Jaelyn ferma la porte à l’aide de son pied, les bras chargés. Pour une fois, elle n’était pas mécontente que la journée soit terminée et elle n’avait pas particulièrement trainé avant de prendre ses affaires pour rentrer chez elle. Avec un soupir de soulagement, elle déposa ses affaires sur la table du salon et enleva ses chaussures. Elle jeta un rapide coup d’œil à sa montre et un sourire s’installa sur ses lèvres quand elle comprit qu’elle avait encore un peu de temps pour elle avant de devoir repartir. La jeune femme passa par la cuisine pour un café avant de revenir dans le salon et retrouver le confort de son canapé. L’ouragan était passé et le calme revenait petit à petit dans la ville. Enfin le calme… Aussi calme que Savannah pouvait l’être. Mais au moins, le bruit de la pluie et du vent contre sa fenêtre ne la faisait plus sursauter. Elle alluma la télévision, changeant de chaîne jusqu’à tomber sur un jeu populaire quoi qu’un peu stupide mais qui avait au moins le mérite de faire passer le temps. Elle sirota son café, savourant les dix minutes de tranquillité qu’elle pouvait s’offrir. En réalité, la blondinette n’avait rien contre le bruit et l’agitation. Trop de calme finissait souvent par l’ennuyer. Pourtant, il y avait certaines journées où si elle l’avait pu, elle serait restée sous sa couette à buller. Mais malgré les minutes qu’elle avait essayé de gagner ce matin avant de quitter son lit, la dure réalité l’avait finalement rattrapé, l’obligeant à quitter son cocon pour se glisser sous la douche. C’est dans ce genre de moment que Jaelyn était contente de ne pas animer l’émission du matin. Elle n’aurait même pas survécu une semaine. Finissant son café, la jeune femme éteignit la télévision et prit la direction de sa chambre. Elle ouvrit son armoire pour y chercher des vêtements plus confortables et surtout plus adaptés au sport et alla se changer dans la salle de bain. En un coup de brosse, elle remonta et attacha ses cheveux blonds avant de remplir son sac d’une serviette, d’affaires de rechange et d’une bouteille d’eau. En repassant dans le salon, elle y glissa ses papiers et son téléphone portable avant d’enfiler une veste. Il n’y avait pas grand-chose qui réussissait à la faire sortir après une journée de travail quand elle n’en avait plus vraiment envie. Dans le fond, Jaelyn ne saurait même pas dire pourquoi elle y attachait tant d’importance. Elle y avait prit goût, sans aucun doute. Bien qu’au départ, ce n’était pas gagné d’avance. Aaron l’avait encouragé, l’y avait initié même, parce qu’il voulait qu’elle sache se défendre. Qu’elle ne se retrouve pas complètement démunie même si la jeune femme s’était gentiment moquée de lui, se demandant ce qui pouvait lui arriver. Ils vivaient en ville, certes, mais c’était loin d’être New-York. Mais elle avait fait des efforts pour lui faire plaisir et finalement elle s’était rapidement faite à l’idée d’être une fille qui sache faire de la boxe. La jeune anglaise s’amusait toujours de la réaction des gens lorsqu’ils l’apprenaient. La plupart du temps, elle avait le droit à des remarques qui ressemblaient étrangement à « c’est marrant, j’y aurais jamais pensé », comme si elle n’avait pas tout à fait le physique adéquat. Au bout de quelques minutes de trajet, Jaelyn arriva à la salle et y entra, adressant un sourire aux visages connus. Elle déposa ses affaires dans son coin habituel, patientant sagement. La porte de la salle s’ouvrit finalement sur Saskia alors que le professeur annonçait le déroulement du cours, leur demandant de se disperser dans la salle par groupe de deux. La blonde se décala un peu, attendant que Saskia ne vienne la rejoindre, comme à leur habitude. « C’est reparti pour un tour ! » Ses lèvres se fendirent d’un large sourire, ravie de retrouver son amie. « Si je peux juste te demander une faveur et de cogner un peu moins fort à ce niveau-là… » D’un geste, elle lui montra son bras gauche avant de poursuivre. « Je crois que j’ai encore un bleu. » Un léger rire lui échappa, signe que ce n’était pas grand-chose. C’était simplement un des risques lorsqu’on faisait de la boxe. « Alors comment est-ce que tu vas ? » Un nouveau sourire et Jaelyn attrapa ses gants. Prête à se défouler et à passer un bon moment.

