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 cathéter (alto)

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Alice Rivera

Alice Rivera
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MessageSujet: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyJeu 30 Nov - 19:19

Dis Tito je peux dormir chez toi ? c’est supplié presque, même si elle sait que de toute façon qu’il dise oui ou qu’il dise non, elle viendra quand même. C’est qu’elle a pas trop le choix Alice entre dormir sous les ponts ou dormir sur le pavé, elle peut pas retourner chez elle pour le moment et Rhoan est occupé. Alors c’est Tito. Toujours Tito. Pauvre Tito. A supporter la loque qu’elle représente, quand elle vient sonner chez lui, les cheveux en pagaille et les cernes jusqu’au milieu des joues. Surement qu’elle est pas belle à voir Alice, surement qu’elle a l’air de ressortir d’une tombe aussi. Elle en a l’impression d’ailleurs, tout son corps qui la supplie de se poser un instant, rien qu’un instant, d’arrêter de jouer contre la montre. Dis moi oui Tito, même pas la force d’offrir un sourire, c’est toute la journée à pédaler sur ce vélo stupide pour livrer des fleurs à travers la ville, faut croire qu’avec les fêtes qui approchent, les gens se sentent soudain plus généreux. Alors elle attend pas la réponse de toute façon, se glisse sous le bras de Tito, jette son sac dans l’entrée avant de se diriger droit vers la salle de bain. Elle s’en fout de ce qu’il dira, elle s’en fout aussi de l’état, elle s’en fout de tout, elle veut juste laver la crasse de son corps, ne plus avoir l’impression d’avoir passé la journée dans une poubelle. Un instant, rien qu’un instant, les marques sur les bras violacées, pas de piqûre promis, ou ptêtre juste une, pour calmer la crise, pour calmer la peur, c’était pas fait exprès, elle avait oublié.
Menteuse.
T-Shirt et caleçon grapillé au vol, tant pis, c’est faire comme chez elle, l’habitude après tout ce temps à squatter comme une sans gêne chez lui. Il dit jamais rien Tito de toute façon, alors c’est tant pis tant mieux non ? Le besoin d’avoir un truc propre sur sa peau, les cachets qu’elle avale avec l’eau du lavabo, et sans un mot elle se dirige juste vers le lit. Qu’il soit 15h ou 3h elle s’en fout, y a juste ce foutu lit qui l’appelle, et quand son front touche l’oreiller c’est comme si elle pouvait enfin tout relacher. « Vis ta vie Tito, réveille moi juste demain » qu’elle marmonne avant de tirer la couette sur sa tête et qu’elle se laisse emporter au royaume des rêves. Pour une fois, s’autoriser, dormir, profiter. Rien qu’une fois ; Qu’est-ce qui pourrait bien se passer de toute façon.
Pas vrai ?

C’est la sensation désagréable. Sourde. L’impression de ne plus sentir ses jambes, comme si elles avaient disparues pendant la nuit. Mauvaise blague de la part du marchand de sable, et l’angoisse qui monte soudain comme une flèche. « Non »  murmure, les yeux qui cherchent en vain, la lumière, les décors. Ses mains qui palpent autour d’elle, chercher de quoi éclairer le noir. Trop noir. « Tito ? » c’est plus qu’un souffle, tant sa voix se comprime dans sa gorge, et Alice qui soudain se redresse, a du mal à respirer. Encore. Encore. Pourquoi y a pas de lumière. « Tito. Tito ? TITO ! » et voila, la vanne est ouverte, c’est trop récent, pas l’habitude encore, des crises, ça frappe de façon sournoise, sans prévenir. Et si on rigolait ce matin ? Elle sent les larmes le long de ses joues, l’impression qu’elle n’a plus d’air autour d’elle, et dans sa gorge un gémissement sourd. C’est rare qu’elle ai peur Alice. Mais quand ça la frappe, elle sait plus quoi faire. Juste hurler, planter ses ongles dans la peau de ses cuisses, essayer de sentir quelque chose, un brin de lumière, quelqu’un. « J’vois plus rien, j’vois plus rien »  et je sens plus mes jambes, alors que c’est sa peur qu’elle voudrait ne plus sentir.
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Tito Ochoa

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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyMer 6 Déc - 18:32

