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Invité ☽ ☾
| Sujet: Même sans respirer (JJ) Mar 20 Sep - 14:02 | |
| Je voyais bien qu'elle ne respirait plus mais ça m'était égal, je l'aimais même sans respirer – Romain Gary. Y a un peu plus d’un mois, j’ai rencontré des végans. C’est arrivé comme ça, alors que je demandais rien à personne. Ce genre de choses, on dit que ça n’arrive qu’aux autres, mais c’est pas vrai. Ça peut très bien nous arriver à nous, personne n’est vraiment à l’abris. C’était un jour normal, à part peut-être qu’il faisait un peu plus chaud que d’habitude. Je pense que c’est à cause de ça, de la chaleur, parce que c’est bien connu que si les araignées rentrent dans les maisons en hiver, les végans sont plus visibles quand il fait chaud. C’est à cause du réchauffement climatique. J’étais en train d’acheter du lait – de voler du lait, plus précisément, mais j’ai le droit, c’est gratuit pour les femmes dans ma condition, tout le monde le sait – quand ils sont passés à côté de moi. Ils étaient trois – deux gonzesses et un bonhomme – ils parlaient forts et ils ont dit qu’ils achetaient du lait d’amande, histoire de ne pas faire mal aux vaches, parce qu’ils étaient humains, eux. Je me suis sentie visée et j’ai décidé de pas me laisser marcher sur les pieds. Une question d’hormone ou je sais pas quoi. Ils ont dit « viens on te paye un verre » et au début je me suis dit que j’allais jamais me laisser convaincre par leurs conneries, quoi qu’il arrive, j’allais juste profiter du coca gratuit. Eux ils appellent ça du « capitalisme liquide » mais c’est juste du bête coca, le même que n’importe qui peut acheter, je vous le jure.
Sauf que là, ça commence à faire longtemps que je traine avec ces gens, parfois même jusqu’à en oublier de rentrer à la maison. Je pense que c’est parce qu’ils me fascinent mais le contrôle m’échappe. Parfois, je vois des gens boire du lait de vache et je me dis que c’est vraiment des enfoirés, qu’on aurait pas idée de faire mal à des pauvres vaches comme ça. On dirait que j’ai attrapé le virus, même si parfois je me rebelle et je leur dit qu’ils sont vraiment cons, puis que s’ils mangent pas de viande, ils vont mourir et ils auront l’air malin. Ça les fait rire et ils disent « tais-toi » puis ils me passent le spliff, même s’ils savent que je suis enceinte. Ça d’ailleurs, c’est bien la seule chose sur cette putain de planète aux mains des capitalistes élitistes et racistes – j’apprends vite, hein ? – dont je sois certaine. J’ai fait tout plein de tests, de marques différentes et à des moments différents de la journée, on sait jamais. Tous positifs. Tous gardés dans mon tiroir, comme autant de preuves. Me demandez pas pourquoi j’ai besoin de preuves, pour moi ou pour les autres, je n’en sais rien mais c’est comme ça.
Aujourd’hui, j’ai encore oublié de rentrer. La faute à la weed, qui m’a assomée. Ou alors peut-être la faute à Harmony, pour la même raison, parce qu’elle me saoule quand elle parle d’aliments bons pour moi et bons pour la planète. Ça me donne juste envie de rester couchée par terre à rêver d’un putain d’hamburger du McDo. Connards de Végans, je devrais leur dire au revoir et ne jamais revenir mais je reviens toujours. Peut-être que je suis droguée à eux, à la connerie humaine, ou simplement à leur gentillesse de grands cons qui veulent sauver la planète et moi avec. L’un dans l’autre, me voilà à rentrer à la maison dans les vêtements de la veille, comme une walk of shame alors que j’ai rien bu, la gorge sèche d’avoir trop parlé. Je pousse la porte en silence. J’enlève mes chaussures, je marche sur la pointe des pieds et j’écoute. Souvent je me dis qu’avec les Kids, on est tellement proches que j’devrais pouvoir savoir magiquement s’ils dorment ou pas. S’ils sont là ou ailleurs. S’ils sont heureux ou tristes. J’entends rien et je ne sais pas qui est là. Mon radar doit être cassé. C’est pas grave, ça arrive, c’est comme la box wifi du voisin : des fois, elle s’éteint et on sait pas pourquoi.
