Il est 16h, et Lou vient de passer la journée à la maison. Elle est malade. Enfin, elle croit que c'est un virus ou quelque chose comme ça. Depuis quelques jours elle se sent pas bien, des nausées, elle ne digère pas très bien ce qu'elle mange, elle a un mal de crâne pas possible et quelques fois mal au ventre. Et tout ça accumulé au stress de son travail parce qu'ils bossent sur une grosse affaire en ce moment. Autant dire qu'elle n'est pas au top de sa forme en ce moment. Elle est donc allongé sur le lit, à rien faire, complètement dans les vapes. La dernière fois qu'elle était aussi malade c'était avant de tomber enceinte, il y a dix ans. Mais nan, c'est pas possible hein. Ca peut pas se produire une deuxième fois, pas sans qu'elle le veuille en tout cas.

Elle se relève, trainant des pieds jusqu'à la salle de bain. Elle est mal, trop mal pour réfléchir. Elle se penche vers une armoire pour en sortir sa trousse de toilette. Elle l'ouvre, cherchant désespérément un médoc contre nausées, parce qu'elle sent que ça monte. Ses yeux tombent sur sa boite de tampons. Elle la regarde un moment, complètement dans les vagues. Faut le temps que ça monte au cerveau. Puis ça tilt, ça bug. Et son visage se décompose doucement. Elle a du retard. Sa boite est pleine et elle n'a pas eu ses règles ce mois-ci. « NON. Non. Pas encore.. » Elle se répète cela à voix haute. Comme si cela allait l'aider à ne pas être enceinte tu sais. Elle se relève, complètement paniquée et passe automatiquement sa main sur son ventre. Elle ne peut pas être enceinte. Pas en ce moment, alors que les choses sont aussi compliquées avec Kostas.

Elle a du retourner tous les placards de la salle de bain pour trouver un vieux test de grossesse qu'elle avait acheté il y a quelques années, comme simple précaution. Elle ne perd pas une seule minute et l'ouvre pour le faire. Voilà, les dés sont jetés. Plus qu'à attendre quelques secondes et elle sera fixée. Ils seront fixés. En attendant, elle tourne en rond dans la pièce essayant de ne pas stresser pour rien. Si ça se trouve c'est une fausse alerte. Elle espère en tout cas. Elle s'approche ensuite du test de grossesse et souffle doucement, faisant un petit décompte dans sa tête, pour se donner du courage. 1, 2... 3. Enceinte. Elle bloque devant ces petites languettes qui se sont dessinés. Elle a bien dû mettre dix minutes avant de réaliser qu'elle était enceinte. Elle reste plantée là, comme une conne à fixer ce petit bout de test. Comme pour essayer de le faire changer de résultat rien qu'avec les yeux. Comme si c'était aussi facile. « C'est pas possible.. » Sa première pensée va automatiquement à Kostas. Leur relation est loin d'être stable pour le moment, avec plus de bas que de hauts, alors ce n'était vraiment pas la période pour avoir un bébé. Elle chope directement son téléphone pour appeler sa gynéco et lui demander un rendez-vous en début de soirée pour une prise de sang. Elle a conscience que les test de grossesse ne sont pas toujours fiables. Elle va se poser ensuite sur le lit, essayant de réaliser ce qui se passe là. Puis Kostas qui ne devrait plus tarder à rentrer. La discussion s'annonce difficile.  

Quelques semaines se sont écoulés. Depuis votre dispute. Entourés des morceaux d'verres, dans votre chambre. Et de vos retrouvailles. Sous la douche, qui te font encore aujourd'hui rêver. Et depuis c'temps-là, tes sentiments sont encore plus partagés. T'es encore plus indécis, tu n'as plus aucune idée d'quoi penser. Ça fait deux semaines que t'as mis ton idylle avec Agata de côté, le temps d'te reposer, d'y repenser. Mais tu l'sens au fond de toi que y'a un truc qui cloche, que t'arriveras jamais à vivre sans ses deux femmes dans ta vie. Est-ce possible d'aimer deux personnes en même temps ? Tu l'sais pas. Certains disent que oui, d'autres pensent que si on aime vraiment la première personne, il y en aurait pas de deuxième. Mais pourtant, tu l'sens au fond de tes tripes que t'as encore un truc pour Lou. Que t'en auras toujours un, peu importe les années qui passent, les kilomètres qui vous séparent. Mais elle te rappelle ton passé, tes rêves brisés, ta vie qu'tu regrettes aujourd'hui derrière ton bureau, laissant le téléphone sonner. Agata elle c'est un vent d'fraîcheur dans ta vie, une nouveauté qu'tu veux goûter, un truc qu'tu pourras pas oublier. Les sonneries continuent d'retentir et ça t'rapelle que Lou est malade dans votre p'tit nid, cloué au lit. Tu lui envoies un message, un truc tout simple mais qui veux tout dire. Prend soin de toi xxxxx. Et ces baisers t'espères qu'elle les reçoit, sinon tu comptes bien les lui rapporter à ton retour.

Tu passes la plus grande partie d'ta journée à regarder les aiguilles d'ton horloge tourner, sans rien faire. T'as pas envie d'être ici, t'faire ce boulot qui t'fait chier. Mais t'as pas l'choix, tu le sais. Sauf que malgré tout, tu décides de quitter plus tôt les lieux. Tu t'éclipses discrètement, l'avantage de ce boulot c'est qu't'es ton propre patron alors pas la peine de t'expliquer. Tu descends les étages qui t'séparent d'la terre et te rapproche du soleil, puis t'embarques dans ta bagnole. Il fait plutôt chaud, tu décides d'enfiler tes verres fumés pour mieux voir la route et d'ouvrir tes fenêtres pour laisser l'air frais t'caresser la peau. Il est environ 15h30 et tu décides d'faire plaisir à ta fiancé. Pour essayer rattraper les années qu'tu l'as pas bien, qu'tu l'as pas chéries comme si c'tai le joyau de ta vie. Depuis ce matin elle avale rien, elle est au lit, elle fait d'la fièvre et tous ces trucs de merde. Alors tu t'arrêtes dans un p'tit magasin santé, le genre qu'elle aimerait. Et tu t'en vas à la cantine du commerce pour commander une soupe, celle qui guérit tout, la poulet et nouilles. Et puis pour toi tu t'prends un sandwich avec une salade, et un grand café. Puis tu te diriges à nouveau vers ta voiture, ta commande à la main. T'as l'air du prince charmant qui porte son épée, alors qu'en réalité t'es un pdg avec d'la bouffe santé.

Plus tu approches de votre condo, plus tu t'sens nerveux. Tu sais pas pourquoi. Quand tu penses trop, ça t'arrive. Alors tu montes le volume d'la musique pour te changer les idées, pour te détendre. Puis t'arrives au condo, tu t'gares et tu regardes la mer sur le bord qui t'enchante. T'as une belle vue d'ici, au moins. Malgré l'métier que tu fais pour l'avoir. Tu montes les marches et débarres pour entrer, signalant ta présence. Je suis là ! TTu te doutes bien qu'elle fera rien, parce qu'elle est probablement encore au lit. Alors tu retires tes souliers et tes verres fumés pour ensuite te diriger vers votre chambre, passant à côté d'l'antre en le désirant du coin d'l'oeil. Lou est belle et bien sur le lit, elle a l'air dans un sale état. Et une soupe miracle pour remettre ma princesse sur pieds, que tu dis, te penchant pour déposer un baiser sur sa tête. Tu la sens encore un peu chaude, alors tu fais le tour du lit pour venir te poser à côté d'elle, retirant ton veston et ta cravate pour avoir l'air plus naturel et aussi pour détacher les premiers boutons de ta chemise tellement il fait chaud. Tu entames ton repas, en regardant Lou. Alors, ça va mieux ?

Si avant elle était mal, faut pas imaginer dans quel état elle se retrouve maintenant. Enceinte. Ce mot sonne dans sa tête comme un coup de poignard qu'on enfonce dans sa poitrine et qui fait mal à chaque fois qu'elle le prononce. Elle a envie de se réveiller, là. C'est un cauchemar. C'est une blague. Où est la caméra cachée. Elle reste pendant quelques minute assise sur le lit, son visage complètement défait. Qu'elle conne. Non mais faut être débile pour que ça arrive deux fois ! Elle a envie de pleurer. Mais de rage, contre elle même. Elle prend son tel lorsqu'il sonne, message de Kostas. Elle le lit, avant de balancer son portable à l'autre bout de la pièce. Son homme va bientôt la détester. Et cette idée la répugne, l'enfonce encore plus. Elle ne veut pas être une moins que rien aux yeux de son fiancé. Et c'est ce qui va arriver dans quelques minutes. Elle sait qu'il ne veut pas d'enfant, que c'est trop tôt. Ou en tout cas, que c'est trop tôt pour eux. Pour leur couple. Déjà qu'ils n'arrivent pas à être stable, alors avec un gosse sous le bras c'est le divorce assuré.

