi » parce qu’il a besoin d’elle pour se souvenir comment aspirer l’air, comment le recracher, autant qu’elle semble avoir besoin de lui pour pas chuter.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptySam 19 Nov - 21:44

Elle dégringole, elle tombe. La chute libre qui l'aspire au fond du gouffre et qui lui écrase la poitrine à en briser les côtes. L'écran s'éteint mais les images restent, figées dans son esprit comme un disque rayé qu'on arrive pas à arracher de l'appareil. Pourtant elle n'y va pas de main morte, les doigts aspirés dans les engrenages. Elle tire de toutes ses forces. Mais elle est faible, tellement faible, la tachycardie qui lui flanque le vertige. Elle a la main qui aggripe le tissu près du coeur, et elle veut tout arracher. Se frayer un passage entre les débris, piétiner sur les ruines, les braises. Et elle plante les ongles à même l'organe violacé, imbibé d'erreurs, juste pour voir l'hémoglobine gicler sur ses mains. Son film d'horreur. Seven. Seven. Seven. Elle revoit sa tête de gamin. Gamin pas encore bousillé. Mon Dieu qu'est-ce que j'ai fait... Tu l'as tué, Lena. Tu l'as sacrifié au nom de ton propre délire de tarée. Et t'as pas hésité une seule seconde, yeux dans les yeux, pour planter le couteau et tourner. Espèce de conasse égoïste. « S'il te plaît... » Le brun la toise ; elle l'avait presque oublié. Oublié. T'as l'amnésie qui colle à la peau et la peau qui colle à tes fringues, sueur froides le long de ton cou. Puis t'as l'autre inconnu aussi, et son empathie que tu sens glisser sur tes bras, acide. Arrête de me regarder comme ça, je t'en prie, arrête ça. Elle veut hurler et elle tente, mais aucun son ne sort de sa gorge écorchée au papier de verre. Seulement un sanglot, hoqueté entre deux suppliques. La rage monte, prête à exploser hors d'elle. Elle se sent ridicule, et elle se sent démunie, et elle se sent conne. Elle se sent seule, aussi, mais ça elle le ravale sans broncher. « S'il te plaît, non... » Ne m'approche pas. Mais il s'approche bien, les bras à demi-levés dans un geste qu'elle reconnaît et redoute tellement que tout son être entier se braque. « Y a rien gamine. Y a rien. » Y a tout, mais il y a surtout lui qui vient de se plaquer contre elle.

« Lâche moi, putain, lâche moi ! » L'allergie implose, suivie de la crise. Les poings s'écrasent sur la poitrine, inlassables, déterminés. Elle va creuser un trou, un échappatoire. Elle marchera sur son cadavre perforé s'il le faut. Incendie ; tout brûle autour d'elle. La chaleur insupportable se propage dans ses veines et la crame à la moelle. Le contact la tue ; elle meurt à petit feu. Elle hurle, elle se débat, elle frappe. « Respire gamine, respire avec moi » Tu mérites pas ces mots, tu mérites pas ces encouragements. T'es une moins que rien, un foutu parasite. Crève, si t'es incapable de garder les autres en vie. Crève, ça fera du bien à tout le monde. A Seven, à Anca, à Iulia, à tous ceux que tu as laissé tomber. Tu manqueras à personne. Tu te manqueras même pas. Disparais. T'es bonne qu'à ça. Retiens ta respiration encore un peu, t'y es presque. Foire pas ça. Plus que quelques secondes... « Je peux pas, je peux pas... » qu'elle chouine alors que ses poumons se remplissent d'oxygène malgré elle. C'est l'instinct de survie qui veut pas, qui la rattrape par la manche alors qu'elle était prête à sauter du train. Accident de personne, accident de rien. Elle se laisse écrouler dans les bras qui la tiennent encore et elle pleure, résignée, les poings en retraite. Elle pleure tous les souvenirs, tous les flashs qu'on a forcés devant ses yeux. Elle pleure au creux du cou de l'homme, les larmes dégoulinant sur les plis de son haut. Au fil des secondes les sanglots s'étouffent, essoufflés d'avoir trop donné. Et elle suffoque contre le torse, vidée. « Comment tu fais ça, comment t'y arrives... » Comment tu te lèves le matin alors que tu sais que la peine t'attend de pied ferme. Comment tu l'ignores, le nez dans ta tasse de café et la tête dans le brouillard. Comment tu lui échappes, toi qui a vu, toi qui connaît. Toi qu'avait l'air si heureux. Comment tu vis, quand t'as juste envie de crever.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptySam 10 Déc - 1:48

S'il te plaît...  C’est comme une supplique, un murmure balancé dans l’air, qui le transperce comme une lame acérée. S’il te plait quoi ? Hein ? Hein ? Il sait pas Caïn, il comprend pas, il comprend plus. Dans sa tête, dans son corps y a tout qui se mélange, des souvenirs en fusion, et le manque cruel qui reprend ses droits. Toute son âme hurle Swann. Comme une dépendance, un drogué posé devant un rail de coke. S'il te plaît, non...  Mais s’il te plait quoi putain ? Hein gamine ? S’il te plait quoi ? Pourquoi tu le regardes avec ces yeux, comme si tu portais toute la misère du monde sur tes épaules ? Pourquoi tu l’envahit comme ça hein ? Pourquoi tu l’étouffe avec ta douleur, ta souffrance palpable, l’agonie qui te brule le cœur ? Merde. Caïn ne sait plus, Caïn n’a jamais su. Les gamines écorchées qui croisent sa route, il finit par arrêter de les compter. Babylone, Bambi, Serena, Robin. Toutes ces filles, femmes-enfants, à la pureté bouillante qui sont trop perdues dans ce monde de merde. Toutes ces filles qui forment un tout, qu’il essaye de sauver, d’élever. Mais pour quoi au juste ? Pour se pardonner à soi-même surement, effacer toute cette culpabilité qui le rouge jour et nuit, quand il va se perdre dans les bras d’autrui, quand c’est pas Bambi qu’il embrasse, quand c’est pas Bambi qu’il aime, quand c’est pas Bambi qu’il possède. Pour se pardonner aussi, de ressentir tout ça, toutes ces pulsions devant une mioche, la sœur de l’autre, la sœur du monstre, la sœur de celle qui t’as arraché le cœur pour le bouffer à pleines dents, les ongles plantés dedans.

