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| ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) | |
| Auteur | Message |
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et le château de sable, il est dans l'eau maintenant ▹ posts envoyés : 2287 ▹ points : 19 ▹ pseudo : fitotime ▹ crédits : dude (avatar) / tumblr, whi (signa, profil) / amy winehouse, les cartons(texte) ▹ avatar : ben nordberg ▹ signe particulier : très maigre, cocaïnomane et toujours habillé avec des vêtements bariolés
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| Sujet: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Dim 4 Sep - 17:36 | |
| Pour dire les choses honnêtement -et ça serait une première dans cette société de prod à la con- Leonard River était légèrement défoncé. Qu'on soit clair, il l'était de toute façon tous les jours de sa vie vu que "coke is the new coffee". Mais là, il l'était légèrement d'avantage. Nique le loyer en retard, nique la police. Ok, il ne savait pas pourquoi il avait pensé à ça. Il se mit à rire en tirant sur le joint qu'il partageait avec Matthew, Jack et Poppy. La fin d'une longue journée, ils revoyaient ensemble les images qu'ils avaient enregistré et se plaignaient de leur dos courbaturé, comme d'habitude. Il avait donc, comme je le disais, dépensé ses derniers dollars dans des sachets de cocaïne, explosés sur la table de camping autour de laquelle ils étaient tous. Un petit coin improvisé, derrière les camions de matos. On avait également volé un fauteuil au foyer, la chaise de tournage de Jeff (vous savez, les chaises noires en toile avec marqué « JEFF » derrière), et les autres se contentaient de tabourets ou de chaises pliantes. On avait sniffé pas mal de traces, on fumait des clopes et des pétards, et on buvait de la bière. Fin de semaine ordinaire sur le tournage. Hey, River ! les pupilles dilatées de Leo, affalé dans le fauteuil, furent attirées par la voix. Il releva le regard, l’air léger, amusé, et regarda son interlocuteur. C’était un ingé son. Y a Jeff qui te demande à la régie. Il a un truc à te montrer j’crois. Matt avala cul sec la fin de sa bière et la tapa avec force sur la table de camping. On emmerde ce connard ok ? On l’emmerde ! C’est le week-end putain, ce connard mal baisé va pas… – Ton talkie putain ! fit remarquer Poppy. Matthew devint blanc comme un linge et éteignit son talkie. Manquait plus que Jeff ait le sien d’allumé et qu’il ait reçu le message et sa vie serait un enfer sans fin. Jeff ne prendrait même pas la peine de le virer, non il le ferait souffrir avant. C’était bien son genre. Leo et le reste de la bande éclatèrent de rire en voyant Matt s’enfouir la tête dans les mains et puis, avec toute la force qui lui restait, il se leva du fauteuil et tendit le pétard à la première paire de mains qui lui demandait. Bon, souhaitez-moi bonne chance ! Tout le monde le fit. Demande-lui pour les 300 dollars de prélevés sur ton salaire ! Ah oui, c’est vrai ça. Même si Leo se doutait bien de ce que cela pouvait bien être. Après tout, un l’avait eu, le nouvel objectif de sa caméra. Et après tout, c’était bien de sa faute s’il avait été pété. Mais 300 dollars sur une paye, ça fait une sacrée différence. Avec 300 dollars on se paye quoi… 5 grammes de coke ? Peut-être 6. C’est pas négligeable. Enfin bon.
Leo fit une pause près de la machine à café. La vraie machine, pas l’espèce de Cruella d’Enfer qui servait le café en journée. Il se remplit un gobelet en plastique du jus de chaussette qui restait, tant pis s’il était froid. Il y ajouta deux sucres qui eurent du mal à se mélanger avec la mixture et puis marcha dans la nuit jusqu’à la régie, salua au passage Alexa la présentatrice qui répétait son texte pour l’hebdo du lendemain. Enfin, il passa le rideau de l’espèce de chapiteau blanc qui servait de régie. Parait que tu veux me montrer un truc. déclara la voix vague de Leo. Ce dernier s’arrêta au milieu de la pièce. Jeff était là à quelques mètres, sur son canapé fétiche. Le blond se contentait de rester immobile pour ne pas que ça crève les yeux, son état de défonce j’veux dire. Non pas que c’était exceptionnel dans le milieu de prendre de la coke, juste, fallait faire comme si on était parfaitement en contrôle. Genre de règle que tout le monde suivait sans l’avoir apprise nulle part. Si c’est pour me montrer les audiences de la semaine j’suis déjà au courant. De rien, au fait. il faisait clairement référence à Elliot, cet hebdo qui avait fait explosé les audiences. Ces putains d’images qui lui revenaient au visage chaque fois qu’il fermait les yeux. Il ne pouvait pas trois pas sans qu’on lui rappelle les « super images » qu’il avait eu l’autre coup. Elliot était devenue la petite star du foyer, et pas dans le bon sens du terme. Bref, en plus de ça, Jeff ne s’était pas trop foulé question remerciement. Au passage, j’m’attendais à une prime plutôt qu’un prélèvement de 300 dollars sur mon salaire tu vois. petit rire. Merde, fallait qu’il arrête de rire. Fallait qu’il regarde Jeff, voilà, il n’avait plus du tout envie de rire maintenant. Ce mec était carrément flippant. Merde, pourquoi il lui souriait ? Bon c’est pas grave, on prend du café ! C’est bon le café. Non, celui-là est dégueu. Leo hésita à prendre une gorgée mais se ravisa au dernier moment ! Il grimaça et tendit le café à Jeff. Tiens je t’ai pris un café, Boss. Sourire cynique. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Lun 5 Sep - 17:01 | |
| Le talkie grésille. Tschhhh. Tac.
- On emmerde ce connard ok ? On l’emmerde ! C’est le week-end putain, ce connard mal baisé va pas… »
Je souris en tirant sur ma clope. Sacré Matthew. Toujours le mot pour me donner envie de l’émasculer et de lui fourrer ses couilles au fond de la gorge. Je ne supporte pas son état d’esprit de petit fonctionnaire. Typiquement le genre de type qui mange à midi sonnants tous les jours, quitte les locaux à dix huit heures et rentre manger sa soupe chez bobonne. Après je ne sais combien d’années passées à bosser pour la télé, Matthew croient encore que le concept de week-end existe. Adorablement, insupportablement naïf.
J’expire lentement et regarde la fumée créer des courbes souples dans l’air autours de moi. Les yeux mi clos, je sens chacun de mes muscles se détendre. L’un après l’autre. Comme une petite horloge, tic, tac. Epaules. Tic tac. Nuque. Tic Tac. Cuisses.
- Ton talkie putain !
Heureusement que Poppy est là pour assurer tes arrières, petite fiente misérable. Je ris, clairement un peu défoncé. La fatigue crée de mauvais cocktails lorsqu’elle est mélangée à certaines substance, et je fustigie Matthew mais je suis physiquement au bout de ma vie. Je ne trouverai même pas l’énergie de décoller mon cul de ce paradis de coussin si on m’annonçait Scarlett Johansson prête à me tailler une pipe derrière la régie. Paresseusement d’ailleurs, je fais tourner le cran de mon talky. Je sais qu’à l’autre bout de la fréquence, un déclic sonore a retentit au travers du filtre saturé du micro, que Poppy a du regarder l’appareil en grimaçant, et qu’elle sait désormais que j’ai parfaitement entendu, message reçu, cinq sur cinq, embrasse Matthew de ma part. Mal baisé, mais plus pour longtemps.
La cigarette me lasse. Lentement je ferme les yeux, en me demandant quelle supplication Léonard va pouvoir inventer. Les images qu’Elliot a glissées sur mon bureau, dans un grand élan de drame et de vengeance passionnés, sont réellement d’une violence absurde et sordide. Splendide. Excitantes à l’extrême. C’est amusant d’imaginer qu’Elliot, qui me hait sans doute avec plus de passion que je ne pourrais jamais lui en donner, qu’Elliot si réfractaire à mon service, déploie dans l’intimité des pratiques sexuelles qui me sont communes. Du fond de mon canapé, je lâche un rire narquois. Le lien est ténu et sordide, et je me sens si proche d’elle lorsque je la vois jouir en effaçant dans l’étreinte une trace de sang.
Vu au travers de l’épais filtre de drogue qui nageait dans mes veines à ce moment là, les ébats de Léonard et Elliot me sont apparut dans une espèce d’irréalisme d’une grande poésie. J’avoue avoir eu du mal à ne pas me sentir excité : les torsions de plaisir de Léonard, comme un balais vivant, son dépucelage à la douleur, le supplice du mal et du plaisir mêlés. Une sensation profonde m’avait vrillé les tripes en regardant ces images, et je m’étais senti à la fois profondément souillé et délicieusement exalté, à des milliers de kilomètres de cet instinct sauvage et primitif qui vous prend face à un film porno amateur.
J’avais tâché au cours des premières minutes de garder un point de vue objectif et glacial face aux images qui défilaient devant mes yeux. Mais ma volonté avait rapidement faiblit, écrasé par l’ardeur fiévreuse de leur étreinte, et la drogue avait conçu un voile chimique, opaque et bouillonnant, transcendant l’action, décuplant la beauté de leur fusion. J’avais senti et vu avec certitude le syncrétisme qui se créait entre eux au fur et à mesure des secondes, la détente sauvage de leur corps au sein du cocon superficiel de confiance qu’accordait Elliot à Léonard dans un cri de détresse isolée. Leur solitude avait fait échos à la mienne et j’avais cru sentir obscurément mon cœur se scier en deux à la première entaille. Leur fureur était devenue la mienne et j’avais joui psychologiquement du paroxysme de leur plaisir, le corps glacé et le front couvert de sueur cocaïnée.
Après le blast, il m’avait fallut plusieurs minutes pour redescendre, pour réaliser que le visionnage avait été aussi intense et absolue parce que j’étais en trip total et que l’identification entre leur isolement et le mien était absolu Je leur en voulais d’avoir trouvé, quelques minutes, un îlot de bonheur partagé quand ma solitude était si forte. Jefferson : toujours entouré, profondément seul.
