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 scavenger (casher) - intrigue

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Asher Bloomberg

Asher Bloomberg
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MessageSujet: scavenger (casher) - intrigue   scavenger (casher) - intrigue EmptyVen 14 Sep - 19:53

Il n’est pas passé.
Un appel en absence sans message laissé et ça y est, son cœur tambourine un peu trop fort, laisse les échos percuter ses côtes à mesure qu’il accélère le pas jusqu’à chez lui, tente d’appuyer sur l’icône qui a la même tronche que le cartomancien. Sans succès. Il n’est pas passé lui a dit l’infirmière quand il a demandé par curiosité, un grand brun blindé de tatouages ça ne court pas les rues, et il a bien capté au regard jeté par-dessus l’épaule qu’elle se demandait s’il n’y avait pas erreur sur la couleur de cheveux. Non, le blond c’est celui qu’est cruel, c’est celui qu’est plus rien. Il pensait qu’ils avaient fait passer le mémo, quelque part dans les couloirs immaculés de l’hôpital. Qu’ils avaient échangé des banals bruits de couloir sur la vie secrète de leurs patients jusqu’à découvrir le pot aux roses et les inclinations coupables du cœur d’Asher. Elle ne s’est pas posé la question, Elena, quand il lui a dit qu’il devait filer, qu’il a balancé l’excuse au milieu d’une phrase alors qu’ils évoquaient, l’instant d’avant, leur sortie imminente de l’hôpital. Elle n’a même cillé, même pas levé les yeux vers lui, même pas craché son air de dégoût habituel quand il la déçoit. Elle a juste dit qu’elle s’occupait de Matei et l’a regardé sortir de l’appartement avec son flingue de service, ouvrir maladroitement la portière pour se jeter sur le siège conducteur. Pas un mot, pas un geste, rien pour le retenir, rien pour l’empêcher. Un jour il lu dira, peut-être, s’il ne peut plus le cacher, s’il y a vraiment quelque chose qui bat sous la croûte, qui respire sous le manteau de poussière, si, si, si. Un jour, il lui dira s’il est acculé, s’il n’a pas le choix.
En attendant, son pneu percute le trottoir alors que le moteur devient silencieux.
Il n’est pas passé. La confession râpe encore ses oreilles à mesure qu’il lève les yeux vers la bâtisse décrépie qui dissimule le Troisième Œil. Un instant, il croise son regard dans le rétroviseur et s’effraie lui-même, détourne pudiquement les cils vers les briques délavées, se demande s’il devrait sortir (de la voiture), s’il devrait entrer (dans le bâtiment), si ce serait sage, prudent, raisonnable. Il n’est pas passé après tout. Peut-être que ce n’était rien, ce qu’ils ont vécu quelques mois en arrière, la promesse d’un éventuel futur dans le malaise moite d’un bureau désert, habillé seulement des babillements d’un nourrisson devenu un peu trop grand maintenant. Peut-être que c’était juste Caïn qui se sentait extrêmement seul et Asher qui était là, peut-être que c’était juste une manière de lui faire comprendre qu’il fallait le lâcher, que c’était inévitable, incompressible. Incompréhensible. La bouche sèche, il glisse sa langue sur ses lèves encore endolories par les ecchymoses à peine résorbées. Tant que les os sont à peu près en place, pas de raison de rester au lit. Pas de raison de gratter encore trop de minutes sur le passé, il a fini de se noyer dans l’hier. Faut sortir de la bagnole. Faut ouvrir cette putain de porte. Faut oser, se jeter.

Rien. Le noir et le silence, une odeur de poudre dans l’air. Rien et pourtant trop de choses parce que ce rien est symptomatique d’une anomalie. Rien de normal. Et derrière les effluves de sueur, de rance, de renfermé, derrière le sulfure qui lui rappelle un peu trop le fight club de Seth et sa dernière visite là-bas, y a un truc qui perce, un relent nauséabond qui lui soulève douloureusement le cœur à chaque pas qu’il fait. Du sang. Ça pue le sang. Ça sent tellement fort que ça le saisit à la gorge, que ça l’attrape sous le menton, cherche à le soulever hors de ses godasses. Du sang et pas de trace de Caïn. Faut pas être un génie pour comprendre, pour faire le calcul, l’équation qui se dessine un peu trop vite dans sa tête et ses genoux qui se fléchissent soudain pour faire le moins de bruit possible, assourdir le poids de ses pas sous une illusion de légèreté. Drôle de mascarade, il a un cœur enclume.
Il ne sait pas pourquoi il a pris son arme, Asher. Il aurait très bien pu la laisser chez lui, très bien pu partir sans s’en préoccuper. Ou au fond il sait, ça tord un peu trop ses entrailles de penser que Seth pourrait le fumer maintenant qu’il n’est plus monitoré, qu’il n’y a plus une ribambelle d’infirmiers pour le couver.