Dis Tito je peux dormir chez toi ? Il répond pas, ça sert à rien, ça fait longtemps qu’il dépense plus sa thune pour des textos inutiles. Oui, elle vient. Non, elle vient quand même. Alors il répond pas, langage tacite auquel elle s’est habituée, et ça lui évite de balancer que ce sera toujours oui pour elle. Il voudrait pas qu’elle sache. Il voudrait pas qu’elle comprenne. Quand il ouvre la porte, il fait la gueule, parce qu’il fait toujours la gueule, et de toute façon elle sourit pas non plus. Elle a pas l’air bien, Alice, mais eh, c’est un peu leur lot à tous, alors il fait taire son cœur, remet une couche de takatak dessus et bronche même pas. Il lui barre le passage du bras et elle passe en-dessous, comme s’ils jouaient à un de ces jeux pour les gamins. Il dit rien, elle dit rien, il referme la porte et il la regarde déjà plus quand elle fuit dans la salle de bains, retourne taper sur sa batterie en faisant p’t’être un peu plus de bruit qu’avant. Il tape, il tape, il tape, fixe les baguettes pour pas la fixer elle, même s’il perd pas une miette de son manège, du coin de l’œil, jusqu’à ce qu’elle s’écrase dans le lit et pouf, silence. Il tape plus, reste là comme un con, les baguettes suspendues dans l’air comme si elle venait d’arrêter le temps. Puta. Il en a marre, Tito. De lui, de rien dire et de rager en secret parce qu’elle voit que dalle. Mais il sait pas s’y prendre, enfin si, il sait, il lui fait à bouffer, et ça marche, d’habitude, sur les meufs, rien dire et faire à bouffer. Mais pas sur Alice. Elle bouffe mais elle finit pas à poil dans son lit. Il sait pas où est l’arnaque. Il préfère les filles faciles. Non, il préfère Alice, mais ça veut pas, eux deux, ça fait trop longtemps, ils sont trop proches, maintenant. Puta. Il pose les baguettes de côté en faisant aucun bruit, même si dans sa tête ça tambourine, ça gueule, ça tape, il vire ses fringues, s’allonge sur le lit, tout au bord, dos à elle, au-dessus de la couette pour pas lui faire de courant d’air et ça l’emmerde.

Il veut s’coller à elle, la serrer dans ses bras.

Comme d’hab, il le fait pas.

Dors, cabrón.

Tito-tito-tito, il a l’impression que c’est le bip-bip de son réveil qui l’appelle, la tête dans l’coltard. Y’a sa main qui cherche, qui s’cogne dans du dur, ay, puta madre, il le fout loin, son réveil, faut dire que les vingt-sept prédécesseurs ont eu une vie courte, explosés contre le mur. Il ouvre un œil, l’autre, son cerveau commence à percuter que c’est pas son réveil mais la voix d’Alice, Alice qui panique, Alice qui hurlerait presque, du haut du lit. Lui il est à terre, la gueule contre la moquette, il a mal aux os. « ¿Que? Puta, Alice, il est trop tôt, le réveil a pas encore sonné. » Il grogne, se redresse du mieux qu’il peut dans le maigre espace entre le lit et le mur, les yeux pas encore bien ouverts alors qu’il se hisse sur le matelas. « Alice, c’est bon, calme-toi, j’suis là. J’suis là. » Y’a ses paumes qui effacent les larmes sur ses joues. Il respire lentement, fort, juste pour l’inciter à l’imiter, à arrêter d’hurler parce que ça gueule déjà dans sa tête et qu’il a pas besoin de plus, rester calme. Il baisse les yeux sur ses cuisses nues, attrape les poignets doucement pour écarter les ongles de l’épiderme. « T’essayes de t’écorcher vive maintenant ? » Il cherche les pupilles d’Alice, mais elles le trouvent pas, elles regardent pas au bon endroit. Il sait qu’ça doit pas durer, en théorie, il sait, mais y’a toujours l’angoisse que ça reste, qu’y’ait plus qu’une demi-Alice, le corps tout pété, poupée désarticulée qui a perdu les yeux, « ça va passer », il murmure quand même, ça va passer, ça passe toujours.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptySam 16 Déc - 11:51

