The girl I remember

Blake Stevens & Madalina Popescu

La soirée précédente avait été riche en émotions pour Madalina. Elle avait eu la malchance de tomber sur un taré qui avait accepté qu'elle travaille dans son restaurant en cuisine mais qui avait clairement tenté de la violer, bien qu'elle ait très vite réagi et qu'il n'ait rien pu lui faire de grave, avant que par chance son oncle arrive dans ce même restaurant et l'aide à se sortir de là. Puis ils avaient passés tous deux, Ioan et elle, une fin de soirée plus douce, apaisant la demoiselle qui était vraiment ravie d'avoir ce moment avec celui qu'elle considérait au final comme un grand-frère. Elle était rentrée tard, prévenant évidemment Iulia qu'elle ne rentrerait pas tout de suite et n'avait pu échanger que deux mots avec sa maman qui s'était réveillée lorsqu'elle avait passé le seuil de la porte. Une fois dans sa chambre, Mada n'arrivait pas à trouver le sommeil, les images de sa soirée défilant devant ses yeux sans arrêt. Elle avait fini par s'endormir durant deux petites heures, tout au plus et avait décidé, n'en pouvant plus de rester allongée dans son lit, de se lever à cette heure matinale  pour aller courir. Il faisait frais ce matin et la brunette s'était donc vêtue d'un jogging et d'un petit sweet, attachant ses cheveux en une queue de cheval. Baskets aux pieds, elle mit un mot sur la table pour sa mère qui n'allait certainement pas tarder à se lever avant d'aller travailler et sortit de la maison.

L'air frais s'engouffra dans ses poumons lorsqu'elle en prit une grande bouffée, puis elle partit en direction de City Market, souhaitant qu'il y ait du monde autour d'elle lors de sa course, encore quelque peu sous le choc suite aux événements de la veille. Elle commença à courir doucement, pour s'échauffer un peu, puis de plus en plus vite. Le ciel était brumeux, l'air humide, mais cette fraîcheur faisait un bien fou à la demoiselle. Son esprit tout aussi nuageux se libérait peu à peu au fil de ses pas qui s'écrasaient sur le bitume. La brunette repensait à sa vie, à son enfance, avec sa mère et son monstre de géniteur, puis chez les Popescu, à rendre le plus possible visite à Iulia en prison bien qu'elle était jeune à cette époque. Il faut avouer que Madalina avait toujours fait plus que son âge, autant mentalement que physiquement. Peut-être que la douleur et le chagrin avait rendu ses traits plus durs au fil des années, bien qu'elle ait tout de même été heureuse chez les Popescu, ou tout du moins aussi heureuse qu'il était possible de l'être dans cette famille où la violence fait rage. Ses oncles et tantes l'avaient pour la plupart bien entourée, l'avaient choyée, la considéraient comme leur propre sœur, avaient promis à sa mère de prendre soin d'elle. Les souvenirs défilaient sur le rythme de son souffle, sa queue de cheval virevoltant au gré de ses envies, ses yeux étaient mi-clos. Quand soudain le visage de son agresseur d'hier apparut dans ses pensées, brisant tous les moments heureux qu'elle se remémorait.

Boum. En un instant, Mada se retrouva allongée sur le sol. Elle avait à peine eu le temps de se rattraper avec les deux paumes de sa main. Une vive douleur à la cheville la fit hurler de douleur, bien qu'elle soit du genre à ne pas aimer se faire remarquer. Il fallait avouer qu'elle ne savait même pas comment elle avait pu déraper ainsi, y avait-il une pierre sur laquelle elle avait glissé, quelque chose au sol ou sa cheville avait-elle simplement décidé de faire des siennes ? Aucune idée et cela lui importait peu, à vrai dire. Elle avait à présent posé une de ses mains sur l'endroit d'où provenait la douleur et serrait les dents en essayant de bouger son pied. Bon, à priori, ça n'avait pas l'air d'être cassé puisqu'elle arrivait encore à faire mouvoir son articulation, mais l'extrémité de sa jambe commençait à enfler. Une voix vint sortir Lina de sa réflexion, lui demandant si tout allait bien. C'était une voix douce, féminine, familière... Oui, cette voix lui disait quelque chose, la rassurait. C'était un peu comme si elle faisait disparaître tous ses problèmes en un instant. Madalina répondit rapidement un « Oui oui ça va... Aïe... » avant de tourner son regard vers la jeune femme qui venait de dire son prénom.