C’est stupide, il pensait qu’il n’en aurait pas besoin.

Et le voilà comme un abruti, à avancer dans la pénombre avec son pistolet contre la poitrine, si ses pas ne le trahissent pas c’est son palpitant tonitruant qui s’en chargera. Ça pique. Les battements, le goût de fer sur les dents. Ça pique tellement qu’il voit à peine la silhouette assise par terre, recroquevillée sur elle-même. Peut-être que son œil est attiré par autre chose, comme le macchabée qui git à côté, les yeux écarquillés vers le plafond. Ça lui fait faire un pas en arrière à Asher, un pas et un soupir frémissant parce qu’il tremble de tous ses membres, obligé d’enlever son doigt de la gâchette pour ne pas risquer une balle perdue. Tout se bouscule dans sa tête mais il ne parle pas, muet, incapable de sortir le moindre mot, absent, terriblement absent, sa paume libre qui vient agripper le premier meuble à proximité pour lui laisser le temps de regagner ses esprits. De reconnaître l’ombre accroupie à deux mètres à peine du cadavre. « Caïn ? » Il ne sait pas si le tableau est plus horrible encore depuis qu’il a mis un nom sur le visage émacié. Mais c’est peut-être ce qui lui permet d’avancer, de faire quelques pas avant de s’agenouiller à ses côtés. Au fond il n’a pas envie de savoir ce qu’il s’est passé tout de suite, pas envie de comprendre, pas envie de faire les liens dans sa tête et d’enfiler sa tenue de flic pour tirer des conclusions hâtives. Au fond, il a envie de faire exactement ce qu’il s’empresse d’exécuter, le flingue qui s'écrase sur le sol dans un bruit sourd et les bras qui s’enroulent autour de Caïn pour le supporter, pour l’inviter à faire peser son poids sur lui même si ça fait mal, même si ça brise. « Je suis là », il murmure, le berce quelques secondes, quelques minutes. La vérité c’est que dalle, la vérité il s’en contrefout. Innocent ou coupable. Caïn pourrait bien assassiner le monde entier, il lui trouvera toujours une raison, un motif. Et il lui offrira toujours une issue.
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Caïn Devaux

Caïn Devaux
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MessageSujet: Re: scavenger (casher) - intrigue   scavenger (casher) - intrigue EmptyDim 7 Oct - 22:15