Lâche moi, putain, lâche moi ! Et tout son corps vibre de rejet, mais lui est incapable de la lâcher. Il peut pas. Il veut pas. Autant pour lui que pour elle, comme si sans le corps de cette femme contre lui il basculerait dans le noir, dans les abysses qui le tirent au quotidien. Et il veut pas. Il peut pas. Alors il serre un peu plus la brune contre lui, les larmes aux yeux et les sentiments à nus. Contre lui elle se débat, elle crie, elle le frappe comme une tigresse, une putain de lionne piégée, et Caïn essaye de la calmer, il murmure des mots, des phrases, comme un mantra. inspire gamine qu’il respire avec toi. Inspire, calme toi. Il est là, il te lâchera pas. Il la sent se bloquer, il la sent se braquer et il panique. Non. Non. Fais pas ça putain. Fais pas ça. Et soudain il la sent qui se détend contre luin bouffée d’air salvatrice dans ses poumons, elle se gonfle de vie et lui aussi. Je peux pas, je peux pas...  « Tu peux gamine. Tu peux. Un pas à la fois. » Doucement il pose sa main derrière son crâne, elle est si fragile, si fine contre lui, minuscule. Il pourrait la briser, en serrant un peu trop fort, et ça le fait flipper. Il sait pas faire Caïn, avec le cristal et la porcelaine. Il casse toujours tout, avec ses gros doigts, trop lourd, trop gauche, jamais subtile. Mais aujourd’hui il va essayer. Pour elle, pour cette boule de vie qui oscille entre ses bras. Et soudain y a quelque chose qui se brise. Comme une barrière qui s’effondre, elle contre lui, des larmes, des putains de larmes qui coulent, sur sa peau, il sent l’humidité. Et son cœur se fissure encore plus qu’il ne l’est. Il se sent chialer lui aussi, il craque, incapable de résister. Pourquoi ça ? Pourquoi eux ? Deux inconnus balancés dans un jeu pervers, sans règle ni maitre. Juste deux joueurs, sans un but précis.
 Comment tu fais ça, comment t'y arrives...  Pas besoin de préciser quoi, il comprend. Ils se comprennent. Quelques mots balancés dans une pièce sombre, sans sujet ni verbe, comme un puzzle, une énigme à reconstituer. Lentement il la tire avec lui jusqu’au sol, l’accompagne doucement pour pas qu’elle s’effondre. Toujours collés, il pose la tête de la brune contre son torse, comme une étreinte rassurante, ses mains dans ses cheveux, une caresse semblable à celle d’une mère. Parce que c’est à elle qu’il pense là maintenant. Sa mère et son amour, sa mère et son aura, sa mère. Sa putain de mère. D’une main il essuie les larmes qui floutent sa vue, avant d’inspirer un grand coup.   « J’y arrives pas…. » C’est un aveu, la première fois sans doute qu’il le balance à voix haute, à quelqu’un. Y a juste Madame qui sait. Madame qui se doute bien. Mais jamais rien de concret.   « Putain j’y arrives pas, chaque jour où je me lève je sais pas comment je fais, où est-ce que je trouve la force pour continuer. » Il s’écarte un peu, pour la regarder. Elle lui fait penser à sa biche, en bien plus fragile, en bien plus brisée. Chez Bambi y a cette force brute, comme un diamant non poli, rugueux, qui palpite en elle. Cette force qui lui permet de continuer, cette force que Caïn puise sans aucun regret.   « Mais c’est pas pour autant que j’abandonne. » Il murmure doucement, incapable de détourner son regard des deux billes d’abysses qui le fixent.  « Je me concentre sur l’important, l’essentiel, le visible. » Bambi, le Troisième Œil, les autres.  «C’est une force non négligeable, je joue aux égoïstes, aux parasites, je pompe sur eux pour pas chuter » Est-ce qu’elle comprend ? Est-ce qu’elle arrive à voir où il veut en venir ? Il espère. Il espère tellement. C’est fou de se sentir aussi proche d’une personne, quand on ne connait d’elle, qu’un passage de sa vie. Quelques images, des noms crachés. Mais malgré ça Caïn a l’impression de se retrouver en quelqu’un, pour la première fois depuis longtemps. Sans masques, sans artifice, juste leurs sentiments, à l’état brut.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyMer 4 Jan - 21:37


!TW suicide!