Je me sers un verre d’eau et je m’assieds sur le bord de l’évier, les pieds dans l’air. J’ai pas sommeil, malgré la nuit blanche, je veux rester éveiller et profiter de la journée. « Habitue toi déjà à ne pas dormir », c’est ça qu’elle a dit, Harmony, et elle sait de quoi elle parle parce qu’elle a un petit frère. Y a la porte de la chambre qui s’ouvre tout d’un coup. Y a JJ qui en sort. Il a l’air fâché mais c’est pas neuf, ce couillon est tout le temps fâché. « JJ ! », j’dis parce que je suis quand même contente de le voir. « Regarde, j’ai ramené du café bio et du lait d’amande ! C’est les hippies là qui me les ont donnés, tu vois, je t’ai déjà parlé d’eux. » Enfin, j’en suis pas certaine de ça mais, tant pis, dans tous les cas j’aurais qu’à lui reprocher de ne jamais m’écouter. Je saute sur mes pieds pour me mettre à la recherche d’un filtre. « Tu vas voir, c’est trop bon et aucun animal n’a souffert. Si c’est pas beau, ça. » Je sais qu’il en a rien à foutre mais ça fait quelques semaines que c’est comme ça quand il est là : je parle, je parle, je parle, et je m’active pour qu’il ne remarque rien, pour l’endormir de paroles et peut-être même le faire fuir. J’ai pas envie de lui annoncer la nouvelle, je voudrais pas lui laisser l’occasion de me faire changer d’avis, moi qui suis peut-être un peu influençable par moments.
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| Sujet: Re: Même sans respirer (JJ) Sam 24 Sep - 22:37 | |
| Putain. Je rage et sors du cinéma en pétard, alors que je viens de m'faire virer pour des raisons totalement obscures. Paraîtrait que je serais trop absent et que je n'en foutrais pas assez. Mais moi je sais. Tout le monde sait. Ce ne sont que des mensonges. Le patron m'a viré parce que sa femme a craqué sur moi, c'est évident. J'ai bien vu comment elle me regardait l'autre jour - quand j'ai foutu la tête dans le bac à pop-corn pour me servir directement avec la bouche. Elle a dû avoir une sorte de coup de foudre, ou quelque chose comme ça. Et ma jeunesse - et ma beauté - a eu raison du déclin physique de mon patron. Pauvre vieux. Mais, franchement, me virer pour ça. Est-ce qu'il a conscience que j'ai des gosses à nourrir (cinq, pour être exact) et des bières à payer ? Si j'peux plus m'acheter de bières, dans quoi j'vais mettre mes céréales ? L'enfoiré de sale fils de pute. Faut pas qu'il s'étonne que j'lui ai craché dessus et foutu mon pied au cul avant d'partir en courant. Non pas que j'sois lâche, mais j'sais très bien que s'il avait riposté, j'aurais finit par l'achever. Et la prison, très peu pour moi. Je connais bien les histoires de savonnettes et.. Putain. Non. Je préfère ne pas penser à ça. A ça. Je secoue la tête et accélère le pas, tout en m'efforçant de penser à autre chose. N'importe quoi. Le temps, les mouettes où quelle est la taille du plus petit pénis qui existe. Sûrement celui d'un bridé. Ou d'un obèse. A moins que les obèses n'aient que l'air d'avoir des petits pénis, à cause de la taille du reste de leur corps. J'en sais rien. Faudrait que je google ça - et une partie d'moi sait que c'est une mauvaise idée et que je vais le regretter si je fais. Je vais le faire quand même.