Combien de temps déjà ? Depuis les coups, depuis la peur, depuis les menaces. Combien de temps depuis l’isolement ? Chaque jour qui passe est tiré à pile ou face, vivre ou mourir, pour le moment c’est que des piles, mais il attend le jour où ça tombera sur face. Combien de temps ? A jouer les informateurs contre son propre gré, taupe au service d’une milice qu’il ne comprend pas, idéologies qui ne le concerne pas, il voudrait leur demander de les laisser, surtout Madame et la fatigue qui se lit dans les yeux, l’impression de revivre Chicago encore et encore, il le sent bien Caïn. Il voudrait demander aussi à ce qu’on laisse Gavroche, pauvre gosse qui mérite tout sauf ça, surement qu’à chaque fois qu’un flingue est planté contre sa tempe il se revoit gamin, le corps de son père étalé, énième crime de haine. Il voudrait aussi qu’on libère Diamond, celle qui tremble, celle qui attire les regards, celle sur qui ils s’arrêtent un peu plus, les mains qui glissent le long de son cou ravagé par le passé, le ventre de Caïn qui se tord, impuissant, l’envie d’hurler. La touchez pas. Ils n’ont rien fait encore, mais ça ne saurait tarder. Les autres ils peuvent supporter, que ce soit lui, Chief en Gengis, ils ont suffisamment bavé pour pouvoir accepter d’avoir une braquée contre soi. Pourtant ils ne font pas de distinction, ils menacent, malmènent, bousculent sans se préoccuper de la victime. Et Caïn enrage un peu plus.
Un peu plus.
Chaque jour.
Il s’est coupé de tout, des autres, des gens, s’isoler pour les protéger, ignorer les appels, les sms, boutique fermée, ils prétendent que les membres sont partis en vacances bien méritées en Louisiane, Nouvelle Orléans, qu’il ne reste que Caïn, Caïn trop pris par sa rupture, par Swan et Bambi, Caïn qui ne veut voir personne. Il court de la ville, coursier par obligation, aider des gens à l’accent trop lourd, irlandais, de l’IRA, pas besoin d’être intelligent pour comprendre que ça va pas. Il a essayé plusieurs fois de négocier, ça s’est toujours mal terminé, alors il attend sagement, profite des instants dans l’ombre pour monter un plan, essayer de se sortir la tête du nœud coulant avant que ses pieds ne pendent dans le vide.
Au début rien ne s’est passé, les jours se sont enchainés, un peu plus sombres, un peu plus violents, le sang sur les mains des irlandais et les murmures dans la ville, la crainte qui grimpe, et personne qui ne pense à Tybee Island pour fouiller. Bien trop huppé. Sauf au Troisième Œil où la vermine se terre.
Puis il y a eu cette fois, il y a eu cette fois où ils se sont tous rassemblés, comme pris d’une frénésie soudaine, l’impression d’avoir enfin trouvé ce qu’il voulait ou tout simplement un règlement de compte organisé. Il ne s’est pas occupé de ça Caïn, profitant de la cohue générale pour glisser son téléphone dans sa poche, avant qu’un des irlandais leur ordonne de se rassembler dans un coin du salon éteint, l’arme visible à la ceinture, pendant que les autres s’en vont un à un.
Ils sont seuls. Pour la première fois. Et pour la première fois la garde est maladroite, on ne les surveille pas assez, juste le temps de sortir discrètement le téléphone de la poche, profiter de cet instant de répit pour craquer, pour se lancer. Il y a Madame qui secoue doucement la tête pour l’en dissuader mais Caïn continue, les doigts qui pianotent aussi discrètement que possible un appel à l’aide crypté, quelques mots maladroits, pour Asher, le premier à qui il pense dans cette situation là. Le premier qui viendra aussi. Le premier qui saura surement quoi faire. Egoïstement il est prêt à mettre la vie de son ami en danger, pourtant il a l’intime conviction que si quelqu’un doit être blessé ce soir, ça ne sera pas le policier.
Seulement voilà, rien ne se passe jamais vraiment comme prévu, bruit oublié, la sonnerie qui retentie, jamais au bon moment, au bon endroit, l’irlandais qui hurle une insulte alors qu’il tient Caïn en joue, ordonne aux autres de s’empiler dans la pièce du fond, de fermer la porte, clé balancée dans sa poche. C’est flou, le reste, la danse macabre qui se lance, alors qu’ils tournent l’un autour de l’autre, l’arme entre eux pour les séparer. Contact, violent, désespéré. Le tout pour le tout qu’est tenté, les doigts agrippés à l’arme alors qu’ils se la disputent, qu’ils grondent. Ils ont l’habitude, ça se sent dans leurs pas déterminés, de se fracasser régulièrement, de frapper un peu trop fort pour se faire entendre, se faire respecter. L’irlandais un peu plus. Mais Caïn a l’énergie du désespoir dans son dos, qui le pousse un peu trop fort, lui fait perdre pieds.
BANG
Le coup qui part. Pendant un instant il cherche sur lui l’impact de la balle, surprise, le cœur qui bat trop fort, attend la douleur, la mort. Mais rien. Bruit sourd d’un corps qui tombe sur le parquet, l’irlandais qui s’effondre et déjà le carmin qui tâche sa poitrine. « Non » alors qu’il se précipite vers le corps, qu’il a les mains qui se pressent contre la plaie, empêcher le sang de couleur. « Non non non » qu’il répète un peu plus bas, plus paniqué, l’adrénaline qui chute en un instant, le corps soudain qui frisonne. « Non putain ! » alors qu’il sent petit à petit le cœur fatiguer sous ses paumes, la vie qui s’en va lentement, surement, pour une balle perdue, pour une danse ratée.
Il porte les mains à son visage, incapable de respirer, incapable de comprendre ce qui vient de se passer, le sang qui lui colle à la peau, qui lui colle au corps, sur son t-shirt fatigué. Il sent l’odeur âcre de la mort, qui l’enserre un peu plus, le marque définitivement. Meurtrier. Pourtant c’était lui ou l’autre, c’était tuer ou être tué. Non ? Non. Bizarrement il n’arrive pas à se rassurer, l’air qui lui vient à manquer alors qu’il s’écarte un peu trop vite du cadavre encore frais, le dos contre le mur, il se met à pleurer. C’est moche, c’est triste, déchirant. C’est tragique. Trop de sentiments. Putain d’empathe confronté au pire des scénario, il sent le souffle dans sa poitrine qui se fait trop rare, alors qu’il ferme les yeux, laisse la panique le gagner, l’emporter loin de la réalité.