« Tu peux gamine. Tu peux. Un pas à la fois. » Sauf que les pas, elle a oublié comment les faire. Un pied devant l'autre, doucement. Un pas à la fois. Sauf que les pas, ils sont tellement lourds qu'elle a l'impression qu'on a coulé du plomb dessus et que jamais elle se relèvera du sol. Un pied devant l'autre, difficilement. Les jambes tremblantes et les articulations rouillées. Elle restera là, le front scotché au concret. Et y a l'attraction terrestre qui la tire vers le bas et la plaque contre elle. Et y a lui qui l'attire dans ses bras et la plaque contre son torse comme s'il pouvait étouffer la tristesse, un peu comme on étouffe la flamme d'une bougie. Vacillante, elle accuse le complot qui cherche à l'éteindre. Je peux pas, je peux pas, je peux pas. Oh Lena, accuse rien, t'es la première à refermer le couvercle et observer ta vie suffoquer. Ça part en volutes de fumée le long de ton corps, menottes aux poignets, camisole aux poumons. Le charbon que t'aspires comme on descendrait une boîte de cachets. Le flingue à la tempe, la lame aux veines, la corde au cou. La respiration qui te lâche, la vie qui t’asphyxie, un sourire carnassier aux lèvres et une main portée à ta gorge.
Déjà gamine, tu crisais. Ça te revient en ondes sous la peau, une inspiration de travers et tu vas craquer. Stop. Y a encore Seven qui traîne dans un coin de ton esprit, gamin paumé entre deux souvenirs écorchés. Seven. Arrête tes conneries, je sais qu'il est là. C'est le problème avec Seven. Il a toujours refusé de quitter ta tête. Le bruit de ses pieds nus qui foulent les réminiscences. Puis y a une paire d'yeux anthracites qui te fixe à demie dissimulée sous tout le bordel, et tu te remets à te débattre violemment. NON. T'es pas prête à te souvenir de toi. « Comment tu fais ça, comment t'y arrives... » Tu craches les mots entre deux sanglots. Toutes les fois où t'as cru que c'était fini, toutes les fois où t'as chialé sous la douche pour pas qu'on t'entende. Et t'en as gueulé des trucs stupides à la flotte, des blasphèmes meurtriers au siphon. C'est pas sa faute, à l'eau. C'est pas vraiment de ta faute non plus. Si seulement t'arrivais à te pardonner. « J’y arrives pas… » Ça pleure dans son cœur, ça pleure contre son crâne. La léthargie des larmes lui fait relever la tête avec une lenteur pas calculée. Dans le mouvement, la main sur ses cheveux dégringole aux omoplates ; elle avait à peine enregistré le geste protecteur. Pourquoi. Elle veut lui demander. Pourquoi tu fais ça. Il la connait pas. Il sait pas qui elle est, il sait pas ce qu'elle a fait. Seven, j'suis désolée. Mais il a les yeux injectés du même pigment assassin, le rouge sang des vaisseaux explosés dans la bataille. On dirait qu'il en ressort tout juste, de l'horreur de la ligne de front. Et les cauchemars qui dansent dans l'écran noir de ses pupilles dilatées. Pourquoi. Parce que vous êtes tous les deux des rescapés, et que si les mutilés ne s'épaulent plus, autant jeter les armes et abandonner le combat. « Putain j’y arrives pas, chaque jour où je me lève je sais pas comment je fais, où est-ce que je trouve la force pour continuer. » En un battement de cils, elle balance de l'admiration à la jalousie maladive. Elle a jamais été forte comme Iulia, elle a jamais été forte comme son père. Lena, elle casse. Elle se fissure au premier choc, puis elle tombe en morceaux. Et elle se plaint, elle blâme le pauvre qui passe devant le carnage. Réparez à ma place, j'en peux plus, j'ai perdu le compte. Elle a perdu l'envie aussi. « Mais c’est pas pour autant que j’abandonne. » qu'il lui murmure « Ça sert à rien... » qu'elle répond avec tant de faiblesse qu'elle est même pas certaine de l'avoir vraiment prononcé. Elle voit plus l'intérêt des choses, des gens, et ça l'effraie. Elle a perdu, on a fait tomber la dernière pièce de l'échiquier. « Je me concentre sur l’important, l’essentiel, le visible. » La voix qui la porte vers le haut, les mains qui la tiennent comme pour dire j'suis là. Les yeux qui la quittent pas, la chaleur de la compassion qui s'installe doucement comme une migraine. Elle grimace sous la gêne mais putain ce qu'elle est heureuse de sentir le martèlement derrière son front. Et tape, et tape, et tape. T'es vivante, Elena. T'es vivante. C'est l'important, c'est l'essentiel. « C’est une force non négligeable, je joue aux égoïstes, aux parasites, je pompe sur eux pour pas chuter. » C'est l'instinct qui lui fait resserrer sa prise sur le t-shirt. Me lâche pas. Pas maintenant qu'elle t'a trouvé, pitié, pas maintenant. Le poids de sa poitrine s'efface doucement sous l'anesthésie des paroles. Presque, elle se sentirait bien, trempée de leurs larmes respectives. En confiance. Suffisamment pour sortir le seul mot qu'elle déteste accorder. « Merci... » Et elle blottit sa tête dans le creux du cou sans réfléchir. Elle a besoin d'une minute, juste une petite minute de plus dans le calme complet. Elle, son pouls. Lui, et le sien. Eux. Rescapés mais vivants. « Elena Popescu. » Elena Popescu. Vivante. « Si jamais tu te demandais. »
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyLun 9 Jan - 1:14

Comment tu fais ça, comment t'y arrives... Une question qu’il ne se pose que trop souvent quand tout bascule autour de lui. Comment il fait ? Il ne sait pas, il ne sait plus. Il a jamais su. Il s’est toujours maintenu entre deux eau, incapable de plonger quand il en a eu l’occasion, incapable de s’en sortir aujourd’hui alors qu’il en a toutes les raisons. Bambi et ses sourires, ses rires, son aura douloureusement étoilée. Il a mis tout ce temps avant de comprendre qu’au lieu de regarder la Lune il aurait dû chercher les astres dans le ciel. Amer. Alors il craque Caïn. Parce que y a quelque chose chez ce bout de femme qui le transperce de part en part, qui met à nue son cœur et ses peurs. Il sait qu’elle comprendra ses mots. Ils sont pareil tous les deux avec leurs démons aux portes de leur conscience. Il dévoile son secret, qu’au fond c’est juste un clown, un putain de parasite qui s’installe chez les autres et qui aspire tout, le bon comme le mauvais, pour subsister. Il se déteste dans ces paroles Caïn. Il se trouve dégueulasse. Et pourtant il continue, parce que y a ce corps trop frêle contre lui. Ce corps en manque de vie, ce corps dont il se sent soudain responsable. Il se prend dans une folie héroïque, syndrome du sauveur, il se dit que peut-être il pourra fourrer dans la tête de la brune une volonté nouvelle, une façon d’appréhender le lendemain différemment, d’arrêter de s’automutiler et de commencer à griffer les cœurs des autres pour s’élever.