Et j'ai presque envie de pleurer - presque - parce que j'me retrouve à rentrer à pied jusqu'au loft, c'est Daire qui a la voiture aujourd'hui. Enfin je crois. Faudrait vraiment qu'on en vole une deuxième. Arrivé à mi-chemin, je râle à voix haute. J'ai mal aux pieds et j'ai soif. Mais j'ai pas de monnaie sur moi pour me payer une pression en route. Putain. Quelle journée de merde. Je sens la frustration qui grimpe en flèche et me fait voir le monde entier sous un filtre rouge. Et c'est là que j'les vois. Ils sont trois, 14 ans, peut-être 15. Deux posés sur un banc pendant que le troisième fait quelques figures de skate devant eux. Putain, la dégaine. 50% justin bieber. 50% will i am. 50% pékinois. Un désastre. Du coup, je m'approche. J'arrive à la hauteur de celui qui se dresse fièrement sur le skate, avec ses cheveux blonds décolorés dégueulasses. Ma main se pose sur son visage et j'le repousse violemment en arrière, le faisant tomber au passage. Mon pied droit arrête le skate alors que j'lâche sèchement : - dégage lady gaga. J'entends à peine son cri plaintif lorsque son cul s'explose sur le trottoir - pour l'instant c'est l'trottoir, mais vu son allure, j'doute pas qu'un jour ce soit un d'ses potes qui lui explose. Tarlouzes de merde. Mais j'tarde pas. Je replace le skate alors que les deux autres se lèvent déjà et je file. Ils se mettent à me courir après, mais j'ai clairement l'avantage avec le skate. Je me marre et leur balance quelques majeurs au passage. - ça vous apprendra à vous fringuer comme des p'tites putes, bande d'enculés. Franchement, les vestes fluo, c'est pas interdit par la loi ?
J'finis par arriver à l'appartement, sans skate, je l'ai perdu en cours de route et une voiture lui a roulé dessus. J'ai dû laisser son corps sur le bitume, putain, triste fin. J'ouvre la porte du loft dans un grand fracas et la claque derrière moi en gueulant. - J'SUIS LAAA. Mais mon cri s'perd contre les murs froids et ne trouve pas d'écho. Je fais la moue, n'ayant pas spécialement envie de me retrouver seul à cet instant. Fait chier. Bon, Samih et Daire doivent être au taf. Ailish et Max dans la rue. Mais Nana ? Je serre les poids et enrage un peu. C'est quand la dernière fois que je l'ai vu ? Y a quatre jours je crois, elle est passée en coup d'vent récupérer des fringues, elle m'a à peine embrassé et elle est repartie, alors qu'avant ça, je ne l'avais plus vu depuis des jours déjà. Et ça fait des semaines que ça dure. Ça peut plus continuer. J'en ai marre de devoir aller draguer dans les bars pour pouvoir baiser, c'est tellement usant, putain. Et puis, ouais, elle me manque aussi. Nos délires me manque. Nos disputes aussi. Et puis, MERDE, ses pipes aussi ! J'ai un peu peur, aussi. J'la sens qui m'échappe. Qui s'éloigne. Et j'pige pas. Pourquoi ? Pour faire quoi ? Avec qui ? Et elle dort où ? Elle a rencontré quelqu'un ? Elle veut plus d'moi ? Plus d'nous ? Et j'ai la foutue impression d'être une gamine de 15 ans qui découvrent la terreur des émois amoureux pour la première fois. C'est insupportable. Et ça m'fout en rogne encore plus. Les muscles qui se tendent et de moins en moins envie d'sourire et de rigoler. Faut qu'elle revienne, vite. J'ai b'soin de ma dose d'irlandaise. J'file dans la chambre pour chercher quelques billets et aller m'acheter des packs de bière. Dois bien me rester de la thune quelque part. J'fais les poches de mes pantalons, puis d'ceux de Nana ; rien. Alors j'me met à fouiller de partout, de fond en comble. Et tout ce qu'j'trouve, ce sont quelques cents rouillés, qui datent de Mathusalem. Ah non. C'est pas tout.
Et là, je bloque. C'est quoi, ÇA ?
Là, dans un tiroir que je n'ai pas dû ouvrir depuis... jamais, en fait, y a une tonne de .. j'ai cru que c'était des thermomètres - de ceux qu'on s'fout dans le cul - mais non. C'est pire que ça - quoi que, j'suis pas certain qu'il puisse y avoir quoi que ce soit de pire que d'avoir quelque chose dans le cul, mais c'est pas l'sujet. Des tests de grossesse. A la pelle. Et positifs. P.O.S.I.T.I.F.S. Et ça, c'est pas du tout positif comme nouvelle. Je finis par me débloquer et là, j'vois rouge. Je m'embrase de la tête aux pieds et y a un million d'émotions qui me traversent. De la colère, de la peur, de la surprise, de la frustration, de la jalousie, de la rancune. La palette est bien garnie. J'me prends la tête entre les mains et me mord la lèvre inférieure pour pas céder à la panique totale. Pour pas prendre un briquet et y foutre le feu. Pour pas tout exploser autour de moi. Pour ne pas exploser, tout court. J'ai des palpitations, et pas de celles qui font du bien. Les boyaux qui se tordent douloureusement et j'ai presque l'impression d'entendre le p'tit diable sur mon épaule se marrer. J'vais péter un câble. J'vais, vraiment, péter un câble. Mon sang me brûle les veines et la peau et y a cette montée de rage qui m'envahit et me fait vriller. J'me sens perdre pied. Y en a une qui va morfler.