C’est le noir, oppressant, terrifiant. C’est le noir qui la prend à la gorge, qui la tient en otage. Reste avec moi Alice. Dans les putains de ténèbres, celles qu’elle essaye tant bien que mal de quitter depuis trop d’années. C’est qu’elles sont jalouses, les ténèbres, voraces même, à lui grignoter un petit bout d’esprit à chaque fois qu’elle vient y faire un tour. Elle étouffe, la panique, la peur. Comme une main qui serre sa trachée, comprime ses poumons, un poids mort assis sur sa poitrine qui l’empêche de respirer. Que? Puta, Alice, il est trop tôt, le réveil a pas encore sonné. Les mots qui l’atteignent pas, presque pas en fait, comme un murmure lointain à travers le voile qui la recouvre. Son cœur qui bat. Rythme effréné. Et les larmes qui coulent doucement alors qu’elle tâtonne pour essayer de trouver Tito à côté d’elle. Plus là. Comme un poids en moins sur le matelas, et pendant un bref instant elle sent la panique monter d’un cran. Encore plus haut. Toujours plus haut. L’envie de hurler, de fracasser des choses, de se fracasser elle aussi afin de ressentir quelque chose. « T’es où ? t’es où ? Je vois plus rien putain » comme un vieux disque rayé, elle continue sans cesse de parler, comme si entendre le son de sa propre voix pouvait la rassurer. Si seulement.
Puis c’est des doigts, sur son visage, c’est la chaleur d’un autre corps juste à côté du sien, c’est sa voix à lui avec l’accent qui chante qu’elle connait que trop bien. Alice, c’est bon, calme-toi, j’suis là. J’suis là. Lui qui inspire, expire et elle qui étouffe à côté, cherchant un moyen de se calmer, de l’imiter. Mais elle se fait l’impression d’être un poisson hors de l’eau qui recherche désespérément de l’oxygène. Elle sent qu’il lui attrape les mains, comme pour l’empêcher de se faire du mal. Le truc c’est qu’elle voudrait avoir mal. Plutôt que de n’avoir rien. T’essayes de t’écorcher vive maintenant ? Comme un rire entre deux sanglots, essayer de canaliser la peur un instant, se raccrocher à lui, rien qu’à lui. Ses doigts qui se lient aux siens, elle serre un peu trop fort comme pour s’assurer qu’il est bien là. « Ouais, parait que c’est à la mode, ça fera fureur les cicatrices avec mon short argent » ça et toutes les autres cicatrices qui parcourent son corps, sa peau, surtout sur les bras, les cuisses, marques laissées par ses foutues addictions. A croire qu’elle a toujours été destinée à jouer les poupées cassées. Pas grave, ça lui plait bien aussi, les bleus sur le visage, les stries sur la peau, loin de la princesse parfaite qu’elle ne sera jamais. « J’sen plus mes cuisses Tito » qu’elle finit par avouer avant de se remettre à se marrer, plus par dépit que par autre chose, parce qu’elle sait pas quoi faire d’autre entre ça et pleurer.
ça va passer Pourtant ils savent bien tous les deux que non. Que même si elle retrouve la vu et ses sens, ça reviendra encore, encore, jusqu’au jour où y aura plus rien, où elle sera vissé dans un foutu fauteuil, bave au lèvre et l’esprit dilué dans les médicaments. Puis elle crèvera. Tout simplement. « Oui. Ca va passer » la voix qui monte légèrement dans les aigus, pas vraiment convaincu alors qu’elle sent sa respiration s’accélérer un peu plus ? Elle serre fort les doigts de Tito, remonte un peu, vient poser son autre main sur son visage, sentir la chaleur de sa joue sous sa paume. « Joue un truc s’il te plait. Joue un truc fort. Sinon je crois que je vais exploser » besoin de camoufler le rester, les voix dans son crâne, camoufler la peur. « Rien à foutre des voisins, joue Tito » [/color] mais ne me laisse pas. « va falloir que tu me porte par contre parce que je compte pas rester sur ce foutu lit » qu’elle marmonne tout bas, essayant de jouer les femmes fortes, comme hier ou avant-hier, bomber le torse et lever le menton, alors que tout son corps menace de s’effondrer. Mais il la connait, Tito. Il sait comment elle est en vrai, et elle, elle sait qu’il l’empêchera de couler.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyJeu 28 Déc - 23:53