Elle passe un moment son visage entre ses mains et le frotte doucement, comme pour essayer de se réveiller de ce mauvais rêve. Parce que ça ne peut être que ça. Un maudit rêve qui va bientôt se terminer. Mais plus les minutes défilent, plus elle se rend compte que c'est bel et bien réel. Elle est enceinte. Et faut qu'elle se fasse à l'idée. La p'tite Lou retourne finalement se coucher, en remontant le draps sur elle à fond. Elle a envie d'étouffer avec les couettes ouais. Au moins comme ça elle sera morte et ne devra pas affronter la réaction de Kostas quand elle va lui annoncer la fameuse nouvelle. D'ailleurs, il passe la porte de la maison à ce moment précis. Elle soupir, pas du tout dans le mood d'avoir une discussion avec lui pour le moment. Elle se cache sous les draps comme pour disparaitre. Peut-être qu'il ne la verra pas comme ça. Comme si ça marchait.

Il arrive dans la chambre. Bizarrement, sa voix la rassure, ladoucit. C'est exactement ce qu'il lui fallait en ce moment même. Il lui 'apporte une soupe. Trop de mignonnitude en lui. Puis elle penses au fait que ça ne va pas durer et elle a envie de crever. Puis il lui embrasse la tête, et là c'est comme si tout allait mieux. En une fraction de seconde, elle oublie un peu ses problèmes pour se concentrer sur lui. D'ailleurs, elle ose sortir sa petite bouille des draps pour le regarder « Mmh bof. J'dois avoir une sale tête.. Mais merci pour la soupe mon chéri. » Qu'elle dit, comme pour préparer le terrain. Il a l'air joyeux, de bonne humeur, et surtout très sympa avec elle. Elle a envie que ça continue. Elle prend alors la soupe qu'il lui a ramené. Elle reste un instant à fixer son bol, se pinçant la lèvre. Comme si une soupe allait l'aider à résoudre tous ses problèmes. Elle aimerait bien que ce soit aussi facile. Elle commence à manger en silence, lui jetant quelques petits regards. « Toi ça va, comment était ta journée ? » A chaque cuillerée qu'elle avait, elle sent que ça remonte petit à petit. Elle va encore vomir. Elle souffle, essayant de se contrôler un peu. Elle ne veut pas aller une énième fois à la salle de bain. Elle passe alors quelques fois sa main sur sa bouche comme pour attendre que ça aille mieux. Avant de continuer à manger.

T'as espoir. Parce que dans votre dernière soirée, t'as eu l'impression que tout redevenait normal. C'est comme si vous étiez redevenus les jeunes adolescents que vous étiez. Les jeunes Kostas et Laure-Lou. Qui avaient les hormones dans le tapis, qui s'aimaient par-dessus tout et qui s'croyaient plus fort que tout. C'est comme si t'avais retrouvé la joie d'vivre que t'avais quand t'étais un jeune pré-pubère qui connaissait rien d'la vie et ses défis. C'est comme ça qu'tu t'étais senti, y'a quelques semaines dans votre appartement. Et qu'tu te sentais encore aujourd'hui, dans ton bureau. Aujourd'hui était une bonne journée, où tu t'sentais un peu moins misérable. Comme si tu retrouvais un p'tit peu plus ta joie d'vivre, que tu voyais le bon côté d'ta vie de maintenant. T'étais marié, t'avais de l'argent pour voyager, ta femme t'aimait. Et toi aussi tu l'aimais. Et puis t'étais ton propre patron, c'est pas tous les jeunes hommes de vingt-hui ans qui peuvent s'en vanter. Et surtout, qui peuvent quitter le bureau comme bon leur chante, quand ça leur tente. Et comme tu viens de le faire, à l'instant. Parce que t'avais envie de retrouver ta femme, de vous retrouver dans le même monde qu'avant et à ses côtés. Alors, avec toute la classe d'un chef d'entreprise, t'avais pris l'escalier de secours pour croiser personne, pour pas qu'on t'questionne.

Comme tu te sentais bien et qu't'avais envie de gâter ta femme, tu lui avais acheté une soupe pour l'aider à se sentir mieux. Et quand t'étais arrivé à votre condo, tu t'étais immédiatement dirigé dans votre chambre. Parce que c'est là que tu l'avais laissé ce matin, et tu savais qu'elle aurait pas bougé. T'as quand même donné un baiser sur sa tête, du coup c'qui dépassait de sous les draps. Et elle a finit par sortir de sa cachette. Mmh bof. J'dois avoir une sale tête.. Mais merci pour la soupe mon chéri. Tu la regardes et tu souris, flattant sa joue. Parce qu'en c'moment, t'as un élan de tendresse. T'as toujours une sale tête, chérie. Et là tu brises tout le charme, simplement pour la taquiner. Tu ris en déposant un baiser sur la même joue et en prenant place à ses côtés, commençant à déguster ton repas. Tu t'étais pris un sandwich ainsi qu'une salade, et tu te serais bien pris une coupe de vin. Mais t'as pas envie que Lou te fasse un sermon, et puis t'as pas envie de la décevoir. T'as vraiment envie d'essayer d'arrêter de boire. Alors tu savoures une longue gorgée d'une bouteille d'eau en comparant le goût à celui du vin. Et en essayant d't'imaginer que c'en est.

Toi ça va, comment était ta journée ? Du coin de l’œil, tu vois bien que Lou elle a l'air moche. Une journée comme les autres, que tu dis, en lui jetant des regards inquiets. Tu la vois prendre de petite cuillerée, comme si manger était une corvée qu'on lui donnait et qu'elle en avait pas envie. Tu vois qu'elle passe sa main devant sa bouche, qu'elle souffle. Tu es certaine que ça va ? Tu as à peine le temps de terminer ta phrase que t'en as la preuve. Lou n'a pas eu le temps de courir jusqu'à la salle de bain et elle vomit, là, sur votre lit. Tu sursautes et tu réussis à sauver ton repas à la dernière minute, tandis que Lou et sa soupe baignent dans son vomi. Y'a quelques gouttes sur ta chemise et ça te donne la nausée. Merde ! Tu te lèves et déposes ton repas sur ta table de chevet. Tu contournes le lit et t'approches de Lou, qui n'a pas bougé. Elle a la tête penché vers l'avant. Lèves toi, allez viens ... Tu la prends par la taille et l'aide à marcher jusqu'à la salle de bain, où elle vomit encore. Elle s'accroupie et tu t'assieds à ses côtés, lui tenant les cheveux et lui caressant le dos. On dirait bien que la soupe a pas passé ... Et tu continues de lui flatter le dos, te doutant de rien, n'imaginant rien.

Kostas est là, allongé près d'elle pour lui tenir compagnie. Elle le regarde un moment, avec des yeux tout amoureux. Elle ne l'a jamais trouvé aussi beau et attentionné que maintenant. Et ça ne lui donne pas envie d'avoir la fameuse discussion du bébé, elle ne veut pas tout gâcher. Oui, parce que pour une fois c'est elle qui va tout bousiller dans leur couple. Parce que c'est entièrement sa faute après tout. Elle le sait très bien et n'a pas besoin que Kostas le lui rappelle. Alors elle n'arrête pas de repousser le moment où elle devra lui parler de leur avenir, de la grande décision qu'ils devront prendre : garder le bébé ou pas. Sachant très bien qu'elle ne supportera pas un second avortement. Mais elle ne veut pas coincer son amoureux et ne pas lui laisser le choix. C'est une discussion qui se prend à deux, alors même si elle est plutôt tranchée sur sa décision elle veut bien écouter ce qu'il a à dire. Mais pas tout de suite, alors que tout est si rose entre eux. Plus tard. Un jour.

Elle ne peut s'empêcher de sourire à sa petite taquinerie, ou comment tout gâcher. Mais elle est amusée par la situation, elle le connait et sait qu'il plaisante. Alors elle ne se vexe pas. Elle se penche vers lui pour lui faire à son tour un bisou, histoire de le remercier d'être aussi mignon avec elle alors qu'elle est clairement au bout de sa vie là. Puis elle commence à manger, mais visiblement la nourriture ne veut pas passer. Elle doit se mettre plusieurs fois la main devant sa bouche, attendant que ça aille mieux. Mais son corps n'en fait qu'à sa tête, et à peine Kosta eut le temps de lui demander si ça allait elle vomit sur les draps tout blancs et à peine neufs. Horreur. Et il a fallu qu'il assiste à ce désastre en plus. Elle ne sait plus où se mettre, elle se sent vulnérable comme elle l'a rarement été. Elle déteste ce sentiment, puis en plus devant lui. Elle reste la tête penchée un moment avant de se faire relever par un Gus inquiet. Sans dire un mot, elle trace directement vers la salle de bain où elle s'agenouille près de la cuvette des toilettes. Et c'est parti pour un deuxième round. Ca dure comme ça bien cinq minutes. Les cinq minutes les plus longues de sa vie. Et son homme qui est si attentionné à côté, qui l'aide avec ses cheveux, qui la câline. Si il savait.

