Cela fait déjà quelques temps que nous sommes à Savannah, et que je travaille en tant que barman, je commençais à connaître des gens… Non… Je commençais à être connu des gens. Voilà qui est plus pertinent.
A chaque fois que je me retourne vers le bar, ou que je me relève après avoir fouillé dans un placard, je ne sais jamais face à qui je vais me retrouver. Il y a parfois de bonnes surprises, et d’autres fois de moins bonnes.

Je venais de finir de remplir le lave-vaisselle, je ferme la porte, je lance le programme 4, et je me relève. Attention, qui allais-je devoir servir ce soir… Roulement de tambour, je suis presque debout… Et l’heureuse élue est… Oh bah tient… Trixia.
Sans même me dire bonjour elle me demande des consos gratuite… Etrangement je l’aime bien… Elle me plaît, mais pas dans le sens que vous, petits singes en ruts, entendez, il y a ce petit truc entre nous, elle joue au même jeu que moi, mais je crains être à un niveau bien plus supérieur au sien… Je la laisse croire qu’elle me mène par le bout du nez, mais j’ai déjà tout lu en elle au moins trois fois…
Et je sais que quand elle vient me voir c’est parce qu’elle ne va pas bien. Je suis une sorte de repère, un jouet pour garder son esprit loin de ses tracas quotidien j’imagine… Ou quelque chose de rassurant.

Elle me sourit après m’avoir demandé si j’allais me laisser racketter avec générosité, ou si j’allais être une mauvaise victime. Et bien évidemment son sourire était faux, comment le deviner ? Je ne vais pas vous dévoiler toutes mes cartes de lecture ! Bon… l’indice se trouve au niveau des yeux. Débrouillez-vous avec ça, sachez juste que Trix se force à sourire et que ce soir elle triste, et que pour elle c’est une de ces soirées où la solitude est si pesante qu’elle en devient insupportable.
Je me mets face à elle, je m’accoude sur le comptoir, et je prends un air de faux blasé pour jouer avec elle, l’amuser un peu, avant de lui offrir un beau sourire qui paraîtrait sincère même pour les yeux les plus aguerris. «  Hmm… je ne sais pas… Vu que c’était encore la saison des fraises  il y a une semaine, on fait un cocktail spécial qui disparaître pour toujours dès que le stock de fraise sera épuisé : vodka, absinthe, menthe, fleur de sureau, et fraises. » je me relève, et je m’exécute avant même qu’elle ne me donne son approbation, je sors le shaker, le doseur et je me mets au travail. La seule réponse de sa part était qu’elle mourrait de soif. Je ne répondis pas, je continuais ce que j’étais en train de faire, j’y appliquais toujours le même soin, j’aime bien prendre mon temps et bien faire les choses, c’est … relaxant.