Dix-huit heures trente. La journée était officiellement terminée pour moi et pour une bonne partie des employés qui répondaient de ma personne. Normalement, je ne surveillais pas l’heure, je ne la regardais pas tant et aussi longtemps que je n’étais pas passée au travers de ce que je voulais accomplir avant de quitter la mairie pour rentrer chez moi. Mais ce soir, c’était différent. C’était un des soirs qui représentaient une énorme exception dans mon emploi du temps, mais qui valait le coup, j’en étais persuadée. En effet, c’était un de ces soirs où j’avais promis à une de mes amies, Jaelyn, que j’allais me joindre à elle pour un cours de boxe qui prendrait place dans environ trente minutes. Le fait de suivre un cours également, ça sortait de mes habitudes. Habituellement, je préférais me rendre à la salle de sport de façon autonome, m’entraîner par moi-même, sans déranger qui que ce soit, et cela me convenait. Mais là, pour passer du temps avec mon amie, afin de pratiquer un sport qui me plaisait et me défoulait bien comme il faut, j’étais prête à faire une entorse à mes habitudes. De plus, je ne pouvais pas nier que prendre du temps avec quelqu’un que j’appréciais, dans un contexte que j’aimais bien, c’était probablement ce qui serait le mieux pour moi en ce moment. Je n’y avais pas vraiment songé avant cela, mais maintenant que la proposition était devant moi j’avais compris qu’il était mieux de ne pas cracher dessus. De ce fait, ce fut sans trop de remords que je quittai mon bureau après avoir rangé ce qui s’y trouvait pour reprendre le lendemain, puis je pris mes affaires et je sortis de l’immeuble, ignorant totalement le regard de la réceptionniste à l’entrée qui, clairement, n’avait pas pour habitude de me voir sortir avant qu’elle soit partie retrouver sa famille lorsque le moment était venu. Je n’avais pas envie de soulever des questionnements, pas pour quelque chose d’aussi banal, d’autant plus que je n’avais pas à me justifier. J’étais bien souvent celle qui quittait la dernière, qui faisait tout mon boulot et qui ne comptait pas mes heures supplémentaires, tandis que bien des employés, je le savais, attendaient seulement l’heure de la fin de leur service pour plier bagage et quitter. Bien décidée à ne rien laisser m’arrêter, je me rendis jusqu’à ma voiture, roulant jusqu’à la salle de sport. Une fois sur place, je me rendis directement dans les vestiaires, troquant directement mes vêtements de travail pour des vêtements de sport. Je ne les avais pas nécessairement apportés pour ce soir-là, les gardant toujours dans ma voiture, si jamais l’envie me prenait à tout hasard à un moment ou un autre. Une fois que je fus vêtue, je remontai mes cheveux en un chignon, terminant de me préparer et entrant dans la salle seulement juste à temps pour le début du cours. Rapidement, je repérai mon amie dans un coin, mais je ne pus, dans un premier temps, que lui adresser un sourire en guise de salutation avant que le professeur ne s’en mêle et introduise le premier exercice. Heureusement, il nous demanda sitôt de nous placer en binômes, me permettant aussitôt de me précipiter sur Jaelyn afin que personne n’ait la bonne idée d’en faire sa partenaire. J’étais venue pour elle, je suivais ce cours avec elle, voilà tout. Dans un petit rire suite à son commentaire, je commençai à enfiler mes gants protecteurs, ceux qui allaient en-dessous des véritables gants de boxe, regardant Jaelyn au moment où elle me désigna l’endroit où je devais frapper moins fort. Sitôt, je hochai la tête, et je lui dis:  « Compris. » En mon sens, c’était une évidence, je n’allais pas lui faire de mal, quand même. Puis, à la question de mon amie, je ne sus faire malheureusement autrement que de lâcher un soupir, avant de lui répondre:  « Ça va… Et toi ? », trop peu convaincue de ma réponse. Physiquement j’allais bien, c’était indéniable, mais disons que j’avais pas mal de choses en tête qui expliquaient pourquoi j’avais surtout besoin de me changer les idées. Évidemment, je n’allais pas m’empêcher de lui parler pour autant, mais dans l’immédiat, je me disais que frapper un peu ne ferait probablement pas de mal pour commencer.