Il sent son odeur, il sent sa détresse, il a toujours été trop réceptif à ces conneries. Putain d’empathique au cœur trop large, brisé en un coup de pieds par les gens de sa vie. Il se laisse happer par cette femme juste rencontrée, s’accroche à elle à chaque paroles avouées, essaye de la tenir pour égoïstement trouvé quelqu’un sur qui se reposer. Ça sert à rien... Trop de fois il s’est répété ces mots seuls dans le noir, la respiration sifflante et la poitrine douloureuse. Acablé par le poids des remords, par le poids de tout, il a hésité à tout lâcher : puisque tout ça ne sert à rien, à quoi bon continuer ? Mais Caïn n’a jamais été lâche. Jamais. Il repense toujours à sa mère, à son père, à ces personnalités qui l’ont poussé jusqu’au bout, jusqu’au ciel pour devenir l’infini. Il repense à ces personnes qui ont martelé son existence, qui l’ont forgé pour faire de lui ce qu’il est aujourd’hui. « Je sais gamine je sais » qu’il répond doucement, les mots qui se brisent en milles éclats de voix tout autour d’eux. « Mais c’est pas pour autant qu’il faut pas essayer pas vrai ? » qu’il faut pas continuer. Parce qu’arrêter ça serait déclarer forfait, ça serait rendre les armes, ça serait les laisser gagner. La laisser gagner. Plutôt exister que de la laisser victorieuse.
Alors Caïn observe la brune, il la quitte pas du regard comme pour lui transmettre son cœur, ses pensées, sa résolution terrible. Comme pour la soulever, la tirer hors du goudron, l’aider à étendre ses ailes à nouveau pour s’envoler. sois vivante qu’il veut lui crier, qu’il veut lui hurler. Sois vivante pour lui, sois vivante pour eux, pour tous ces gens brisés, pour tous ces gens hachés par la vie. Il la sent resserrer sa prise sur son t-shirt, il la voit ouvrir la bouche pour prendre sa première goulée d’air. Alors seulement Caïn se relâche s’autorise à laisser tout filer, tout voler. Merci... et elle vient se nicher dans le creux de son cou, comme un animal en recherche de chaleur et ça il peut le lui donner. Il la serre doucement contre lui, main dans ses cheveux pour la soutenir, lui indiquer qu’elle peut rester aussi longtemps qu’elle le veut. « Merci à toi » Parce que sans elle il aurait jamais tout craché, il aurait laissé les mots gangréner dans son organisme. Il profite d’elle de sa vie qui se remet doucement à pulser dans ses veines. Elena Popescu Sa voix étouffée lui parvient et son souffle lui chatouille le cou. « Quoi ? » qu’il demande un instant, un peu perdu. Si jamais tu te demandais. Ah. Son nom. Il se sent stupide tout d’un coup car la notion de nom ou de prénom ne lui est pas venu un seul instant à l’esprit. Il se met à rigoler et ça chasse les dernières brumes. « Enchanté Elena. » Il s’écarte un peu, pose ses deux mains sur les épaules de la brune et la fixe. Puis solennel il attrape ses doigts et les serre doucement entre les siens. « Caïn Devaux. » gars paumé dans sa vie, mec boiteux qui fait du mieux qu’il peut. Sans lacher la main d’Elena il la tire doucement vers les sièges et lui fait signe de s’asseoir. Parce que pour le moment il est pas prêt à ressortir, à affronter la foule. Parce qu’il sait que Bambi est grande, que Bambi saura se débrouiller sans lui quelques secondes, quelques heures. Puis y a Bran. Bran qui saura prendre soin d’elle. Il le trahirait pas. Il le sait, il l’a vu.