Elle le voit pas, et peut-être que c’est mieux, qu’elle voie pas qu’y’a l’angoisse qui lui creuse les traits, à lui aussi, sourcils froncés par l’inquiétude. Il serre sa main, entre ses doigts, la repose sur sa joue quand elle lâche prise, pour essuyer ses larmes du pouce, tâches humides sur ses phalanges qu’il voudrait faire disparaître en soufflant dessus. Il veut pas qu’elle sache que ça lui fait du mal, à lui aussi, qu’il fait semblant d’être fort juste pour elle, qu’il pourrait faire n’importe quoi pour ses beaux yeux, même aveugles, juste pour la voir sourire à nouveau, effacer la peur, la tristesse, la maladie, mais y’a pas moyen. Il est même pas médecin, et les docteurs ils ont dit que ça finira mal, de toute façon. Faut juste prétendre, que ça n’arrivera plus, que ça ira mieux demain, même si ça ira plus du tout d’ici quelques années, ou quelques mois. Il déteste ça, parce qu’il a l’impression que le temps leur est compté, qu’ils vont bientôt devoir dissoudre le groupe et qu’il restera plus rien de l’Alice qu’il a connue y’a quatre ans. C’est con, il devrait tout lui avouer maintenant. Peut-être pas là tout d’suite, parce qu’elle y voit rien et qu’elle panique, mais un jour où elle se sentira mieux, tant qu’elle peut encore lui répondre. Mais il veut pas entendre un non, Tito, il a beau faire genre que tout lui passe au-dessus de la tête et que rien ne le heurte, y’a rien de plus faux. Il serait capable de tout péter dans son appart’, pour un non, de descendre dans la rue pour briser quelques vitres de bagnole, et casser la gueule du premier connard qui se présente. C’est encore un gosse, Tito, pas encore armé pour la vie, et toutes les frustrations qui vont avec. C’est encore un gosse qui y connaît rien à l’amour, qu’a pas envie de se faire mal en se jetant à l’eau, qui sait pas trop comment faut faire, même s’il s’est déjà envoyé en l’air, c’est pas pareil. C’est jamais pareil, quand y’a autre chose que l’envie d’baiser, parce qu’il a envie d’protéger Alice, il a envie qu’elle reste avec lui à chaque fois qu’elle se barre, comme si elle embarquait un p’tit morceau d’lui-même, il a envie d’massacrer tous ceux qui la matent dans la rue, il a envie qu’elle le regarde autrement. Mais ça sera pas pour aujourd’hui, puisqu’elle le voit pas.

Il sait pas quoi faire, à chaque fois qu’elle a une crise, Alice, il se sent démuni, à seulement pouvoir être là pour elle, sans solution. Y’a rien à faire, il le sait bien, mais il aimerait pouvoir faire quelque chose d’utile, putain, il aimerait tellement pouvoir la soigner, il aimerait tellement pouvoir forcer ces médecins de merde à trouver un remède, n’importe quoi pour prolonger la vie d’Alice, pour qu’elle puisse encore chanter, danser, crier, rire. Alice, elle lui demande de jouer, et ça, il peut faire, pour couvrir le boucan dans leurs de cerveaux réunis, leurs cœurs qui battent pas du tout à l’unisson, il le sait, rythmes complètement chaotiques dans son crâne et sûrement dans celui d’Alice aussi. « Vale. » Il tire doucement sur une de ses mèches de cheveux, geste semi-affectueux, comme quand elle dit des trucs qui l’agacent, comme un gamin qui veut dire je t’aime de cette manière, mais qui peut pas se résoudre à l’embrasser sur le front, même ça, c’est trop. Il sait qu’elle ne fait que prétendre que ça l’atteint pas trop, et il joue le jeu, pour pas la bousiller, il lui en est reconnaissant, aussi, parce qu’il saurait pas quoi faire, si elle se délitait complètement sous ses doigts, parce qu’il pourrait pas la rattraper, il a pas le mental assez solide, pour ça, il se laisserait sombrer avec elle, folie à deux. Il sort du lit puis passe un bras sous ses genoux, et un autre dans son dos pour la soulever, soupire comme si elle était trop lourde à porter, même si c’est pas vrai, c’est juste pour la faire sourire, qu’elle se moque de lui et de sa force de crevette. « Attention j’te jette dans le canapé. » Il la pose délicatement, en vérité, après avoir parcouru les trois mètres qui séparent son pieu du salon, s’installe à la batterie, et se met à taper. C’est doux, d’abord, martèlement régulier sur la p’tite caisse, c’est plus doux que la tempête dans sa tête, mais c’est pour se calmer, pour que son palpitant se cale sur le rythme, padum-padum-padum, puis il ajoute un tak, tous les trois temps, puis un doum, tous les deux temps, et un chting en fin d’mesure, puis plus de tak-takatakatakatak, la cadence qui s’accélère, les enchaînements plus rapides, petite caisse, toms, cymbales, et le pied qui bat toujours à la grosse caisse, sur tous les temps, boumboumboumboum, ça tape encore dans son crâne, alors il tape plus fort, ça hurle plus fort à ses tympans, alors il s’acharne encore, tape plus fort, plus fort, jusqu’à c’que ça devienne assourdissant, jusqu’à réveiller les voisins, et tout l’immeuble, et même le poivrot qui s’est endormi dans l’caniveau en-dessous d’sa fenêtre. Il sait pas combien d’temps ça dure, assez longtemps pour rouvrir les cloches sur ses doigts, une des baguettes qui finit par lui échapper des mains à cause du sang qui l’a rendue glissante, l’autre qui valse sur le mur, à vive allure, la rage qui explose : « PUTA MADRE DE MIER- » Tout qui retombe, comme un soufflé raté, les yeux qui s’accrochent à Alice, il l’avait presque oubliée, paupières closes, à jouer comme si sa vie en dépendait. « ‘scuse-moi Alice. J’vais t’faire à bouffer. T’as envie de quoi ? » Il se traîne jusqu’à la cuisine, cale ses mains sous l’eau pour faire partir le sang, fait semblant de pas voir qu’il tremble.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyMar 9 Jan - 20:29

