L’année scolaire était à nos portes et la date d’arrivée des élèves au sein de l’école rapprochait dangereusement. Voilà maintenant un petit moment que j’y songeais, parce que malgré tout ce qui s’était passé pendant l’été, jamais je n’avais pu oublier qu’au mois de septembre, c’était le moment pour moi de reprendre le boulot. Puis, cette réalité m’avait frappé plus concrètement il y a quelque temps, au moment où la directrice de l’école avait passé un appel à la maison pour prendre des nouvelles et savoir si j’allais être de retour. Après une longue discussion qui avait eu à la fois du bon et du mauvais, si je pouvais me permettre de le dire ainsi, il fut proposé que je revienne progressivement, afin de m’assurer que je ne ressente pas de faiblesse en passant trop de temps à l’école, ou bien que je ne sois pas capable d’exercer mon métier parce que ma convalescence n’était pas tout à fait complète. Au début, je dus admettre que l’idée ne me plut pas, parce que j’étais persuadé que retourner au boulot me ferait le plus grand bien, mais après y avoir réfléchi, j’avais compris que le retour progressif, dans mon cas, serait l’idéal. Bien sûr, ce n’était pas le mieux pour mes élèves, qui n’appréciaient pas les changements et les routines perturbées, mais puisque je connaissais mainte d’entre eux et qu’ils savaient ce qui s’était passé, parce qu’une fois, ils m’avaient payé une visite à l’hôpital, je me disais qu’ils comprendraient. Après avoir passé cet accord, pour sûr, je me sentais un peu mieux, même si au fond, il était évident que je ferais mon possible - sans me tuer à la tâche, parce que ça ne mènerait à rien - pour pouvoir revenir à plein temps aussitôt que possible. Et puis, il était évident que pour ce faire, je ne comptais pas vraiment chômer. Cela commençait, à mon avis, par m’assurer que j’avais tout de prêt non seulement pour moi, mais également pour ma classe. Mes élèves adoraient quand celle-ci était décorée, quand il y avait des trucs amusants, et chaque année, je me faisais un point d’honneur de faire un environnement de travail des plus agréables. Évidemment, ce n’était pas ce qui était le plus accessible au niveau financier, d'où le fait que je tentais de trouver le nécessaire à un prix plus raisonnable. Ici, à Savannah, l’endroit idéal pour trouver ce genre de chose, c’était au marché de la ville. Ce n’était pas toujours de la grande qualité, mais au moins, il y avait bien des objets mis de l'avant, à un prix plus que raisonnable. Aujourd’hui, puisque le temps était clément et que je n’avais rien d’autre à faire que de rentrer chez moi après mon rendez-vous en clinique de rééducation, je choisis de profiter du fait que j’étais déjà sorti pour me rendre à ce fameux marché qui, justement, avait installé des kiosques prévus pour la rentrée scolaire. Satisfait de voir qu’il n’y avait pas trop de monde pour le moment - puisqu’en fauteuil, ça aurait été difficile de voir ce qui était présenté sur les différentes tables, je commençai ma recherche pour ce qui pourrait bien faire dans ma salle de classe, portant essentiellement mon attention sur ce qui se trouvait sur les présentoirs en faisant évidemment gaffe à ne pas bousculer qui que ce soit avec mon fauteuil.

J’étais conscient que déambuler dans le marché de la ville, en fauteuil roulant, avec qui plus est des achats si tout allait bien, n’était pas la chose la plus simple du monde, mais je ne me plaignais pas non plus d’être seul pour le faire. En fait, si j’avais voulu être accompagné, j’aurais demandé à quelqu’un, ou bien j’aurais attendu qu’un membre de mon entourage soit disponible, tout simplement. Mais ce n’était pas la première fois que je faisais cela quelque temps avant la rentrée, et je ne me sentais pas mal de le faire en solitaire. Je savais très bien que lorsqu’on avait pas d’enfant, ce n’était pas le genre d’achats le plus excitant qui soit, alors je ne voulais pas faire subir ça à quiconque. Évidemment, là, tout de suite, ce n’était pas pareil que précédemment, compte tenu de ma mobilité réduite, mais je me rendis compte bien rapidement qu’en fait, ce n’était pas vraiment un souci à proprement parler. Je n’étais pas dans une grande ville, dans une foule bondée où chaque personne pensait à soi-même sans trop regarder autour. Après, je ne disais pas que toute personne que je croisais m’abordait et pensait à m’aider, mais disons qu’ils semblaient avoir conscience que j’étais là, et je n’en demandais pas plus. Cela me convenait parfaitement, à un tel point qu’au bout de quelques minutes, après que je me sois habitué à tout cela et que j’aie adopté un rythme de progression qui était, à mon goût, convenable, je pris limite pour acquis qu’au final, ce n’était pas si complexe que ça, et ce fut avec un enthousiasme renouvelé que je commençai à réellement porter mon attention sur les différents présentoirs. Non pas que je ne regardais pas précédemment, mais disons que je pouvais maintenant pleinement en profiter, puisque j’avais moins à me soucier des gens qui se trouvaient autour de moi. Au final, cela ne dura pas bien longtemps. Non pas parce que je rentrai dans quelqu’un ou bien je fus victime qu’un manque d’attention ou d’une quelconque maladresse, mais plutôt parce qu’encore plus étonnant que ça, une personne vint à attirer mon attention en m’appelant par mon nom, m’adressant inévitablement la parole. Cela m’obligea à relever la tête, compte tenu que mon fauteuil me donnait une différence de taille avec à peu près tout le monde, mais très rapidement, je vis de qui provenait ces propos. Tout naturellement, un sourire se forma sur mes lèvres tandis que je lâchais à cette personne:  « Bonjour Renata, je vais bien, et toi ? Ça fait un moment. », personne qui se trouvait à être, aussi étrange cela puisse-t-il être, compte tenu qu’elle avait mon âge, ma tante par alliance. Enfin, il fallait chercher loin pour comprendre clairement le lien, surtout que rares étaient les fois où nous nous étions croisés depuis que je l’avais rencontrée, mais cela ne voulait pas dire que je ne l’appréciais pas pour autant, d’où le fait que je m’étais montré courtois et chaleureux, même si évidemment, je ne me sentais clairement pas prêt à l’appeler « tata » et j’étais persuadé que jamais je ne saurais le faire, en vérité.