Il s’installe, se racle la gorge, gigote un peu sur son siège pour essayer de trouver une position confortable puis abandonne rapidement. Il contemple un instant la main d’Elena, si fine dans la sienne, blanche, trop blanche en contraste avec sa peau encrée. Il observe les lignes de sa paume, se perd un instant. « J’ai aimé une femme. » Caïn s’arrête dans son élan, soupire, résigné. « Non. J’aime une femme. » et il l’aimera sans doute jusque dans sa tombe. Car on aime personne deux fois du même amour, et celui qu’il porte à Swann est éternel. « Swann. Une tempête, une tornade. Elle a tout bousillé dans ma vie puis elle est partie comme elle est apparue, après dix ans de folie » ou quelque chose comme ça. Les dates s’effacent sur le calendrier de sa mémoire, il ne sait plus bien compter, il a arrêté d’essayer. « Elle fait partie de ces gens qui vous prennent tout sans rien demander, sans un remord. Ces gens qui brûlent trop vite, tout le temps. Et toi tu reste comme un pauvre con sur le pavé, vidé, lessivé, les os sucés jusqu’à la moelle » les mots sortent tous seuls, et étrangement y a pas de rancune. Juste de la constatation. Il dévisage longuement Elena avant de lui faire un petit signe de la tête. Elle est pas obligé de parler mais si elle veut partager il saura écouter. Il écoute toujours. Depuis trop longtemps.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyMar 14 Fév - 21:48

« Merci à toi » Incrédule, elle relève la tête. Enfin elle essaie comme elle peut. Les lèvres qui tracent droit la ligne, elle s'évertue à soulever le crâne qui plombe aussi lourd que de la fonte. Eh regarde, sans les mains, même. Putain que t'es forte quand tu le veux. Merci à toi. Merci de quoi ? D'avoir crisé comme une novice ? D'avoir eu peur d'un foutu écran ? De t'avoir dégueulassé les épaules ? Désolé, t'as encore deux ou trois fantômes en train de baver dessus, j'crois. Lena, elle a honte, mais elle ferme pas les yeux. Elle les ferme plus. Le noir, elle en a pas vraiment peur. L'opacité qui réconforte dans son grand manteau. Non, le noir, ça va. C'est juste qu'y a les souvenirs qui squattent dedans depuis peu et qu'elle arrive pas à les dégager. C'est ironique, elle trouve. De grandir avec autant de gamins autour de soi mais de détester la cohabitation. Aimer à ce point la solitude. Elle se sent insignifiante, elle se sent immense. Une géante enfermée dans une maison de poupée. Et les bras qu'éclatent les fenêtres dans ses pauvres excuses de fugues, elle arrête de contredire les faits. Les faits s'en foutent de ses tentatives de rédemption de toute façon. Elle est là pour détruire ; un peu tout ce qui passe, l'importance compte même pas. Et ça la rend dingue, l'absurdité du truc. La fatalité pendue au hasard, quelque part au-dessus de sa tête. Fallait trouver quelqu'un, et quelqu'un c'était elle. Félicitations, on zappe le premier prix pour directement passer au lot de consolation. Quelle chance t'as, comment est-ce qu'on fait pour pas t'envier ? « Elena Popescu. » elle murmure, et ça sonne presque étranger à ses oreilles. Peut-être parce que ça faisait longtemps, qu'on l'avait pas vue. Vue pour ce qu'elle est vraiment, en dehors des pulsions de colère et des défauts de mémoire. Vue pour elle, une personne. « Quoi ? » Elena. Popescu. Y a l'euphorie qui la rattrape dans le contre-coup du choc, et il ne manque pas grand chose pour qu'elle commence à rire comme une idiote. Seulement le côté maladroit qui l'empêche de glousser ; la même sensation nerveuse qui touche ceux qui se marrent sur les bancs des enterrements. C'est gauche, ça se fait pas. Mais plus elle le regarde, plus elle se sent sourire. Et plus elle se sent sourire, plus elle essaie de remonter la façade de glace. Brique par brique, fossette par fossette. La gymnastique faciale qui lui donne un air vaguement étrange. Mais il passe outre, elle croit. Parce qu'il relève pas ce détail quand il vient poser les mains sur ses épaules. « Enchanté Elena. » Il lui sert la main du bout des doigts, doucement, et elle se sent encore plus humaine sous la pression. Elena Popescu. Humaine. Vivante. Personne à part entière. Personne à considérer, personne à qui on se présente. Au fond, elle jubile. Et la vie s'immisce en elle de nouveau pour lui regonfler les veines.