Caïn ? ça vient de loin. De très loin. De quoi lui faire battre des paupières, le tirer de sa torpeur protectrice. Une voix, des pas, un corps contre le sien alors qu’il se sent attrapé, des bras, ses bras, il remet enfin l’origine de la voix. Je suis là. Vraiment ? vraiment ? Il ne sait pas. Il ne sait pas si c’est encore un tour, une illusion de plus, épuisé, cerveau déglingué qui le fait marcher. Il lui faut quelques secondes, minutes, pour accepter de lever les bras, essayer de se raccrocher maladroitement à Asher, pour s’assurer qu’il est bien là. « T’es là » voix cassée, voix usée. Il n’y croit toujours pas.
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MessageSujet: Re: scavenger (casher) - intrigue   scavenger (casher) - intrigue EmptyDim 7 Oct - 23:53

Quelque part, trop loin, il y a son fils qui pleure.
On n’a pas besoin d’être parent depuis des années pour savoir ça, pour le sentir au plus profond des tripes et du cœur, pas besoin d’y être préparé à coups de livres spécialisés, de faire des nuits blanches pour écouter si l’enfant respire toujours. C’est au-delà de tout ce que l’on peut engranger d’autres avis, d’autres pères et mères passés par cette étape bien avant nous, au-delà de la simple connaissance technique qui se limite à de la théorie  spéculative. C’est viscéral, intrinsèquement instinctif, un brin de pulsion primaire qui ressurgit là où l’homme semble avoir tout colonisé. C’est le bruit des larmes qui parvient à l’oreille même lorsque des kilomètres nous séparent, même lorsqu’on ne devrait même plus penser l’un à l’autre. Matei pleure et ça réveille quelque chose d’organique chez Asher, quelque chose qu’il avait l’habitude de chasser comme une idée parasitaire sans vraiment y prêter attention avant, quelque chose de l’ordre du divin, du sublime dans son sens le plus littéral, quelque chose qui secoue la pureté de son lui profond. Il s’aperçoit aujourd’hui qu’il a déjà entendu cette peine satellitaire, ce manque à distance, cette impression vorace que quelqu’un sur terre avait besoin de cette attention excédentaire sans que cette personne ne fût son fils, la chair de sa chair, sa copie conforme et son sang dans les veines. Là contre Caïn, il comprend. Là contre Caïn, il semble pleurer lui aussi, de larmes silencieuses qui se brisent sur ses joues, détrempent la chevelure du cajun.
Il n’a besoin que de jeter un bref regard à la pièce pour savoir ce qu’il s’est passé, sans aucune certitude mais avec un ressenti proche de l’évidence et les yeux vissés sur le bois vermoulu des meubles du Troisième Œil, il se refait le film des journées d’horreur, du temps sûrement passé à espérer une aide futile qui n’était jamais venue, des instants où Caïn a dû penser que sa dernière heure était venue, la tête droite pour affronter son destin dignement, ne pas céder à une panique stérile. Il revoit tous ces visages qu’il connaît trop bien, Madame et Gengis, se demande où ils se planquent, préfère ne pas le savoir pour l’instant. Ne pas demander. Il ne lui faut qu’un regard au cadavre pour comprendre, savoir qu’il est l’intrus de la scène, l’anomalie qui avait semé la zizanie, provoqué l’ouragan. La source de tout et là où les chemins s’étaient réunis pour finir en grand bang, les yeux vitreux pour lesquels la dernière image avait dû être celle d’un canon de revolver. Il devine et il comprend parce qu’il connaît Caïn et qu’il sait avec une certitude inébranlable qu’il serait mort avant de laisser le visiteur toucher un seul cheveu de ses amis, parce qu’il sait qu’il n’y avait pas d’autre issue, parce que c’était lui ou le cajun et qu’il en serait mort si les destins s’étaient inversés, si le corps qu’il tient contre lui était celui qui gît inanimé. T’es là il murmure la voix éraillée et Asher resserre les bras, attrape fébrilement sa joue du bout de la paume comme s’il avait peur de le toucher. « Toujours, Caïn. Toujours. » Ce n’est pas le moment de lui dire, il pense. Pour Seth, le fight club, pour le coma et le réveil sans lui à côté. Ce n’est pas le moment et ça ne le sera peut-être jamais, tout ce qui comptera ce sera de lui dire qu’il n’y était pour rien. Que s’il n’a pas répondu, ce n’était pas parce qu’il ne voulait pas. Qu’il était venu aussi vite que possible dès qu’il avait compris que quelque chose ne tournait pas rond. Honnête, à s’en damner. Il sait que ça le tuera, un jour. Que ça lui collera une balle entre les deux yeux. Pas aujourd’hui, pourtant.