Elle me posa une question qui, de mon point de vue, n’est pas banale. Je relève la tête et la fixe, elle voulait sûrement faire allusion au fait qu’elle ne voyait que moi comme barman à chaque fois qu’elle venait ici.
Elle se mordille la lèvre, je restais stoïque, faisant mine de ne pas l’avoir remarqué, quand une femme ne le fait pas intentionnellement c’est le signe d’une certaine excitation, montrant qu’elle est conquise par son interlocuteur, mais quand ce geste est intentionnel, c’est juste de l’allumage. Je préférais alors jouer l’autruche et faire mine de n’avoir rien capté.
Et elle sorti cette phrase qui me fit bloquer quelques secondes. « Parce qu'à ce rythme, autant foutre ton lit dans l'arrière salle. » je ne sais pas comment mais mon cerveau a entendu " Autant te foutre dans mon lit " … Elle me dévorait du regard, je ris avec légèreté, avant de vider le contenu du shaker dans un verre de 25cl contenant quelques glaçons et des feuille de menthe, j’y plonge deux pailles et je tends le verre vers Trix. « Tu aimerais bien qu’il y ait un lit dans l’arrière salle hein ? pfff. » je plisse les yeux lui lançant un regard faussement accusateur, un sourire en coin. Elle était juste là pour se changer les idées. Autant essayer de la faire sourire un peu… Le temps d’une soirée.
« Tu as de la chance ce soir il n’y a pas grand monde. Les gens viennent à partir de mercredi soir au bar. Avant, il n’y a pas grand monde, les gens sont trop fatigués du weekend ou du lundi… Ceux qui passent lundi ou mardi ont des soucis… Je peux être ton coiffeur si tu veux. » je lui fais un clin d’œil, avant de me dire qu’elle n’avait peut-être pas compris pourquoi je lui disais ça…
« Enfin tu sais… » je prends cet air de mec embarrassé et perdu dans ses explications, le gars suffisamment maladroit pour être mignon. « On a tendance à se confier plus facilement à un inconnu, et les femmes se confient plus facilement à leurs coiffeurs, vous connaissez tous nos petits problèmes quoi… » je souris avant de me servir une pinte de Grimbergen Rouge, je me pose face à elle, me penchant légèrement sur le bar « Pourquoi ne pas inverser les rôles ce soir ? » un petit sourire s’affiche sur mon visage.

Nous sommes interrompu, on m’appelle, je lève l’index pour faire signe à Trix d’attendre. « J'ai parlé trop vite, ne bouge pas. Je reviens. » je me dirige vers les clients, deux jeunes de 21 ans « J’vous sers quoi ? Deux bud en bouteilles ? … Et voilà ! Je vous encaisse maintenant, histoire que vous soyez tranquille. Ça vous fera 12 dollars. Merci ! Ouais, aller bonne soirée les mecs ! » énorme sourire, signe de la main, voix présente, affirmée et chaleureuse, je répondais à leurs signaux avec une amplitude au moins égale à la leur, histoire de leur donner l’impression d’être sur la même longueur d’onde et qu’ils se disent “ ce barman est trop cool, il est comme nous “.

Je retourne vers Trix. « Alors nous en étions où ? Tu me parlais de ce qui n’allait pas c’est ça ? » absolument pas, on le savait tous les deux, mais bon si cette malencontreuse erreur pouvait l’aider à vider son sac... Je ne vois pas où est le mal.

Elle rit et souris sur le moment, mais ça ne durait jamais longtemps, jamais assez à mon goût. Après avoir replacé ses cheveux derrière son oreille, elle goûte à ce que je lui ai servi, elle semblait avoir apprécié. « Je ne finis pas trop tard et je suis venu en moto aujourd’hui, donc t’inquiète pas, si jamais je te raccompagnerai. » Vivant dans le quartier, je suis censé venir à pied, mais aujourd’hui je suis parti un peu loin de la ville pour prendre l’air.

Ma proposition de se confier avait l’air de la tenter sans vraiment la tenter. Elle avait peur de plusieurs choses, je sentais qu’elle passait en revue toutes les raisons de ne pas se confier à moi. Pendant que je servais les jeunes, je sentais le regard de Trixia me fixer, mais je faisais comme si de rien n’était.
Je revins vers elle, balançant une phrase à la con sachant qu’elle ne marcherait pas. Et elle me sort la pire réponse possible. « Je suis un grand fan des requins, et toi tu savais qu’ils peuvent se faire pousser des dents en huit jours ? » répondis-je avec sur un ton monotone. Tu ne veux pas en parler dommage… Je t’aurais à l’usure chaton. « En dehors d’être barman ?. » je vide ma pinte de moitié avant de la regarder, l’air intrigué. « Rien d’autre ? J’erre en ville, je prends ma moto et roule sans but précis. »
Que sous-entend-t-elle ? Je ne sais pas… « Mais pourquoi cette question ? Suis-je un si mauvais barman que ça ? » je me ressers de la bière à nouveau.