Léonard entre, et je vois dans ses yeux injectés qu’il ne maîtrise que moyennement son taux de défonce. Il déconne grave, l’enfoiré. Peut être qu’il est trop malheureux. Je lui souris, sans bouger, atavique dans ma fatigue extrême. Il marmonne et me tend un café qu’il allait très manifestement porter à ses propres lèvres. Ho, le petit lèche-cul. Irrécupérable. Son petit cynisme lui fend la poire en deux et je le lui rends avec un vaste plaisir hypocrite.
- Garde ta pisse, Léonard. Viens t’asseoir. » Je tapote négligemment le coussin à côté de moi. C’est marrant d’avoir en face de moi le type que j’ai vu se branler dans du sang une dizaine d’heures plus tôt. « Trois cent c’est que dalle. L’objectif que tu utilises, tu sais combien il coûte ? » Sans doute que oui. De près, il a vraiment l’air à deux doigts du bad trip. « T’es responsable de ton matériel. Et je devrais t’engueuler pour ça. Je vais le faire, je comptais le faire. Mais pas maintenant : j’ai autre chose à te montrer d’abord. » Je n’ai surtout aucune énergie pour gueuler, et ça me fait un peu chier. Léonard s’est clairement foutu de ma gueule avec cette histoire d’objectif, et une équipe, c’est comme un groupe de chiens. Si tu ne les dresses pas correctement et que tu laisses trop souvent passer des conneries, ils oublient l’autorité et ne s’asseyent plus quand tu le leur demandes. « Non, ce que je voulais te montrer… Regarde. » Je pointe la vieil télé cathodique pourrie sur laquelle on diffuse des conneries aux heures de pause, trônant fièrement sur une table à roulette récupéré dans une décharge. J’allume l’écran avec la télécommande et Léonard et Elliot apparaissent sur l’écran, profondément enlacés. Je le laisse contempler ses ébats quelques secondes avant d’éteindre. « Je ne sais pas trop ce que je dois faire avec toi. Te féliciter d’avoir enculer Leslie à sec, je suppose. Très bien montée, ta petite séquence : je ne m’étais vraiment pas douté que tu t’étais attribué le meilleur rôle. » Je ricane sourdement. « C’est mignon, ce petit air surpris que tu as, quand on te fait mal. » |
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et le château de sable, il est dans l'eau maintenant ▹ posts envoyés : 2287 ▹ points : 19 ▹ pseudo : fitotime ▹ crédits : dude (avatar) / tumblr, whi (signa, profil) / amy winehouse, les cartons(texte) ▹ avatar : ben nordberg ▹ signe particulier : très maigre, cocaïnomane et toujours habillé avec des vêtements bariolés
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| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Mar 6 Sep - 22:27 | |
| Garde ta pisse, Léonard. Viens t’asseoir. Leo arqua un sourcil, ce qu'il savait très bien faire et si je le précise c'est parce que c'était une grande fierté chez lui. Là, il lança un regard à Jeff par en-dessous, il avait presque envie de rire. En fait il avait même carrément envie de rire. Il se mordit l'intérieur des joues pour ne pas le faire. Il oubliait parfois que Jeff était son boss. Et pourtant, c'était une chose difficile à ignorer étant donné qu'il se promenait sur les plateaux de tournage en costard trois pièces, qu'il gueulait partout qu'il était le maître incontesté de l'univers et qu'il avait toujours une liasse de billets dans une poche. Mais Leo avait ce sentiment, justifié ou non, d'avoir une place à part dans l'équipe, aux yeux de Jeff et qu'il pouvait manifestement se permettre plus de choses que les autres. Une attitude je-m'en-foutiste qui le mènerait droit au chômage un jour. Etant donné qu'il était déjà bien défoncé, il avait donc préféré ravaler un rire mal venu et se dirigea tout simplement vers le canapé comme Jeff lui ordonnait. Là, juste avant de s'asseoir, quand il fut à un mètre seulement de lui, il tendit à nouveau son jus de chaussette sous le nez de son patron. T'es sûr pour le café ? vu le regard qu'il adressa au blond, il était sûr. Ce dernier haussa les épaules et se laissa lourdement tomber sur le canapé. Si bien qu'une partie du café se retrouva sur son jean délavé. Et merde. Fais chier. commenta-t-il dans sa barbe sans savoir quoi faire de ses mains. Finalement il posa le gobelet par terre et suça quelques gouttes de café qu'il avait sur sa paume tandis que Jeff reprenait ses remontrances : Trois cent c’est que dalle. L’objectif que tu utilises, tu sais combien il coûte ? Hein, de quoi il parlait ? Aaah les 300 dollars, le salaire. C'est bon ça revenait à Leo. Du coup il fronça les sourcils pour montrer qu'il l'écoutait vraiment. Et puis, devant le silence qui s'installa il comprit que Jeff venait de lui poser une question. Ah l'objectif. Tel un bachelier qui sèche à un oral, il écarquilla légèrement les yeux et se passa la langue sur les lèvres avant de glousser bêtement. Pas la moindre idée. ricana-t-il. Stupide, stupide. MERDE, il aurait pas dû consommer autant ce soir. Fallait toujours attendre que Jeff décampe ou bien qu'il soit lui-même défoncé au dernier stade ou encore qu'il dorme pour commencer à faire la fête. Parce qu'on était jamais à l'abris d'une épiphanie de Jeff, d'une envie soudaine, d'un changement de programme, ou bien alors tout simplement une réduction de l'effectif. Les hécatombes de Jeff, on les connaissait. Il y a six ans, quand Leo bossait pour lui pour la première fois, il y avait eu un jeudi qui avait été rebaptisé "jeudi noir", Jeff était arrivé au milieu de l'équipe et avait désigné 8 personnes, comme ça, en disant qu'ils devaient dégager car "il ne supportait plus de voir leurs gueules". Faut dire qu'il était défoncé bien plus régulièrement à l'époque. Ou alors c'est juste qu'il n'était pas encore habitué à la drogue. A voir. Enfin, terminée la séquence nostalgie, Jeff n'avait pas de temps à perdre (il n'en avait JAMAIS à perdre.) T’es responsable de ton matériel. Et je devrais t’engueuler pour ça. Je vais le faire, je comptais le faire. Mais pas maintenant : j’ai autre chose à te montrer d’abord. Leo regarda son boss et acquiesça vivement tout en se baissant pour ramasser son gobelet de café. Fallait qu'il se réveille et qu'il sorte de cet état. Il ne se sentait plus du tout maître de ses mouvements. Il souriait sans même s'en apercevoir, sous sa peau crépitait une excitation et une envie de s'agiter. Du coup, après la gorgée de café, Leo entreprit de se rouler une cigarette et sortit de sa grande poche son tabac, ses feuilles et ses filtres qu'il posa sur ses genoux. Le bruit si reconnaissable de la cathodique qui s'allume, un petit grésillement. Leo leva les yeux tout en roulant le tabac dans la feuille. Il se stoppa immédiatement.