Elle pose son dos contre le mur ensuite, toujours au sol, vraiment pas bien. Puis elle commence à pleurer. Parce qu'elle sait que ce n'est pas un simple virus qui ira mieux d'ici quelques jours. Au contraire. Ca va empirer pendant quelques semaines, puis elle aura un gros bidon. Elle est enceinte et pas malade, putain. Elle n'arrive pas à s'arrêter, et c'est une vraie fontaine. Elle essuie ses larmes qui se remettent à couler. Elle jette un oeil à son mec qui est paniqué à côté et qui ne sait plus quoi faire. Elle souffle, à croire qu'elle ne pourra pas repousser la discussion plus longtemps. Foutus hormones. « Ca va pas, je.. » Elle sanglote, n'arrivant plus à parler correctement. « Faut que j'te dise un truc... » Elle se mord la lèvre pour se contrôler un peu, puis elle repasse ses mains sous ses yeux pour enlever le peu de larmes qui lui restaient. Elle a dû se vider entièrement de toute l'eau qu'elle avait dans le corps là. « En fait, je ne suis pas malade. Kostas, je suis enceinte. » Voilà c'est dit. C'est direct mais au moins il le sait d'un coup. D'ailleurs, elle n'ose plus le regarder. Elle n'ose plus affronter son regard qui doit être dégouté d'elle. Elle se relève doucement pour tirer la chasse, puis s'agrippe au lavabo pour tenir sur ses pieds.

Tu t'doutais bien ce matin que Lou allait pas bien, alors qu'elle était restée cachée sous les draps et qu'elle était bouillante de température alors qu'tu te préparais à quitter pour le boulot. Et pour une fois, tu pouvais t'dire que son état ne relevait pas de toi, que t'y étais pour rien, qu'c'était la nature et t'avais rien à te reprocher. Et c'est p't'être égoïste de ta part de penser ça, en la regardant se vider les tripes dans les toilettes, mais t'étais soulagé d'pas être à l'origine de son malaise pour une fois. Là tu pouvais l'aider à se sentir mieux sans tenter d'te faire pardonner. Tu pouvais lui flatter le dos et lui tenir les cheveux sans avoir peur d'la blesser encore plus. Et tu pouvais lui tendre un verre d'eau, entre deux hoquets de vomissements, pour l'aider à se débarrasser de cette sensation d'mal dans son estomac plutôt qu'dans son cœur. Elle continua de gerber pendant au moins cinq minutes et t'en avais des nausées par l'odeur, du coup t'en profitas quelques instants pour te retirer dans votre chambre et te changer de ta chemise pleine de vomi. Tu la retiras pour enfiler un polo gris plus confortable que ta chemise et avec des bouts d'papier, tu retiras la plus grosse partie du vomi d'vos draps blancs. T'espérais qu'ça laisserait pas une tâche sur vos draps, y'en avait déjà assez comme ça dans vos vies. Tu roulas le drap en boule avec ta chemise, tu attrapas un chewing-gomme et te dirigea vers la salle de bain pour nettoyer c'bordel.

Sauf qu'en rentrant à nouveau dans la salle de bain, c'est devant une Lou en larmes que tu te retrouvas. Et au début, tu pensais qu'elle en avait p't'être marre d'être malade, qu'elle était fatiguée. Alors rapidement, tu déposa ton paquet dans la machine à laver, puis tu reviens t'asseoir à côtés de Lou qui était maintenant adossé contre le mur. Ses sanglots la secouaient et vos jambes se touchaient, tout comme vos épaules, alors qu'tu lui tendais le chewing-gomme. Tes mains se posèrent sur ses jambes et tu les caressais, d'tes mains et de tes paroles, pour la rassurer. Ça va aller. T'aimais pas ça la voir pleurer, des larmes gâchés la beauté d'son visage rayonnant. Tu essuies ses larmes de ton pouce en la regardant dans les yeux. Sauf que ça fonctionne pas. Elle continue d'pleurer, comme si elle venait d'apprendre un drame, une mauvaise nouvelle. Et ça t'fait paniquer, parce que tu t'imagines les pires scénarios. Son père est mort ? Elle a perdu son boulot ? Elle a une maladie ? Et tu paniques à ta dernière idée, parce que tu sais pas c'que tu ferais si tu devais te réveiller sans elle demain matin. Sauf qu'elle brise le silence, en te lançant un discret coup d’œil. Ca va pas, je.. Et elle sanglote encore, elle peut à peine parler. Tu l'attires contre toi en caressant ses cheveux, en la forçant à poser sa tête contre ton épaule. Faut que j'te dise un truc... Et pendant ces quelques secondes de silence, t'as peur. Pas la maladie, s'il vous plait. Tout sauf ça.

En fait, je ne suis pas malade. Kostas, je suis enceinte. Bam. Comme ça. Pas préliminaires, elle te balance sa nouvelle comme ça. Et elle pleure encore. Et tu t'dis que du coup, y'avait pire qu'le scénario d'la maladie. Celui du bébé, celui qui allait changé vos vies. Elle doit sûrement sentir tes membres se raidirent autour d'elle et ton regard est figé en avant d'toi, comme si tu voyais c'que t'aurais plus avec ce bébé. Tu repenses à il y a dix ans, quand tu as été confronté à la même situation. Encore avec Lou. Et qu'vous avez passé par-dessus en avortant, en fait c'est elle qui a avorté, toi tu l'as qu'accompagnée. Mais vous aviez dix-huit ans à cet époque, vous étiez jeunes et la décision étai claire dans vos esprits. Sauf que la trentaine s'approche maintenant, et qu'tu sais comment Lou a été détruite lors de c'premier avortement. Et tu peux pas t'imaginer lui imposer de nouveau ce choix, même si en vérité c'est c'que tu voudrais. Tu défais un peu ton emprise autour de ses épaules, pour ensuite te dégager et prendre ton visage entre tes mains. Merde. Non, p'tain. C'est pas le moment. Corriges-toi, rattrape-toi imbécile. Enfin, je ... c'est pas ça que je voulais dire... Tu t'maudits intérieurement d'avoir une réaction aussi nulle, alors qu'tu vois bien qu'elle est déjà détruite ta Lou. Mais tu t'sens pas bien. Tu peux pas y croire. Tu veux pas y croire. Je croyais que tu prenais la pilule... Comme si tout était de sa faute, comme si tu la blâmais alors qu'c'est toi qui l'avait entraîné sous la douche après votre dispute, pour vous réconcilier, vos retrouver. Ses paroles se bousculent dans ta tête et y'a le visage d'Agata qui apparaît, tu sais pas c'que tu vas faire. C'est la galère.

Elle est là, à se vider les tripes dans la salle de bain. Pensant à comment elle allait aborder le sujet avec Kostas. Pour une fois, c'est elle qui va tout gâcher, détruire leur relation qui commençait à se reconstruire. C'est de sa faute après tout, elle le sait. Elle pause finalement sa tête sur le mur, en soufflant un peu. Elle se reprend doucement, le temps que Kostas se change dans la chambre. Puis, elle pleure. Comme si tout son monde s'écroulait, et elle ne s'arrête plus. Il a beau venir la prendre contre lui, la rassurer, lui essuyer ses petites larmes, ça continue. Ca empire même. Il ne sera plus si mignon avec elle lorsqu'elle lui apprendra l'heureuse nouvelle. La p'tite Lou reste un moment contre son homme, pour se rassurer et se donner du courage avant de lui dire ce qui ne va pas. Chéri, souris! Tu va être papa. La plupart des hommes sauteraient au plafond d'entendre ça de la bouche de leur fiancée, après plus de dix ans de relation. Mais pas Kostas. Il aime sa liberté, et il se sentirait pris au piège avec un bébé sous le bras. Elle le connait que trop bien sur ce sujet là. Mais elle sait aussi qu'elle ne pourra pas supporter un deuxième avortement. Encore la première fois, le bébé était sûrement pas de son mec, mais ça l'avait quand même détruite la Lou. Une part d'elle a été brisée ce jour là. Et elle ne veut surtout pas que ça recommence.