« Je pense que tout comme toi, je suis bien trop sobre pour te parler de moi. » je lui fais un clin d’œil, avant de répondre aux clients qui sont venus me redemander des mojitos. « Désolé. Deux minutes Trix...»
Je me dirige vers les trois filles… Elles auraient pu envoyer seulement une seule de leurs copines mais leurs sourires démesurés et leurs mouvements compulsifs de rotation de gauche à droite quand je leurs parlais trahissaient pas mal de choses. « Vous passez une bonne soirée ? » demandai-je sobrement tout en commençant à faire les cocktails. Elles se regardaient ne sachant quoi répondre, ça m’exaspéraient au plus profond de moi, mais en surface, un joli sourire charmeur fit irruption. « Alors ? » j’eus pour seule réponse des gloussements, je me retins de lever les yeux au ciel.

J’avais fait un quatrième mojito pour ma séduisante amie. Je tends les verres aux filles. « Ça fera 25 dollars les filles. » sourire aux dents éclatantes, de nouveaux des gloussements… Celle du milieu me donne trente dollars et me dit de garder la monnaie… Je la remercie gentiment et je range les 5 dollars dans le bocal des pourboires avant de revenir vers Trixia avec un mojito pour elle. « Et voilà pour le deuxième round. » je tire mon tabouret et je m’assois face à elle. « Et du coup … Est-ce que les requins sont comme les dauphin ? Des détraqués sexuels ? Tu savais qu’ils peuvent agresser sexuellement les humains ? Les entraîner au fond de l’eau et les … enfin tu vois… » c’était un coup risqué que je venais de faire mais bon… Comme le dit Penelope : YOLO.

Je pouffe de rire quand elle me parla de mon prédécesseur. Je comprenais mieux pourquoi ils m’ont engagé aussitôt quand je leur ai dit que j’ai déjà été barman, et ils n’ont même pas voulu savoir ce que je foutais dans ce repère de bikers. Pas un seul cocktail, que de la bière ou du whisky et arrêter des bagarres. Ça me changeait complètement. Je ne me souviens pas m’être fait draguer par un biker…
Ma remarque sur les dauphins la fit rire, à ma grande surprise. Elle semblait elle-même redécouvrir le son de son rire. Je ne pouvais m’empêcher de la regarder rempli d’affection, un sourire timide pendu à mes lèvres.

Mais fini de rire, les choses sérieuses commençaient, elle me proposa de jouer à un jeu. Hmm… C’était aussi risqué qu’excitant. « Ça pourrait être marrant. » lui dis-je, avec un air de défi.
Elle ouvre le bal et me raconte une histoire. « Oh bah ça alors, je t’imaginais comme une enfant terrible, un garçon manqué qui bouffe de la terre et force les autres à avaler des asticots. Je n’étais pas si loin que ça… Hmm voyons voir… » je la regarde droit dans les yeux, je fronce les sourcils avec un sourire faussement masqué. Elle tire la grimace, mais ce n’était pas une réponse à la mienne, apparemment je chargeais trop ses verres. Étonné, je la regarde l’air surpris. « Oh merde, désolé… Mais bon je pensais que tu étais venue ici pour boire… Sûrement un acte manqué, mon inconscient doit sûrement vouloir te ramener dans son lit peu importe le moyen… » je ris. « Sinon je pense que… euuh… c’est la vérité. Ça comporte suffisamment de détail, ni trop, ni pas assez, et on sent le traumatisme des robes à fleurs. Et puis commencer par un mensonge m’inciterait à en faire autant… Ce n’est pas bête que de commencer avec une petite anecdote mignonne vraie et anodine. » je prends une gorgée de ma bière, jetant un œil aux autres clients, personne ne manque de rien. Bien, continuons.