Elle voudrait. Elle voudrait quoi déjà ? Elle voudrait. Des tas de trucs Alice. Ouais. Des tas de trucs. Tout une maison entière de souhaits, de vœux à demi avoués. Elle voudrait. Puis des trucs qu’elle dit pas, qu’elle balance pas. Même à la thérapie. C’est pour elle, juste pour elle. Alice et ses regrets quand il y a plus qu’elle dans le noir, et des mots pour lui tenir chaud. Je vois plus rien. Et elle voudrait voir de nouveau Alice. Un souhait parmi tant d'autres mais pour le moment ça lui semble essentiel. Vital même. Besoin de le voir. Alors elle craque un peu laisse la coquille se fendiller quand elle s’autorise un moment de faiblesse. Rien qu’une fois entre elle et lui, ils ont le droit de toute façon, après toutes les conneries que leur a servit la vie. Vale. La voix chaude de Tito et la façon qu’il a de tirer sur une de ses mèches de cheveux. Deux gamins. Et le cœur d’Alice qui se serre un peu plus, y a trop de sentiments là dedans et c’est déroutant. Elle s’était promis pourtant. Mais y a eu les deux, y a eu Rhoan et Tito, et elle envoyé valdinguer tous ses principes à la con.
Elle pourrait presque sourire Alice.Presque. Mais à la place elle serre un peu trop fort, quand il la prend dans ses bras pour la sortir du lit, égoïstement elle voudrait lui demander de pas la lâcher, de la garder contre lui. Mais Alice ne le fait pas. A la place elle rigole un peu, distraitement quand il fait semblant de porter un poids immense. « Oui je sais j’ai grossi pas la peine de me le rappeler » qu’elle marmonne outrée, même si c’est pas vrai. Même si elle s’en fout, parce qu’elle sait que c’est pas ça qu’est important pour eux. Mais elle joue le jeu, accepte enfin le sourire qui bataillait pour sortir. « Pour un batteur t’es pas très musclé c’est tout » le visage qui se pose contre son bras, pas trop loin de sa poitrine. C’est pas si mal finalement.
Attention j’te jette dans le canapé. Le pire c’est qu’il en serait capable le con. Combien de fois elle avait finit à l’eau, balancée d’un endroit à un autre, malédiction d’être la seule fille et la seule petite du groupe. Mais pour une fois Tito ne le fait pas. Il la dépose délicatement dans le canapé et elle tâtonne pour rabattre ses jambes, ne pas les laisser pendre dans le vide. Et le cœur qui déraille quand la panique pointe de nouveau la tête. Crie pas. Non elle ne criera pas. A la place elle se mord la lèvre. Fort. Trop fort. Mais pas assez pour espacer les hurlements qui menacent de sortir. Crie pas, mais c’est plus fort qu’elle. Elle s’apprête à ouvrir la bouche, à abandonner. C’est sans compter Tito. J’ferais quoi sans toi qu’elle se répète trop souvent quand il l’accompagne à l’hôpital quand ses frères ne peuvent pas. J’ferais quoi sans toi quand il défend son honneur – pas si bafoué – en soirée. J’ferais quoi sans toi quand il la récupère amochée comme hier soir, qu’il dit rien et se contente de se pousser, une petite place pour elle dans son lit, de quoi manger. Ouais. Tito, ce foutu héros. Trop con pour le voir cependant, trop occupé à tout casser pour un oui ou pour un non, à insulter le monde, la vie, pour se rendre compte de la richesse qui coule en lui.
Le son. Doux d’abord. Elle ferme les yeux. Ca change pas grand-chose. Mais elle ferme les yeux quand même, s’enfonce dans le canapé, concentre ses sens restant vers la batterie. C’est doux, lent, le rythme qui va et vient, comme une danse qui commence. La valse. Une valse. Elle aimerait savoir danser la valse. Puis ça s’accélère, un peu, beaucoup, graduellement. Elle l’imagine presque, le perçoit parfaitement dans ses souvenirs, quatre à l’observer maltraiter percussions sur percussions, elle n’a pas besoin de voir pour savoir Alice. Et son cœur qui suit la cadence, un peu plus vite, un peu plus fort, les hurlements qui reculent au fond de sa gorge, dans son ventre, ils prennent peur devant la tempête qui prend naissance dans le salon. Joue encore. Les doigts qu’elle vient glisser sur le mur, les vibrations qui la traversent, et l’impression d’exploser. C’est beau. Putain. Chaos mélodieux, elle s’en fout elle n’a jamais aimé le lisse. C’est plus une valse c’est une course effrénée, le souffle court, elle voudrait pouvoir se glisser sur le sol, poser l’oreille et entendre le son qui se propage jusqu’au centre du monde.
Et puis soudain c’est la rupture.
PUTA MADRE DE MIER- Un bruit de baguette qui tombe, son cœur à elle qui suit le chemin, elle voudrait se précipiter pour la ramasser qu’il continue. Egoiste Alice, qu’importe le sang qui coule probablement sur les mains de Tito. Elle a besoin de ça au moins. Mais c’est terminé. ‘scuse-moi Alice. J’vais t’faire à bouffer. T’as envie de quoi ? De toi pour faire taire la tempête. De toi et de tes doigts bousillés pour la rassurer. De toi Tito mais surement qu’elle est trop bloquée pour le voir. « Je. » l’eau qui coule dans la cuisine, elle attend qu’il ai finit de se rincer les mains pour reprendre. « Rien, j’ai pas faim » et pour une fois c’est vrai. Elle qui d’habitude profite de la moindre excuse pour bouffer ce qui lui passe sous les doigts. Mais cette fois ci elle a pas faim. Juste le vendre qui se tord dans tous les sens, l’envie de chialer qui revient. « Tu veux pas… » tu veux pas quoi ? Mais sa voix se brise quand elle sent une brûlure sur ses cuisses, comme des fourmis dans les jambes, de nouveau elle plante ses ongles dans la peau comme pour s’assurer que c’est bien vrai. « Putain » toujours pas les yeux. Mais c’est déjà ça. Et trop rapidement elle se lève, s’emmêle les pinceaux, persuadée de retrouver directement l’usage de ses jambes. Et elle tombe. « Putain ! » frustration elle frappe le sol, frappe ses jambes, voudrait que ça soit aussi simple. « Je crois que j’ai décidé de faire un remix de la petite sirène. Sauf que c’est pas ma voix que j’ai vendu, c’est ma vue » putain. Heureusement que c’est pas la voix. Tout sauf la voix. Elle s’en fout Alice de plus pouvoir marcher, de plus pouvoir regarder. Mais si on lui enlève sa voix, surement qu’elle se flinguera. C’est décidé depuis trop longtemps déjà. Et le rire fatigué qui s’échappe de ses lèvres quand elle tente une nouvelle fois de se redresser. « Et du coup ça fait de toi mon prince ? » moqueuse, elle se cache dans le second degré pour pas montrer à quel point tout ça continue de la toucher.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyVen 26 Jan - 19:55