Pour dire la vérité, il ne se reconnu pas tout de suite sur les images. Il était tellement à des kilomètres d'imager ça qu'il n'avait tout simplement pas fait le rapport. Il n'avait reconnu ni Elliot, ni le carrelage de la salle de bain du premier étage, ni son sachet de coke, ni lui. Et puis, ça l'avait frappé en pleine face. Il s'était fait tabasser par la réalité du moment qui se mélangeait aux souvenirs qu'il en gardait. Le contraste était si énorme que sa mâchoire se décrocha complètement. Il lâcha la clope à moitié roulée et se mit les deux mains devant la bouche pour ravaler un gémissement abasourdi. Il s'appuya également les coudes sur les cuisses pour approcher son visage de l'écran. Voyait-il vraiment bien ? Est-ce que c'était vraiment en train de se passer ? Se voir en train de faire l'amour à Elliot Leslie, c'était un mélange entre un Kubrick et un clip grunge underground en noir et blanc. Sauf que ce n'était pas un film, c'était la vérité qu'il avait sous ses yeux. Très loin de ce qu'il s'en rappelait, malgré le fait qu'il s'était repassé la scène juste après pour faire le montage et extraire ces passages, là c'était juste... choquant, trash, malsain. Le sang partout, les yeux fous du drogué, le sexe hard le tout sur le carrelage souillé de cette salle de bain.. Putain c'est pas vrai... qu'il laissa échapper entre ses lèvres. Mais la télé s'éteignit avant qu'il ne puisse en voir plus. Les dix secondes de visionnage lui avait déjà paru être une éternité, mais là il buggait complètement devant l'écran noir, toujours les mains devant la bouche. Je ne sais pas trop ce que je dois faire avec toi. Te féliciter d’avoir enculer Leslie à sec, je suppose. La voix narquoise de Jeff résonnait sous la tente. C'est pas vrai, c'est pas vrai, c'est pas vrai... Jeff ne pouvait pas avoir ces images. C'est pas vrai, il n'avait pas regardé ça putain. Leo se sentait devenir liquide, il allait faire un arrêt si ça continuait. Il ferma les yeux dès qu'il entendit le nom de famille d'Elliot. Putain, elle allait le tuer, non mieux le crucifier sur place si jamais ces images sortaient de ce foutu magnétoscope. Très bien montée, ta petite séquence : je ne m’étais vraiment pas douté que tu t’étais attribué le meilleur rôle. Continuait Jeff pas le moins du monde perturbé par l'état de choc de son employé. Au contraire, il devait certainement profiter de ce moment comme de son premier shoot. D'ailleurs il s'était mis à ricaner comme les méchants dans Disney. Putain d'Ursula qu'il était ce mec. Leo se lâcha enfin le visage et recommença à rouler sa clope avec des mains tremblantes, stressées, énervées. C'est pas vrai, c'est pas possible. L'idée même que Jeff puisse regarder cette séquence jusqu'au bout (et Leo savait parfaitement qu'il avait regardé jusqu'au bout) lui filait une gerbe pas possible. L'idée qu'il ait cette cassette pour le faire chier, c'était pareil. Putain, il ne savait même pas ce que Jeff voulait de lui. Juste l'humilier sur le moment ou bien... Oh merde, putain ! MERDE ! C’est mignon, ce petit air surpris que tu as, quand on te fait mal. Leo qui venait de finir de coller la feuille de sa clope se releva d'un bond comme si Jeff l'avait électrocuté. Oh merde mais.. putain ! qu'il s'écria comme une vierge effarouchée. Là Leo sortit son briquet et alluma sa clope d'un main tremblante de rage. Il tira une bonne taffe pour se calmer et se passa une main sur le front. OK. Ok... Et puis, ça s'imposa dans son crâne comme une évidence. Comment Jeff s'était procuré ces images ? Leo se souvenait de cette soirée. Elliot qui partait en chialant, lui qui éteignait sa caméra, qui prenait une douche, lavait le sol. Puis il partait en salle de montage, il avait regardé la totalité de la séquence, couper les séquences, zoomé sur des plans pour se faire disparaitre totalement de l'écran. Il avait envoyé par mail les images pour l'hebdo à Jeff et le reste... le reste. Putain il avait gardé le resté sur une clé USB. Mais... comment Jeff avait trouvé cette clé ? Comment... Qui t'a filé ces images ? demanda Leo d'une voix froide. La bonne nouvelle c'est que ce visionnage lui avait provoqué une descente de drogue éclaire. Même si toutes ses pensées s'entrechoquaient dans son crâne. Au moins, il n'avait plus du tout envie de rire. Il prit une nouvelle taffe, ferma les yeux. Quand il les rouvrit il servait un drôle de sourire à son patron. Comme s'il était au bord du craquage. Ok, Ok, haha, oui je me suis tapé Leslie. il laissa à Jeff le temps de ricaner une seconde ou deux et se permit même de rire froidement avec lui. Ouais, ouais c'est marrant. Bref, je me sens carrément humilié que t'aies vu ces images. J'imagine que c'était le but. Maintenant... il ferma les yeux et inspira pour se donner du courage. ... maintenant on sait parfaitement toi et moi que tu peux pas te servir de ces images, hein ? Du coup... t'as qu'à me rendre la cassette et... toutes les captures d'écran que t'as sans doute déjà mis en écran de veille de toute l'équipe.. et on a qu'à dire que tu te foutras de ma gueule devant tout le monde, histoire que j'me sente vraiment super mal, genre, une ou deux fois par mois. Et quand t'en auras marre on passera à autre chose. Au fur et à mesure qu'il présentait son plan pour l'avenir, Leo savait pertinemment que ça ne passerait pas. Jeff avait sans doute une idée derrière la tête pour lui avoir montré ces images en privé. Sinon il aurait tout simplement fait mariner Leo en faisant des sous-entendus devant tout le monde juste assez précis pour que Leo se doute qu'il savait quelque chose, pas assez précis pour qu'il n'ose lui poser la question. C'était bien son truc, les plans de ce genre. En désespoir de cause, Leo tira une nouvelle fois sur sa cigarette, et déclara d'une petite voix : S'il te plait. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Mer 7 Sep - 18:12 | |
| Le visage de Léonard se décompose par petits fragments subtils. La pâleur de ses joues atteint un taux de transparence diaphane, ses pupilles se dilatent contre la densité des images sourdes qui cognent contre l’écran. Je le dévisage à la dérober, indifférent au fait que son rire stupide ai cessé avec la brutalité du sang qui gicle des plaies d’Elliot. Je vois ses mains qui tremblent et je me demande soudain pour quelle raison je lui inflige ça.
La réponse est évidente, bien sur : le pouvoir. Le plaisir de sentir toutes les fibres de son cœur se crisper sous l’angoisse. Je veux que Léonard se sente à ma merci, absolument, totalement à ma merci. Je veux qu’il ressente dans ses tripes la certitude que sa vie est suspendue aux fils coupants de mon bon vouloir. Je veux qu’il se plie en deux au premier claquement de doigt d’Alexander Jefferson. Je veux établir cette relation, intensément, sans conscience de la vanité qui en résulte, sans réaliser que je m’isole chaque seconde un peu plus.
Ce désir atrophié implose naturellement, par instinct acquit. La situation me rappelle des souvenirs. Je me vois à la place de Léonard et à la place de la télé, une série de photos de ma meilleure amie –celle dont j’étais follement amoureux,- à quatre pattes, verge en bouche. Et par dessus mon épaule de gamin de vingt et un an, trois producteurs hilares, qui ma charrient en l’appelant Causette, qui m’éructent leur marchandage poussif de leur haleine puant le cigare Tatuaje. Et moi qui tremble comme une gamine face à sa première danse, plongé dans un bain d’humiliation infâme, et dans la gorge un rire forcé, parce que si je ne ris pas, c’est la porte, et adieu la caméra, adieu la production, adieu les rêves, adieu l’espoir. Je vois dans les mains tremblantes de Léonard les mains tremblantes d’Alexander, dans ses yeux hagards mon propre regard, et je me sens d’un calme absolu. Comme si aucun de ces souvenirs ne pouvaient plus jamais m’atteindre. Je sais consciemment que je ne suis pas le pire ennemi de Léonard, et qu’il a conscience que si j’avais voulu l’humilier profondément, il m’aurait suffit de diffuser publiquement les images sans les lui montrer au préalable. Il m’en croit capable, ils m’en croient tous capables. Et moi, je pense que cinq ans plus tôt, il n’en aurait pas été question. Mais qu’aujourd’hui, après avoir essuyé la merde abyssale des tréfonds de la perversion télévisuelle, j’en suis devenue capable, effectivement.
Et je regarde Léonard ravaler sa nausée, son jean taché de café coupé à la flotte, un vieux sourire torve plaqué sur les lèvres. Je sais assez précisément ce qu’il doit ressentir, et ne trouve au fond de mon cœur sec comme la mort aucune culpabilité. J’ai pourtant du respect pour lui : il me pète un objectif et revient sur le tournage le lendemain, une sublime preuve d’amitié de ma part. Il peut se targuer de recevoir de nombreux privilèges en continue, car même si le plateau est un vaste faux semblant de copinage permanent –que du tu, jamais de vous, l’injure heureuse et la familiarité porté comme une bannière-, même si je fais bien attention à laisser flotter les tensions en déclenchant des jalousies ici ou là, pour stimuler l’équipe et que personne n’oublie combien notre job est sérieux, Léonard fait parti de cette rare caste qui marche sur un fil depuis des années, mais sous les pieds de laquelle, même si j’essaie de le retirer, je fini toujours par replacer un filet de sécurité.
- Oh merde mais… putain ! »
C’est délectable, vraiment, de sentir dans le creux de sa main la réputation entière de quelqu’un s’agiter frénétiquement pour éviter de se faire broyer.
En vérité, ce n’est pas aussi jouissif que je le voudrais. Parce qu'écraser Léonard ne me procure aucun plaisir. J’ai juste cette sensation ténue, ancrée aux tripes, que je dois me protéger de tout. Que même à lui, je ne peux pas donner toute ma confiance. Ce qui est étonnant, parce que paradoxalement, je suis moins méfiant avec un type comme lui, qui passe chaque petite minute de sa vie à vomir sur Virtual, qu’avec quelqu’un comme Nicholas. J’ai encaissé trop de baffe de la main qui me nourrissait pour ne pas trouver l’amitié ou l’idolâtrie parfaitement exempte de manipulation.
Je toussote doucement dans ma main tandis que Léonard se lève, et tente de contenir sa descente avec le peu de calme et de clarté d’esprit qu’il lui reste.
- Mais Elliot elle même, figures toi. » Je parle très calmement, en faisant tomber la cendre de ma cigarette. « Elle est venue dans mon bureau, et a eu la gentillesse, après m’avoir expliqué deux trois idées qu’elle a à ton égard, de me confier ton œuvre dans son intégrité. » Ca y est, je crois mettre le doigt sur ce qui me pousse subitement à prendre plaisir face à ses tremblements de paniques. Je lui en veux. Je lui en veux profondément de ne plus être seul, et je veux le lui faire payer.
Sans parler de Leslie, la conviction de pouvoir briser son lien d’intimité hypocrite avec Léonard me plonge dans une profonde sensation d’accomplissement. J’ai aussi l’intense désir de mettre mon petit protégé en face de ses actes, parce que je n’attends plus qu’une chose, désormais, c’est de l’entendre dire, frontalement, que tout est de ma faute. Que je lui ai réclamé ces images, que je l’ai pressuré pour mentir à Elliot, trahir sa confiance, et recueillir gratuitement les fruits de son ignominie. J’attends que Léonard, étouffé par sa culpabilité, se dédouane sur mon dos de ses vices et de son comportement d’enfoiré.
- Ok, Ok, haha, oui je me suis tapé Leslie. - Et superbement, avec ça. » - Ouais, ouais c'est marrant. Bref, je me sens carrément humilié que t'aies vu ces images. J'imagine que c'était le but. Maintenant... »
Je hausse un sourcil dans sa direction, pour lui signifier que je suis extrêmement à l’écoute de ce qu’il a me dire. Il me fait un peu de peine, à triturer sa clope comme si c’était son dernier cordon de soutient face à l’abysse, avec la conscience aiguë que son degrés de confiance en moi ne peut qu’être proche du zéro absolu. Ha, j’aurais presque mal d’être considéré aussi spontanément comme un misérable enculé capable de diffuser ces images de sang froid.
Ho, ho, ho.
Pensez-vous.
Léonard m’expose ses idées avec une précision digne d’un chargé de com, et je vois très bien sur sa face ravagé par la coke qu’il a conscience qu’aucune de ses propositions ne va se réaliser comme il l’entend. Par avance, je vois bien qu’il est déçu, et je n’ai pas pu m’empêcher de réprimer un grand rire à la fin de son pamphlet.