« A mon tour j’imagine… Hmm. » je lève les yeux, cherchant dans ma mémoire quelque chose à raconter. « Mais avant laisse-moi goûter ton verre, ça me travaille cette histoire de cocktail trop chargés. » je tire délicatement son verre vers moi et du bout de l’index je fais tourner ses pailles vers moi, on pourrait presque voir de la sensualité dans mes gestes. Je pose délicatement mes lèvres sur les pailles et je prends une toute petite gorgée. « … C’est pas cool de me faire marcher comme ça. Je n’ai pas envie d'être réputé pour bourrer la gueule de tous mes clients. »
Je me redresse après avoir réalisé que je m’étais un peu trop penché vers Trixia. « Alors… Est-il vrai que, petit, j’ai frôlé la mort mais à la place, j’ai assisté au décès de mes deux parents ? » C’est quelque chose d’assez banal, malheureusement, que de perdre ses parents, ça ne dévoile rien sur qui je suis, simplement un petit aperçu de ce que j’ai vécu et de comment je me suis construit.
Je descends mon verre d’un coup, il en restait une bonne soirée, encore. C’est une mauvaise habitude que j’ai que de finir mon verre avant de me lever. Surtout que je travaille, et que je suis venu en moto… Mais des clients m’appelaient. « Je te laisse réfléchir, je reviens. » je lui fais un clin d’œil et je repars l’air de rien, m’occuper de mes clients.

C’était sûrement un groupe de jeune étudiants à l’université, ils devaient avoir 22 ou 23 ans à tout casser, trois filles, deux mecs. Et l’éternelle configuration, deux pintes, trois cocktails. Ils étaient déjà venus plusieurs fois et ils commençaient toujours par la même chose. « Bonsoir, comment allez-vous ce soir? Alors... Si je me souviens bien ce sera ... Deux pintes de budweiser, un sex on the beach, une tequila sunrise et ne me dite rien… un daïquiri à la fraise ? Je vous encaisse maintenant histoire d’être tranquille, ça vous va ? »
Se sentir reconnu et souvenu est très gratifiant et pousse à la fidélité, basée une sur pseudo-relation à sens unique que j'ai inventé de toute pièce. Ils adoraient ça.
Je leur tends le ticket de caisse avant d’aller m’exécuter. Cette fois-ci c’était le Tom professionnel, sympathique, agréable mais pas spécialement amical ou charmeur. Si j’attirais l’attention des filles, les mecs me mépriseraient alors forcément, j’allais perdre des clients potentiels. L’adaptation les gens, analyser puis s’adapter, c’est la clé.
En moins de deux minutes, je leurs apportais leurs plateaux et j’encaissais leurs commandes. « Bonne soirée, amusez-vous bien. » un beau sourire et je retourne derrière le comptoir. « Alors verdict Trixia ? »

Une pointe d’arrogance dans sa réponse, ce n’était un rôle qu’elle jouait. Je souris sans rien dire.  Ma proposition semblait l’avoir choquée. Elle n’a pas prononcé un mot, elle avait l’air de s’être mangée une claque. Je pars m’occuper de mes clients, et cette fois-ci elle ne me regardait pas, toujours bouche-bée…. J’y suis peut-être allé un peu fort…
Je reviens vers elle. Toujours rien. Alors je lui demande ce qu’elle en pense. Elle avait vu juste. « Ça ferait de moi un sociopathe… C’est malheureusement vrai en effet… » je soupire bruyamment avant de m’asseoir face à elle. « Accident de voiture, j’étais à l’arrière avec ma petite sœur qui avait 7 mois, je l’ai sortie de la voiture, mes parents n’ont pas eu cette chance… Bref à ton tour. »
Elle me parle de son père absent, ça je l’avais deviné, ça se sentait, je soupçonnais même un beau-père abusif, ce qui expliquerait ses insomnies, ses phrases de déprimes, sa méfiance envers les hommes, les gens en général, son aversion pour la drague, je ne sais pas, c’est mon instinct qui me crie tout ça, mais c’est une histoire un peu trop tordue non ? Je dois me faire des films… Mais ça me titille, je sais qu’il y a quelque chose…
Sans aucune hésitation quand elle me demanda si c’était vrai ou faux je lui répondis aussitôt, d’une voix ferme « Vrai. Et ça ne doit être que la partie émergée de l’iceberg… » lui dis-je en la regardant sérieusement droit dans les yeux. Je venais de me foutre un coup au moral et je commençais à en prendre progressivement conscience, mais comme à mon habitude je ne laissais rien paraître.