« Caïn Devaux. » Caïn Devaux. Ouais, ça lui plait. Ça lui plait plutôt bien. Elena. Caïn. Toujours là. Pas encore morts, malgré tout ce que l'univers leur balance à la gueule. Peu à peu, les pièces du puzzle se rassemblent dans un angle qu'elle n'avait pas encore osé contempler. Peut-être qu'ils étaient encore là par choix. Peut-être qu'au fond, ça continuait de se battre. C'était pas de l'abandon. Comment tu fais ça, comment t'y arrives... C'était du courage. Dans le jeu de la vie, ils étaient en train de remporter cette foutue partie. « Enchantée. » L’important, l’essentiel, le visible. Lui, les mots, sa main. Elle est tellement contente de se poser sur autre chose que le concret du sol qu'elle s'écrase sans gêne au fond du fauteuil. Les genoux repliés sur la poitrine, pas trop fort pour pas écraser les côtes. Puis elle a la main en retrait dans celle de Caïn, pas trop fort, elle veut pas péter les phalanges non plus. « J’ai aimé une femme. » C'est ta première erreur. Tient, l'air triste fait son grand retour. Ça lui colle franchement bien au teint, elle apprécie pas trop. « Non. J’aime une femme. » Elle grince des dents. Pourquoi tu t'infliges ça, Caïn. T'as la gueule d'un type bien et comme tous les types biens, t'es tombé dans le panneau. Celui qu'a une paire de seins et des jambes à en perdre la tête. Elle tombe pas souvent, Lena. Son panneau, il hurle de faire demi-tour. En clignotant rouge. A fond les gyrophares. Personne se l'était pris depuis un moment. « Swann. Une tempête, une tornade. Elle a tout bousillé dans ma vie puis elle est partie comme elle est apparue, après dix ans de folie » Une foule de questions brûle ses lèvres gercées. Une bonne poignée d'envies de meurtres aussi ; mais ça, c'était déjà plus fréquent au quotidien. « Elle fait partie de ces gens qui vous prennent tout sans rien demander, sans un remord. Ces gens qui brûlent trop vite, tout le temps. Et toi tu reste comme un pauvre con sur le pavé, vidé, lessivé, les os sucés jusqu’à la moelle » Tu mérites pas ça. Malencontreusement, elle plante ses ongles dans la paume de Caïn. Y a les gouttes de sang qui tracent des croissants de lune entre les lignes, et elle hausse des épaules pour s'excuser. Mais quand elle tourne la tête vers lui, elle se fige. Il veut que je parle. Plutôt crever. Lena, sérieusement. « On dit que la raison pour laquelle t'as envie de sauter quand t'es au bord du vide, c'est parce que c'est la décision la plus extrême que ton cerveau puisse prendre à ce moment précis. » Elle récupère sa main pour user les ongles contre le pan de sa robe. « Disons que, comment dire, mon cerveau prend souvent cette décision là. Même quand y a pas de danger imminent. » Elle soupire, lasse. Pour la peine, elle croit qu'elle vient de trouer le tissu. Merde. C'est la seule bonne pièce de toute sa collection. « Je suis le danger imminent ... » ça, elle le murmure dans un souffle pour pas rouvrir les valves à larmes. Elle a trop pleuré pour un soir, trop pleuré pour deux même. Lena. Reprend tes airs et calme toi. Timidement, elle replace sa main dans celle de Caïn. Parce qu'elle peut. Parce qu'elle sait pas pourquoi il la laisse faire et qu'elle attend le moment où il la rejettera. « C'est elle qui perd. » C'est fou d'être simultanément si chanceuse et stupide. Jamais elle a eu de chance. Et quelque part dans le monde, de savoir qu'il y avait un pourcentage dingue d'imbéciles qui puisait les ressources des autres pour les gâcher, ça la rendait folle de rage. « Ta Swann. » qu'elle précise. Elle a l'image floue d'une inconnue pas plus claire, et le portrait détaillé d'un type aux sentiments arrachés devant les yeux. Sans hésitation, elle choisit de plaider pour le second.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyJeu 23 Fév - 20:10

C’est palpable, dans l’air. Comme une évidence ? Cette rencontre a quelque chose différent, un je ne sais quoi qui reste suspendu un instant pendant qu’il la dévisage. Enchanté. Il se souviendra d’elle. Il se souviendra d’elle pendant les prochaines années, jusqu’à la fin même. Parce qu’il y a de ces personnes qui vous marque à jamais, et Elena et sa détresse brulante en fait partie. Il se sent apaisé. Un peu. Pas vraiment beaucoup plus que d’habitude, mais pour une fois il pense pas à tout ça, à tout ce qui le tracasse quotidiennement. Pour une fois il se contente juste d’elle, Elena. Cette façon qu’elle a de le suivre jusqu’aux fauteuil, de le regarder, attentive, jusqu’à ce qu’il se présente à son tour. Enchantée. « Enchanté » qu’il répond mécaniquement, avant de rigoler. Puis il se tait. Ils se taisent tous les deux. Main dans la main, chacun à sa place sur le fauteuil. Il a les yeux rivés sur cette toile blanche qui quelques instants plutôt dévoilait les moments les plus intimes de leur vie. Farce ou magie, il n’en sait rien. Il décide de ne pas se poser la question, pas besoin de toute façon. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas et cette soirée en est surement une.
Il repense aux images, au rire de Swann, à son sourire encore complet. Il sent encore la chaleur de son corps quand il ferme les yeux, quand il se concentre assez. Sa Lune, l’unique. Cette façon qu’elle avait de l’embrasser, de rigoler dans le creux de son cou, de faire glisser ses doigts le long de sa colonne vertébrale. Elle lui manque. Elle lui manque terriblement. Chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Il a essayé pourtant, du mieux qu’il a pu, de l’effacer de ses pensées, mais c’est plus difficile que prévu, bien plus difficile qu’il ne le pensait. Pour ça que les mots sortent. Pas comme il l’aurait voulu. Dans le désordre. Il raconte à Elena sans vraiment s’en rendre compte. Il n’attend pas grand-chose d’elle, qu’elle comprenne ou non, qu’elle réponde ou non. Il a juste besoin de parler, de se libérer, de dire les choses une bonne fois pour toutes afin de les exorciser. Car pour lui ça semble être le bon moment. Car pendant trop longtemps il a gardé pour lui, prenant la place dans le fauteuil pour écouter les plaintes, les craintes, les pleurs. Il n’a jamais raconté ce qu’il vient de dire, pas même à Serena ou alors quelques bribes, des indices glissés au détour d’une conversation. Pourtant avec Elena ça lui semble comme une évidence. C’est douloureux certes, mais nécessaire. Terriblement nécessaire.
