La soirée bat d'son plein. En tout cas, pour toi. T'as déjà quelques verres dans l'nez, qui t'font rire un peu plus fort qu'les autres, qui t'font tituber un p'tit peu plus qu'les autres. Sauf que t'es entouré d'pleins d,gens que ça fait des années que t'as pas vu, des personnes marrantes avec qui t'as envie d't'amuser. Après tout, ça t'rappelle tes années de folies à l'université. T'es aux retrouvailles des anciens d'ta promo, et inutile de dire que y'a pleins de gueules que t'arrives pas à replacer. Y'en a d'autres qui ont changer, contrairement à toi. T'es encore le fils à papa qu't'étais à l'université, celui bourré d'fric qui s'amusait à amener toutes les bouteilles d'alcool les plus chères dans les partys, comme si t'avais quelque chose à prouver. Celui qui étudiait l'administration, le commerce et le marketing alors qu'en réalité, il s'amusait à peinturer des toiles en cachette dans sa p'tite chambre étudiante miteuse et qui l'faisait savoir à tout l'monde. '' Moi j'suis doué pour les arts. Les arts c'est important, regarde ce tableau. Il dégage tellement de ... '' T'étais la grosse têtes des arts qui étaient dans l'mauvais programme, ou plutôt dans la mauvaise vie. Ce p'tit Kostas rêveur, tu sais qu'tout le monde le voit encore ce soir. Même si t'es PDG de Leucia, même si tu fais comme si t'en étais fier. Même si tu t'vantes d'être encore avec Lou après toutes ses années, et qu'tu vas t'marier. Tu racontes ses mensonges en essayant d'y croire, et c'est p't'être pour ça d'ailleurs qu't'as besoin d'boire. Pour oublier un peu qu't'es pas vraiment heureux, qu'la vie t'as pas tout donné et qu't'es encore loin d'avoir attrapé tes rêves.

Après maintes vantardises, tu t'éloignes un peu. Tu t'isoles, t'as besoin d'respirer. Y'a tellement tout pleins d'gens dans le vieux gymnase, qui essaie d'paraître toujours un p'tit peu mieux les uns des autres, que tu décides de t'éloigner. Tu t'en vas vers le bar et t'y accoudes, commandant un verre de whisky qu'tu sirotes en analysant la scène. Y'a ce vieux Barret, le plus sportif de tous, qui aujourd'hui a un ventre gros comme la terre et un fond dégarni malgré la trentaine qui est pas encore atteinte. Y'a cette bonne et vieille Jenkins, qui était, disons le franchement, la plus salope des filles de votre année. Tu te l'étais même tapé, alors que toi et Lou étiez en pause. Elle a pas changé, sauf qu'elle se garde plus de gêne maintenant, qu'elle fait plus classe. Elle te regarde et t'fait un clin d’œil, toi tu détournes le regard de gêne. Pour pas céder à la tentation, pour pas refaire ça à Lou. Et à Agata. Tu continues d'regarder les visages qui s'accumulent à tes yeux, alors que y'en a un qui s'démarque plus que les autres. Ce connard. Ace Saltarelli. Tu le reconnaîtrais n'importe où, avec son air fendant et ses ''bonnes manières''. Tout c'que tu vois en l'regardant, c'est l'ancien coloc qui a essayé d'se taper ta p'tite frangine et qu'tas retrouvé à moitié nu avec cette dernière sur le divan d'votre p'tit appart. Inutile de dire qu'tu gardais des mauvais souvenirs de ce mec et qu't'avais envie d'lui en coller une. Pas d'chance pour lui, t'avais la testostérone dans l'tapis ce soir. Tu cales ton verre de whisky puis tu t'diriges vers lui en furie. HEY SALTARELLI ! Tu fais comme si t'étais heureux d'le voir en t'approchant d'lui, et tu lui balances ta droite sur sa tronche. Ça c'est pour Lena. Tu secoues ta main pour chasser la douleur provoquée par le coup qu'tu lui a balancé et examines son visage. Son nez saigne, tant mieux. Tu ris, comme si tout allait bien, comme pour rassurer les visages effrayés autour de vous. Allez viens mec, on va nettoyer ce visage-là ! Tu l'attrapes par les épaules après lui avoir donné une tape ''amicale'' dans l'dos, en souriant aux autres, comme si vous étiez deux bons potes. Enfin, c'est vrai. Vous étiez deux bons potes.