Respire. C’est pas si grave, ça lui arrive tout le temps, il faut juste attendre un peu et elle ira mieux. Jusqu’à la prochaine crise. Respire. Il s’écoute, inspirer, expirer, il dresse l’oreille pour percevoir le pschhht du robinet, le plic ploc quand il le coupe, le tic tac de l’horloge, se concentrer sur les bruits, c’est c’qui l’aide à se calmer, ça a toujours été comme ça, depuis qu’il est gosse, son père qui lui disait toujours de bien écouter, pour discerner les sirènes de police au loin. Il a l’ouïe fine qui distingue chaque son comme un putain de cabot, il connaît la mélodie du quotidien aussi bien que les symphonies compliquées qu’aime son abuela, aussi bien que sa mélodie à lui. Mais il ne faut pas y penser, à celle-là, à celle de Mamá y Papá qui se font cribler de balles, c’est la sienne, à lui seul, et faut qu’elle reste à l’intérieur, surtout quand il doit faire bonne figure pour Alice, surtout quand ses doigts sont trop abîmés pour qu’il puisse encore jouer, faire tout péter sur sa batterie et pas sur les murs ou sur les autres. Il doit se calmer. Respire, et il a l’impression de se souvenir comment on fait, maintenant. Il frotte ses mains ensanglantées dans un essuie propre, souillé, à présent, traînées rougeâtres, ça lui rappelle son abuela quand elle coupait la tête des poulets dans leur jardinet. Il sait pas pourquoi il se rappelle des trucs pareils, c’était son cousin Ernesto qui ramenait toujours de la volaille parce qu’il avait un poulailler, son abuela les attrapait par le cou et les décapitait au couteau de cuisine. Il se rappelle qu’ils remuaient encore et qu’il trouvait ça amusant. Pourtant, il se voit mal expliquer à Alice qu’elle est comme ces poulets, en ce moment. Elle apprécierait pas, il croit. J’ai pas faim, qu’elle dit, et il est un peu démuni, les sourcils froncés devant la poêle qu’il vient de sortir. Heureusement qu’elle le voit pas. Elle peut pas savoir qu’il sait pas quoi faire, immobile et l’air con devant sa poêle. Si Alice n’a pas faim, il est à court d’idées. Il sort quand même les œufs pour faire des tortillas, en se disant que l’odeur la fera peut-être changer d’avis, il les casse dans la poêle, ajoute les pommes de terre qu’il a pas bouffées la veille et un peu trop de piment pour relever le goût, à défaut d’avoir des oignons. Puis il tourne les yeux vers elle, parce qu’elle a pas fini sa phrase, les sourcils toujours aussi froncés en la regardant s’échouer par terre après qu’elle ait tenté de se lever. « Ouais ben la Sirenita elle va attendre que j’ai fini d’cuisiner la gueule à terre. Puta madre. » Il balance, bougon, avant d’réaliser qu’c’est pas très gentil. Alors il abandonne sa tortilla sur le feu, les bras qui la rattrapent quand elle essaye de se redresser une nouvelle fois, et il la guide jusqu’au canapé pour qu’elle se rassoie, regard réprobateur jusqu’à c’qu’il se souvienne qu’elle peut pas savoir qu’il la regarde comme ça. « J’suis pas ton prince, beurk, j’veux pas t’embrasser. » Gamin stupide. C’est à la maternelle qu’on fait croire à la fille qu’on aime qu’on la déteste et qu’on fait une grimace de dégoût en voyant les adultes s’embrasser. « Arrête de bouger, maintenant. » Et la réprobation est dans la voix, cette fois, le parent qui sermonne la gosse qui gigote de trop alors qu’il est occupé. Il revient à ses fourneaux, transfère la tortilla sur un plat en faisant son possible pour recouvrir de takatak les paroles d’Alice qui tournent encore dans son crâne. Sauf que c’est pas ma voix. Et si un jour, c’était sa voix ? Qu’est-ce qu’ils feraient ? Plus de Stellarr pour les sauver. Il secoue légèrement la tête, marmonne des jurons pour lui-même en coupant la tortilla en deux et en calant une assiette sur les genoux d’Alice. « Tortilla de patatas con chile », il annonce, en se laissant tomber à côté d’elle, sa main libre qui vient lui glisser une fourchette entre les doigts, « Paraît que le piment c’est bon pour les yeux. » Ou alors c’est les carottes. Il sait plus, il s’en tape, il veut juste meubler avec du bruit. C’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’y’a sa fourchette à lui qui tapote sur son assiette, rythme régulier comme pour poursuivre ce qu’il avait commencé tout à l’heure à la batterie.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyLun 12 Fév - 0:15