Elle savait parfaitement que parfois les gens trouvaient cela étrange, vis-à-vis d’elle. Comme si cela ne lui correspondait pas. Comme si elle n’était pas faite pour cela. D’une certaine manière, Jaelyn pouvait les comprendre. Comment une petite blonde comme elle, née à Londres et qui passait ses journées à parler des potins de la ville et à répondre aux questions des auditeurs pouvait apprécier frapper dans quelque chose. Peut-être que s’il s’agissait de sa sœur, personne n’aurait été surpris. Anthea était bel et bien plus impulsive que sa sœur ainée, alors peut-être qu’elle n’en avait tout simplement pas besoin. Anthea et son répondant légendaire étaient suffisamment acérés pour faire peur à quiconque. Jaelyn n’était pas en reste. Pas totalement en tout cas. Elle était simplement plus dans la retenue, plus douce et plus à même de chercher une solution dans le calme. Elle était moins impulsive mais pas fragile pour autant. Contrairement à ce que certaines personnes pouvaient penser. Peut-être que c’était ce qu’Aaron avait pensé. A l’époque. Ils étaient sortis suffisamment de temps ensemble pour que Jaelyn sache que leur relation ne s’était pas basée sur cela. Mais peut-être qu’inconsciemment c’est ce qui l’avait poussé à vouloir lui apprendre à se défendre. Sans même savoir si elle en avait vraiment besoin. La jeune femme se souvenait des débuts compliqués et absolument pas concentrés de son côté. Elle ne croyait que moyennement à son utilité alors elle avait eu du mal à être sérieuse. Mais elle avait fini par le faire, pour lui. Parce que de toute évidence, il y accordait de l’importance. Qui aurait pu croire qu’elle s’y ferait. Qu’elle y prendrait goût. Certainement pas elle. Pourtant elle avait continué. Même si elle n’en avait jamais eu besoin quand son fiancée était en mission, elle avait appris à apprécier ce moment. De plus en plus. La boxe la défoulait et l’éloignait, pour un temps, de son image de jolie et gentille fille. Elle n’était peut-être pas comme sa sœur, mais elle n’avait rien d’une poupée pour autant. Jaelyn devait bien admettre aussi qu’elle s’amusait beaucoup des visages surpris quand les gens l’apprenaient. Alors si elle s’était plusieurs fois demandé si elle devait continuer, penser à ce qu’elle louperait dans ces moments là pourrait facilement être une motivation suffisante. En plus de sa propre envie. Certains jours, certains cours étaient, parfois, plus difficiles que d’autres mais malgré tout, ils en valaient toujours la peine. Notamment quand on avait quelqu’un pour les partager. Jaelyn s’était habituée à s’entrainer seule, cela lui arrivait même encore, mais il n’y avait aucun doute qu’elle préférait le faire en compagnie de Saskia. Pour partager et pour passer un moment avec son amie. Elles n’avaient pas toujours le temps de se voir durant la semaine, alors ce cours était une parenthèse. Autant pour l’une que pour l’autre. Un sourire étira d’ailleurs ses lèvres en la voyant entrer dans la salle, discrètement pendant que le professeur donnait ses premières indications. Jaelyn se mit dans leur coin habituel jusqu’à ce que la brune ne la rejoigne. Esquissant un sourire, la jeune anglaise repensa à la dernière séance qu’elles avaient faite et aux légères marques qu’elle avait encore. Quelques bleus qui ne mettraient que quelques jours pour disparaitre ; et Jaelyn était plutôt contente de ne plus voir sa mère assez souvent pour qu’elle n’ait pu le remarquer. Elle n’aurait sans doute pas supporté une autre leçon de morale d’une femme qui changeait de mari comme de chemise. Haussant les épaules, la blonde continuait à protéger ses mains avant de relever les yeux vers Saskia. « Comme d’habitude, je crois mais ça va. J’ai cru que cette tempête n’allait jamais s’arrêter et je déteste ça alors je suis bien plus sereine depuis que c’est terminé. Et puis, je rigole bien avec les questions ou les lettres que les gens envoient à la radio. Etonnamment, certains se posent énormément de questions… » Un sourire amusé étira ses lèvres mais elle n’en avait pas oublié pour autant son amie. Elle avait bien vu que quelque chose n’allait pas. Elle n’avait simplement pas voulu paraitre trop insistante, bien qu’elle n’arrive pas à laisser tomber une de ses amies. « Tu es sûre que… tout va bien ? Tu sais que si tu as besoin de parler ou de quoi que ce soit… Enfin, si je peux t’aider, tu sais que je suis là ! » Avec un nouveau sourire, Jaelyn se mit en place. Peut-être que le mieux était encore de se défouler et tout oublier.