il aime pas tellement ça, les soirées de retrouvaille. c’est un peu le moment où tout le monde essaie de convaincre les autres que sa vie est géniale. lui, il a pas besoin de convaincre qui que ce soit, il trouve sa vie plutôt cool. il travaille dans un domaine qui lui plait, et à côté il se rend utile avec ses cours d’auto-défense. certes sa situation amoureuse est un floue, mais il pas encore trente ans, alors il se considère pas comme un cas désespéré. il va de groupe en groupe, il prend des nouvelles de tout le monde, même des gens qu’il peut pas encadrer. il se dit qu’en dix ans les choses ont changées. ils sont plus ces gamins de dix-huit piges qui rêvaient de liberté. il veut donner à tous ces gens le bénéfice du doute. il a gardé contact avec pas mal d’entre eux. surtout ceux qui suivaient son cursus. et puis il aperçoit kostas, un peu plus loin. il l’évite, il veut pas lui dire bonjour. il pense que la pilule est toujours pas digérée. il s’en veut un peu que leur amitié se soit terminée comme ça. il est conscient d’être le responsable de la faute, mais il sait aussi qu’il a tenté de s’excuser. maintes fois. si kostas veut pas lui pardonner, il peut pas faire grand chose. il décide que c’est mieux de tout simplement pas se retrouver en travers de son chemin. alors il va dans la direction opposée. il prend un verre. il aime bien boire. c’est festif de boire. il fait pas trop attention à sa consommation. il a jamais su faire. il a toujours été un buveur accompli. parfois trop. il se souvent qu’à la fac il faisait pas trop attention, quitte à finir dans des états pitoyables. paye ta gueule de bois le lendemain, et les copains qui te racontent ce que t’as fait parce que t’as plus aucun souvenir. il aime bien être ici de nouveau. justement, ça lui rappelle tous ces souvenirs qui semblent si lointain. on dirait pas, mais il a quand même vachement changé en dix ans. c’est plus le petit merdeux qu’il était. le mec qui prenait jamais rien au sérieux. à part la boxe, parce que sinon papa était pas content. alors des fois il se sentait mal de pas prendre soin de son corps comme il aurait dû le faire pour être le meilleur. les soirées et l’alcool, il en parlait pas à son père. il lui faisait croire qu’il était le bon petit gars qui vivait que pour son sport. en vrai, il en avait déjà marre et il avait juste envie de raccrocher. et puis tout a changé quand il est parti à Barcelone faire son année à l’étranger. il a découvert la peinture et la photo et il est tombé amoureux. alors il a changé ses matières pour faire un truc qui l’intéresse vraiment. il a fait plusieurs stages à la galerie et après ses études jules a décidé de l’embaucher pour de bon. il a eu de la chance, et il le sait. c’est pour ça qu’il veut pas tout gâcher. il est un peu dans ses pensées. il observe la pièce de loin. et là, il entend quelqu’un qui l’appelle. il tourne la tête et découvre kostas, tout sourire qui s’approche de lui. il sent le truc louche, il a pas le sourire franc, mais il attend de voir. il s’approche encore plus et lui balancer un droite en plein sur le nez. il recule de plusieurs pas, un peu sonné par le coup qu’il vient de se prendre. il touche son visage ; son nez saigne. il lève les yeux vers kostas qui lui fait clairement comprendre que c’est une vengeance par rapport à lena. et puis il rit, lui fout une claque dans le dos, et lui demande de le suivre. mais ace il peut pas en rester là. il le suit pas. on lui a jamais appris à ne pas répondre. surtout pas à un coup. alors il réfléchit pas. il aime pas cet air suffisant qu’il a. il lui balancer à son tour une droite dans les côtes. c’est sa spécialité en ce moment. « comme ça on est quitte, enfoiré. » il lui lance en riant à moitié. « t’es pas bien ou quoi ? » il a même pas conscience que les autres doivent les regarder comme deux bêtes de foire. il sait pas si kostas va répliquer une nouvelle fois. c’est pas trop son genre de se battre pourtant. il a pas l’air tout frais non plus, il tient encore son verre de whisky à la main. en tout cas ace il commence à avancer en direction des toilettes pour aller nettoyer son nez et accessoirement sa chemise tâchée par le sang. « on peut parler comme deux hommes tu penses pas ? » il lance finalement à son ‘’ami’’. ils vont pas se donner en spectacle toute la soirée, quand même.