Le temps semble figé. Il ne sait pas depuis combien de minutes il a garé sa bagnole, depuis combien de temps il serre le cartomancien contre lui. Il ignore aussi depuis quand il compte, comme si ça avait une sorte d’importance. Que ça prenne dix secondes ou dix heures, le résultat sera le même, il refusera de bouger quitte à prétendre que ses pieds sont cloués au sol. Ou juste pour décoller son corps frémissant, démêler sa sueur de celle du cajun, respirer de nouveau l’odeur trop âcre du sang. Ses deux mains viennent doucement attraper le visage de Caïn, les pouces qui caressent lentement ses joues pour l’inciter à le regarder, à rouvrir les yeux sur le chaos qui les entoure. « Caïn », il souffle, le visage proche du sien comme s’il tenait à ce qu’ils restent dans la confidence, que personne ne les écoute, que personne ne les comprenne. Eux contre le reste du monde. Il le voit trembler, il le sent. C’est son être entier qui vacille entre ses doigts. Lui aussi frémit, d’ailleurs, le cœur du bord d’une falaise et pas assez de courage pour ne pas se laisser submerger par les mêmes émotions que son compagnon. Les émotions, ouais. Plutôt la vague, la déferlante. Il arrive juste à contenir vaguement ses propres soubresauts nerveux, les yeux rivés à ceux de Caïn pour ne pas perdre pied. Pas totalement. « Love. » Murmure. Il sait qu’il ne veut pas mais c’est tout ce qu’il trouve, tout ce qu’il veut, comme un appel machinal, instinctif, celui d’un animal qui a retrouvé sa moitié. Il respire lentement, continue de caresser les joues du cajun. « Je vais appeler mes collègues et dire que c’est moi qui l’ai fait. Que j’étais venu te retrouver parce que j’ai eu ton appel à l’aide. Qu’il m’a agressé et que je n’ai pas eu d’autre choix. » Chaque syllabe est découpée méthodiquement, son ton lent et assuré. Résigné. Sa tête mouline pour essayer de savoir combien il prendrait pour ce genre de mensonge, si jamais ça se savait. Sauf que ça ne se saura pas. Sauf que c’est leur seule option. Lentement, il essuie ses propres larmes du revers de la main. « Je suis désolé de ne pas être arrivé avant. » Même s’il n’y pouvait rien, en témoignent les traces bleutées encore trop présentes sur son visage. Ça ne l’empêche pas d’être désolé, non. Et d’avoir terriblement peur.
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