Heureusement, Jaelyn ne sembla pas trop réticente à l’idée de répondre à mon retour de question malgré le peu d’enthousiasme que j’avais mis dans mon propos, ce qui eut pour effet de me rassurer pendant un instant, cet instant où je supposai qu’elle n’avait pas l’intention de me poser des questions par rapport au fait que je ne lui avais pas servi le même enthousiasme que d’habitude. Plus confortable déjà, je l’écoutai attentivement me parler de son quotidien, qui avait été plutôt lourd depuis la tempête qui s’était abattue sur la ville. À cela, je ne pus faire autrement que de rouler les yeux, non pas parce que j’étais exaspérée de son propos, mais au contraire, je ne pouvais que compatir pour le coup. En effet, en raison des destructions, des gens qui s’étaient retrouvés sans-abris, les nombreux blessés, bref, tous les problèmes qui devaient être traités par la mairie et qui, d’une façon ou d’une autre, atterrissaient sur mon bureau, parce que j’étais celle qui devait les filtrer la première, les assigner à une personne ou une autre, selon leur champ d’expertise et ce qui devait être fait. Bref, j’avais eu mon lot pour le coup, alors je pouvais parfaitement comprendre que Jaelyn avait été chargée également, à sa façon, bien sûr. Heureusement pour elle, le tout était pas mal estompé, faisant en sorte qu’elle fut en mesure de tourner son propos de façon plus joyeuse, m’arrachant un petit sourire ainsi qu’un:  « Les gens sont curieux de nature, que veux-tu… » Et ça, je pouvais le dire parce que bien - trop - souvent, il y avait des gens qui se pointaient à la mairie pour savoir des choses d’avance, ou confidentielles. Et puis, il n’y avait qu’à regarder comment les automobilistes agissaient quand il y avait un accident de la route… Bref, j’aurais pu en parler pendant longtemps, parce qu’il avait fallu que ces quelques propos pour me changer les idées, mais malheureusement, je n’en eus pas l’occasion. En effet, mon amie ne tarda pas à changer de sujet, revenant à parler de ma personne, plus précisément du comportement que j’avais eu plus tôt quand j’en étais venue à répondre à une banale question. Tout le confort qui s’était accumulé dans ma tête s’estompa soudainement, et je me retrouvai dans une situation qui ne me plaisait pas nécessairement. Non pas parce que je n’aimais pas parler à mon amie, au contraire, elle faisait partie des rares personnes avec qui j’étais suffisamment à l’aise pour discuter de bien des choses, mais j’étais trop peu convaincue que j’étais prête à aborder ce sujet de conversation, qui expliquait pourquoi mes visites dans cette salle de sport avaient décuplé ces derniers temps, et que je n’étais pas de l’humeur la plus agréable qui soit. Soupirant doucement, parce que je n’avais pas envie de gâcher l’ambiance en refusant de me confier à mon amie, je finis par dire, avec un air moins ravi par contre:  « Tu te souviens de Cole, mon ex ? » Enfin, « ex » n’était pas nécessairement le meilleur terme dans la situation présente, parce qu’en fait, nous n’avions jamais vraiment rompu à proprement parler, et nous n’étions plus ensemble, parce que ce n’était pas possible. Enfin bref, là n’étant pas le point, je laissai un bref instant à Jaelyn pour tenter de le replacer dans son esprit, parce que pour sûr, je lui avais parlé de Cole précédemment, et elle avait fait partie de ces personnes avec qui j’étais venue me défouler quand je m’étais rendu compte qu’il n’allait plus me contacter de quelconque façon. Une fois que ce fut fait, je repris en décidant d’aller droit au bout en disant:  « Il est revenu en ville et il est fiancé avec une autre fille. Pour les affaires, parait-il. » Je savais parfaitement que la dernière partie n’était pas nécessaire, mais étrangement, j’avais envie de justifier le coup pour que Jaelyn ne croie pas qu’il était un parfait salaud ou quelque chose du genre. Évidemment, ça ne faisait pas de lui un saint, et ça ne me rassurait pas non plus et ça, je me doutais bien que mon amie pouvait le voir dans mon visage tandis que je m’approchai du ballon de frappe le plus près, commençant à donner quelques coups pour m’échauffer tout en guettant la réaction de Jaelyn du coin de l’oeil.