L'alcool ça te fait pas. Alors ça pas du tout. Oui, ça t'fait du bien. Sauf qu'avec l'alcool, tu deviens différent. Un peu plus agressif, un point moins d'patience, un peu plus de drame. Tu l'sais, tu l'as vraiment remarqué depuis ta dispute avec Lou l'autre soir. T'as défoncé la porte, ou presque, de votre chambre à coucher. Et tu lui as fait peur. Elle a sursauté, tu t'en souviens et elle aussi. Elle a eu peur de ta voix qui montait, de ta crise d'hystérie en ramassant les fonds d'bouteilles dans la poubelle, comme si t'essayais de ramasser ta vie en un seul morceau. L'alcool te fait aussi bien qu'la neige pendant l'été, qu'la pluie pendant une belle journée ensoleillée. Sauf que t'en as quand même pris ce soir. À cette soirée retrouvailles, que tu savais qui te donnerait toutes sortes d'émotions. Celle d'une vie ratée, celle d'une vie sans but, celle des rêves qu'tas échappé et qu'd'autres t'ont volé. Comme cette saleté d'mec qu'était - et est encore - Ace. T'avais entendu en t'promenant entre ces gens qu'il dirigeait maintenant une galerie d'art. Le salaud. Il te volait ton rêve parce qu'il avait pas pu t'voler ta soeur. Et puis t'avais vu son visage, t'avais pas pu résister à l'envie d'le frapper et tu l'avais fait. Les idées floues, mais bien placé, ce coup. Sauf que lui non plus, il avait pas l'intention d'se laisser faire. Il t'envoie une droite dans les côtes, bien placée elle aussi, tu t'plies en deux. comme ça on est quitte, enfoiré. t’es pas bien ou quoi ? Et il rit, ce p'tit con. Rira bien qui rira le dernier.

Tu continues ta marche vers les toilettes avec lui, l'endroit où t'avais prévu l'amener avant qu'il réplique. on peut parler comme deux hommes tu penses pas ? Apparemment, il te suit encore. Tu te retournes même pas, il en vaut pas la peine. Mais tu ris. C'est drôle, ça. J'vois qu'un homme entre nous deux, et lui il a pas essayé d'se taper la soeur d'son meilleur pote. Ouais, parce que c'est pas très ''homme'' faire ça dans l'dos de son ami. Et surtout, dans son appartement, et le laisser vous retrouver à poil. C't'un manque de classe, clair et évident. Une erreur qu'les Yannakakis ferait jamais, du moins les hommes d'la famille. Tu lui aurais jamais fait un coup d'la sorte, toi. Ou sinon, tu lui aurais parlé d'ton intérêt pour sa soeur, s'il en avait une et si c'était le cas. Sauf que lui, ta soeur, il l'avait vu comme un morceau d'viande, un jouet qu'on s'débarrasse une fois finit. Et il l'avait salit. Donc t'avais salit sa chemise avec son sang, comme sa réputation l'était désormais à tes yeux.

