Solitude écrasante. Sombre et lugubre soirée. L’humidité lui colle à la peau, la rendant poisseuse et moite. Vêtements défraîchis, sous son manteau, pareil a une fourrure, mais en plus synthétique, Maia dénote dans le paysage. Avec sa robe et ses collants filés qui ont connu trop de soirées, sa tignasse filasse et embuée. Immobile, sous la lumière blafarde du lampadaire, elle fume, cigarette coincée entre les lèvres. Les mains profondément enfouies dans sa gabardine, elle regarde au travers de ses culs de bouteille les allées et venues dans le bar. Elle le voit. Il est juste là. Installé confortablement, il boit une bière. Nonchalamment assit, pareil à un loup en mâle alpha au sein de sa meute, son sourire tord son beau visage. A son aise, il rit. Bruyamment. Sa main se colle au cul d’une de ses pouffes de soirées et se balade jusqu’à sa cuisse qu’il pétrit. Loin d’être distingué, discret, il emmerde le monde de sa gestuelle bruyante et de ses gars qui arrosent joyeusement leurs gosiers.
Maia fait le fond de ses poches, elle en tire quelques billets, un ticket de caisse pour quelques chips, des skittles, haribos et m&m’s. Quelques pièces glanées ici et là qu’elle contemple silencieusement. Un bout de partition qu’elle a déchiré. De rage. De colère silencieuse d’avoir été une nouvelle fois rabrouée par Jimmy. Des paroles blessantes contre de l’indifférence, elle essaie, pourtant, mais par moment, sans trop comprendre, elle craque. Et comme toujours, incapable de lui en vouloir, elle revient. Parce qu’elle ne sait trop où aller. Où trainer. Sans eux. Sans Barbra. La cendre tombe sur ses doigts qu’elle essuie précipitamment sur son manteau. Sa main tremble, ça la fait chier. Le manque la bouffe et érode ses sens qui la pousse à venir ici, se traîner devant cet enfoiré qui prend plaisir à faire traîner sa came elle qui lui en réclame. Elle sait qu’elle peut être par moment dégueulasse, qu’elle peut faire mal, déglinguer un peu plus son esprit, mais elle revient. Souvent. A chaque fois qu’il n’est pas disponible.
Ecrasant de ses vieilles tennis le mégot sur le trottoir détrempé, sans trop se laisser le temps de tergiverser, elle traverse la rue, d’un pas sur jusqu’à pousser la porte du bar. Le bruit, la chaleur… elle suffoque sur place tant l’endroit est étouffant. Assommée par le brouhaha ambiant, bousculant le peuple pour se frayer un chemin vers le comptoir, la chaleur crée de la condensation sur ses lunettes qu’elle enlève pour les fourrer en vrac dans les poches de son manteau. Dégageant ses épaules nues de la veste, s’asphyxiant dans ce milieu surchauffée, elle vient s’accouder juste à coté de lui. Maia le voit, il l’ignore pour mieux distiller sa merde à sa pétasse du soir, fourguant son sachet dans sa main manucurée et au vernis d’un carmin outrancier. Elle glousse, pauvre petite dinde qui surement passera sous les crocs de la bête pour son plus grand plaisir. Se sentant petite et minuscule devant cette créature irréaliste, haut chaussée sur ses talons aiguilles et son teint zéro défaut, elle pose sa main sur son poignet. Gamine en demande d’attention, elle aimerait qu’il la regarde à son tour, qu’il remarque sa présence et qu’il arrête son manège.
Toutefois sa présence la met mal à l’aise. Surtout quand son regard céruléen se pose elle. Dans ces fringues trop sombres et austères, il dérange. Le proprio’ du bar ne le lâche pas du regard dans l’attente incertaine d’une violence altercation. Il fait semblant de s’occuper de ses poches et sacs à vin, ses habitués entassés dans un coin qui grognent et parlent par des messes basses. Et alors qu’il se détourne, Maia, fébrile, subit l’inspection minutieuse de son revendeur. Il jauge, regarde et mate. La gamine sourit. Elle veut se rendre convaincante et non totalement dépendante et en manque. Pourtant son intention se porte trop souvent sur l’intérieur de son blouson, là ou elle sait que se trouve le sursis de sa nuit.
« Si c’est pour la même chose que la dernière fois, les prix ont augmenté. — C’est à dire ? »
Sourire caustique d'un mec qui n’en a strictement rien à foutre, il enlève sa main de la poigne de Maia, lui faisant le signe fois deux avec ses doigts avant de se désintéresser totalement d’elle, la laissant à son dilemme. Continuant à le fixer, épinglée par le regard de chatte de sa pute de luxe qui sourit lentement, la gosse se détourne deux, stressée et sans issue. Débloquant totalement, crise d’un manque qui la ronge, elle part s’enfermer dans les chiottes dégueulasses du bar. Entre les relents de pisses et de transpirations, elle s’enferme dans le premier cabinet de libre, laissant libre court à son agitation tumultueuse. Ca la secoue. Ca lui prend le tripe. Elle en pleure tellement elle se sent impuissante, tellement elle en a besoin. Encore. Rien qu’une fois… Maia se sait prête à n’importe quoi pour en obtenir. N’importe quoi.