Peut-être qu’après tout Jaelyn aurait mieux fait de ne rien rajouter. De ne rien demander. De se contenter de répondre en exagérant un peu, en espérant que Saskia oublie, rien qu’une seconde, ce qui n’allait pas. Peut-être que cela avait marché. Mais si la jeune femme avait un sens de l’amitié suffisamment développé pour ne pas pousser son amie à se confier, il n’était pas encore de taille face à sa curiosité. Saskia avait sûrement raison, les gens étaient curieux de nature. Esquissant un sourire à son encontre, Jaelyn était bien incapable de la contredire. Est-ce qu’elle n’en faisait elle-même pas partie, après tout ? La seule différence résidait dans le fait qu’elle ne voulait pas savoir simplement pour avoir le plaisir de dire qu’elle était au courant. Elle s’inquiétait. Comme d’habitude venant d’elle mais elle ne pouvait pas s’empêcher. La plupart du temps, Jaelyn s’inquiétait même plus que de raison mais sans doute valait-il mieux que ce soit trop que pas assez. Elle n’avait pas cherché à mettre Saskia dans l’embarras. Elle voulait simplement l’aider même si cela pouvait paraitre un peu maladroit aux premiers abords. Elle ne posait pas la question simplement pour le plaisir, simplement pour satisfaire sa curiosité. Quelque part, Jaelyn espérait que c’était bien cela qui la différenciait de certaines de ces personnes qui appelaient à la radio. Celles qui n’aimaient les potins et les histoires que pour avoir le plaisir de parler dans le dos des gens. Elle n’était pas assez hypocrite pour dire que cela ne lui arrivait jamais, mais seulement avec des personnes qu’elle n’aimait pas. Qu’elle ne portait pas dans son cœur et qui pour la plupart le lui rendait bien. Mais la jeune anglaise ne renchérit pas. Si Saskia n’avait pas envie d’en parler, elle le comprendrait et respecterait son choix. Avec un sourire rassurant, Jaelyn s’était tournée vers le sac de frappe pour s’échauffer. Jusqu’à ce que la voix de son amie l’arrête dans son élan. Elle tourna la tête dans sa direction, cherchant dans sa mémoire chaque souvenir de conversations qu’elles avaient pu avoir toutes les deux. Elles avaient l’habitude de parler de tout. Et bien sûr, les garçons n’y avaient pas échappés. Jaelyn avait sûrement tout raconté sur Aaron et elle à Saskia, même si la fin de leur histoire ne lui avait pas vraiment brisé le cœur, elle l’avait tout de même marqué. Et alors que ses souvenirs tournaient dans son esprit, le nom de Cole lui disait quelque chose. Elle avait sans doute oublié un ou deux détails avec le temps mais le plus important était resté dans son esprit. « Oui, je me souviens de lui… » La jeune femme lança un regard prudent à son amie, ne cherchant pas à poser d’autres questions et préférant la laisser prendre le temps dont elle avait besoin. Reparler d’une histoire terminée n’était jamais évident, peu importe la façon dont elle s’était fini. Jaelyn était assez bien placée pour le savoir. Elle profita du silence pour se remémorer toutes les fois où elle avait entendu parler de Cole. En bien. En mal. Les deux à la fois. La blonde avait sûrement été prête à tout entendre, sauf ça. Ses lèvres s’entrouvrirent sous le coup de la surprise, essayant de parler deux fois mais ne sachant pas quoi dire. Ni face à la nouvelle ni face à Saskia qui paraissait presque impassible. Presque parce que Jaelyn la connaissait suffisamment pour savoir que ce n’était pas totalement le cas. Elle observa Saskia frapper une fois puis deux et se décida à sortir de sa torpeur. « Fiancé ?! Comme dans… fiancé ? » La surprise se lisait encore sur ses traits alors qu’elle se rendait compte du ridicule de sa question. Elle leva une main devant elle, balayant sa dernière phrase. « Oublie, c’est débile… Mais je veux dire, tu es sûre ? » Elle fit une pause, mille questions tournant dans sa tête alors qu’elle savait bien que ce n’était pas le moment et qu’en plus Saskia n’avait certainement pas les réponses pour toutes. « Est-ce que ça veut dire que tu l’as vu ? Cole, je veux dire… Vous vous êtes revus ? » Jaelyn croisa le regard de son amie, esquissant un sourire. Toutes les deux savaient probablement que la prochaine question serait est-ce que tu vas bien. Parce qu’elle ne pourrait pas s’empêcher de s’inquiéter.