Tu pousses la porte d'la salle de bain, un peu trop fort. Puis tu la retiens pas, tu la laisses tomber volontier sur ce cher Ace. Il mérite pas qu'tu lui tiennes. Il mérite pas tes bonnes manières. Tu te regardes dans la glace pendant qu'lui se nettoie le nez. Heureusement, t'as aucun dégât apparent, toi. T'as une douleur aux côtes et tu vas p't'être te réveiller avec un ecchymose gros comme la planète demain matin, mais tu t'en fiches. Cette droite en valait la peine. Alors, tu t'amuses bien ce soir Ace ? Tu le regardes à travers le miroir, parce que tu refuses d'le regarder en vrai. Tu reposes ton regard sur ton reflet, t'ajoutes ta cravate, tu t'rends de nouveau présentable. J'espère que tu vas bien terminer ta soirée, tu sais tellement bien le faire. Ouais, ce soir tu manques de tact. Mais avec l'alcool que t'as dans le nez, ça pouvait pas être autrement. Et puis surtout en la présence d'Ace, tu t'croirais en enfer. Tu sais qu'il va comprendre ton allusion par rapport à cette fameuse soirée, et tu veux seulement qu'il se sente mal. D'avoir mal agi, d'avoir trahi ta confiance, de pas avoir eu d'manière. Il a vraiment pas changé, à croire.

il l’a pas vu venir sa droite. mais il l’a bien sentie. et il sait aussi que kostas doit s’en mordre les doigts parce qu’il a sûrement au moins aussi mal qu’ace. et il se sent obligé de répliquer. il réfléchît même pas, c’est instinctif. il le voit se plier en deux après lui avoir assené son coup. en attendant, ace saigne du nez, et ça doit pas être beau à voir. donc il décide de suivre kostas qui se dirige vers les toilettes. il lui demande de se comporter en homme pour qu’ils s’expliquent. il est pas vraiment fier de cette histoire. il peut pas changer le passé, il peut simplement faire comprendre à son ancien ami combien il est différent aujourd’hui et qu’il se rend compte de ses erreurs. mais vu la rancœur de kostas à son égard il veut pas paraître hypocrite en disant tout ça. voilà pourquoi il demande à parler d’homme à homme. il lui répond que le seul homme présent ici c’est celui qui a pas essayé de se taper la sœur de l’autre. il répond pas, il bronche pas. il peut dire quoi ? il est plutôt d’accord, en fait. il a tort dans cette histoire à 200%. et il a jamais eu les couilles de le reconnaître. le destin lui tendrait pas les bras pour faire amande honorable par hasard ? ils arrivent aux toilettes et kostas ne prend même pas la peine de retenir la porte pour lui. évidemment il se la reprend directement en plein sur le nez et pousse un léger grognement. heureusement que c’est le weekend et qu’il a le temps de récupérer une face potable avant de reprendre le boulot. il peut pas vraiment se ramener au travail avec la gueule défoncée. dans le silence il prend place devant le miroir et observe l’étendue des dégâts. c’est pas bien méchant, mais ça va laisser des traces. à commencer par celles de sang, sur son visage et sur sa chemise. pour la chemise c’est foutu, il peut rien y faire, du moins immédiatement. par contre il s’essuie le visage, et nettoie les traces de sang. et puis soudain kostas reprend la parole. il prend même pas la peine de le regarder. il le méprise donc à ce point. « c’est bon tu l’as ta vengeance, tu peux arrêter de jouer au petit con avec moi. » il lui lance sans trop de tact. ace, c’est pas le gars méchant, mais il est parfois un peu impulsif, il réfléchit pas trop avant de parler. la boxe ça lui a appris à se maitriser, mais là il peut pas se contenir, pas quand il vient de se manger une droite en plein visage. pas quand kostas semble décidé à le faire culpabiliser, alors qu’il n’en a même pas besoin. ace il se sent déjà comme une merde en repensant à cette histoire. pas seulement parce que effectivement ça ne se fait pas d’avoir voulu coucher avec lena, mais surtout parce qu’il a perdu l’amitié de son ancien colocataire. mais faut bien se lancer, tenter de rattraper les choses. « écoute mec, je suis désolé. » il le pense sincèrement. il le regarde toujours à travers le miroir, il ose pas tellement le regarder dans les yeux. il est intimidé, pas parce qu’il a peur de se reprendre un pain, juste parce qu’il a jamais vraiment présenté ses excuses à quelqu’un après avoir fait une grosse connerie. « je sais pas ce qui m’a pris avec lena, on étai là, on avait bu, je sais pas je me suis emballé. » il tente d’expliquer, mais il y arrive pas vraiment. il se souvient très bien de cette soirée. elle était là, dans le canapé, elle attendait kostas, il lui avait proposé du vin, ils ont bu et puis les choses ont dérapées. mais dès l’instant où il l’a embrassé il a su qu’il était en train de faire une connerie, mais il a pas pu s’empêcher. il regrette, mais trop tard, le mal est déjà fait.