- S'il te plait. - Ho mon dieu Léonard, sérieusement ? » J’essuie presque une larme, hilare. Je respire pour calmer mon rire, trente pour cent d’humour, soixante dix pour cent de nervosité mal contrôlée. « Je crois qu’on sait parfaitement que ça ne va pas du tout se passer comme ça. » Je cherche son regard, profondément engoncé dans ma complaisance. Je tapote lentement l’accoudoir du canapé : ça fait un bruit mat et irritant. « Non, non. Voilà mon scénario, Léonard : je diffuse ces images, Virtual Trash triple ses audiences et double ses bénéfices. Qu’est ce que tu en penses ? »
Je me lève à mon tour, les jambes ankylosées par l’immobilité, et je marche, les mains dans le dos. Je n’ai jamais su rester inactif trop longtemps.
- Je ne comprends pas bien, à vrai dire… » Dis-je en pinçant l’arrête de mon nez entre mon pouce et mon index, comme si je cherchais réellement à résoudre un problème compliqué. « J’aimerais bien que tu m’expliques pourquoi tu as tourné ça, si ce n’était pas pour le faire diffuser. Je veux dire, effectivement, je vous demande du trash, du gore, je ne vais pas te relire la charte de Virtual, mais à aucun moment je ne t’oblige à laisser ta caméra allumée pendant que tu copules avec Elliot Leslie. » Je m’immobilise pour le fixer dans les yeux. « A quoi tu t’attendais, Léonard ? A tourner ton machin, que je le reçoive, de toi ou quelqu’un d’autre – et s’il est sur mon bureau actuellement c’est entièrement ta faute – que je le regarde et dise « bof », avant de le balancer aux ordures ? Tu me fais marrer. » Je ne souris plus du tout. « Mais non, Léonard. Quand quelqu’un filme quelque chose et me l’apporte, si c’est bien, je le diffuse. C’est mon job. Tes images sont belles, et remplissent toutes les clauses légales pour faire de la thune – parce que je ne vais pas t’expliquer ça, mais en fait tu vois, il se trouve que je peux tout à fait m’en servir, de ces images-, c’est mon devoir professionnel, maintenant, de les projeter et de créer de l’audience avec. Si tu ne veux pas que tes coït passent à la télé, c’est très simple : ne les filme pas. » Mes yeux son ancrés dans les siens, je veux le sentir déstabilisé, je veux qu’il regarde en face ses responsabilités, qu’il assume avoir tourné ces images pour quelque chose. Tout ne peux pas toujours être de ma faute, Léonard.
Je le pousse au cul, bien sur. Je ne vais peut être pas diffuser quoi que ce soit. Par respect pour Léonard. Il ne se rend pas compte de la faveur que je lui prépare, intérieurement. S’il n’avait s’agit que de cette petite catin de Leslie, je n’aurais pas réfléchis deux minutes avant de balancer ça au dérushage et d’en faire un épisode promo. Pour sa petite gueule, et pour préserver son petit cul, je me prépare à faire une croix sur un bloc de dollars gros comme le cul de Nicki Minaj. Et ce service, je ne peux pas le lui rendre sans lui faire payer ma perte.
Je me suis mis en colère malgré moi, toujours frustré qu’il ai trouvé son îlot de plaisir, et que ce plaisir me soit refusé. Frustré d’être confiné dans ma solitude et que lui s’en échappe. Furieux de devoir faire une croix, au nom d’une amitié à la con et de sentimentalisme excédant, sur un tas de fric. Ces images auraient pu faire parti d’une diffusion mythique des trucs les plus trash de la télévision Américaine, et il va m’en priver, pourquoi ?
Pourquoi, putain de merde ?
Je me rassoit sans le canapé, pris d’une rage contenue, et croise les jambe, les dents serrés, le regard fixé sur mes doigts qui en parcourent nerveusement l’accoudoir. Brutalement, un sourire glacial se fige sur mes lèvres.
Tu n’es vraiment qu’un petit con prétentieux, Léonard. Ça me fait tellement chier de devoir préserver ton cul. Ça me fait tellement chier d’avoir du respect pour toi, petit enfoiré de merde.
- Suce ma bite, Léonard. » Ça sonne comme une invective ambiguë.
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et le château de sable, il est dans l'eau maintenant ▹ posts envoyés : 2287 ▹ points : 19 ▹ pseudo : fitotime ▹ crédits : dude (avatar) / tumblr, whi (signa, profil) / amy winehouse, les cartons(texte) ▹ avatar : ben nordberg ▹ signe particulier : très maigre, cocaïnomane et toujours habillé avec des vêtements bariolés
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| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Ven 9 Sep - 12:37 | |
| Mais Elliot elle même, figures toi. Ding dong. Salut, c'est moi la vengeance, je viens t'annoncer qu'Elliot te la mise bien profond. Leo mit quelques secondes à capter l'information, l'envoyer dans la zone concernée de son cerveau, la traiter, la comprendre. Elliot. Elliot putain ! Il bugga complètement en regardant Jeff de ses yeux à demi-clos, son corps sous pression menaçait de le lâcher complètement et de le laisser dans la merde profonde dans laquelle il s'était embourbé tout seul. Avec l'aide d'Elliot Leslie, ouais, mais d'abord tout seul. C'était sans doute ça d'être un crevard. D'être pourri jusqu'à la moelle et de bosser pour le système vicieux et pervers qu'est celui de Jeff. C'était sans doute ça d'être Jeff en fait. Se faire enculer par des connards à longueur de temps, d'aller de trahison en déception, et puis de dire stop, ça suffit, s'il doit y avoir un batard dans l'histoire autant que ça soit moi. Bref instant de compassion pour ce bourreau qu'il haissait. C'est vrai que c'était plus marrant que c'était dans l'autre sens. Plus marrant que c'était lui qui filait des images d'Elliot à Jeff plutôt qu'elle qui filait des images de lui. En plus de la panique totale dans laquelle il se trouvait présentement, y avait son coeur qui s'était serré dans sa poitrine. Putain Elliot, c'que t'es conne quand tu t'y mets. Pas rationnelle en tout cas. Pourquoi avait-elle fait une chose pareille ? Passion vengeresse ok, mais savait-elle seulement qu'elle avait donné sa confiance au mauvais type ? Si Leo avait eu l'air de pactiser avec le diable sur ce coup-là, dans l'histoire, le diable c'était Jeff. Elliot ne savait même pas dans quel pétrin elle s'était fourrée. Peut-être qu'elle s'en foutait en fait. Peut-être qu'elle aimait juste l'idée d'entrainer Leo dans sa chute. Et aussi bête que cela puisse paraitre, Leo ne pu s'empêcher de trouver que ça leur allait bien à tous les deux, d'atteindre le fond ensemble pour s'y retrouver. Mais les pensées philosophiques que je vous raconte ici ne restèrent qu'une demi-seconde dans son esprit qui carburait à la coke. La situation demandait toute l'attention dont il disposait -c'est à dire pas beaucoup. Elle est venue dans mon bureau, et a eu la gentillesse, après m’avoir expliqué deux trois idées qu’elle a à ton égard, de me confier ton œuvre dans son intégrité. Jeff continuait de raconter sa petite histoire avec sa tact habituelle. Leo le regarda d'un air mauvais. Il détestait qu'il soit mêlé à ça, mêlé à Elliot et lui, mêlé à ce moment d'égarement qu'il avait voulu casé dans un coin de son crâne et garder pour lui seul. Mais le truc avec Jeff c'est qu'il avait toujours un coup d'avance. S'il ne s'était pas spécialisé dans l'humiliation publique, la lapidation de l'âme et la misère humaine sans doute que Leo aurait du respect pour ce mec qui avait, vous savez, comment on dit "une vision". Leo avait beau avoir de belles petites valeurs, dans le monde dégueulasse de la téléréalité il était un jeune padawan et Jeff le maître Jedi, une situation qui lui convenait tout à fait puisqu'il n'avait aucune envie de se spécialiser dans ce genre de conneries mais qui pouvait parfois lui porter préjudice. Aujourd'hui à la merci de son patron, il aurait bien aimé savoir retourner les cerveaux comme ce dernier le faisait. Il tenta d'être diplomate, parce que c'était la seule chose à faire, et alla donc dans le sens de Jeff. Ouais, il s'était tapé Elliot, ok. Et superbement, avec ça. Leo ravala une insulte qui menaçait de bondir hors de sa bouche pour atterrir dans les yeux de cocker de Jefferson. Au lieu de ça il servit le sourire le plus hypocrite qu'il pu et continua d'exposer son plan. Un plan qui limiterait la casse. Passe encore que tout le plateau sache qu'il s'était taillé le bras, empiffré de coco et tout ça couchant avec Elliot Leslie la folle dingue, ça il pouvait le gérer et même l'assumer complètement. Par contre, détruire psychologiquement Elliot sur une chaîne nationale ainsi que faire faire une crise cardiaque à sa grand-mère… ça ne pouvait pas se passer comme ça. Et en tout cas, ça fit beaucoup rire Jeff. Leo soupira longuement. C'était perdu d'avance. Ho mon dieu Léonard, sérieusement ? Putain il détestait sa façon qu'il avait de prononcer son prénom. Il détestait sa façon d'essuyer ses yeux brillants de larmes tant il avait bien ri du désespoir de son employé. Il détestait Jeff et toute cette aura de gros connard qui flottait autour de lui en permanence. Ouais, sérieusement, Alexander. répondit-il tel l'ado insolent qu'il était encore au fond de son âme de hippie. Bah non, ça n'allait pas passer comme ça. Parce que compter sur la bienveillance de Jeff c'était comme attendre que Donald Trump soit élu "coupe de cheveux de l'année" : c'était aussi ridicule qu'impossible. Leo tira sur sa clope, sentant son petit coeur s'accélérer dans sa poitrine pendant que Jeff cherchait son regard, sans doute qu'il aimait regarder l'espoir se briser dans les prunelles de ses victimes, ce sociopathe. Non, non. Voilà mon scénario, Léonard : je diffuse ces images, Virtual Trash triple ses audiences et double ses bénéfices. Qu’est ce que tu en penses ? Leo s'enfouit le visage dans ses mains. Putain, mais... putain ! qu'il ragea sans espoir que cela ne change quoi que ce soit. C'était pas possible, pas vrai, pas en train de se passer. Jeff ne pouvait pas lui faire ça. Pas a LUI ! A Matthew, pas de problème, mais