« … A mon tour… Mais avant je me ressers un verre, mon dernier, je suis venu en moto après tout. » je sorti du frigo une bouteille de Budweiser que je décapsulai à la main.
« J’ai quitté la maison de ma grand-mère pour faire carrière dans la musique. » dis-je avant de rire à la fin de ma phrase. « J’étais tellement mauvais que j’ai dû rentrer chez elle au bout de six moi. »  je pouffe de rire avant de boire une gorgée de bière. « Alalah… » dis-je avec une pointe de nostalgie tout en secouant la tête comme si cette anecdote me rappelait un millier de bon vieux souvenirs aussi drôles que gênants.
Certes je fais de la musique mais j’avais bien plus important à faire, je n’ai jamais pensé à moi, je me suis toujours sacrifié pour mes jeunes. Mes rêves ? Je ne me suis jamais posé la question… Je ne sais pas… Ai-je un rêve ? Un désir particulier ? Une passion ? Tout ce que j’ai fait depuis que j’ai quitté l’orphelinat c’est éduquer cette bande de boulet qui me sert de famille pour qu’ils ne finissent pas en prison une heure après que je les ais lâchés du regard… C’est vrai maintenant que j’y pense…

Tom as-tu déjà eu un rêve ?

Totalement perdu dans mes pensées et mes souvenirs, j’en avais oublié le bar et Trixia. C’était assez déconcertant que de réaliser ça… « S’il vous plaît ?! Pfff ! Barman ! Merde quoi ! » et me voilà extirpé aussi brutalement que désagréablement de mes pensées. Je regarde vers la source du bruit, un beau spécimen, un mec en costard, gominé, dents blanchis, teint légèrement hâlé, bossant sûrement dans le commerce, une fille assise sur une banquette le fixait. Encore un mâle en mal de virilité. « Oui !  J’arrive. » répondis-je amicalement avec énergie.
Je me relève soudainement et me dirige vers lui. « Que puis-je faire pour vous ? » demandai-je amicalement. « Être plus réactif et professionnel ? », mon sourire ne s’effaça pas pour autant « J’étais avec une cliente, chaque chose en son temps. Alors ? » il lance un regard méprisant en direction de Trixia, l’analysant de bas en haut « On se demande qui est le client dans l’histoire… »

… Là mon sourire s’effaça laissant place à une grande froideur, et à un regard sévère à la limite de la haine, mais une voix étrangement détendue, en totale contradiction avec mon visage, se fit entendre. « Hé Trix, j’en ai une bonus pour toi. Ai-je déjà tué un homme pour avoir manqué de respect à quelqu’un qui m’était cher ? Je suis sûr que notre ami a très envie de savoir. » je posais ma question à Trix tout en fixant l’autre con, un sourire s’installa discrètement sur le coin de mes lèvres, le genre de sourire à vous glacer le sang et à vous faire demander si je ne dis pas la vérité au final.
L’homme s’apprêtait à répondre quelque chose, je lui coupe la parole. « Si c’est pour essayer de m’intimider ou d’insulter mes clients, je vous propose de régler ça derrière, sinon je vous prie de quitter cet établissement, en silence. » lui dis-je le plus calmement du monde à voix basse tout en pointant du pouce la sortie d’urgence derrière moi.
Je le fixais droit dans les yeux jusqu’à ce qu’il fasse demi-tour et s’en aille avec sa pauvre amie qui ne savait plus où se mettre.