T'as la mauvaise habitude dans la vie d'voir que du noir ou que du blanc. Que le bien ou que le mal. Tu crois pas que quelqu'un peu changer, qu'les choses peuvent s'améliorer et qu'la vie peut tenter d'recoller certaines personnes ensemble. Comme Ace et toi. De vieux potes de l'université, vous avez même partagé votre piaule pendant des années alors qu'vous aviez des sujets d'conversations plus distingués qu'en ce moment. En c'moment vous avez l'air de deux lions en train d'se battre pour impressionner une femelle dans la pièce. Sauf qu'en vérité, vous vous battez pas pour savoir qui s'ra le meilleur pour partir avec. Non, là c'est une question d'honneur. Un mec qui trahi son pote en essayant d'ste taper sa soeur, dans le divan d'leur appartement. C'est dommage qu'ça tout gâché de votre vie, et c'est encore plus dommage que toi tu vois que tout noir ou tout blanc. Parce qu'après toutes ces années, ça aurait été super si tu avais pu le pardonner. De sa bêtise d'adolescence qui est maintenant pourtant loin derrière vous, d'autant plus que tu sais qu'il doit bien le regretter. Mais c'est ça l'problème : t'es un Yannakakis, et eux, quand ils ont une dent contre toi, t'es mal barré.

Une fois dans la salle de bain et après avoir laissé tomber volontairement la porte sur lui, tu continues d'lui balancer ta rage des dernières années au visage. Même si tu sais qu'ça en devient lourd, qu'il doit en avoir marre, tu continues d'lui dire c'qui te passe par la tête. c’est bon tu l’as ta vengeance, tu peux arrêter de jouer au petit con avec moi. Et alors que tu daignais même pas le regarder, là tu t'places bien à côté d'lui, question de l'imposer, le regarder de haut. Moi un p'tit con ? T'as pas compris avec ma droite ? T'essaies d'l'intimider et tu te gênerais pas pour le taper une deuxième fois, pour permettre à toute cette colère accumulée depuis les dernières années à s'évacuer contre la bonne personne. Tu le toises une dernière fois avant d'te dégager d'son espace et de te replacer devant le miroir, te regarder dans la glace. Contrairement à lui t'as plus rien à ajuster, sauf p't'être ta rancœur démesurée.

Et c'est là qu'il s'excuse. Officiellement. Sérieusement. écoute mec, je suis désolé. Il te regarde à travers la glace et par ce simple fait tu devines qu'il est sérieux. Il peut même pas planter ses yeux directement dans les tiens pour le dire, c'est qu'il doit piler sur son orgueil celui-là. T'aimerais être en mesure d'le pardonner, de retrouver votre amitié, mais t'y arrives pas. Tu lui lances rapidement un regard à travers la glace et le repose ensuite sur ton reflet, prenant appui sur le bord du comptoir. je sais pas ce qui m’a pris avec lena, on étai là, on avait bu, je sais pas je me suis emballé. '' Il s'est emballé ''. Comme si c'était un geste banal, ce qu'il avait fait. Et tu refuses de penser que ce geste n'était que banal. Tu t'es emballé ? Tu te retournes vers lui, en colère. Tout à coup ma soeur est devenue moins qu'une femme qui mérite le respect ? Elle méritait qu'tu poses tes mains de sale profiteur sur elle et qu'tu la vois comme un jouet, comme toutes les autres filles que tu pouvais ramener ? Tu dis ça, mais tu ne sais même plus s'il ramenait des filles tant que ça. T'as pas changé. Et toi non plus, t'as pas changé. T'arrives pas à le pardonner, à voir qu'il essaie vraiment.