pas à lui. Leo voulait croire que y avait un truc entre eux qu'il n'y avait pas avec les autres. Un truc genre, du respect ou je ne sais quoi. Mais Jeff ne cherchait pas à respecter quoi que ce soit, il ne semblait même pas chercher à se qu'on le respecte. Il voulait juste avoir tout sous son contrôle pervers. Après quoi, Leo se passa une main dans ses cheveux pour les envoyer en arrière. Il avait chaud, il s'était mis à suer. Sans trop savoir si c'était la descente de coke ou bien le stress. Sans doute un mélange explosif des deux. Le patron quant à lui s'était levé et avait pris la pose d'un philosophie en pleine introspection. Présentement, Leo avait envie de le tuer à plus ou moins 140%. Je ne comprends pas bien, à vrai dire… Leo riait jaune en tirant sur sa clope comme s'il allait la bouffer. Ce mec avait le sens du spectacle, ça c'est sûr. J’aimerais bien que tu m’expliques pourquoi tu as tourné ça... - J'ai pas.... Mais Jeff ne le laissa pas parler et continua sa tirade : .... Je veux dire, effectivement, je vous demande du trash, du gore, je ne vais pas te relire la charte de Virtual, mais à aucun moment je ne t’oblige à laisser ta caméra allumée pendant que tu copules avec Elliot Leslie. Son regard de cocker psychopathe se planta à nouveau dans celui de Leo, celui très vague, et très mal de Leo qui allait finir par tomber dans les pommes. Il avait envie de se défendre, de clamer qu'il n'avait pas exactement PREVU de se taper Elliot à ce moment-là. Comment aurait-il pu prévoir ça ? Cette meuf était en pleine tentative de suicide ou peu importe ce qu'elle foutait, il débarquait, elle l'agressait, il posait la caméra dans un coin... Comment il pouvait-il savoir qu'elle allait lui sauter dessus au passage, hein? Mais voilà devant le regard transperçant de Jeff, il devint soudain muet et se contenta de secouer la tête de gauche à droite, soudain pris d'un tournis pas possible. A quoi tu t’attendais, Léonard ? Leo ferma les yeux une seconde, il se passa sa main libre sur le front pour essayer d'y voir plus clair, mais soyons honnête il était dans un flou artistique terrifiant. J'sais pas...j'sais pas... qu'il murmurait sans espoir qu'on l'écoute. ... A tourner ton machin, que je le reçoive, de toi ou quelqu’un d’autre – et s’il est sur mon bureau actuellement c’est entièrement ta faute – que je le regarde et dise « bof », avant de le balancer aux ordures ? Tu me fais marrer. Putain il avait envie de chialer. Et Jeff n'avait plus du tout envie de rire. La tension sous la tente était palpable. Elle était là, entre eux deux et vibrait dans l'air. Des milliards de choses passaient dans l'esprit de Leo. Ca défilait trop vite, comme des images subliminales de ce qui l'attendait. Vendredi prochain, Jeff allait diffuser cette sextape sordide, Elliot finirait sûrement par se suicider, mamie River ne s'en remettrait pas, cette histoire allait le poursuivre n'importe où où il voudrait aller travailler par la suite, il serait grillé dans le monde de la télévision éternellement vu comme le type qui prenait de la coke, se scarifiait et couchait avec une quasi inconnue et tout ça sous l'oeil pervers de la caméra. Putain. Putain... Il se passait la main dans les cheveux, tremblait de tout son corps. Ouais, franchement, il avait envie de chialer là. La descente de coke était rude. Jeff aussi, l'était. Mais non, Léonard. Quand quelqu’un filme quelque chose et me l’apporte, si c’est bien, je le diffuse. C’est mon job. Tes images sont belles, et remplissent toutes les clauses légales pour faire de la thune – parce que je ne vais pas t’expliquer ça, mais en fait tu vois, il se trouve que je peux tout à fait m’en servir, de ces images-, c’est mon devoir professionnel, maintenant, de les projeter et de créer de l’audience avec. Si tu ne veux pas que tes coït passent à la télé, c’est très simple : ne les filme pas. Il ne laissait pas de place au doute, c'était comme s'il avait déjà dérushé les images, comme si l'épisode était déjà monté, comme si ça allait arriver sur les écrans, en flash spécial. Putain, c'était sûr qu'il ferait ça ! Un épisode spécial avec des teasing aux coupures pub pendant toute la semaine. Oh non, non, non Leo n'avait plus qu'à se barrer loin d'ici. Le Chili, c'est vraiment beau à cette période de l'année, il devrait y aller. Mais avant de se barrer, fallait qu’il essaye, pas tous les moyens, quitte à faire flamber le peu de dignité qui lui restait : Je t’en supplie Jeff. Je t’en prie ! sa petite voix tordue par l’inquiétude conjurait Jeff et il savait d’avance que ça le ferait triquer. Tu…tu..tu peux pas me faire ça ! Je… j’ai pas voulu… il n’arrivait plus à parler, son débit était trop rapide et son cerveau trop atteint. Leo fit un pas vers Jeff et planta son regard dans le sien. Elliot s’en remettra pas, et ça sera pas une beau moment de télé, non ça… ça sera flippant et… et elle va se buter et toi t’auras… t’auras un procès au cul et… et puis.. tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à un argument lui passait dans la tête. Le truc, c’est qu’il n’avait pas beaucoup d’idées. Son boss avait raison, il devrait diffuser ces images, ça ferait tripler les audiences. Comme il le disait souvent -Jeff- ce n’était pas lui qui créait la demande, mais la demande qui créait le marcher. Une connerie marketing du genre. Le front perlant de sueur, le désespoir dans les yeux et la panique dans la voix il continua, malgré le fait que Jeff semblait se désintéresser complètement de son cas en retournant s’asseoir sur son canapé en cuir. Je… je sais pas je… j’avais pas.. Prévu que… t’étais pas censé voir ces images. Alors j’te le demande, comme.. comme un service tu vois je… te demande de pas diffuser ces images je ferais tout ce… – Suce ma bite, Léonard. Ha. Ha. Hein, quoi ? Y a eu quelques secondes de battement, de flottement. Leo regarda Jeff. Et puis, il explosa de rire. Mais vraiment. C’était plus fort que lui, ses nerfs le lâchait complètement. Il n’arrivait tout simplement pas à assimiler ce que Jeff venait de lui demander. En fait il n’arrivait même pas à croire que c’était ça, sa vie. Entre deux éclats de rire, il lâcha complètement au bout du rouleau : Quooi ? qu’il s’étouffa avant de recommencer à rire. Il s’était mit à chialer, et franchement à l’heure actuelle il ne savait pas si c’était à cause du fou rire dans lequel il était pris ou bien parce qu’il déprimait totalement d’en être arrivé là. Sa raison avait foutu le camp. Tout avait foutu le camp. Après cinq bonnes minutes à rire, il s’arrêta subitement, soupirant longuement en se tenant son bide et ses abdos qui brûlaient. Il s’essuya d’un revers de manches ses yeux humides. Silence. Il regarda Jeff. J’démissionne. Qu’il lâcha comme ça, d’un coup. Il regardait son boss de son air le plus grave. Son mégot entièrement consumé lui brûlait les doigts sans qu’il ne puisse rien faire contre. En lui, brûlait entre chose. J’en peux plus de toi, j’en peux plus, Jeff ! T’es qu’un putain de pervers, j’te déteste. J’sais pas, t’as trop regardé Mad Men ou quoi ? Va te faire foutre ! Franchement, VA-TE-FAIRE ! Et tu peux te torcher avec le préavis de trois mois, parce que j’me casse maintenant et j’veux plus jamais te voir ! Alert, alert ! Faites taire ce garçon ! Ces paroles, là, c’était du suicide social. C’était exactement comme s’il avait pris un gun et qu’il se l’était flanqué dans la bouche. Evidemment, la coke l’avait empêché de réfléchir avant d’agir. Sans trop qu’il sache pourquoi il s’était remis à chialer, comme ça. Ca coulait comme un robinet ouvert. Fuck la descente de coke. Fuck Elliot. FUCK JEFF PUTAIN ! Il fit volte face, fit trois pas en direction de la sortie, se stoppa. Désespérément pourri par ce milieu, pourri par Jeff, il n’osait même pas faire un pas de plus. C’était comme si une paire de menottes le retenait en arrière, l’empêchait de se casser. Sinon, pourquoi serait-il revenu, resté ? ca fait quoi, trois mois, quatre qu’il était ici et il ne regardait même plus les offres d’emplois ailleurs. Comme si c’était marqué quelque part qu’il devait rester ici. Avec lui. Alors, il se retourna, sans trop oser regarder Jeff qui n’avait pas décollé du canapé. A l’autre extrémité de la tente, Leo se laissa lâchement tomber sur une des chaises à roulettes qui traînaient et s’enfouit la tête dans les mains. Fataliste. Parfaitement au courant qu’il n’était qu’une pute que Jeff avait sous son joug et aussi qu’il était trop défoncé pour prononcer un seul mot de plus. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Dim 11 Sep - 1:28 | |
| Je m’interroge toujours pour savoir ce qui nous pousse à nous mettre dans des situations stupides et désagréables. En face de moi, Léonard semble dévasté par la nouvelle : Elliot m’a filé votre sextape. Œil pour œil, dit-on parfois, la gamine n’a pas du tergiverser des heures avant d’arriver à la conclusion que glisser le film sur mon bureau était la meilleure manière de conjurer Léonard et le faire chasser à coups de pieds de la maison de production. Et là, une question : pourquoi Léonard serait-il déçue de partir ? Lui qui déteste Virtual, qui vomit chaque lettre du scénario, chaque mise en scène, chaque cadrage. Il m’étoufferait avec la pellicule, si on ne tournait plus en numérique. Je suis impressionné de voir que Léonard, qui pourtant revendique absolument l’inverse, arrive aussi brillamment à se faire passer pour un accro de l’émission, lorsqu’en vérité tout le monde ici sait qu’il se rendrait service en déguerpissant. Moi aussi, parfaitement. Mais ais-je envie de rendre service à mon meilleur élément en desservant mon profit ? Je ne crois pas. Je suis d’ailleurs intimement convaincu que Léonard n’est pas honnête avec lui même et possède un potentiel énorme à devenir moi, ou quelqu’un de pire.