Je ne fus pas tant étonnée de voir à quel point Jaelyn était choquée de ce que je venais de lui annoncer. Après tout, j’avais complètement cessé de lui parler de Cole il y avait un petit moment maintenant, quand j’avais clairement compris qu’il ne reviendrait pas, qu’il ne m’enverrait pas un message pour me dire que ne pas me répondre était une erreur, quelque chose de totalement involontaire de sa part ou quoi que ce soit du genre. J’avais eu beau espérer, mais au final, cet espoir n’avait que que m’empêcher de vivre, d’où le fait qu’au bout du compte, j’avais cessé de le faire, j’avais tenté de continuer ma vie sans lui, de me détacher de toutes ces belles promesses que nous nous étions faites. À ce moment, j’avais tenté de l’oublier, de le mentionner aussi peu que possible dans les conversations que je pouvais avoir çà et là. Puis, tout à coup, son retour avait soudainement tout bouleversé, et pas mal plus que je ne l’aurais voulu dans un premier temps. Parce que si le revoir avait été un coup dur, apprendre ses fiançailles avait été un véritable coup de poignard en plein coeur, et il m’avait tant bouleversée et blessée que j’avais encore du mal à vivre avec celui-ci, comme je le prouvai à Jaelyn en ne faisant que hocher la tête quand elle me demanda confirmation de ce que je venais de lui dire, tout simplement incapable d’ajouter quoi que ce soit. Pendant un instant, je voulus poser le même geste exactement au moment où elle me demanda si j’étais certaine de cela - ce pour quoi je décidai de ne pas lui en vouloir, même si j’aurais pu en être vexée - mais quand je me rendis compte que ce n’était pas vraiment très gentil de ma part, d’autant plus que mon amie ne m’avait rien fait, qu’elle tentait de comprendre la situation, comme moi je tentais de le faire encore et toujours, même après plusieurs jours, je lui dis:  « Enfin, si un article de journal n’est pas une confirmation de cela, je me demande ce que c’est… » Sans que je ne le veuille, ma voix s’était mise à trembler, et j’avais laissé échapper un rire nerveux à la fin de mon propos bien malgré moi. Pire encore, je ne parvins pas à lui avouer que Cole me l’avait en quelques sortes confirmé quand il m’avait dit qu’il le faisait pour les affaires, quelque chose du genre, je devais admettre que je n’avais pas été des plus attentives par rapport à cela. Mais au final, je ne le gardai pas bien longtemps pour moi seule, puisqu’à peine eussè-je l’occasion de taper de nouveau dans le ballon pour essayer de contrôler ma frustration et ma douleur que je l’entendis me demander si je l’avais revu. Sachant qu’à ce point, il serait difficile de lui cacher quoi que ce soit, d’autant plus que d’une certaine façon, je l’avais cherché en lui expliquant tout ce qui s’était passé par rapport à Cole, je soupirai doucement, puis je lui dis:  « Ouais, mais ce n’était pas… voulu. » Parce que pour être franche, si Cole m’avait demandé de le revoir comme ça, ne serait-ce que pour un café ou un verre, je doutais fortement que j’aurais accepté. Ou peut-être que si ? Étrangement, même si je lui en voulais, que je voulais le détester pour ça, j’avais du mal à le faire. Mais là n’étant pas le point, je continuai mon discours en ajoutant:  « Il est venu à la mairie, comme ça, pour je-ne-sais-quoi, et je l’ai vu, alors que je venais de lire l’article… » Puisque Jaelyn me connaissait plutôt bien, je me doutais bien qu’elle avait déjà une idée de comment j’avais réagi. Enfin, je préférais me rassurer avec ce fait plutôt que d’aller plus loin dans mes propos dans le cas présent, déjà que ressasser tout cela m’avait rappelée à quel point j’étais blessée et là, le besoin de taper dans le ballon urgea tant que je donnai un grand coup dans celui-ci avant de baisser la tête pour tenter de reprendre un semblant de contenance.