ace il voudrait que les choses s’arrangent. il comprend bien qu’ils pourront jamais redevenir amis comme avant. au moins, ils pourraient effacer cette rancœur. le temps est censé guérir. pas attiser la colère. apparemment pas chez kostas. il peut comprendre. il est un peu pareil. mais là il souhaiterait vraiment que les choses avancent, et dans le bon sens. il sait pas quoi dire, quels sont les mots magiques à prononcer pour tout effacer. et puis le tact c’est pas son fort. donc il lui balance une réplique pas vraiment sympathique pour que kostas arrête son petit jeu. ça lui plait pas. il vient se placer près d’ace, il le toise pour l’impressionner, mais il va sûrement pas baisser les yeux. il est prêt à encaisser les coups, à les contrer et même à les rendre. il va pas se laisser faire. il sait qu’il a tort, mais c’est pour autant qu’il va devenir une victime. pour autant il répond pas. parce que c’est sûrement pas comme ça qu’ils vont arranger les choses. les mots restent coincés dans sa gorge. il prend sur lui pour rien répliquer. pour garder sa hargne enfermée à double tour. ça dure pas bien longtemps cette tentative d’intimidation. il s’écarte vite fait, comme si rien que le fait d’être trop prêt d’ace lui donne de l’urticaire. alors il se lance. il dit qu’il est désolé. il s’excuse pas souvent. il est fier, cet italien. il ose même pas le regarder en face, c’est pour dire. en tout cas les mots qu’il prononce n’ont jamais eu autant de valeur que maintenant. il essaie aussi d’expliquer ce qui s’est passé ce soir, car il doute fortement que kostas et lena en aient reparlé par la suite. il trouve pas les mots. les explications sont bancales. en même temps donner des justifications à une connerie c’est vachement dur, parce que c’est assez rare qu’elle soit faite exprès. tout ce qu’il peut dire c’est qu’il s’est emballé, parce que lena c’est une jolie fille, sympa, drôle, attachante. alors il a craqué. parce que les relations humaines sont complexes et ça s’explique pas. y a eu attirance, envie. ils ont osé s’embrasser, commencer à se déshabiller. et puis il est entré. tout s’est stoppée. depuis c’est le trou noir entre eux. évidemment, cette réponse ne convient pas à kostas qui s’énerve de plus belle. il se retourne vers ace. il l’enchaine, à coup de phrases assassines qui bizarrement font bien plus mal que les coups. mais il bronche pas, il montre pas qu’il est touché. « mais putain n’importe quoi, tu sais bien que je traiterai pas lena comme toutes les autres. » et c’est vrai. il a jamais joué de jeu avec lena. c’était simple entre eux. y a pas eu magouille, il a pas échafaudé de plan machiavélique pour l’attirer dans son lit. ça s’est fait, c’est tout. « si j’ai changé, sinon je prendrai même pas le temps de m’excuser puisque de toute évidence t’en a rien à foutre. » il répond ensuite. il est plus le même. il a mûri. il fait encore des conneries, mais qui peut prétendre le contraire ? il réfléchit davantage aujourd’hui. il essaie de moins se laisser entrainer par ses émotions. il est beaucoup moins impulsif et foufou. le seul truc qui a pas changé chez lui c’est son humour moisi. « kostas tu vas pas me dire que t’as jamais fait un truc que t’a automatiquement regretté ? je te croirai pas. » il lance en désespoir de cause pour lui faire comprendre que personne n’est parfait. il mérite peut-être pas le pardon, mais il mérite au moins de s’expliquer franchement, de mettre les choses à plat une bonne fois pour toute. peut-être que s’ils avaient eu cette conversation dans d’autres circonstances les choses auraient été différentes. ils ont bu, ils sont devant tous leurs anciens camarades de promo, c’est bizarre de se retrouver comme ça. mais ils peuvent pas y échapper. faut s’expliquer et avancer. quitte à se mettre des coups de poing à la gueule.