Hormis cette histoire de film pornographique trash, j’ai commencé de façon bien moins glorieuse que lui. Mes premiers rapports avec un plateau de tournage se sont passés au fond des chiottes, récurage l’après-midi, la tête dedans à partir de dix-huit heures. A l’époque, on appelait ça un bizutage inoffensif : c’était une manière de faire connaissance, de créer des liens. Les techniciens me surnommaient Causette. Et Causette apportait les cafés, nettoyait leurs pompes et leur suçait la bite : au figurés comme au propre, mais pas à tous, j’ai su choisir mes cibles.
Causette va mieux, mais n’a pas totalement disparût. Elle a seulement enfoui ses plaies et ses humiliations sous une couche épaisse de ressentiment et s’est vêtu d’une armure – cynisme, sarcasme, absences totale de scrupules – pour faire payer la fange couverte sur mes fringues et ne plus jamais être celui qu’on cravache lorsqu’on ne sait pas où éructer son petit sadisme pervers.
Léonard ne se rend pas compte de ma gentillesse. Il ne réalise pas à quel point ma cruauté est tenue en laisse par le peu de moral déformée qu’il me reste. A force de se faire truander la gentillesse à coups de pelles, on en garde quelques séquelles, et on ne répète pas les mêmes erreurs.
Ainsi, lorsqu’Elliot est venue m’apporter son trophée avec dans la gorge cette espèce de certitude farouche que, scandalisé, sûrement, je jetterai Léonard par la fenêtre comme un amant trompé, j’ai tout fait pour la décevoir . D’un part parce que ce petit enfoiré de River travaille trop bien, et trop vite, même sous spliff et défoncé au dernier degrés pour qu’on le colle au ordures sans y réfléchir à deux fois. D’autres part parce que je me fou réellement profondément des endroits obscures et dégoûtants où il décide de fourrer sa bite. Enfin parce que décevoir les attentes d’Elliot Leslie ne peut qu’être bénéfique à l’émission : elle n’a pas besoins de stabilité pour jouer correctement, la preuve. Il suffit que je détourne le regard de son désespoir, et la voilà qui nous livre des perles cinématographiques inespérés.
J’aurais tellement aimé que Matthew soit à la place de Léonard. Si s’avait été Matthew, j’aurais mis fin à sa carrière et fait un buzz énorme, ma vie aurait été pour quelques jours pleine d’un accomplissement infini. Mais évidemment, Matthew est incapable d’une prouesse pareille.
- Ouais, sérieusement, Alexander. »
Je sens sa hargne, sa colère, sa haine transpercer chacune des syllabes de mon prénom comme un jet d’acide. Je hausse un sourcil dans sa direction et reprend aussitôt, presque surpris par son sursaut de fierté. Léonard veut se battre, Léonard est absolument convaincu que je prend un plaisir insatiable et dégueulasse à l’enfoncer dans sa merde. Il n’a pas totalement tord, intérieurement, je pourrais jubiler. Je pourrais, si je le méprisais suffisamment pour que la décomposition progressive que je lis sur son visage d’ange écolo me fasse réellement bander. Malheureusement pour moi, ce n’est pas exactement le cas. Je ne lui administre pas de la méchanceté gratuite, en me plongeant dans mon rôle de bourreau sans merci. Non, je le punie des bénéfices qu’il va me faire perdre. Je le punis de déclencher chez moi un élan de sensibilité exclu dans un environnement comme le notre. Je le punis de me forcer à questionner ma morale, à choisir entre l’argent, et l’humain. Entre Virtual et lui.
- Putain, mais... putain ! »
Sa colère est palpable, je sens contre moi comme un souffle le désir qu’il a de me mettre son poing dans la gueule. Et cette situation, le pouvoir qui m’a un instant grisé comme l’enrobage doux amer d’un instinct perverti, ne me procure plus aucun plaisir, seulement une contraction au fond de la poitrine, le cœur au ralentit, avec la sensation d’œuvrer pour un devoir. Jeff est un connard, Jeff possède sur tout un pouvoir sans limite, chacun doit y croire et ne jamais cesser d’y croire. C’est le mantra absolu. Il faut que Léonard ai peur. Il faut qu’il me croit capable de diffuser ces images – j’en suis capable. J’en serais capable.- Il faut qu’il se mette à mes genoux, me supplie, que j’affirme sur lui un contrôle absolu, que je sois pour lui le oui et le non, la vie et la mort. Il ne doit jamais voir la contraction ténue au fond de ma cage thoracique, le regret entre les mots, la douleur entre les dents. Comme un père qui colle à son fils turbulent une fessé magistrale, je dois rester, à tout jamais, la figure insensible qui trace pour lui la jonction entre le bien et le mal et lui supprime le délicat devoir de faire un choix.
Je dois lui faire suffisamment mal en l’écrasant d’un coup de talon pour que plus jamais Léonard River ne se mette en danger comme il vient de le faire en se livrant à Elliot Leslie.
Je suis en train de le dresser à ne plus jamais être stupide.
Il se passe une main sur le front. Il marmonne. Il ne sait pas. Ha, tu ne sais pas, Léonard ? Justement. C’est bien ce que tu ne peux pas te permettre. J’ai peur un instant qu’il tombe dans les pommes, mais ma voix ne faiblit pas et je poursuis. Le mal que je lui fais, je le lui inflige dans son intérêt. Même s’il est incapable de s’en rendre compte. Je ne fais pas du mal à Elliot ou Matthew pour leur faire du bien. Je ne chambre pas Poppy par affection. Mais j’enfonce Léonard parce que je veux qu’il se protège de ce monde de merde qui le poussera au suicide s’il ne s’arme pas.
Ou peut être que je me trouve des excuses, parce qu’au fond, je crois que je lui fais surtout payer ma propre rage. J’ai rarement, depuis que je suis aux commandes, ressentit une si forte frustration. Je me sens comme un type affamé à qui on vient de retirer un énorme steack juteux. Tout ce qui m’est encore permis, c’est de baver sur un fac-similé en carton patte. Putain, j’aimerais lui faire bouffer la carte SD de sa caméra, ou l’étouffer avec tous les dollars qu’il me fait perdre, tous les journaux qui ne paraîtront pas pour parler de cet épisode, tout le temps perdu à lui foutre les chocotte sous cette tente de merde, tout ça pour quoi, pour passer mes nerfs, pour lui apprendre la vie, pour l’empêcher de refaire des erreurs aussi grotesques, pour le punir, le punir, le punir, putain, de toute ces pertes insupportables que je ne peux pas lui faire payer autrement.
- Je t’en supplie Jeff. Je t’en prie ! »
C’est ça, River. Supplie moi, supplie moi les deux genoux dans la terre, laisser couler le long de tes lèvres tes pathétiques suppliques. Je sais ce que tu ressens : j’ai vécu les mêmes choses que toi. Moi aussi, je me suis humilié, le front contre le lino puant d’une sale de prod, les mains tremblantes, les larmes au coin des yeux. Je ne ressens aucune pitié, ça me donne juste envie de lui coller une gifle, et je ne dis rien, je me contente de le fixer, et je mes toute ma volonté dans mon regard pour faire naître au coins de mes lèvres un sourire dégoûté et méprisant. Putain mais qu’est ce qu’il croit, que j’en ai quelque chose à foutre, qu’Elliot se suicide encore ? Elle ne manquera pas une occasion de se louper pour la dixième fois, cette petite garce. Je lui en veut tout à coup autant qu’à Léonard : après tout, si elle n’avait pas tenté sa petite vengeance mesquine, je n’en serais pas là, à haïr ponctuellement Léonard, la cocaïne enflammée dans mes veines, le front brûlant. Merde, je devrais être en train de me faire plaisir, je devrais apprécier les petits gémissements plaintifs de Léonard, mais je ne sens que de la frustration, de la colère, de la rancœur, de la tristesse.
Je suis tellement déçu de l’ultimatum, tellement déçu de devoir faire ce choix, tellement déçu de le choisir lui, alors que je me pensais suffisamment fort, suffisamment indépendant pour ne plus jamais tromper Virtual avec quiconque. Je devais en faire ma pute, mon amante, ma femme, la seule et unique femme de ma vie. Et voilà ce petit con de Léonard qui se ramène, la bouche en cœur, les principes au cul, avec ses trois morales hypocrites et sa lâcheté pitoyable, et moi, stupidement, j’envoie chier ma superbe jument pour ce pauvre cheval de bât.
Moi aussi, j’aimerais lui foutre mon poing dans la gueule.
Je suis excédé, au fond de mon fauteuil, je lui largue ma sentence parce que je ne supporte plus de l’entendre étaler sa faiblesse. Il est trop sensible, trop sensible, trop sensible.
Il explose de rire.