Dire qu’elle ne s’y attendait pas serait un euphémisme. La surprise qui se lisait sur le visage de la jeune anglaise s’était glissée à travers tout son corps, si bien que Jaelyn en avait oublié la raison première de sa présence ici. Pourtant, elle adorait ces cours. Elle adorait sortir de là complètement fatiguée et ne pensant plus qu’à une seule chose : prendre une douche avant de se laisser tomber sur son lit. Bien sûr, c’était souvent l’occasion pour Saskia et elle de se voir, de se parler un peu mais la jeune femme devait bien avouer qu’elles n’avaient jamais pensé qu’un sujet de conversation pareil arriverait un jour. Elle se souvenait vaguement de Cole, bien qu’elle ne l’ait jamais rencontré. Elle en avait entendu parler quelques fois avant que son nom ne disparaisse du jour au lendemain. Elle s’était posée quelques questions à ce sujet mais puisque son amie ne semblait pas avoir envie d’en parler, Jaelyn n’allait pas la forcer. Peut-être que cela ne la regardait pas totalement et elle était assez bien placée pour savoir que parfois il y avait certaines choses dont on n’avait pas envie de parler. Qu’on préférait garder pour soi. Alors voir Cole surgir de nulle part, sans qu’elle ne s’y attende, avait de quoi être surprenant. « Oui c’est sûr… Je pense que c’est difficile à remettre en cause, ensuite. » Jaelyn releva la tête, lançant un rapide coup d’œil à Saskia qui continuait de s’échauffer. « Qui publie encore un article sur son mariage, de toute façon… » ajouta-t-elle. Elle ne savait pas vraiment si la brune allait être réceptive aux mauvaises blagues qu’elle avait, plus ou moins, l’habitude de sortir. Mais pour le moment c’était bien la seule chose qu’elle avait trouvé pour détendre un peu l’atmosphère. Jaelyn essaya tant bien que mal de se concentrer à nouveau sur ce qu’elles devaient faire. S’échauffer pour commencer. Faire deux ou trois mouvements. Heureusement qu’elles avaient pour habitude d’êtres de bonnes élèves, elles pouvaient se permettre d’être un peu moins disciplinées pour une fois. Parce que Jaelyn ne pouvait pas laisser passer ça. Pas comme ça. Elle ne forcerait pas Saskia à lui répondre si elle n’en avait pas envie mais elle ne pouvait simplement réfréner totalement sa curiosité. La jeune femme haussa doucement les sourcils. Pas voulu, ça, elle pouvait le comprendre. Les rencontres entre ex étaient rarement voulues par les deux en même temps. Se pinçant les lèvres pour ne pas l’interrompre, la blonde se remit face au sac de frappe enchainant plusieurs mouvements jusqu’à ce que son amie ne reprenne. Jaelyn s’arrêta, tournant sur elle-même pour faire face à la jeune femme. « Waouh… Mauvais timing ! » ne put-elle s’empêcher de souffler. Elle ne pouvait qu’imaginer sa propre réaction si quelque chose comme ça lui arrivait. Si elle apprenait qu’une personne qu’elle a aimée se remariait par un stupide article dans un stupide journal, pour ensuite voir cette même personne devant elle. Elle serait probablement bien en colère et Saskia et elle n’avaient pas tout à fait le même caractère. « Et… Comment ça s’est passé ? » Le seul avantage du lieu public c’est qu’on avait pas toujours envie de se donner en spectacle. « Enfin si tu lui en a collé une, je ne peux qu’approuver. Je pense pas qu’il mérite autre chose… » Jaelyn esquissa un léger sourire. En se mettant à la place de son amie, elle savait que cela n’avait pas été facile à gérer. Ses yeux se posèrent sur son amie. Elle aurait aimé trouvé les bons mots pour l’aider. Pour la réconforter. Mais elle n’était même pas certaine qu’ils existaient. « Tu penses qu’il était là pour te revoir, toi ? Pour te donner une explication ? » Cela dit, même si la réponse était positive, Jaelyn ne saurait dire si c’était une bonne chose. Après tout que pouvait-il y avoir de bien à apprendre ce genre de choses…