Par terre. Toujours par terre. Bloquée, impuissante, l’impression de passer sa vie à ramper, littéralement, pour s’en sortir. Par terre, alors qu’elle voudrait au-dessus, s’envoler. Par terre dans le noir, la voix qui flanche un peu, balancer des conneries pour camoufler l’orage qui gronde dans sa poitrine. Ouais ben la Sirenita elle va attendre que j’ai fini d’cuisiner la gueule à terre. Puta madre. Le rire incrédule qui la transperce, pas besoin de voir pour deviner l’air agacé sur le visage de Tito, les insultes trop faciles qui fleurissent entre ses lèvres, y a que comme ça qu’elle le reconnait. Tito et son accent trop fort, qui lui rappelle chez elle, Tito et ses mots sans adoucissant, un peu comme sa mère. C’est ridicule de le comparer à Carmen. Ridicule ouais. Mais parfois il lui fait le même effet, l’impression qu’il pourrait l’aider à aller jusqu’au bout s’il acceptait de s’arrêter un instant pour la soutenir. « Pendejo » qu’elle marmonne comme une habitude, trop d’heures passées à s’engueuler en espagnol avec un Rhoan qui ne comprend rien au milieu, y a qu’avec lui qu’elle se laisse autant aller, qu’elle refuse d’étouffer la latina qui dort en elle. Les doigts qui s’accrochent à lui, les jambes qui flanchent quand elle se relève mais elle ne chute pas. Tito qui la mène jusqu’au canapé, elle voudrait lui dire de rester, qu’on s’en fout au pire de la bouffe, qu’il fera tout cramer c’est pas grave. Elle lui en voudra pas. Promis. Mais déjà il fuit.
J’suis pas ton prince, beurk, j’veux pas t’embrasser. Elle l’imagine tout à fait, pendant qu’il parle, chacun de ses gestes qu’elle a calqué dans son esprit pendant ces années à se fréquenter. La moue boudeuse sur son visage, elle frappe là où elle peut, ptêtre sur sa tête, surement, ses doigts qui se perdent dans ses boucles un instant avant d’appuyer. « Cállate ! T’es vraiment qu’un gamin, c’est bon j’ai pas la peste non plus » ses doigts qui le libèrent, elle se cale dans le canapé comme elle peut. Arrête de bouger, maintenant. « Mais ça va putain, tu sonne de plus en plus comme mon abuelita » elle rigole pour lui montrer que c’est bon, elle a compris, elle jouera pas les cascadeuses à essayer de faire le poirier les yeux bandés, qu’il n’a pas à s’inquiéter pour elle comme il le fait. C’est pas son rôle. C’est plus son rôle. Elle se débrouille maintenant. Promis juré. Menteuse.