On dit que la raison pour laquelle t'as envie de sauter quand t'es au bord du vide, c'est parce que c'est la décision la plus extrême que ton cerveau puisse prendre à ce moment précis. Il ne la regarde pas. Se contente de laisser sa main s’ouvrir quand Elena desserre l’étreinte. Sa voix est douce, encore un peu éraillée par la crise de tout à l’heure. Il aime bien. Disons que, comment dire, mon cerveau prend souvent cette décision là. Même quand y a pas de danger imminent. Les mots, les images, l’envie de crever si palpable quand il la regarde. Ca émane de partout, de son âme qu’est toute déchirée. Pas besoin d’être devin pour le voir, ça se lit sur ses cernes, sur son obsession pour sa robe qu’elle troue presque avec acharnement. Il se voit, sur le bord d’un toit, New York. Et quand elle parle d’extrême, il ressent. L’appréhension, l’hésitation, en équilibre, entre la vie et le trépas. Il l’imagine avec sa jolie robe et ses cheveux au vent, et ça le rend triste. Instantanément. Mais ce n’est pas à lui de la rattraper, de lui faire choisir un côté. Je suis le danger imminent ... Il voudrait lui dire que non. Mais ce serait mentir. Lâchement. «Mais pas assez extrême. Pas encore. » Qu’il murmure doucement pendant qu’elle vient replacer sa main dans la sienne. Il serre avec délicatesse ses petits doigts, comme une promesse, qu’il l’empêchera d’atteindre la limite, de la dépasser. Un pâle sourire se dessin sur ses lèvres et il la regarde prendre la parole, une nouvelle fois, bien plus qu’il ne l’aurait cru. C'est elle qui perd. Qui ? Ta Swann Oh. Oui sans doute. Il n’en sait rien. Dans cette histoire il n’y a pas de perdant ou de gagnant, juste des humains un peu plus bousillés au fur et à mesure que le temps avance. Caïn soupire doucement, chassant avec tristesse les dernières vapeurs de la femme qu’il a gravé a même les os. « Elle est loin maintenant. » Très loin. Dans un autre univers, une autre planète. Ou à quelques kilomètres d’ici. Il essaye de ne pas y penser.
Une minute passe, de silence. De reflexion. Une minute à profiter de la présence de l’autre sans un bruit, à apprivoiser l’âme de cette brune qui a fait interruption dans sa vie. Puis enfin Caïn se décide à parler. Il se tourne vers Elena et attrape sa deuxième main, emmêle ses doigts aux siens, les place entre eux. « Parfois il faut faire taire son cerveau. Il faut laisser autre chose parler. Son cœur. Son âme. C’est pas facile, je sais. » Il est passé par là, l’incapacité à faire taire ce putain d’organe dictateur. « Mais si t’as besoin d’aide je serais là. Je bouge pas moi. Alors faut pas hésiter. N’importe qu’elle heure, n’importe quand. » Il la dévisage, kidnappe son regard pour qu’elle comprenne que c’est la vérité, pas des paroles en l’air. Un instant il se sépare d’elle, fouille dans ses poches et en tire une carte un peu abimée. « Mes coordonnées. Je bouge pas vraiment de là-bas. Tu devrais passer. Un jour. Tu aimerais je crois » Il rigole doucement. Oui elle aimerait. « On est tous des dangers imminents là bas » au Troisième Œil. Chez lui. Chez eux. « Mais on s’aide du mieux qu’on peut. » à avancer, un pied devant l’autre, un pas à la fois, vers un renouveau certain. Promis il lui montrera.
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MessageSujet: Re: A toutes nos premières fois | Elaïn   A toutes nos premières fois | Elaïn EmptyMer 22 Mar - 16:11

« Mais pas assez extrême. Pas encore. » Elle ignore pourquoi elle se met à penser à sa mère ; ça éclate dans sa mémoire, portes scellées dont on explose le verrou de force. Tout ce qu'elle entend, c'est le cliquetis du cadenas qui tombe et une mélodie lointaine qui résonne. Maman ? Elle avance au hasard dans le couloir que ça a laissé apparaître, moins sur ses gardes que s'il avait s'agit de la boite noire où elle planque Seven. T'façon tu m'oublies chaque fois Lena, t'oublies toujours tout. C'est là où il se trompe. Elle oublie rien, pas vraiment. Elle absorbe, et elle range, et elle amasse en tas informes puis elle paume les clés. Nez à nez avec la cellule en titane. Va trouver comment péter un truc pareil. Certes, elle fait jamais beaucoup d'efforts pour les retrouver, les clés. Elle a peur. Elle s'en veut. D'avoir enfermé un truc vivant et de pas oser affronter le cadavre que ça laissé dans le coin. Sa mère, elle est encore là. Grande, douce, rassurante. Vivante. Elle s'est jamais arrêté de chanter depuis qu'elle l'a condamnée ici. Combien de lustres ça fait, combien d'années sur les doigts depuis la dernière fois qu'on lui a fredonné cette berceuse la dans le vrai monde. Dans une réalité où elle a pas besoin d'enfermer les souvenirs de quand on l'aimait encore. Maman, qu'est-ce que j'ai fait. Arrêt sur image ; elle plante les talons dans le sol fictif. Et elle est belle sa mère, elle a le sourire figé et les ridules