Savannah avait beau ne pas être une très grande ville comparativement à plusieurs autres, mais il n’en demeurait pas moins que les terrains vacants, ce n’était pas ce qui pleuvait le plus dans la région. Bien souvent, ils étaient occupés, par des maisons et autres bâtiments. Même me concernant, j’avais eu la chance de trouver un terrain libre pour construire notre maison, mais j’étais bien conscient que cela ne marchait pas toujours comme ça. Aujourd’hui en serait une nouvelle preuve flagrante; en effet, il était prévu que je me rende sur un site où il y avait un immeuble abandonné, principalement parce que celui-ci avait été déclaré invivable après une foule de problèmes. Notre mission dans ce cas était de le démolir, et d’en faire quelque chose de nouveau, idéalement sans les défauts qui avaient couru à la perte de la première version. En tant que principal chargé du projet, j’aurais pu très bien me contenter d’avoir les mesures du terrain et faire avec cela, mais je n’avais jamais aimé voir des bâtiments être érigés et ne pas respecter l’ambiance des lieux. Évidemment, il n’était pas possible de faire en sorte qu’il n’y ait pas de contraste entre du nouveau et de l’ancien, mais il y avait quand même moyen de respecter l’ambiance de l’endroit. Par conséquent, la première étape de ce projet était, pour moi, d’aller visiter les lieux et voir l’ancien bâtiment avant que celui-ci soit démoli. C’était ce que j’avais prévu de faire aujourd’hui, avant même de me rendre sur les lieux, histoire de voir les environs, de même que le bâtiment qui allait être reconstruit par la suite. À la maison, ce changement de plan ne modifia pas ma routine à proprement parler. Je me levai dans les mêmes heures que d’habitude, soit au même moment qu’Arya qui, elle, se préparait à se rendre au commissariat. Micah suivit peu de temps après, se préparant à aller à l’école. Après un petit-déjeuner vite fait, mon épouse quitta la maison et de mon côté, je terminai de me préparer. Avec mon fils, je quittai la demeure en voiture, allant le déposer à l’école, non loin à l’extérieur de la ville, pour finalement revenir sur mes pas et me rendre à City Market, là où se trouvait le bâtiment. J’y arrivai environ une demi-heure plus tard, garant ma voiture dans le premier endroit que je trouvai qui me le permettait. Puisque les places manquaient quelque peu dans cette partie de la ville, il me fallut marcher quelques mètres pour finalement arriver au bâtiment, là où se trouvait déjà des gens chargés fort probablement de la sécurité des lieux. Ceux-ci, visiblement, n’étaient pas trop nerveux pour cela pour le moment, puisqu’ils me donnèrent la permission d’y entrer et faire le tour à ma guise. Puisque j’étais là pour ça, évidemment, je ne me fis pas prier de le faire. Avant tout, je les remerciai, puis je pénétrai finalement dans l’immeuble sans trop de problème, puisque compte tenu qu’il n’y avait plus personne, la porte n’était pas verrouillée. Dans un premier temps, j’arpentai le rez-de-chaussée, qui servait probablement de hall d’entrée. En faisant rapidement le tour, j’empruntai l’escalier de secours - prenant pour acquis que les ascenseurs ne fonctionnaient plus - puis je montai au premier étage, histoire de me donner une idée de la disposition des appartements. Plus encore, je voulus entrer dans un des logements, afin de me donner une idée de leur taille et de leur composition, mais à ce moment, je ne m’attendis certainement pas à avoir une surprise plutôt particulière. Plutôt que de trouver une pièce vide, un peu décrépie, sans trop de vie, je tombai sur une forme de vie, et pas n’importe laquelle; une personne, un être humain qui, visiblement, dormait là. Heureusement que son visage n’était pas trop cireux, parce que là, pour sûr, j’aurais pris peur. Là, je me contentai d’être seulement un peu méfiant, puis m’approcher, timidement, en demandant avec maladresse:  « Hum excusez-moi… Ça va ? » parce que clairement, il n’y avait pas trop de trucs possibles à demander dans ce genre de situations. Enfin, je n’en avais pas l’impression mais après, jamais cela ne m’était arrivé, alors j’étais une piètre référence pour connaître quoi que ce soit à ce niveau.