Je reviens vers Trixia, je bus une gorgée à nouveau. « Je suis vraiment désolé… » je me sentais mal vis-à-vis d’elle, la pauvre n’avait rien demandé… Il s’en est pris à elle par ma faute… je baissais le regard, culpabilisant en me remémorant le regard qu’il lui a lancé, je l’ai déjà subi ce truc… et … y a mieux. « Il en faut un par soir, au moins on est débarrassé… Je te ressers quelque chose ? C’est moi qui invite, pour me faire pardonner. » je lui fais un petit clin d’œil charmeur en prime.

Trixia était une vraie gentille, elle faisait partie des gens bien, j’en avais eu la preuve en la voyant rougir face à l’insulte de l’autre connard. Les colères froides le sont car le corps se prépare à tout donner pour passer à l’attaque. Hors là… Trix était devenue rouge tomate, son cœur s’est emballé et elle est restée sans mot.
Je la regardais avec un petit sourire compatissant. Elle répondit à mes excuses que ce n’était pas grave et qu’elle avait l’habitude. Je pense la tête sur le côté, feintant la surprise. « Mais justement, tu n’as pas à avoir l’habitude de ce genre de chose. » puis je la rassure en lui disant qu’on devrait être tranquille désormais.

« Tu peux boire un soft tu sais ? Mais t’inquiète pas, je te raccompagnerai après mon service, y a aucun soucis. » je lui souris avant de prendre ma bière, et je m’apprêtais à la descendre cul sec comme ça chaque fois que je me lève mais je me contentai d’en boire une gorgée cette fois-ci. « Je te fais un monaco, ça passera mieux. »
Je prends une pinte que de rempli de bière, de limonade et de sirop de grenadine, je pose le verre devant elle. « Alors… je suis désolé mais les deux dernières étaient … plus ou moins fausses, disons que j'ai amplifié la vérité. » je tire une moue embarrassée avant de m'expliquer plus en détail « L’idée de faire de la musique et de bouger de ville en ville m’a traversé l’esprit à l’adolescence, mais mes responsabilités m’ont très vite rappelé à l’ordre. La musique n’est qu’un passe-temps ou un défouloir désormais. Et la proposition bonus… Je suis du genre à me contrôler mais je n’aime pas que la méchanceté gratuite, ni les injustices… Encore moins quand c’est envers des gens que j’apprécie. Je n’ai jamais tué personne, mais je me suis déjà battu pour ça pour être tout à fait honnête. » je bois un coup « C’est un mal pour bien… » je marque une pause « Ces deux propositions fausses je veux dire. Je t’en ai dit bien plus sur moi que si j’avais dit directement la vérité non ? » je lui fais un clin d’œil, je ne voulais pas briser la dynamique de ce jeu, il pourrait lui être bénéfique dans le fond je pense. Elle n’est pas venue au bar pour boire, mais pour me voir, je le savais, elle a juste vécu une de ces sales soirées où la solitude est trop lourde, et deviens de plus en plus difficile à porter.

Essayons de faire en sorte que ce fardeau devienne un peu plus léger même si ce n’est que pour une soirée. « A ton tour non ? Hâte d’entendre ce que tu as à me proposer. Mais avant… On m’appelle. » et cette fois-ci je bus ma bière cul sec avant d’aller voir mes deux clientes.
J’arrive à leur niveau avec le sourire. « Tout va bien ? Je suis désolé pour tout à l’heure, j’ai dû jeter un froid dans le bar,  mais ce ge… » l’une des deux me coupa la parole « Ah non ! Vous avez bien fait ! On ne traite pas les gens comme ça ! » elles gloussèrent… urghh… « Ravi de voir que mes clientes sont des gens biens haha ! » elles répliquèrent avec un rire si…. A côté du leur, le miens était une œuvre d’art, un exemple de sobriété….  Je crois bien que j’étais en train de me faire draguer.
Je pris leurs commandes et m’exécutais le plus vite possible. Une fois les commandes servies et payées, je retournai vers Trixia. « Alors tu as décidé de ce que tu allais me proposer ? »