Votre pire souvenir (ou par défaut votre meilleur souvenir)? c’était il y a une dizaine d'années, quand papa banks et les deux aînés se sont retrouvés à vivre un mois ou deux dans une voiture. maman aux abonnés absents peu après avoir pondu bonnie, qui avait deux ans. la maison était encore à tante bertha, elle s'est trouvée en taule quelques temps et personne d'autre n'a voulu les héberger. un soir, au beau milieu de la nuit, il se gare. il fait asseoir ses mioches sur le trottoir et leur demande d'attendre bien sagement qu'il repasse les chercher. trois heures plus tard, toujours rien, et bonnie a de la fièvre. elle devient hystérique, et tony veut aller chercher de l’aide. ivana panique mais elle veut rester, persuadée qu'il compte se pointer d'une minute à l'autre, du haut de ses huit ans mal entamés. une dispute éclate et bonnie hurle de plus belle. le temps presse, son frère s'énerve et la tire par le bras. c’que tu peux être conne, il reviendra pas, tu comprends ça? -c'est pas vrai, méchant! menteur! elle pleure, convaincue du contraire alors qu'il la traîne jusqu'à la clinique où bonnie est prise en charge in extremis. tony avait raison. ils n'ont revu leur père que quelques jours plus tard, ramassé par les flics alors que la dfs menace de les placer si personne ne vient les récupérer. à peine retrouvés, pas le moins du monde concerné, il leur demande combien d'argent ils ont sur eux. l’erreur est humaine, il n’a pas fait exprès. c’est ce qu’elle s’est dit, alors qu’elle n’a pas pu se résoudre à lui en vouloir plus d’une semaine. quand elle y pense, à cette fois là, elle nourrit un peu plus chaque jour une profonde peine pour la sombre idiote qu’elle était, qui pensait avoir encaissé le seul, l’unique dérapage que sa famille disloquée ait jamais connu, dont on ne parlera jamais plus. y en a tellement d’autres, des déceptions de ce genre qui t’attendent au tournant, si tu savais. Quelles sont les personnes en qui vous avez le plus confiance ? tony, fut un temps où c’était lui, l’unique médiateur de son existence fragile. personne ne pouvait réellement imaginer toute l’influence qu’il avait sur elle, à quel point elle se sentait en sécurité, presque invincible à ses côtés. dans la fratrie, d’une manière générale, tout l’monde s’est toujours soutenu. y a rien de plus sacré que les liens du sang, excepté la parentalité, chez les banks c’est que du vent visiblement. mais tony et ivana, ça a toujours été un cas à part parce que c’est ensemble qu’ils ont surmonté leurs premières galères, partagé leurs premières peines. pendant longtemps, il n’y a eu qu’elle et lui, rien qu’eux deux contre le reste du monde. les pleurs d’ivana sur l’épaule de tony, triste routine. dans ces moments-là, la complicité était si forte que le dialogue se faisait en silence, comme un secret qu’ils tenaient bien gardé. pourtant entre ces deux-là, ça n’est pas resté rose, y a toujours eu comme un décalage qui les empêchait de réellement se comprendre. tellement différents dans leur vision des choses, sur des tas de points. forcément, y a bien eu un jour où tout a fini par éclater dans tous les sens. l’adolescence les a déchirés, surtout elle, qui s’est toujours désespérément accrochée à sa cause. il a préféré fuir, comme il l’a souvent fait. sauf que cette fois, ça a été pour de vrai. puis maintenant, ivana elle sait plus trop quoi en faire, de sa confiance. elle se raccroche à c’qui lui reste, en fait don au plus offrant, même si depuis tout ça elle n’y croit plus vraiment. Avez-vous perdu un être cher au cours de votre vie ? sa maman, dans l’fond, l’évidence elle est là, elle l’a perdue depuis longtemps. pas comme tante bertha, qui est bel et bien morte et enterrée, et elle s’y est fait, la page et tournée. non, la mère banks, elle s’est simplement réduit à l’état d’un coup d’vent qui, quand il passe, la soulève comme une brindille et lui fait l’effet d’un cataclysme. faut apprendre à se détacher pourtant, parce qu’on la connait, la chanson. quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, elle restera jamais. tony, qui avait déjà tout compris à sa place voulait lui rentrer ça dans l’crâne pour qu’elle s’évite des souffrances inutiles, sans grande délicatesse, et elle faisait toujours oui de la tête. mais à ses yeux, c’est toujours conséquent de la voir partir, parce qu’à chaque fois qu’elle s’en va, elle le ressent comme si ça avait été la première fois. c’est comme si elle voyait un peu de sa fragilité dans la sienne quand elle se fait à l’idée qu’elle ne changera rien, pourtant pleine d’optimisme à chaque fois qu’elle se sent prête récupérer son rôle de mère responsable qu’elle n’a jamais vraiment acquis. elle se dit que si personne ne lui avait tendu la main, elle aurait été en proie à une démence aussi grande que la sienne. inconsciemment, elle s’obstine, elle s’fait du mal pour rien. sa maman, elle n’a jamais vraiment su comment ne plus la considérer comme tel, comme elle a tourné le dos à la génétique en c’qui concerne son raté d’père, et l’oublier une bonne fois pour toute.