Mon regard se braque sur lui. Il ravive profondément ma colère, en même temps que sa réaction me choque. Sur le moment, je ne comprends réellement pas ce qui le fait rire. Et ça m’irrite, intensément, de le voir se plier en quatre, j’ai l’impression qu’il rit de moi et je ne peux pas, je ne peux plus pardonner qu’on rit de moi en me regardant dans les yeux, surtout pas quand on s’appelle Léonard River et que notre vie professionnelle ne tient qu’à un fil. Je le dévisage. Je dévisage les plis de son visage, les rides qui se creusent aux coins de ses yeux inondés, les faussetes de ses joues. Je reste silencieux, comme un con, assit au fond de mon stupide canapé, la bouche pincée et les muscles tendus. Je me sens vexé par son rire, et je comprends soudain qu’il a prit ma proposition au premier degré, comme si j’avais formulé ça comme un ordre au lieu d’en faire une interjection haineuse. Il va se pisser dessus, s’il continue. Qu’est ce qu’on rigole, putain. Je suis dégoûté.
- J’en peux plus de toi, j’en peux plus, Jeff ! T’es qu’un putain de pervers, j’te déteste. J’sais pas, t’as trop regardé Mad Men ou quoi ? Va te faire foutre ! Franchement, VA-TE-FAIRE ! Et tu peux te torcher avec le préavis de trois mois, parce que j’me casse maintenant et j’veux plus jamais te voir ! »
Ha, nous y voilà. Je lui rend son regard, je crois que j’ai l’air calme – j’essais tellement fort d’avoir l’air calme -, calme et concentré, furieux, aussi, sans doute. Je m’en fou. Je ne veux pas qu’il voie que ses mots m’atteignent, c’est tout ce qui compte. Et parce que je me sens blessé, et honteux de constater que ses injures me font un effet, je tisse sur mon sourire, avec un naturel travaillé, un sourire odieux, cynique, amer, acide. Un sourire qui le met au défi de continuer. Un sourire qui continue à lui faire croire que plus rien n’a d’importance, parce que l’émission sortira la semaine prochaine, et qu’il sera fini.
Fini.
Pour toujours.
Je ne réponds pas. J’ai appris ça rapidement : face aux insultes, il n’y a rien de plus excédent que le silence. « Je me casse. » Mes lèvres s’étirent encore plus, et mon sourire disparaît. Je le fixe. J’attends. C’est difficile, parce que Léonard chiale comme une fillette, et que j’ai cet insupportable réflexe corporel qui pousse mes glandes lacrymales à s’ouvrirent dès que quelqu’un pleure en face de moi. Il ne peut pas le voir, sous ses ruisseaux de larmes, mais je garde les yeux grands ouverts pour les assécher, et cligne par intermittence, deux fois. Il ne me verra pas pleurer mécaniquement, mais je me mords la langue, entre mes lèvres pincées, pour empêcher mes propres larmes de rouler le long de mes joues.
Ne pars pas, Léonard.
Ne. Pars. Pas.
Il me tourne le dos. Je fixe ses omoplates, mon regard brûle ses épaules. J’en profite pour essuyer lentement une larme qui m’a échappé. Et je ne dis rien. Parce que je sais. Je sais qu’il va faire demi tour. Je sais qu’il va avorter son geste. Je sais qu’il va se tourner vers moi. Parce que je sens cette corde entre nous deux, je sens cette laisse, et je sais qui est du côté du collier. Léonard fait demi tour. Il se laisse tomber sur une chaise et cache son visage dans ses mains. Prostré. Je me lève lentement, et m’approche. Je lève une main, et fait un geste comme si je caressais sa tête, dissimulée, mais je ne le touche pas, je ne l’effleure même pas.
- C’est bien, Léonard. » Ma voix n’est qu’un murmure.
Je sens comme une plénitude profonde, et au moment où je pense être venu à bout de ma colère, elle ressurgit brutalement. Je laisse retomber ma main. Je regarde Léonard, et me demande jusqu’à quand il supportera encore de se faire manipuler. Une rage profonde me dicte qu’il doit, au fond de son désespoir, payer encore un peu. Il doit encore expier la douleur qu’il m’a fait en m’insultant. Alors lentement, je choisis de lui donner de l’espoir, et de jouer encore quelques longues minutes, avant de le délivrer de son mal.
- Je te dégoûte, Léonard ? Je ne suis qu’un pitoyable petit pervers, hein ? Qu’est ce que tu crois pouvoir faire, pour réparer tes insultes ? » Ma voix est mielleuse. « Tu n’as pas franchis la porte, mais je suis réellement en colère, et je crois que j’aurais aimé que tu achève ton geste, tu vois. » Rire glacé. « Je te dégoûte. Je te dégoûte, hein ? Je te dégoûte mais tu veux rester, tu veux tellement rester, putain. Fais le. Suce moi, et j’oublie ce que tu as dis. Chaque insulte, chaque connerie sortie de ta bouche, disparut. Suce moi, et je supprime même ce pauvre film qui te terrifie tellement. »
Je ne suis jamais allé aussi loin avec personne. Mes propres mots sonnent bizarrement à mes oreilles. Je me sens sale, et je jubile, je veux voir jusqu’où il est capable d’aller pour moi, jusqu’à quel point je l’ai fait mien. Je veux savoir quel étendu à mon emprise, et l’excitation de jouer à pile ou face est délectable. Je n’ai pas peur de le dégoûter plus, je ne crois pas cela possible, il a été suffisamment clair. S’il me déteste, autant aller jusqu’au bout. |
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et le château de sable, il est dans l'eau maintenant ▹ posts envoyés : 2287 ▹ points : 19 ▹ pseudo : fitotime ▹ crédits : dude (avatar) / tumblr, whi (signa, profil) / amy winehouse, les cartons(texte) ▹ avatar : ben nordberg ▹ signe particulier : très maigre, cocaïnomane et toujours habillé avec des vêtements bariolés
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| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Mar 13 Sep - 23:16 | |
| Il restait muet, un exploit. Ce type avait toujours un truc à dire, sur tout, sur tout le monde. Il avait toujours une remarque bien cinglante à placer, un jeu de mots dégueulasse ou ce genre de conneries. Et pourtant, Jeff gardait un silence de mort. Leo était bien trop occupé à paniquer et à subir les effets secondaires de sa descente de coke pour y faire attention. S'il avait su, il se serait tut. Il aurait fait demi-tour, et il aurait quitté cet endroit avant que la situation ne dégénère. Mais voilà, la raison de Leo avait foutu le camp, et ses principes, et sa dignité, tout s'était embrasé dans le regard pervers de Jefferson. Il avait tout fait flambé de ce feu destructeur qui semblait le brûler lui aussi. Car il y eut une seconde, deux peut-être, où leurs regards se croisèrent. Ce fut quand Leo posa sa démission sans réfléchir et que Jeff accusa le coup. Il avait l'air mal, mais vraiment. A vrai dire, Leo s'attendait plutôt à un rire franc et un Et tu vas faire quoi mon petit Leonard ? Chanter dans les parcs avec un yukulele pour acheter ta coke ? mais non rien, juste un silence assassin et un regard foudroyant. Leo n'eut pas l'occasion de voir les yeux remplis de larmes de Jeff, et c'était peut-être mieux comme ça. Peut-être mieux d'ignorer que le coeur de cet homme n'était pas pourri jusqu'au noyau. Le blond tourna les talons dans la hâte et eut le temps de faire cinq pas avant de regretter amèrement.
Il y eut ce petit laps de temps suspendu dans le vide où Leo était debout, immobile et dos à Jeff. Il sentait le regard de son patron dans son dos, sur ses omoplates saillantes, sur son t-shirt lose, sur son jean débraillé et sur ses cheveux emmêlés. Il sentait son regard qui lui glaçait le sang, qui le glaçait entièrement. Et puis, il fallut rendre les armes, déclarer forfait, se rendre à l'évidence. Il ne pouvait pas quitter son travail sur un coup de tête, comme il ne pouvait pas quitter Jeff. C'était comme ça, contre tout ce que lui criait sa conscience, mais son corps refusait d'obtempéré. Car si sa conscience savait qu'il faisait une connerie, son corps était dépendant à tout ça. Autant à la drogue qu'à son taf. Autant qu'à son taf qu'à son boss. Il se laissa lourdement tomber sur sa chaise d'un air désespéré, cacha son visage peint aux couleurs de la honte de ses mains. Et les pas de Jeff résonnaient comme des bottes meurtrières sur du bitume. Il eut le souffle coupé quand il sentit Jeff tout près de lui. Son coeur s'accéléra. Il sentait son corps, son aura, sa silhouette, son énergie négative n'importe quoi. Il le sentait là, comme s'il était fait de fumée et qu'il s'infiltrait par les pores de sa peau. Leo se sentait oppressé, seul au monde, désespéré. C’est bien, Léonard. Sa gorge se noua mais son coeur battait toujours à tout rompre, comme s'il allait bondir hors de sa cage thoracique pour venir s'écraser sur le sol, que Jeff allait se baisser, le ramasser et le presser comme un citron entre ses mains et le laisser pourrir dans un coin ensuite. Le souffle de Jeff avait des airs de soulagement intense. Leo refusait toujours d'affronter son regard. Il refusait. Voilà.