rieuses aux coins des yeux. Elle s'ose pas à approcher la main qu'elle a tendu dans le vide. Tout ce qu'elle touche périt. Maman, à quel moment est-ce que j'ai déconné. Mais elle sourit toujours, et c'est faux autant que c'est vrai. Lena pleure, Lena croit. Quand elle porte une main à ses paupières, y a que la sécheresse et le poids d'un autre qui la tire de force en arrière. Caïn. Non. Elle veut rester encore un peu. Non. Juste un peu plus longtemps, un tout petit plus longtemps. S'il vous plait, faut qu'elle sache. Est-ce que tu m'aimes encore, maman. Est-ce que t'as peur de moi, est-ce que tu fuirais si je te gardais pas là. Est-ce que tu resterais, si je te laissais la possibilité de te casser ? Elle s'accroche au dernier refrain, celui qu'a pas le temps de voir complètement le jour. Parce qu'elle est de retour dans le vrai monde, recroquevillée dans le vrai fauteuil, pendue à la vraie vie de Caïn. Tangible, libre, coupé du passé. Pas assez extrême. Pas encore. Elle voulait seulement lui demander. Si c'est trop tard pour elle ou si Caïn connait la vérité. Il a les yeux qui sait, elle a remarqué. C'est déstabilisant. Elle se redresse à peine contre le dossier dans lequel elle fond, sans rien changer à leurs mains entrelacées. C'est sûrement scotché ensemble à ce niveau là. « C'est elle qui perd. Ta Swann. » qu'elle fait remarquer comme si c'était évident. Elle se demande si elle avait aussi compris, pour ses yeux. Swann. Elle se demande ce qu'elle a vu, ce qu'elle a cru voir, ce qui peut pousser quelqu'un à sortir de la vie d'un autre comme ça. Dix ans, et plus rien. Elle grimace de la coïncidence. T'es qui pour juger un fantôme, toi aussi, t'as suivi la règle de la dizaine avant de t'évaporer. « Elle est loin maintenant. » Parle pas trop vite. Il serait curieux de savoir qu'il y a rien qu’empêche les souvenirs d'hurler depuis leurs prisons. C'est impossible de recommencer à zéro. On peut pas rebooter un humain. Foutue mémoire de forme. « Elle reviendra un jour, tu penses ? » Il répond pas. Elle se tait. Faut pas brusquer les âmes déçues, surtout celles qu’illusionnent plus. Et dire qu'à une autre époque, dans une autre partie de sa vie, elle aurait tué pour avoir le droit de rêver. Comme les choses changent. Contre son flanc, elle sent Caïn changer de position, un peu plus face à elle et ses yeux fuyards. Les yeux. Y a une certaine confiance inavouée qui la pousse gentiment à plonger dans le regard rassurant sans appréhension. C'est quoi ton secret. « Parfois il faut faire taire son cerveau. Il faut laisser autre chose parler. Son cœur. Son âme. C’est pas facile, je sais. » Elle observe leurs mains en silence. C'est à peine si elle peut discerner les battements des pouls qui se répondent et se confondent. Elle se cale sur ce rythme bizarre, étranger. De deux cœurs qui s'encouragent à continuer. Lâche pas. Elle sert fort les mains. « Mais si t’as besoin d’aide je serais là. Je bouge pas moi. Alors faut pas hésiter. N’importe qu’elle heure, n’importe quand. » Pourquoi. Elle comprend pas pourquoi il l'aide comme ça, elle pige pas pourquoi elle a pas besoin de l'enfermer dans sa tête avec les autres pour qu'il reste. Comment ça, ça existe les gens qui restent de leur plein gré ? Ça vient d'où cette tradition ? Soudain, il retire ses mains. Ça aura pas duré longtemps. Mais non, c'est pas pour partir et la laisser. C'est seulement pour lui tendre une carte qu'a du voir passer la machine à laver une ou deux fois. « Mes coordonnées. Je bouge pas vraiment de là-bas. Tu devrais passer. Un jour. Tu aimerais je crois. » Elle déchiffre les numéros, et deux mots distincts malgré les pliures. Troisième Œil. Ah, ça prend son sens. Les yeux. « On est tous des dangers imminents là bas » Un sourire se glisse sur son visage, pensif. C'est légal d'ameuter les bombes à retardements à la même adresse ? Ils avaient jamais entendu parler du nucléaire ? « Mais on s’aide du mieux qu’on peut. » Elle s'empare de la carte, la fait tourner entre ses doigts. Le concret. « J'ai le droit à une cape avec ça ? » Y a pas de héros, juste des gens qui se perdent et se trouvent. Dans les rues, dans les bars, dans les salles de projections aux pulsions traumatiques un soir d'Halloween. Elle garde la carte dans une main, et s'aide de la deuxième pour se remettre sur ses jambes. « Tu devrais probablement y aller. » Va sauver quelqu'un d'autre. « Tu cherchais pas quelqu'un ? » Elle hoche de la tête une fois, comme pour dire, tu peux partir, j'irai bien. Elle a la carte, elle a sa mère. Les deux dans le cœur et la tête. « Promis. » j'irai bien, t'inquiète pas. Elle recule, puis se ravise. Peut-être qu'elle profite de l'étrangeté de la soirée pour l'étreindre une dernière fois, maladroitement à cause de la différence de hauteur.
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