Et d'un coup, comme ça, sans tourner autour du pot, elle lui balance qu'elle est enceinte. Elle a toujours été franche et directe. Elle sent ensuite le corps de Kostas s'immobiliser, comme si il venait d'apprendre la mort de quelqu'un et qu'il n'arrive pas à y croire. Quoi que c'est limite vrai. C'est la mort de sa liberté, et bonjour les responsabilités. Elle se mord la lèvre, se retenant comme elle peut, mais à sa réaction elle fond à nouveau en larmes. Elle se déteste de lui infliger ça. Elle passe ses mains sur son visage pour se cacher un peu. Mais à son "merde", elle le regarde de nouveau. Ok, message compris. Et Lou est à nouveau une fontaine, ne pouvant plus s'arrêter de pleurer. Déjà qu'elle était complètement détruite, Kostas vient de l'enfoncer encore plus bas dans son désespoir. Et même si il essaye de se rattraper, il l'enfonce encore plus en rejetant toute la faute sur elle. Elle sait très bien qu'elle est coupable, pas besoin qu'il en rajoute une couche. Elle essaye tant bien que mal de se justifier, même si ça ne sert à rien. Le mal est déjà fait.

« Mais je la prend!! C'est juste que.. je sais pas.. J'ai dû l'oublier au moment où on a.. » Où il la entrainé dans la douche. Bah oui, ça faisait déjà plusieurs semaines qu'il ne la touchait pas, alors elle ne faisait plus gaffe à sa pilule. Elle fait couler le robinet pour pouvoir se nettoyer un peu le visage, soupir. « T'en veux pas, c'est ça ?! » Elle sait très bien, vu sa réaction, que ce bébé n'est pas le bienvenu. Mais elle a quand même besoin de l'entendre de sa bouche, qu'il lui confirme qu'elle veut qu'elle avorte. Evidemment qu'elle le ferait si vraiment sa grossesse pose problème.. Mais elle sera totalement détruite après. Et c'est avec une Lou complètement brisée qu'il devra vivre. « Tu sais ce que tu dois me dire, et j'irai avorter. C'est pas comme si j'avais pas déjà vécu ce scénario. Je m'y ferai. » Une petite pique qu'elle lui lance pour qu'il comprenne qu'elle va mal le vivre si c'est ce qui doit arriver. Les cartes sont entre les mains de Kostas, maintenant.

Avez-vous déjà eu l'impression d'être prisonnier du destin ? D'être enfermé dans une cage, contre votre gré, alors qu'vous étiez en train de voler ? Avez-vous déjà eu cette sensation ? Celle d'être prise entre des vagues mouvementées, d'manquer d'air et de suffoquer ? Avez-vous déjà senti le mort s'effondrer sous vos pieds ? Qu'le sol est en train de s'effriter, et qu'vous avez rien pour vous rattraper ? Ouais, ce sont des émotions horribles. Des sensations qu'on fait tout pour éviter, parce qu'on sait c'qu'elles vont provoquer. Un humain normal déteste d'avoir à les affronter. Et toi, t'as la malchance d'les provoquer. D'les enchaîner. Parce qu'en une fraction de secondes, après trois petits mots, tu les as vécus. Je suis enceinte. Des mots qui, pris séparément, non rien de bien agressant, de menaçant. Mais lorsqu'ils sont assemblés, ils font peur. Et ils font perdre l'équilibre d'une vie. Celle que Lou et toi étiez en train d'retrouver, qui était en train d'se rebâtir. Et là, tout bascule. Parce qu'une grossesse imprévue, ça t'détruit une vie. Ça t'brise des rêves, et t'en as marre d'avoir des rêves brisés accumulés à regretter. C'est pour ça qu'tu t'es figé, que tes articulations se sont crispés quand elle te l'a dit. Tu t'y attendais pas. Tu le voulais pas. Et tu le veux toujours pas. Tu croyais qu'c'était qu'un virus, que ça allait passer. À croire qu'la maladie s'est vraiment incrusté, là, au creux d'son ventre.

Tu commences à la questionner. Parce que c'est impossible. Vous preniez des précautions, justement pour l'éviter, ce bébé. Mais je la prend!! C'est juste que.. je sais pas.. J'ai dû l'oublier au moment où on a.. Renoué. Tu finis sa phrase. Parce que ça doit remonté à ce moment, celui qu'vous vous êtres retrouvés sous la douche, que vous avez couché ensemble. Tu secoues la tête, espérant qu'ça va éclaircir tes pensées. Sauf que c'est loin de le faire, t'as encore la vision brouillée. Tu te redresses en même temps que Lou en posant tes mains sur tes hanches, le regard rivé au sol. Lou fait couler l'eau et toi ça t'fait simplement penser au bruit du crèvement des os d'une femme enceinte. T'en veux pas, c'est ça ?! Et elle s'emporte. Avec raison. Parce que, comment dire, t'as pas la meilleure réaction. Non, c'est pas ça, c'est juste que ... T'aurais pu crier d'joie, sauter au plafond. Mais non, t'es trop con. Tu t'es contenté d'lui faire comprendre ton désaccord, qu'tu voulais rien savoir de ce bébé. Et c'est à c'moment que tu réalises que t'es égoïste, parce que tu penses qu'à toi.

Tu sais ce que tu dois me dire, et j'irai avorter. C'est pas comme si j'avais pas déjà vécu ce scénario. Je m'y ferai. Tu y penses. Sérieusement, c'est ça l'pire. Tu penses qu'à toi, tu voudrais qu'elle avorte. Mais tu comprends au ton de sa voix qu'elle s'y ferait pas. Tu passes tes mains dans ton visage, puis tu les portes dans ta nuque. Et tu soupires. Parce que tu t'apprêtes à prendre une grande décision, De prononcer des mots qu'tu penses p't'être pas. Mais que tu sais que t'as pas l'choix. Pour vous sauver, pour te sauver. Tu t'approches de Lou et la prend par la taille, pour la forcer à se retourner vers toi, à te regarder. J'te forcerai jamais à revivre ça. Elle pleure encore, elle a peur. De toi, pour vous. Alors tu essuies doucement ses larmes, tu lèves son visage en remontant son menton pour qu'elle te regarde. Et tu plonges ton regard dans l'sien. C'est juste que j'ai peur... Tu caresses sa joue, tu inspires. Faut qu'tu te lances. Mais pour nous, je suis prêt. Et tu l'attires contre toi, pour la serrer dans tes bras. Sauf qu'à ce moment-là, tu sais pas quoi penser. Parce qu'après tout, t'aurais bientôt un bébé. C'est plus l'temps d'la tromper.

C'est une sensation de déjà vu. Ils ont déjà vécu ça, il y a pratiquement dix ans. Ensemble. Mais ils n'avaient que 17-18 ans. Ils étaient encore des ados insouciants qui avaient la vie devant eux. Et le bébé qui pointait son p'tit nez dans son ventre n'était pas le bienvenu. Mais là.. Ils ont grandis. Ils ont une vie stable et ont construits des choses. Ils ont de l'argent. Ils peuvent penser à l'avenir. Mais Kostas n'en a pas envie. L'avenir lui fait peur, et le simple fait de devenir papa encore plus. Elle l'a bien compris. Elle essaye alors de s'expliquer comme elle peut, comme si ça allait changer quelque chose et que ça le détendrait. Elle le regarde lorsqu'il finit sa phrase, et se contente juste d'hocher la tête. Renouer. C'est le mot. Parce que ce moment là était magique.. La conséquence, un peu moins par contre. Elle soupir, baissant sa tête. Honteuse de cette nouvelle. Honteuse de lui faire ce coup, de le piéger avec sa grossesse. « Je suis désolée. » Elle ne sait pas quoi lui dire, alors elle ressent le besoin de s'excuser. S'excuser de quoi ? De lui avoir encore une fois détruit ses rêves. Parce que c'est de sa faute.

Elle fait couler l'eau, histoire de se rafraîchir le visage après avoir pleurer comme une fontaine. Elle se sèche ensuite et le regarde. Elle hausse légèrement le ton, parce qu'il est là comme un con devant elle ne sachant pas quoi lui dire. Ils vont être parents. Ca devrait le réjouir, mais c'est loin de l'être. Elle soupir à le regarder se justifier comme un gamin qui vient de faire une bêtise. Parce que c'est le cas. Merde, c'est tout ce qu'il a trouvé à lui balancer après sa déclaration. Elle s'attendait à mieux de sa part. Enfin, elle espérait mieux. Sa réaction ne l'étonne pas vraiment, en fait. « Alors c'est quoi ?! Fais gaffe, si tu me sors maintenant que c'est c'que tu voulais je te frappe. » Elle ne veut pas de mensonges, surtout pas en ce moment. Si ils doivent garder le bébé tant mieux, mais il faut en parler. Mettre tout cartes sur table puis prendre une décision. Elle ne veut pas qu'il se force, si il sera absent. C'est pire que tout, ça.