Je te dégoûte, Léonard ? Je ne suis qu’un pitoyable petit pervers, hein ? Qu’est ce que tu crois pouvoir faire, pour réparer tes insultes ? Ah, tiens, il avait repris sa voix de gros connard. Là, dans un mouvement d'humeur adolescent, Leo se redressa, leva son regard sur Jeff et s'enfonça dans la chaise nonchalamment. Il s'était fait violence pour le regarder et regrettait déjà son choix. Car là, assis, avec Jeff debout devant lui, il ne s'était jamais senti aussi vulnérable, et en danger. Tu n’as pas franchis la porte, mais je suis réellement en colère, et je crois que j’aurais aimé que tu achève ton geste, tu vois. Rire froid de la part de Jeff qui ne trouva de réponse que dans le sourire insolent de Leo qui avait définitivement perdu l'usage de sa voix. Je te dégoûte. Je te dégoûte, hein ? Oui tu me dégoûtes Jeff, tout chez moi te hais. Chaque petite parcelle de mon corps veut te tuer, là, maintenant. C'était ce que criait le for intérieur de Leo sans pour autant l'exprimer. Il se contentait de regarder Jeff. A côté de ça, son coeur s'emballait, encore et encor,e pendant que Jeff grandissait dans la pièce, se faisait géant, prenait toute la place. Leo le voyait plus que lui, de sa vision trouble de type en plein bad trip, à deux doigts de l'hallu paranoïaque et la crise d'angoisse. Je te dégoûte mais tu veux rester, tu veux tellement rester, putain. Fais le. Suce moi, et j’oublie ce que tu as dis. Leo lâcha Jeff des yeux immédiatement et regarda sur le côté en se passant une main dans ses cheveux, puis sur le visage. Il soupira longuement, paniquait intérieurement. Il avait envie d'arracher la langue de Jeff. Mais le pire, c'est qu'il réfléchissait à ce qu'il disait, il entendait ses mots, il les repassait dans son crâne pour essayer de les comprendre, de les décortiquer, de les analyser... Chaque insulte, chaque connerie sortie de ta bouche, disparut. Il regardait le vide, en fait il ne voyait plus vraiment car il était complètement paumé. Il entendait Jeff de très loin, là, assis sur sa putain de chaise en plastique. Tout disparaitrait, tout. Tout ce qu'il avait contre lui, contre Elliot, tout allait disparaitre. Merveilleuse sensation de ce type qui a saccagé sa chambre d'hôtel et quand il revient du spa, la trouve rangée, propre avec une délicate odeur de lavande qui flotte dans l'air. Suce moi, et je ... A vrai dire, Leo arrêta d'écouter. Il fixiat toujours un point invisible très loin sur la gauche, il était interdit mais dans l'intimité de ses pensées ces deux petits mots lui tordaient le bide d'une drôle de manière à laquelle il n'avait pas envie de penser. Qu'il le suce hein ? Il essayait d'imaginer la scène, le pantalon de Jeff sur ses chevilles, sa bite dure, les mains de Leo sur ses cuisses, ses couilles, sa queue, et puis sa bouche, sa langue et puis.. Leo ferma les yeux, secoua la tête. Non c'était.. c'était même pas envisageable. C'était même pas... Quand il tente d'affronter à nouveau le regard de son patron, le voilà déstabilisé. Il regarda Jeff, longuement, par en-dessous. Il se sentait petit, il avait l'air perdu. Pour dire la vérité il avait autant envie de faire un meurtre que d'être consolé. Il fixait Jeff, se raccrochait à lui comme s'il allait miraculeusement l'éclairé, comme s'il allait lui donner la solution, une vraie solution. Mais le type restait muet, froid. Et Leo avait chaud, très chaud. Et son cerveau pétait un câble, ses neurones se suicidaient tous à tour de rôle.
Soudain, il se leva. Il était là, à un centimètre seulement de Jeff, il n'avait jamais été aussi proche de lui et ça avait un côté excitant, pour dire la vérité. Il ne l'avait jamais regardé. Pas comme ça en fait. Et puis là. Et puis sous cette tente... le temps était suspendue, et la raison de Leo aussi. Y avait de la honte dans son regard, de la colère aussi, et une certaine envie de pousser un peu plus loin de trash. De vivre lui-même ces situations sordides qu'il filmait à longueur de temps. Et l'idée qu'il n'y avait pas de meilleur partenaire que Jeff pour donner dans le vulgaire, le trash et le malsain. Là, Leo déglutit et baissa les yeux sur l'entrejambe de Jeff qu'il considéra longuement. Fallait arrêter de réfléchir. Voilà pourquoi son cerveau passa sur off et qu'il s'empara de la ceinture de Jeff qu'il tira bien contre lui. Il monta son autre main jusqu'à la boucle et la défit d'un geste expert. Avant d'être soudainement arrêté. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: ce qui est fait n'est plus qu'à défaire (jeff) Mer 14 Sep - 13:52 | |
| Lire dans les yeux de quelqu’un qu’on aime le dégoût profond qu’on lui renvoi fait toujours l’effet d’une gifle acide. Je vois dans le regard de Léonard du mépris, et je m’arme, insidieusement, sans faiblir, parce que je connais cette attitude. Je la connais chez les acteurs, je la connais chez certains membres du staff. Je la connais chez mes voisins, chez les journalistes, chez beaucoup de téléspectateurs pervers. Je la connais chez d’autres producteurs, ceux qui font de vrais programmes télévisés –comme si ça avait un sens de faire de vrais programmes télévisés- et je la supporte parce qu’en taillant mon caractère à la mesure de mon emploie, je savais qu’il me faudrait y faire face. J’ai très peu de scrupules. Très peu de chaleur. Je suis indépendant, et j’ai choisis ce qui comptait réellement pour moi, plus que les autres, plus que moi même. Je ne suis pas responsable de la naïveté des gens qui signent chez moi, je ne suis pas responsable de la vulnérabilité de ceux qui décident de m’entourer. Car ils ont le choix, et qu’ils me laissent les manipuler. Et pour ça, je n’ai aucun remord.
Et malgré ça, personne ne supporte d’être haï par quelqu’un qui compte. Et Léonard compte. Il compte pour moi, professionnellement je m’en suis convaincu, mais humainement, je suis en train de le découvrir. Je ne regrette pas la scène que l’on vient d’avoir, parce qu’elle était nécessaire et que j’y retrouve la raison fondamentale pour laquelle Virtual Trash a le droit d’exister. J’aimerais que Léonard se contente de lever la tête et de demander pardon. Ensuite, on irait boire un verre à la cafétéria, on se ferait un rail, et on reprendrait nos vies sagement, sans esclandre.
Je me demande si une tierce personne assiste à la scène. N’importe qui peut entrer ici, n’importe qui peut écouter aux portes, et n’importe qui, sur ce plateau, se ferait un plaisir de laisser trainer l’oreille pour récolter ce fabuleux petit incident. Léonard en entendrait parler, dans mon dos, sans doute. La différence entre lui et moi, c’est qu’il ne peut virer personne si on lui pompe un peu trop l’air.
Quand il relève les yeux, j’ignore son geste, j’ignore son rire, j’ignore tout sous peine de le faire dégager sur un coup de sang. Je ne peux pas me permettre de virer un caméraman parce qu’il a mal réagis à une insulte. Pas maintenant. Il faut que j’ai la tête froide. Toujours avoir la tête froide. Je suis plongé dans une colère surréaliste. La situation me semble bizarrement onirique. J’ai l’impression d’avoir l’esprit à la fois très proche du sol et totalement déconnecté. J’ai un léger vertige, comme si j’étais un peu ivre, ou extrêmement défoncé. Ma voix résonne de très loin et j’ai l’impression que c’est quelqu’un d’autre qui parle, quelqu’un qui n’a rien n’à voir avec moi. C’est comme si je me regardais agir, à l’extérieur de mon corps. Je suis le spectateur discret de ma propre téléréalité.
Parmi le flot de sentiments intenses qui m’envahissent, j’ai à peine le temps de m’interroger sur la façon dont Léonard va réagir. Je gère ma colère, moyennement, ce n’est pas une réaction qui me ressemble. En temps normal, j’aurais du prendre tout ça avec beaucoup d’ironie, lui tapoter la joue, le féliciter d’avoir réussis à arrêter de déconner sans mon aide. Je l’aurais puni plus tard, sans aucun doute. Je serais simplement sorti de la tente pour aller faire quelque chose de plus utile, pour arrêter de perdre mon temps. Et je me vois, très occupé à essayer de briser ses dernières forces, pour qu’il se mette à genoux et humilie la dernière partie de lui qui ne l’a pas été ce soir. Je vois dans ses yeux défiler l’incertitude, et je comprends qu’il réfléchit, qu’il tente d’imaginer. Comme un échos, mon cerveau fait la même chose. Je me vois debout, près de cette chaise ridicule, ceinture ouverte, boxer baissé, et la bouche de Léonard contre moi, qui m’offre des sensations délicieuses. J’imagine ça, et je trouve cette conclusion tellement sordide, tellement hors de propos, que je ne bande même pas.
Je suis surpris lorsqu’il se lève. Il est très proche, et je contrôle un mouvement de recul. Je suis curieux, désormais, de voir s’il va le faire ou non. Je ne sais pas si j’ai envie de l’arrêter.
Il saisit ma ceinture. C’est brutal. Je sens le frôlement de ses jambes. Je sens ses mains sur la boucle, son souffle sur mes lèvres. Il respire vite. Je me demande si ça l’excite. Je suis presque certain qu’il trouve du plaisir dans cette domination. Cette pensée distille un frisson dans ma colonne vertébrale, et tout le reste de mon esprit s’est glacé d’un coup. J’ai ce que je veux. J’ai la certitude que Léonard est prêt à n’importe quoi, que je le fascine, que je le tiens intimement emprisonné sous mon joug.
Au moment où il va ouvrir ma ceinture pour me toucher, je pose mes mains sur les siennes et le force à reculer. « Ca va, ca va. » Je ne souris pas encore, mais je me sens soulagé de me sentir à nouveau à peu près moi même. La colère est redescendue, mais l’intense tension flotte toujours autours de nous.
Léonard a encore les joues trempées de larmes. Ses yeux me cherchent, il assimile sans doute ce qu’il a faillit faire. Il assimile sans doute le fait qu’il va me devoir, à moi, d’avoir gardé ce soir un semblant de fierté. Je pose une main sur sa joue, et de mon pouce, j’essuie les larmes amères qui y ont creusé un sillon. « Tu vois, Léonard. » Ma voix est un murmure que notre proximité transforme en souffle. « Le vice, ce n’est pas moi. C’est la nature humaine. » Je le regarde dans les yeux, avec un élan de tendresse qui semble terrifiant. « Juste la nature humaine. »
Ma main retombe et lentement, je sors de la tente, en laissant derrière moi l’épave brisée de Léonard, et l’incertitude nauséeuse de n’avoir rien gagné. RP TERMINÉ |
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