La petite brunette ne s'était pas trompée, elle connaissait cette femme. Alors que leurs pupilles se croisaient, Lina resta bouche-bée. C'était son institutrice d'enfance, celle qui avait toujours été là pour elle, qui l'avait prise sous son aile, qui avait fait tout son possible pour qu'elle ait une scolarité normale malgré ses problèmes autant familiaux qu'en classe, qui avait fait cesser les regards mauvais que les parents d'élèves puis que les élèves portaient sur elle. Ils savaient, ils savaient tous ce qu'il s'était passé cette nuit là, lorsque Madalina avait 4 ans. Ils savaient tous que sa mère était une meurtrière. Certains blâmaient Iulia, que ce soit parce qu'elle a laissé son enfant dans un tel environnement en compagnie de son monstre de père pendant 4 ans ou au contraire que ce soit parce qu'elle ait tué ce père qui aux yeux de la petite n'en était pas un. Peu importe les choix qu'avait fait cette mère pour son enfant, dans tous les cas, les gens estimaient que ça avait été de mauvais choix. Et pourtant, ils disaient à leurs enfants de ne pas s'approcher de Madalina, qu'elle pouvait être dangereuse comme ses parents, qu'après tout, elle faisait partie des Popescu. La pitié envers la gamine n'était pas assez forte comparé à la haine que tous pouvaient porter aux Popescu. Blake avait été la seule hors de la famille à ne pas juger Lina, à ne pas juger sa mère, à être compréhensive, à l'écoute, à la cajoler lorsqu'elle voyait que la petite allait mal et ce malgré ses tentatives de cacher son mal-être. En y repensant, c'était peut-être la seule personne qui avait réellement pu voir les émotions de la petite brunette.

Les larmes montèrent aux yeux de la donzelle aux yeux bleus, qui se pressa de les essuyer d'un revers de la main. Blake lui indiqua qu'il valait mieux qu'elle se fasse examiner par quelqu'un et même si la jeune adulte n'aimait absolument pas les hôpitaux depuis la tentative de suicide de sa tante, elle devait avouer qu'elle ne pourrait probablement pas rester ainsi. Elle hocha la tête et finit enfin par répondre à son ancienne maîtresse.

« Oui, il vaudrait peut-être mieux... Je... Merci de vous être arrêtée pour moi Madame Stevens. »

Elle tenta de se lever et retenait sa douleur entre ses dents, s'appuyant sur la trentenaire qui à priori, n'était pas seule à l'aider en ce moment même puisque Lina se rendit compte qu'un petit être se cachait sous son nombril. Elle ne put retenir un large sourire et ajouter, surprise.

«  Oh ! Vous... Vous allez être maman ? »

Les deux femmes se dirigeaient vers la voiture, dans laquelle Blake aida son ancienne élève à s'installer, cette dernière ne pouvant toujours retenir quelques « Aïe ! ». C'était à vrai dire la première fois qu'elle se faisait mal ainsi, seule. Elle avait eu l'habitude des coups mais n'avait jamais rien eu de cassé grâce à sa mère qui prenait la plupart du temps pour elle... Cette pensée la fit grimacer. Elle pensa alors aux cris d'Iulia lorsqu'elles étaient encore dans cet enfer, aux blessures que Madalina avaient pansées et comprit encore plus à quel point sa mère avait dû souffrir lors de ces quelques années en compagnie de son agresseur. Le sourire rassurant de Blake à son encontre la fit sortir de ses songes et alors qu'elles se dirigeaient vers l'hôpital le plus proche, Lina observait l'enseignante avec attention. Elle était toujours aussi belle que dans ses souvenirs, semblait peut-être un peu plus tourmentée, bien qu'elle l'ait également été lorsqu'elle dirigeait sa classe. Seul son adorable bidon était différent, en plus peut-être de son visage plus mature dû à son âge, qui à vrai dire, ne lui ajoutait que plus de charme.