Il s'approche. Lou peut sentir son souffle dans son dos. Elle se retourne alors vers lui et le laisse faire. J'te forcerai jamais à revivre ça. Ca y est, elle se remet à pleurer. Sa tête est baissée, essayant de se reprendre de toutes ces sensations qu'elle vit d'un coup là. Puis elle se met à le regarder lorsqu'il lui relève le menton. Un peu réticente, hésitante. Sur la défensive. Parce que ce qu'il lui sort ensuite ne lui ressemble pas. Elle se laisse aller contre lui, restant un moment dans ses bras. Puis de ses petites mains qu'elle pose sur son torse, elle le pousse doucement. Elle plisse légèrement les yeux en le regardant comme pour voir si il est sincère dans ses propos. C'est pas le temps de déconner, de balancer trois p'tit mots juste pour qu'elle soit rassurée, pour qu'elle le lâche. Je suis prêt. D'où il est prêt à avoir un gosse, déjà. On parle de Kostas, là. Le mec qu'il n'y a pas si longtemps buvait comme un trou et fuyait les responsabilités. Et dans même pas neuf mois il va apprendre à un môme ce qu'est la vie ?! Faudrait déjà qu'il gère la sienne, et on en reparlera. Elle soupir, reculant d'un pas. Nan, elle ne le croit pas. C'est pas lui. Il ne peut pas avoir changer d'avis en une fraction de seconde. « J'te préviens Kostas, t'as pas intérêt à te foutre de moi.. » Oui, c'est une menace. Parce qu'il faut avoir un sacré culot de lui sortir ça et espérer qu'elle tombe dans le panneau.

Est-ce que t'es prêt à être un père ? Un vrai ? Pas comme ton vieux. Lui, il t'a tout infligé. Il a pas prit l'temps de te connaître, de connaître c'que tu aimais vraiment. Il a décidé de t'élever comme il l'a été. Dans une famille grec, une tradition grec. Un truc qu'tu te devais de faire. Qu'tu croyais que t'avais pas le choix. Mais en vérité tu aimais pas vraiment c'que tu faisais. Tu l'écoutais et il parlait, et quand tu parlais il s'envolait. Alors t'as peur de reproduire cette erreur. De faire comme ton père à cette p'tite chose dans le ventre de ta Lou. Cette chose qui bientôt sera ton bébé. Mais tu sais pas si t'es prêt. Tu sais pas. T'aimerais ça, vraiment. Pour Lou. Mais tu sais qu'tu voudrais pas faire les mêmes erreurs. Tu voudrais pas élever un gosse qui va finir comme toi. Parce que tu sais c'que sais, vivre comme toi. Avec des regrets. Tu sais qu'c'est pas une vie, et tu souhaiterais même pas ça à ton pire ennemi. Même pas à Ace. Quoi qu'avec ce con, tu t'en fiches. Y'a toutes ses questions qui s'bousculent dans ta tête, tu sais plus quoi penser. Tout c'que tu sais, en ce moment, c'est que tu vas bientôt être père. Dans 9 mois. Et que même si t'es pas certain d'être prêt, tu sais déjà qu'tu ferais un père pas mal. Parce que t'as eu le modèle à ne pas suivre.

Lou doit s'en douter. Elle doit savoir qu't'es aussi paniquée qu'elle, en ce moment. Parce qu'elle, elle l'exprime en pleurant. Toi en la rassurant. Maladroitement, un peu. Parce que t'as pas eu une superbe réaction. Puis Lou l'a pas apprécié. Alors c'est quoi ?! Fais gaffe, si tu me sors maintenant que c'est c'que tu voulais je te frappe. Elle a jamais menacé d'te frapper, et tu sais qu'elle le ferait. Elle est en crise, et toi tu t'figes sur place à ses paroles. Ça t'prend un certain moment avant de retomber, de réaliser que ça s'passe vraiment. C'est pas un rêve, c'est la réalité. Et même si ça t'met les jambes en compote, qu't'as un tambour dans la cage thoracique, tu sais qu'tu vas faire le bon choix. Pour Lou, pour vous. Parce que sans Lou y'a pas d'toi non plus, et maintenant y'a un bébé qui s'forme dans son ventre et qui fait partie d'elle. Partie d'toi.

Alors tu décides d'la rassurer. Tu lui dis que t'es prêt, la retournant vers toi, essuyant ses larmes. T'es l'éponge de sa vie comme elle l'est dans la tienne. Et pendant un instant elle vient s'coller à toi, elle se laisse aller. Tes mains se baladent dans son dos puis dans ses cheveux, la caressant doucement pour essayer d'calmer ses sanglots. Et puis elle se retire un peu, elle te regarde dans les yeux pendant qu'tu prends son visage entre tes mains pour lui dire. Les trois mots magiques. Ceux qui changeront ta vie. Je suis prêt. Et là, tu t'attendais à la voir bondir dans tes bras. Tu t'attendais à c'que vous soyez heureux ensemble, que vous fêtiez cette nouvelle. T'aurais juré entendre la musique d'un conte de fées, celle d'la scène où la princesse épouse son prince. Sauf que tout ça se brise en un instant. Y'a un truc dans son regard, à Lou. Elle te connait trop bien. Elle doit sentir l'hésitation dans tout ton corps, malgré tes mots qui te contredisent. Elle recule d'un pas, réticente. Et là tu t'figes, tes yeux s'écarquillent. Tu comprends pas. Tu croyais qu'ces paroles seraient heureuses, sauf qu'elle se glace. Son ton trahi sa rage, sa colère. J'te préviens Kostas, t'as pas intérêt à te foutre de moi.. Hey la Lou... Doucement, tu reprends sa main et tu l'attires contre toi. Tu l'entraînes à l'extérieur de la salle de bain, la forçant à s'asseoir à côté de toi sur votre lit maintenant dénudé de draps. Tu dois la convaincre. Écoute-moi. Tu prends ses mains dans les tiennes et tu t'perds dans ses yeux. L'autre jour, j'ai dépassé les bornes. Et je l'ai vu dans tes yeux, j'ai vu comment tu me regardais et j'ai détesté ça. J'ai décidé de changer pour toi. Pour nous. Tu insistes sur les derniers mots. T'es sincère dans ces propos. Parce que l'autre jour son regard t'a fait sentir comme la pire ordure de la tête. Tu te racles la gorge avant de continuer, détournant les yeux. Et j'ai l'impression qu'on s'est perdus ces derniers temps, mais ta grossesse va nous permettre de se retrouver et de fonder une famille. Et là, tu te replonges dans ses yeux. Tu mets une main sur sa joue, et tu lui souris alors qu'ta voix tremble un peu, trahissant ta peur. Y'a qu'avec quoi que je veux fonder une famille, Lou.

Elle ne le voit vraiment pas être père. Un vrai. Un bon. La p'tite Lou le voit se détériorer et être accro à la bouteille de jours en jours et ça lui fait peur. Peut-être que pour le moment il essaye de ralentir, de se relever, mais ça le fait souffrir. Elle le voit bien, elle le connait. Alors sur le coup elle a l'impression qu'il se fou complètement d'elle. Et elle le menace, ouais. Parce qu'une Lou en colère c'est pas beau à voir, mais une Lou blessée en plus d'être énervée c'est la fin du monde. Elle peut le frapper, même si elle a jamais lever la main sur personne, mais elle pourrait. Si il s'avère qu'il lui a menti ou quoi que ce soit, elle ne se contrôlera plus. Elle est donc là, devant lui, à le regarder intensément, comme pour voir si il est sincère. Comme pour voir si elle peut lui faire confiance. Elle a envie de le croire, de lui sauter dans les bras parce qu'ils vont être parents, mais c'est pas le cas. Elle peut pas. Elle peut pas parce que son premier mot après l'annonce de sa grossesse c'était merde, parce que son visage s'est décomposé. Parce qu'elle est persuadée qu'il est entrain de lui mentir et de lui balancer ces trois petits mots juste pour qu'elle se calme.