Et putain, elle ne pouvait pas plus mal tomber. La porte d'entrée qui s'ouvre et s'ferme. J'me fige et tend l'oreille. Qui c'est ? J'fais pas de bruit, j'attends, je guette, j'écoute. Y a juste des pas légers qui se dirigent vers la cuisine et je sais que c'est elle. Je reconnais le rythme des pas de chacun dans cette foutue coloc. Les pas enragés et lourds de Daire, comme si elle frappait le sol. Les pieds qui traînent de Max. Le pas léger et dynamique d'Ailish. L'allure lente et morose de Samih, comme une berceuse démoralisante. Et ça, celui-là, c'est Nana. Alors, je tarde plus. Je sors en furie de la chambre, le regard fou, hors de moi. J'vais la tuer, putain. J'vais la tuer. Depuis combien de temps elle le sait ? Depuis combien de temps elle me le cache ? Putain, putain. Mon rythme cardiaque qui s'accélère encore, mon souffle qui se coupe, mon corps qui me fait mal tellement il se contracte. - JJ ! Ah, elle se souvient de mon prénom malgré tout ? Ça fera toujours au bonne nouvelle au milieu de tout c'bordel. Et elle continue de me parler, de lait d'amande, d'hippies et de tout un tas de conneries que je n'écoute même pas. De toute façon, ça ne pourrait pas m'foutre plus en colère que je ne le suis déjà. J'crois, honnêtement, que là, j'atteins un nouveau record de rage. Elle descend de son perchoir alors que j'arrive presque à son niveau et elle me tourne le dos, cherchant je n'sais quoi dans les placards.
Et là, je n'réfléchis pas. Ma main droite agrippe violemment ses cheveux et j'tire dessus de toutes mes forces, la faisant basculer en arrière. Et là, j'la traîne par terre, tenant fermement sa tignasse brune et j'l'entraîne jusque dans la chambre sans un mot. J'arrive pas à parler. La gorge serrée. J'suis tellement remonté que j'ai juste envie de tout fracasser, tout envoyer voler. Et elle aussi. J'me sens blessé, trahi. Et ça, j'peux pas supporter. Non, j'peux pas. J'ignore ses protestations, j'entends à peine en fait. Coincé dans ma bulle de violence. Une fois dans la chambre, j'la soulève à moitié et j'laisse sa tête retomber dans le tiroir encore ouvert. - SÉRIEUSEMENT ? SÉRIEUSEMENT ?! Que je beugle bêtement, incapable de dire quoi que ce soit d'autres. Les mots me manquent. Mon agressivité est telle que ça embrouille totalement le cours de mes pensées. Mais j'me jette à nouveau sur elle, je l'attrape par les bras et la redresse avant de la jeter contre le mur d'à côté. Puis, mes mains viennent se glisser dans ses cheveux et s'y accrochent, tirant dessus sans ménagement, lui maintenant la tête immobile tandis que mon corps vient se presser contre le sien, sans qu'aucun désir sexuel ne vienne adoucir le tout. Juste un déchaînement bestial et dangereux dont j'ai totalement perdu le contrôle. Non, en fait, je n'ai jamais eu le contrôle. - C'EST POUR CA QU'ON TE VOIT PLUS ? Je hurle, aussi terrifié qu'énervé. - C'EST QUI L'PÈRE, C'EST QUI ? Mon front vient se coller au sien, mes yeux la dévorent, hargneux. Et j'enchaîne, sans lui laisser le temps de répondre. - C'EST PAS MOI, C'EST CA ? T'ETAIS EN TRAIN D'PRÉPARER TON DÉPART AVEC LE PÈRE ? TU VOULAIS M'LAISSER ? Et au fur et à mesure que je formule mes pensées, je panique. Non, ça peut pas être ça. Elle peut pas m'quitter. Elle peut pas s'barrer. Elle peut pas être enceinte d'un autre. Elle peut pas être enceinte, tout court.
J'vais péter un câble. J'vais péter un câble. |
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