Si tu pouvais avoir une baguette magique, t'effacerais certains moments d'ta vie. Ceux qui te donnent des tracas, qui te font regretter des choses et qui t'ramènent dans le passé. Comme ce sentiment amer qu't'as envers Ace. Malgré toi, malgré les excuses qu'il te balance depuis tout à l'heure. Et t'aimerais bien t'convaincre qu'elles sont pas sincères, qu'les choses changent pas à travers les années et qu'ce taré n'a pas changé. Sauf qu'au fond d'toi, tu sens un truc. Tu sens l'honnêteté dans sa voix, alors qu'il te parle malgré tes airs menaçants. Et tu t'en veux d'le rejeter, mais c'est toi. T'es un Yannakakis, c'est dans ta nature d'être ce que tu es. De pas pardonner, de toujours tout froisser, de balancer des choses qu'on veut pas, d'être colérique. Des fois c'est pas dans le moment qu'tu changerais, mais plutôt ta personnalité. Sauf que tu y peux rien et tu le sais, à cracher tes propos comme tu l'fais, à te refermer à ses excuses, à n'pas vouloir l'écouter.
T'es assez taré, toi aussi.
Et puis il ose plus parler, Ace. Comme si tu le clouais sur place, que t'avais raison sur toute la ligne alors qu'en réalité tu lui laisses pas la chance de s'expliquer, s'exprimer, d'te montrer qu'il a changé.

Il réussit enfin à placer un mot, quand tu lui dis pourquoi tu lui en veux. mais putain n’importe quoi, tu sais bien que je traiterai pas lena comme toutes les autres. Tu ris, tu secoues la tête, tu serres les dents. Ah ouais ? Alors pourquoi tu lui as fait la même chose qu'aux autres ? Rien qu'une histoire de soir, rien d'plus pas vrai ? Ça t'frustre qu'il ose dire ça, parce que t'as l'impression du contraire. Si c'était pas la même chose avec Lena, pourquoi couché avec elle pour une histoire sans lendemain ? Et c'était pas la même chose qu'avec les autres, en effet, parce que c'était avec la soeur de son putain de coloc. Si tu t'retenais pas, tu lui balancerais cette vanne, pour lui montrer qu'il a pas changé, qu'il reste le même con. Mais il insiste. si j’ai changé, sinon je prendrai même pas le temps de m’excuser puisque de toute évidence t’en a rien à foutre. Bam. Il marque un point. Tu le sais, il le sait. Sauf que tu veux pas lui donner raison, tu le feras jamais. Alors tu restes silencieux à contempler l'homme qui t'regarde dans l'miroir, le reflet d'toi-même qui est pris au dépourvu.

kostas tu vas pas me dire que t’as jamais fait un truc que t’a automatiquement regretté ? je te croirai pas. Des tas de trucs, même. Comme la première fois que t'as embrassé Agata, la première fois qu'tu l'avais vu et qu'ton cœur l'avait pas supporté. T'avais pensé à Laure-Lou, qu'elle en crèverait si elle devait apprendre que tu l'avais trompé. Et que tu la trompais encore. Ou bien cette rencontre avec ton frère, Élias, qu't'avais pas vu depuis dix ans et qui c'était pas passé comme prévu. Ou encore la fois où tu as blessé ta petite Lou, lui balançant des paroles horribles en plein visage. Oui, t'avais fait tous pleins de trucs que tu regrettais. Mais jamais tu pourrais l'avouer, surtout pas à Ace. Tu devais avoir l'air parfait devant lui, pour lui reprocher des choses. Jamais. Tu mens. Mais tu sais qu'il sait, parce qu'il te connait bien après tout, comme tu le connais et qu'tu sais au fond de toi que ses excuses sont sincères. Qu'il a dû piler sur son orgueil pour te les donner. Alors tu te redonnes brusquement vers lui, en colère après toi. Ok disons que tes excuses sont sincères, je les prends. Et là, tu le menaces. Parce que tu sais pas quoi faire d'autres, tu paniques. Mais t'avises plus à toucher aux gens que j'aime, pigé ?