Elle le laisse s'approcher, hésitante. Puis ils vont se poser sur le lit, à deux, lui prenant ses petites mains. Elle le regard dans les yeux pendant de longues minutes pour finalement elle son regard vers leurs doigts qui se frôlent doucement. Elle l'écoute. Elle ne fait que ça. A cet instant précis il n'y a plus que lui et ses belles paroles qu'elle avale comme si c'était les plus belles du monde. Parce que c'est le cas, pour elle. Pour nous. Papillons dans le ventre. Elle commence à le croire, parce qu'il a l'air sincère. Elle finit par soupirer, elle sait qu'elle est faible. Elle sait qu'il pourrait lui dire n'importe quoi, insister un petit peu et voilà, le tour est joué. Elle boit donc chacun de ses mots, parce qu'elle en est accro. Accro à ses phrases qu'il lui sort en ce moment mêmes, ses jolies phrases qu'elle n'a pas entendu depuis plusieurs mois maintenant. « Kostas.. »

Elle se stoppe. Elle vient doucement prendre sa main à lui pour la poser sur son petit bidon de femme enceinte qui va grossir de plus en plus les prochains mois. La Lou veut lui montrer que ce n'est pas une blague de mauvais gout, que c'est sérieux. Qu'il n'a plus le droit de déconner parce que là ils s'apprêtent à avoir un bébé. Un p'tit bout pousse dans son ventre et elle n'y arrivera pas toute seule. Elle a besoin de lui, elle a besoin de sa présence. « T'as vraiment pas le droit de me dire tout ça si tu ne le penses pas.. c'est vraiment sérieux, là. » Elle insiste. Une part d'elle a envie de tout gober mais l'autre hésite, l'autre à peur de se faire rouler. La jolie brune se met à le regarder de nouveau, parce que malgré tout elle l'aime. Malgré tout, elle a envie de lui donner raison, de le croire, parce que c'est lui. Parce que c'est Kostas. Parce que ça dur depuis plus de dix ans. Elle hoche donc la tête, se rapprochant doucement de lui pour venir s'assoir sur ses genoux, ses jambes du même côté. Elle glisse ses bras autour de son cou et vient poser délicatement son front contre le sien.« Mais c'est d'accord. On va fonder fonder une famille, notre famille. » Un sourire se dessine sur son visage. Notre. Ca sonne plutôt bien.

Kostas.. C'est avec ce mot, ton nom, ce ton, que tu comprends. Le ton que Lou prend quand tu as réussi à la convaincre, qu'elle te croit. Et en la voyant ainsi, accroché après toi, prête à s'abandonner dans cette nouvelle aventure, tu y crois. Que t'es prêt, que tu vas être un bon père pour votre enfant. Ça t'donne envie de continuer avec elle, et ça parvient même à t'faire douter d'Agata. Tu sais qu'en donnant ta promesse à Lou, celle de l'accompagner et la soutenir dans sa grossesse, votre grossesse, tu dois en briser une autre. Celle qu'il y a entre toi et ta rouquine, celle de vous aimer, celle d'un jour se faire voir de tous. Tu sais que tu ne pourrais plus la voir, l'embrasser, la toucher et la peinturer. Ça t'donne une sensation de vertige de renoncer à un truc que t'aimes pour un autre, de plus pouvoir vivre ton idylle avec elle et d'te sentir toi-même. Mais t'as des responsabilités maintenant, et tu savais qu'en les acceptant tu devrais renoncer à plusieurs choses. Et même si sur le coup tu t'sens capable de surmonter la situation, qu'tu te sens invincible, t'as peur jusque dans tes tripes. Alors pour te rassurer, tu décides de passer ta main dans ses cheveux, pour dégager une mèche et caresser sa douce joue de pêche que tu as embrassé tant de fois. Ta main tremble, mais au contact de sa peau, tu t'sens t'apaiser, plus léger. Parce que c'est ça, l'effet que Lou a sur toi. Elle a le don de te calmer et c'est toujours vers elle que tu vas te réfugier quand tu t'sens pas bien. Du moins, à partir de maintenant.

Elle prend ta main et l'approche doucement de son ventre. Ventre qui, à première vue, n'a pas engraissé. Mais tu sais qu'tout ça va bientôt changer et tes yeux se plongent dans les siens alors qu'elle approche ta main un peu plus de son ventre, puis la dépose dessus. Tes yeux se portent là et à ce moment, tu sens un truc. Vous deux, sur votre lit, ta main qui caresse déjà l'enfant qu'elle porte, tu te sens bien. Léger. Comme dans une vraie famille. Pas un truc malsain comme là où tu as grandi, non. Un truc paisible qu't'as bâti avec Lou. Les larmes montent à tes yeux, tu sais pas pour quelle raison exactement mais tu refuses d'les laisser sortir. T'as vraiment pas le droit de me dire tout ça si tu ne le penses pas.. c'est vraiment sérieux, là. Tu le sais. Maintenant qu'elle a lié ta main à ton ventre, ton cœur à cet enfant. Tu hoches doucement la tête, laissant un silence s'installer entre vous. Comme avec Agata. Puis tu lèves les yeux vers elle à nouveau, laissant ta main sur son ventre pour profiter d'ce lien qui se crée. Je sais. Tu marmonnes ses mots, tout doucement, ne leur enlevant cependant pas un once de sincérité.

Elle vient s'installer sur tes genoux et passe son bras autour de ton cou tandis que tu passes les tiens autour de ta taille, la serrant contre toi, parce que tu refuses de la perdre comme ça vient presque d'arriver. Elle pose ton front sur le tien et l'espace d'un moment, tu n'écoutes que vos souffles qui dansent ensemble. Les yeux fermés tu t'imagines un avenir avec elle. Tu t'imagines son ventre qui va grossir et qui va la rendre encore plus belle. Tu l'imagines piquer des crises parce qu'elle ne pourra plus enfiler ses jolies complets d'avocate qui la mettent en valeur. Tu t'imagines t'endormir à ses côtés, les bras entourant son ventre. Tu t'imagines l'amener à l'hôpital, tu t'imagines enfiler la chemise d'infirmier et l'accompagner dans la salle d’accouchements. Tu vous imagines après l'accouchement, le bébé dans les bras, le sourire aux lèvres, les larmes aux yeux. Tout ça, tu le vois. Et tu y aurais accès maintenant. Mais c'est d'accord. On va fonder fonder une famille, notre famille. Tes yeux s'ouvrent doucement pour la regarder et lui sourire. Et tu as l'impression, pour une fraction de secondes, de tout oublier tes sacrifices et tes peurs. Tu es heureux. Tu la serres contre toi, tu enfonces ton visage dans son cou. Tu es ma famille, Lou. Cette phrase est honnête, à part Lena, Lou est tout ce qui te reste d'un semblant de famille. Tu la serres fort contre toi et tu bascules sur le lit, sur le dos, tenant Lou contre toi. Parce que depuis dix ans, tu t'y accroches, à cette petite Lou. Et ça serait ridicule de tout briser.

Cette sensation étrange d'être partagée entre deux sentiments. D'un côté il y a Kostas, tout beau et il se dit sincère, puis avec ses belles phrases qui la font tourner la tête à chaque fois qu'il les prononce. Elle a envie de le croire, de lui sauter dans les bras et être heureuse auprès de l'homme de ta vie. Mais d'un autre côté il y a les bouteilles, l'antre secret où il ne la laisse même pas mettre les pieds, toutes ses peintures d'une jolie rouquine qu'elle ne connait pas, puis lui et son coeur qui est ailleurs quelques fois. Et toutes les disputes entre eux, les cris, les pleures. Deux moments de la vie de la p'tite Lou qui sont autant important l'un comme l'autre. Il y a l'amour, mais elle ne peut pas oublié coups dur. Elle est partagée. Et c'est dur parce que ses hormones la travaillent d'une façon... Un jour elle l'aime plus que tout, et l'autre elle veut qu'il se casse de la maison. Puis elle sait que ce sera pire quand son p'tit bout poussera dans son ventre. Mais elle a envie de penser que tout ça va changer. Que leur relation va s'améliorer.