 « Ces mondains qui pètent plus haut que leur cul. » Voici ce que je répondis à Jaelyn au moment où elle en vint à demander, certainement plus pour elle-même que pour moi dans le cas présent, qui étaient vantards au point de faire en sorte que toute la ville soit au courant de leur mariage, qui voulaient faire en sorte que les gens qui allaient recevoir une invitation allaient se sentir privilégiés, tandis que les autres allaient comprendre qu’ils ne valaient pas grand-chose, voire rien. Depuis toujours, je trouvais cela ridicule, mais jamais je n’avais été affectée par une telle annonce avant aujourd’hui. Mais là, en voyant l’article, en lisant les citations disant qu’ils étaient très heureux et tout ce qui venait avec, j’avais cru que j’allais en être malade. Physiquement, et heureusement d’ailleurs, ce ne fut pas le cas, mais psychologiquement, cela me travaillait toujours. C’était à un tel point qu’avant, lorsqu’il était question de ce genre de conneries, je ne me gênais pas pour dire à Cole ce que je pensais, me moquant bien si cela provoquait une dispute ou non. Mais à l’époque, j’avais espoir que cela pourrait changer les idées de mon ex-petit-ami, que peut-être pourrait-il être d’accord et changer un peu. J’avais même cru que cela serait possible pendant un moment, jusqu’à ce qu’il décide de ne plus m’envoyer quelconque message, et que j’aie la confirmation, par cet article merdique, pour lequel il avait probablement payé qui plus est. Et au vu de la conversation que nous avions eue peu de temps après que j’aie lu l’annonce, j’avais compris bien rapidement que cette idée était plus concrète que jamais, et je m’en étais montrée particulièrement dégoûtée, si bien que je n’avais pas nécessairement traité Cole de la façon la plus chaleureuse qui soit lorsqu’il était passé à la mairie. D’accord, comme mon amie le souleva, le moment était mal choisi par Cole pour se présenter sur mon lieu de travail, mais me connaissant, je me doutais que j’aurais probablement eu une réaction similaire si notre rencontre avait eu lieu deux, trois jours, voire une semaine ou un mois plus tard. Je lui en voulais, mais surtout, j’étais blessée par son comportement, par le fait qu’il n’avait même pas cru bon m’en parler un instant. Et pour ça, il aurait effectivement mérité que je lui en colle une en plein visage, comme Jaelyn le laissa sous-entendre, m’arrachant alors le premier sourire amusé que je parvins à esquisser depuis que nous avions abordé le sujet de mon ex-petit ami. Et là, un peu moins sur les nerfs, je lui répondis:  « Je n’ai pas envie de perdre mon boulot. » Malgré le sourire que je tirai, ce propos était on ne peut plus sérieux, mais renfermait aussi une once de méchanceté, dans le sens où Cole valait moins que mon boulot. En vérité, j’avais envie de croire, d’affirmer haut et fort qu’à mes yeux, il ne valait plus rien, que si tout cela ne s’était pas passé à la mairie, bien sûr que je lui aurais mis mon poing au visage, mais c’était difficile, encore plus que je ne pourrais l’imaginer. Et pourtant, je tentais encore tant bien que mal de le cacher, d’abord en ayant un rire sarcastique quand Jaelyn en vint à me demander s’il était venu pour me revoir moi, ensuite en lui répondant:  « Bien sûr que non, et il s’est fait un plaisir à me le faire comprendre. » Je marquai une pause, pensant un instant que je pourrais m’arrêter là, mais pour me donner bonne conscience, je précisai:  « Il m’a dit que son mariage, c’était pour les affaires, et voilà tout. » Et ça, au fond, c’était probablement ce qui me mettait la plus en rogne, si bien qu’au final, je craquai, puis je ne pus m’empêcher de donner un violent coup dans le sac qui se trouvait devant moi. En toute franchise, je trouvais cela tellement stupide. Penser que j’étais en train de me priver d’être peut-être heureuse avec Cole pour les affaires, pour de l’argent, ça m’écoeurait au plus haut point. Mais ça, je ne voulais pas l’admettre, je n’avais pas le droit de le faire, parce que ça ne changerait rien, ça ne ferait que me rendre encore plus mal. Ce que je fis plutôt, ce fut de faire comme à mon habitude, soit cacher ce que je ressentais, tenter de jouer la dure, et je dis:  « Tu sais quoi ? Qu’il prenne son argent et se le foute où je le pense, en fait. » Sur ces mots, je tapai encore une fois dans le sac, puis une autre fois, ne m’arrêtant pas pendant un instant, tentant de me donner l’air de celle que ça ne l’affecte pas, même s’il était évident que j’avais un mal fou à l’accepter.