Se prenant les cheveux, tirant sur ses mèches tout en se laissant glisser le long du panneau en bois de la porte, faisait fit des allées et venues, elle sanglote comme une gosse, son corps secoué par le manque alors qu’elle essaie de se calmer et de se raisonner. Ne pas se laisser submerger. Essayer un numéro. N’importe lequel. Pas Barbra. Barbra lui fait la gueule et, accessoirement, elle aussi. Aujourd’hui, on va essayer de ne pas ressembler à un paillasson et se confondre en excuse pour qu’elle vienne la chercher. Instinctivement, elle tape un message. Elle attend. Pas longtemps. Elle espère.
JO' S’il te plait, viens me chercher. J’ai besoin que tu me dépannes, j’me sens pas bien. J’me suis embrouillée avec Barbra et j’ai faim.
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Sujet: Re: the wasted youth Lun 21 Nov - 1:21
Maia & Joe
Aujourd’hui est un jour particulier. Si Jack, mon frère, était toujours de ce monde, il aurait 23 ans jour pour jour. Il y’a des dates qui ne s’oublient pas. Comme celle où il est décédé aussi. Ces journées là, je ne peux m’empêcher de faire un voyage forcé dans le passé. Dans les souvenirs douloureux. Alors généralement, je les termine complètement torché, dans le seul but d’oublier, et ce soir ne va pas faire une exception. J’ai déjà bien entamé la soirée. J’enchaine les verres, dans un bar au bord de la plage. Je suis bruyant. Je drague ouvertement. Je gueule. Je me prends la tête avec des mecs. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on en vienne aux mains. Je ne sais pas pourquoi, il faut toujours que ça se termine en bagarre avec moi. A croire que j’aime prendre des coups. Puis c’est alors que je reçois un SMS. Je sors le téléphone de ma poche, alors que le mec en face de moi continue de gueuler, mais je l’écoute plus. Le texte provient de Maia. S’il te plait, viens me chercher. J’ai besoin que tu me dépannes, j’me sens pas bien. J’me suis embrouillée avec Barbra et j’ai faim. Merde. Dans quelle galère elle s’est encore foutue ? C’est alors que le con planté devant moi s’impatiente, et n’apprécie pas du tout que je l’ignore. Il me bouscule. « J’ai pas le temps pour ces conneries mec. C’est ton jour de chance, tu vas pouvoir rentrer en un seul morceau. » Parce qu’il est évident que je l’aurais défoncé. Je n’aurais pas hésité habituellement, mais là, ma petite Maia a besoin de moi. Alors je quitte rapidement le bar, ne lui laissant même pas le temps de réagir. De toute façon il est surement déjà passé à autre chose. Je réponds à Maia.
Ok j’arrive.
Puis je grimpe sur ma moto. Mais c’est en galérant à mettre la clé dans le contact, que je comprends que c’est peut être pas une bonne idée en fait. Je ne suis pas en état de conduire. Par chance, y’a un taxi au bout de la rue. Je grimpe à l’intérieur. « Emmenez moi au…au… » Attendez je viens de réaliser un truc. Je suis censé la rejoindre où ? Elle n’a pas précisé dans son message. Je me retrouve comme un con. « euh… » Je lui envoie un nouveau message, lui demandant où elle se trouve. « The royal smoak » que je dis alors au chauffeur du taxi. C’est un bar miteux dans river street. Je n’aime pas la savoir là bas, c’est clairement pas le genre de lieu pour faire de bonnes rencontres. Dès que j’entre, ça pue la clope, la transpiration…Je la cherche rapidement, mais je la trouve pas. Je sais où elle doit être. Cachée dans les toilettes. Ce n’est pas la première fois que le retrouverait dans cet état. Alors je m’y rends. « Maaaaaaia, t’es là ? Ton prince charmant est arrivé. » Je frappe à une porte au hasard. Y’a une fille furax qui sort. A l’évidence, ce n’est pas celle que je cherche. « Oups, pardon mamzelle. » Elle me traite de bouffon avant de quitter les lieux. « C’est ça, dégage pétasse. » Sans gênes, je décide carrément de passer la tête par-dessus la deuxième porte, y’a de l’espace avec le plafond. Pour ça j’ai du faire une traction, parce que bon, je mesure pas 2m20 non plus. Et là j’aperçois Maia assise par terre, contre la porte. « Trouvé ! T’sais que t’as l’air bizarre vu du dessus ? » Oui c’est rigolo. « C’est pas que je suis pas bien là, mais tu sors ? » Puis ça pue la mort là dedans. Rien qu’en s’asseyant par terre, elle doit risquer de choper une MST.