Alors elle dit oui. Elle se lance. Elle est faible, et elle le sait. Faible face à lui, face à ses mots qui la rendent folle et son visage d'ange. Même si il fait une bêtise, elle ne peut pas lui en vouloir longtemps. Alors elle fonce. Tant pis si elle tombe, tant pis si elle sombre. Pour le moment il n'y a plus que lui, sa main posée sur son ventre qui caresse la petite graine qui est dedans. Mais elle tient à le prévenir. Une dernière fois. C'est du sérieux. Plus le temps de déconner. Elle hoche finalement la tête lorsqu'il lui confirme qu'il est courant, mais que malgré tout il pense tout ce qu'il a pu lui dire. Et elle sourit. Elle sourit parce que pour la première fois depuis des mois elle retrouve le Kostas dont elle est tombée amoureuse, elle retrouve l'homme qui assume, l'homme qui voit l'avenir, et qui voit plus loin que les bouteilles qu'il va s'enfiler ce soir. Elle s'approche de lui pour se poser sur ses genoux, et pendant un moment il n'y a plus qu'eux deux. Eux trois, plutôt. Elle embrasse sa tête à sa dernière phrase et ils se laissent tomber sur le lit. Comme si elle était entrain de tomber, mais lui il la rattrape. Il l'a rattrapé. « Me lâche plus, jamais. »

Elle veut qu'il le lui promette. Parce que ces derniers mois ont été un véritable enfer pour elle. Le retrouver tous les jours dans son antre entrain de se souler à la vodka, ou au whisky, entrain de ne rien faire alors qu'elle se tuait à la table. Elle avait l'impression qu'il s'éloignait et qu'elle ne pouvait rien y faire. Il l'avait complètement laissé tomber. Elle le serre fort contre lui, caressant sa nuque de ses petits doigts. Elle se tourne finalement vers lui pour le regarder. « Dans une heure j'ai rendez-vous avec ma gynéco, pour confirmer... » Elle hésite. Elle n'ose pas lui demander si il veut l'accompagner. Elle a conscience que tout ça est encore tout nouveau pour lui, qu'il essaye de prendre ses marques, même si quelques fois il est maladroit. Alors peut-être qu'il n'est pas encore prêt à tous ces rendez-vous gynécologiques où on parle de bébé sans arrêt.

Ça remonte à quand, Lou et toi ? À très longtemps, trop longtemps mais pas assez. Ça fait des années qu'vous vivez une histoire d'amour digne d'une montagne russe. Vous avez toujours eu des hauts et des bas et là en c'moment t'as l'impression que vous êtes en train de descendre une côte pour en remonter une. Vous étiez dans l'plus bas, vous étiez rendus trop loin pour pouvoir remonter. Sauf qu'avec cette nouvelle, c'est comme si vous remontiez. Comme si la vie vous donnait une nouvelle chance de vivre une belle histoire, de rattraper vos erreurs. C'est à croire qu'vous êtes vraiment fait pour être l'un avec l'autre, comme si c'était votre destinée. Et c'est comme si Agata n'était qu'une phase dans ta vie, en ce moment. Tu voulais plus la voir, ou plutôt tu pouvais plus la voir. Parce que ça serait trahir ta famille, et qu't'en avais déjà assez d'avoir trahie ta fiancée. Tu pouvais plus recommencer, c'était un trop gros pêché et ça s'fait plus. Non mais à quoi t'avais pensé ? C'est comme si tes pensées tourbillonnaient, tout était mêlé et tu savais plus quoi penser. Parce qu'autant hier tu rêvais d'faire ta vie avec Agata, aujourd'hui tu t'voyais avec Lou. T'es qu'un taré, Kostas. Un taré au cœur tourmenté, un taré qui sait plus quoi penser.

Elle vient se poser sur tes genoux et en la serrant contre toi tu vous fais chavirer, vous tombez sur le dos dans votre lit comme deux gamins qui viennent de se retrouver. Et vous riez, comme si la vie redevenait toute rose, qu'y'avait plus d'problèmes. Elle veut plus qu'tu la lâches, Lou, et elle te le dit. Alors toi pour lui prouver tu la serres dans tes bras, fort contre toi, pour lui prouver qu'tu tiens à elle. Que tu veux pas la lâcher, qu'tu la laisserais jamais plus tomber seule. Et pendant un moment vous restez couchés sur le lit, tes mains qui caressent son dos. Tes doigts qui frôlent sa peau, qui t'donnent envie d'elle à nouveau. C'est comme si le temps s'arrêtait, qu'vous étiez là pour vous retrouver comme ce soir-là sous la douche. Et pour une fois, tu te sens bien. T'as pas l'impression d'être un moins que rien, t'as plus l'impression de devoir boire pour oublier. Simplement être avec Lou, couchés sur votre lit, un bébé dans son ventre, te donne envie de continuer.

Vous êtes couchés et Lou décide de parler. De briser le silence qui s'était installé, qui pesait dans la chambre sans pour autant être dérangeant. Elle se retourne vers toi et plonge ton regard dans le tien. Ça t'fait sourire, et tu poses ta main sur sa joue en la caressant avec ton pouce. Dans une heure j'ai rendez-vous avec ma gynéco, pour confirmer... Étrangement ça t'fait comme une boule dans l'estomac. Ça t'rappelle que tu vas être père, qu'tu vas avoir des responsabilités. Dans une heure tu vas en avoir le cœur net, ton avenir va être officiellement chamboulé. Mais tu veux pas montrer à Lou qu'ça te fait peur, qu'ça te donne des vertiges, parce que tu lui as promis de l'accompagner. Alors tu continues d'sourire et tu déposes un baiser sur son front, délicatement. On devrait y aller maintenant, d'abord. que tu marmonnes, parce que tu n'veux pas perturber l'atmosphère de calme qui s'était enfin installé dans votre condo pour une fois.

Pour la première fois depuis longtemps, Lou a l'impression qu'ils ne forment plus qu'un. Et ça fait du bien. Ils sont toujours là à se chamailler pour rien, lui qui se plonge dans ses bouteilles d'alcool, elle qui se tue au travail pour oublier sa petite vie de famille qui n'est pas si parfaite que ça. Mais maintenant, ils sont véritablement ensemble. Et elle a la sensation qu'ils peuvent tout surmonter, que tous les problèmes qui pesaient sur leur couple sont partis. On dirait presque qu'ils sont heureux d'être l'un avec l'autre. Et Lou ne veut pas casser ce silence, ce calme, mais il faut qu'elle lui demande. Il faut qu'elle sache si elle va aller seule chez sa gynéco, ou si il sera là. Avec Elle. Alors elle ose. Elle aborde à nouveau le sujet du bébé, mais ne lui demande rien. Après tout, c'est assez évident non ? Je voudrais que tu m'accompagne, que tu sois là. C'est ce qu'elle se dit à elle même, mais elle n'a pas le courage de sortir ces quelques mots. Alors elle se contente de le regarde, intensément, comme si elle voulait que ses yeux fassent le reste. Comme si il allait lire sa demande à travers la seule force de son regard.

Ca a peut-être marché, vu ce qu'il lui répond. On. Elle en sourit alors et hoche sa bouille. Elle est contente qu'il a compris où elle voulait en venir. Il va l'accompagner. La jolie brune se relève alors pour aller s'habiller vite fait. Après quelques minutes, elle ressort de la salle de bain toute coiffée et maquillée comme si tout allait bien. Comme si elle n'avait pas pleurer toutes les larmes de son corps quelques minutes plus tôt. « Je prends juste quelques affaires et on peut y aller. » Elle chope son sac pour fourrer quelques petits trucs essentiels puis prend la main de Kostas histoire de quitter leur maison. Ils sont maintenant en route vers le cabinet de sa gynéco, qui était à même pas 5 minutes en voiture. Elle laisse son homme conduire, elle est bien trop nerveuse pour cela. Durant tout le trajet elle regarde par la fenêtre, appréhendant les résultats. Que ce soit positif ou négatif ça va changer pas mal de choses entre eux. Et elle a peur que ça gâche tout.

Alors, sans vraiment adressé la parole à Kostas elle rentre dans le cabinet et annonce sa venue au secrétariat avant d'aller se poser dans la salle d'attente avec lui. Elle souffle, jouant avec ses doigts. Elle est stressée, tendue, et il doit bien le remarquer. Elle ne parle pas, et se contente juste de regarder le sol. Elle pousse un soupir et ose se tourner vers Kostas finalement. Elle le regarde, de sa bouille toute triste mais qui essaye quand même d'afficher un sourire. Il n'a jamais été aussi beau que maintenant là. Avec son statut de père. Qui reste à confirmer certes, mais ils en sont quasiment sûrs. Il va être papa. Et ça lui donne un charme fou. Elle se mord la lèvre, avant d'oser parler. « Tu.. Tu m'aimeras toujours si je ne suis pas enceinte..? » Question qui peut paraitre conne, oui. Mais elle a besoin de savoir. Savoir si ses efforts ne sont faits que parce qu'elle attend un bébé et qu'ils vont fonder une famille ou si il a vraiment envie que leur couple marche. C'est de ça dont elle a peur. Peur que le résultat soit négatif et que du coup il soit soulagé de ne pas devoir faire des tonnes de sacrifices dans sa vie future. Qu'il soit soulagé de ne pas devoir arrêter l'alcool. Elle a peur de le perdre à nouveau, en fait.