Il y avait un paquet de gens qui étaient à l’entrée du bâtiment et qui attendaient le signal pour le détruire. Leur boulot, c’était de le surveiller, s’assurer que personne ne s’approche de trop près et encore moins ne rentre à l’intérieur. Enfin, en mon sens, c’était à cela qu’ils servaient, puisqu’autrement, pourquoi feraient-ils les piquets pendant tout ce temps sans aucune raison ? Parce que leur employeur ne voyait pas comment les payer autrement pour l’instant ? Et s’ils surveillaient vraiment la sécurité des lieux, comment quelqu’un avait-il pu se taper l’incruste de la sorte ? Pour moi, cette situation n’était à rien n’y comprendre à la base, et ce qui s’ensuivit ne m’aida clairement pas à faire le point à ce sujet. En effet, plutôt que de retrouver une personne qui pourrait s’être perdue, finissant par s’endormir, qui allait fort probablement se réveiller particulièrement confuse, je fus soudainement confronté à quelqu’un qui, clairement, était bien consciente de sa présence en ces lieux et qui était bien dérangée par le fait d’être réveillée de la sorte, me le faisant comprendre par ses propos qui se voulaient particulièrement froids. Surpris, j’eus même un léger mouvement de recul, ne sachant pas quoi dire dans un premier temps. Apparemment, cela n’affecta pas vraiment la demoiselle, qui ne se gêna pas pour s’allumer une cigarette par la suite, m’arrachant une grimace. Non pas parce que je ne supportais pas l’odeur de la nicotine brûlée, mais parce que je m’en voulais d’avoir été naïf et avoir cru que pour le coup, ce ne serait qu’une discussion simple, délicate. Au final, cela n’avait absolument rien de délicat, bien loin de là, et c’était perturbant. Où était le manque dans cette situation ? Que s’était-il passé pour en aboutir à cela ? Qui devais-je blâmer pour le coup ? Clairement peu préparé à affronter une telle chose ce matin, je passai une main dans mes cheveux, ne sachant clairement pas quoi faire. Et puis, comme pour venir alourdir ce que je considérais être limite un fardeau dans le cas présent, la demoiselle sembla trop peu intéressée à voir qu’il y avait un malentendu dans le cas présent, se contentant de simplement répondre à ce que je voulais être une question banale et sympathique dans un premier temps, la tournant en ce que j’avais l’impression d’être une dérision. Commençant à être embêté, je ne sus que lui dire:  « Ouais ça va, tout va bien. » en sachant pertinemment que mon propos, dit ainsi, n’était que pure ironie. Enfin, je ne pouvais pas dire que ça n’allait pas, physiquement, tout allait très bien. Pour le reste, je ne pouvais pas en dire autant, pas dans le cas présent. Et malgré moi, mon inconfort atteint un niveau que je ne pensais clairement pas atteindre ce matin au moment où la demoiselle demanda il était quelle heure. Et ça, je le montrai en lui répondant, de façon beaucoup moins contrôlée et délicate que précédemment:  « Hum… Il est dix heures, et d’ici deux heures, ils vont commencer à détruire ce bâtiment. » C’est par ces mots que bien malgré moi, je mis exactement le doigt sur ce qui clochait précédemment, sur ce qui me rendait soudainement si nerveux; être ici, sans autorisation, était dangereux, et la demoiselle ne semblait même pas en avoir conscience. Et si jamais personne n’était venu avant le moment de la démolition, que se serait-il passé ? Préférant ne pas y songer, je décidai d’ajouter:  « Qui vous a laissé entrer ? », me rendant compte que j’étais trop mal placé pour lui reprocher quoi que ce soit pour le coup. Et puis, à quoi bon ? Elle semblait tellement indifférente que j’avais le sentiment que qu’importe le discours que je lui servirais, je parlerais à un mur. Après, peut-être était-ce laisser tomber l’éponge trop rapidement, mais disons que là, tiraillé de partout par mes émotions, je ne savais plus trop comment réagir.