ace il avoue pas facilement quand il a tort. il est trop fier. il sait pas pourquoi, mais c’est comme ça. il aime pas montrer ses faiblesses, parce qu’on lui a jamais dit qu’il en était autorisé. y avait pas la place pour les états d’âme chez lui. pas quand on a un père qui vous formate pour gagner, réussir, attaquer, rager. il a jamais osé prendre les devants avec kostas, lui passer un coup de fil, lui proposer de se voir pour mettre les choses au clair. il a préféré attendre que le temps passe, pour qu’il guérisse les blessures. ça lui est revenu comme un boomerang. en pleine face et ça laissera des traces. il veut quand même lui expliquer, tenter de défendre son comportement. kostas comprend pas que pour ace, lena c’est vraiment pas une fille comme les autres. il a sûrement pas dû le montrer à l’époque, de par son attitude, mais dans sa tête ça a toujours été clair. à un moment il a juste perdu pied. à cause de la connerie, de la boisson, de la jolie fille en face de lui. il a été faible. voilà. il sait pas si avec lena c’était juste une histoire d’un soir, vu qu’il s’est jamais rien passé en fait. peut-être que ça l’aurait été. mais peut-être pas aussi. qui peut savoir ? en tout cas, il aurait jamais été ce salaud qui couche et qui ignore ensuite. il est pas comme ça. ace il a été élevé par sa mère, et elle lui a appris le respect. en particulier pour les femmes. il s’est mal comporté avec kostas, y a pas de doutes, mais pas avec lena. ce qu’il s’est passé c’était une volonté commune. « c’est pas pareil, j’te le jure kostas. je saurais pas te l’expliquer, mais j’ai jamais voulu lui manquer de respect. » il peine à trouver les bons mots. il est pas préparé à ce face à face qui le force à se dévoiler, à mettre à nu ses sentiments. à porter ses couilles pour se faire pardonner. il déclare ensuite avoir changé, ou plutôt mûri. et que ses plates excuses en étaient la preuve. il répond pas du coup. et là, ace il se dit qu’il a marqué un point. que peut-être le match va changer de camp et que ce n’est plus lui qui va se manger les coups uns par uns. puis il lui demande quelque chose de simple : si lui aussi n’a jamais regretté quelque chose. jamais. c’est sa réponse et ace soupire, parce qu’il sait que c’est faux. kostas il est humain comme tout le monde. il s’apprête à répliquer, à lui dire qu’il faut qu’il arrête de le prendre pour un con, mais il reprend la parole et il annonce finalement qu’il accepte ses excuses. il revient tout de suite à la charge, il menace. faut plus toucher aux gens qu’il aime. « tu l’as bien vu de toute façon, j’ai jamais couru après lena. je m’en suis tellement voulu. » il ajoute. la famille c’est la chose la plus importante pour ace. quand ses lèvres sont venues se poser sur celles de lena, il l’a automatiquement regretté, parce qu’il savait que vis-à-vis de kostas c’était un affront. mais le gamin qu’il était a cru qu’il allait pouvoir s’en sortir. on connaît la fin de l’histoire. « tu m’as foutu une sacré droite. » il continue en touchant son nez. il est pas cassé ni rien, mais il sent encore le coup qu’on lui a porté. il sait pas pourquoi il lui dit ça, peut-être parce qu’il peut plus se rependre en excuses. qu’il sait plus quoi dire. mais qu’il veut pas juste tourner les talons et repartir la queue entre les jambes. « écoute j’sais qu’on redeviendra probablement jamais amis, mais à la prochaine réunion si on pouvait éviter de se cogner dessus… » il ajoute plutôt légèrement. lui, il a envie de récupérer son ami. il doute fort de la probabilité de la chose cependant. et c’est pas comme si il peut lui dire. lui demander que tout redevienne comme avant. mine de rien, cette histoire l’a touché. il avouera jamais.