Vous deux. Lou et toi. Contre l'univers. Contre la vie. À la vie à la mort. C'est c'que vous êtes, maintenant, là, en ce moment. Dans ce dilemme de grossesse, dans ce paradoxe qu'est la vie, vous êtes là. Et ensemble. Pour une fois, vous faites face à une situation l'un à côté de l'autre, main dans la main. Pour une fois vos mains sont liées, elles sont pas en train d'se chercher pour s'attaquer, se quereller. C'est comme si l'anneau qu'vous portez à votre main gauche signifiait vraiment quelque chose, en ce moment. C'est comme si cette promesse que vous vous étiez fait il n'y a pas longtemps était réelle, qu'elle existait vraiment, au fond. C'était pas un mythe ; c'était pas comme le Père Noël, ce vieux bonhomme que les plus naïves bénissent et qu'les plus réalises haïssent ; c'était pas comme cette journée pluvieuse qu'on attend en moment de sécheresse ; loin de tout ça. C'était réel et tu le savais maintenant. Tu savais qu'tu devais honorer c'que tu lui avais promis, en lui offrant cette bague remplie d'promesses. Alors c'est pour ça qu't'avais décidé de la suivre pendant cette grossesse, de lui dire que tout allait bien aller, de rester à ses côtés. Parce qu'une vie sans Lou est une vie qu'tu ne peux pas t'imaginer, malgré tout.

Pendant que Lou se lève pour prendre quelques affaires, avant d'quitter pour ce rendez-vous qui vous dira tout, tu restes assis sur le lit. T'as probablement l'air épuisé avec ta chemise de travers, déboutonné à partir de ton torse et tes cheveux en bataille à force d'y passer ta main. C'est à ton tour d'te lever pour te regarder dans la glace de votre chambre, plongeant ton regard dans l'tien comme si tu voulais t'faire passer un message. Ça va aller. Tu vas y arriver. Tu peux le faire. T'ajustes les boutons de ta chemise et t'essaies de replacer tes cheveux, questions de pas avoir l'air trop fou. Tu vas être un bon père. T'as qu'à arrêter tes conneries. Là, maintenant. Oui là, maintenant. Parce que Lou sort de la salle de bain et qu'elle te prend la main pour que vous quittiez votre condo, votre p'tit nid plus si sûr que ça. Tu prends le volant parce que tu devines que ta douce est trop ébranlée, mais tu réalises que tu l'es tout autant quand tu poses tes mains sur le volant et qu'elle tremble. Sauf que tu veux pas qu'elle le voit, tu dois la rassurer, lui montrer qu't'as le contrôle de la situation, que t'es pas en train de foutre ta vie en l'air quoi. Lou elle te regarde pas, elle se concentre sur la fenêtre et c'est p't'être mieux comme ça, parce qu'elle voit pas l'tremblement dans tes lèvres et tes yeux perdus qui essaient d'se concentrer sur la route.

Tu finis par te garer dans le stationnement de la clinique et tu coupes le moteur, le cœur qui bat la chamade dans ta poitrine. Lou aussi semble être nerveuse parce qu'elle entre dans la clinique sans même te parler et s'annonce, pour ensuite aller se poser sur une chaise dans la salle d'attente. Toi, pendant ce temps, tu la suis. Parce que tu peux pas faire autrement. Tu te poses sur la chaise à côté d'elle et t'observes la pièce, qui est rempli de magazines à potins et de jeux pour les enfants. Ça t'fait peur un peu, tous ces jouets, parce que c'est une réalité qu'tu devras bientôt affronter. Tu regardes Lou du coin de l’œil et elle a l'air si anxieuse que tu viens prendre sa main dans la tienne pour la rassurer, pour qu'elle ressente ta présence. Vraiment.
Tu.. Tu m'aimeras toujours si je ne suis pas enceinte..? Elle te regarde, elle a l'air aussi apeuré que toi. Tu lui souris, du mieux que tu peux, en caressant sa joue droite. Toujours. ârce que c'est vrai. Y'aura toujours en toi ce jeune adolescent, ce jeune homme qui a rencontré Lou quand il devait encore demander la permission à ses parents pour sortir. Y'aura toujours cet homme qui a passé la bague au doigt de cette jolie demoiselle. Y'aura toujours cet homme qui est tombé follement amoureux de Laure-Lou Vasilis.

Ya plus le temps de déconner là. Il peut plus jouer son Kostas irresponsable. Parce qu'il est lié à elle. A vie. Et elle aimerait juste qu'il en prenne conscience. Mais apparement c'est le cas. Apparemment il est sérieux dans ses paroles et la p'tite Lou a envie de le croire. Parce qu'elle a l'espoir que ce bébé arrive à le changer pour qu'ils puissent recommencer sur de nouvelles bases. Elle a l'espoir que ce petit bout qui grandit dans son ventre arrive à les renouer. Et même si ça fait peur, elle a envie de croire qu'elle pourra compter sur lui. Qu'il sera toujours présent parce qu'elle aura besoin de soutien. Elle s'apprête à passer neuf mois extrêmement difficiles - entre les poussées d'hormones, les nausées puis aussi les saut d'humeur. Elle aura besoin de quelqu'un pour la canaliser, la calmer, lui assurer que tout va bien se passer même si ce n'est pas le cas. Et ce sera lui, Kostas. Enfin, elle l'espère. Parce qu'une chose est sûre, elle ne se voit pas affronter cette épreuve avec quelqu'un d'autre.

Le temps de récupérer quelques affaires dans la salle de bain et c'est parti, ils vont enfin savoir. Enfin savoir si c'est une fausse frayeur ou si dans neuf mois ils seront trois. Elle laisse son homme prendre le volant, bien trop nerveuse pour tout ça. Puis, il a l'air de bien gérer la nouvelle. Et aussi la situation. Peut-être était-ce une couverture pour ne pas montrer qu'il flippe et qu'il a envie de partir loin ?! Peut-être. En tout cas ce qu'elle voit c'est toute autre chose. Elle le voit calme, concentré. Il gère, quoi. Heureusement d'ailleurs, parce que deux boules de nerfs dans une voiture c'est trop. Et en quelques minutes ils sont sur le parking de la clinique. Lou n'a pas du tout vu le temps passer, trop sous pression. Elle sort de la voiture et trace presque directement vers l'accueil pour s'annoncer et qu'ils préviennent sa gynécologue qu'elle est arrivée. Puis elle va se poser sur une chaise, attendant patiemment son tour. Elle regarde ses mains, qui commencent à trembler d'ailleurs. Tout comme ses jambes. Elle souffle doucement pour essayer de se calmer, mais elle a l'impression que ça empire. D'un mouvement rapide, elle croise alors ses bras contre sa poitrine histoire de cacher ses tremblements. Mais c'est à ce moment là que Kostas vient lui prendre la main, comme pour la rassurer, comme pour qu'elle sente qu'elle n'est pas seule là dedans. A croire qu'il l'observe, la surveille. A croire qu'il a entendu son appel à l'aide inaudible. A croire qu'il la connait trop.

Elle se tourne vers lui et lui adresse un léger sourire en guise de remerciement. Puis elle ose lui poser la fameuse question qui lui trotte dans la tête depuis quelques minutes déjà. Est ce qu'il l'aime parce qu'elle est enceinte, est ce qu'il a décidé de faire des efforts juste pour cet enfant, ou si c'est pour elle, pour sauver leur couple. Une question bête certes, mais pas tellement vu leur relation en ce moment. Toujours. Deux syllabes, mais elle n'a pas besoin de plus. Ce mot veut tout dire. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Elle n'a pas le temps de répondre qu'elle entend une voix l'appeler. « Mme Vasilis ? Si vous voulez bien me suivre. » Elle hoche sa tête et sans vraiment lui laisser le choix, elle serre la main de Kostas pour l'entrainer avec elle. Elle a besoin de lui dans la pièce. Elle se pose sur le lit, assise et commence à parler avec sa gynécologue. Lou répond à toutes les questions qu'elle lui pose. « ... D'accord. Et de quand daterait le rapport non protégé.. ?! » En même temps qu'elle parle, elle prépare le bras de la jolie brune pour la prise de sang. A sa question elle jette un oeil à Kostas en se mordillant la lèvre. « Euh je sais pas trop.. Trois semaines-un mois je dirais. » Elle continue de regarder son amoureux comme pour avoir confirmation de sa part. « Très bien. Mais vous savez, il n'y a pas de quoi être nerveux. Les tests de grossesse peuvent s'avérer être de faux-positifs. Nous en saurons plus dans quelques minutes. » La gynécologue lui sourit comme pour la rassurer et elle fait de même alors. Même si elle est de plus en plus sous pression. Une fois qu'elle lui a fait la prise de sang, elle quitte la pièce pour aller l'apport au labos. Lou se retrouve donc seule avec Kostas.