Sur son canapé Alice attend, elle teste sa peau, les sensations lointaines sur ses jambes fatiguées, se perd dans les sons qui se fracassent dans l’appartement, Tito qu’elle devine dans la cuisine et l’odeur de la nourriture. Comme chez elle. Sauf que c’est pas chez elle. C’est jamais chez elle. Elle n’a plus de chez elle. Pas grave. Elle se fait squatteuse, des années qu’elle a maitrisée l’art, jusqu’au jour où elle décidera de se poser. Pas encore, pas tout de suite. Pourquoi remplir inutilement un appartement quand on ne sait pas où on sera demain. Ca lui laisse l’occasion de fuir, encore, toujours, se perdre dès qu’elle n’assumera plus rien. C’est la sensation de l’assiette sur les genoux qui la ramène, par habitude elle tourne la tête, essaye de trouver la source, sent son cœur déraper parce qu’il n’y a rien. Que du noir. La panique qui frappe à la porte, elle inspire, serre fort les poings, les ongles qui s‘enfoncent dans sa paume en laissant des demi lunes rougeâtres. Tortilla de patatas con chile. Alice qui se raccroche à la voix de Tito , accepte d’ouvrir la main pour attraper la fourchette. Paraît que le piment c’est bon pour les yeux. C’est pas les yeux qui déconnent. Mais elle n’a pas le cœur à le reprendre, lui expliquer que c’est ses nerfs, le cerveau, pas juste les deux globes qui lui permettent de voir. Mince sourire sur le visage, elle ne mange pas. Pas encore. « Pourquoi tu dis beurk quand tu parles de m’embrasser je suis si dégueu que ça ? » C’est vicieux. Elle sait. Sale gosse, mauvaise. La fourchette qui vient taper tout sauf en rythme, elle imite Tito, pour attirer son attention. Comme une envie de le provoquer. Un peu. Encore. Se changer les idées. « Rhoan il m’a pas trouvé dégueu » innocente, elle plante un peu au hasard sa fourchette dans la tortilla, avale un bout, puis deux, teste le silence, petit sourire satisfait sur son visage. « Quoi que moi je l’ai trouvé dégueu, alors ptêtre que je comprends ton point de vue » elle se donnerait des baffes parfois. Incapable d’apprécier le calme, sans foutre les pieds dans le plat.
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Tito Ochoa

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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyVen 9 Mar - 0:13

Y’a trop d’habitudes, entre eux deux, les insultes qui fusent en espagnol, ponctuation indispensable à leurs conversations-engueulades, jamais très loin de se foutre des baffes, puis y’a la bouffe qu’il lui fait, inlassablement. Alice rapplique, Tito passe aux fourneaux, elle mange et ça lui fait plaisir, un peu. Même s’il le dit pas. Même s’il sourit pas. Y’a la tape qu’elle lui colle sur l’arrière du crâne, aussi, comme le fait son abuela quand elle l’entend dire puta madre, et il est presque surpris qu’elle vise aussi bien sans voir, Alice, à croire que c’est un réflexe trop ancré en elle pour qu’elle se rate vraiment, ses doigts qui s’attardent dans ses cheveux et le nez de Tito qui se retrousse, moue pas convaincue qui disparaît quand il se rappelle qu’elle y voit que dalle. Il la remplace par un grognement blasé lorsqu’elle lui balance qu’il sonne comme son abuelita, l’abandonne au canapé et retourne à sa tortilla. Pourtant, ses yeux dévient inévitablement de la poêle à Alice, qui semble chercher les sensations dans ses jambes, les phalanges qui s’appuient un peu n’importe où. Ses yeux dévient comme ses pensées, qui reviennent toujours à Alice, le matin ou en pleine nuit, pas un jour sans qu’il pense à elle, même quand il la croise pas de la journée. Et elle qui voit rien, même quand elle y voit. Ça le rend dingue, mais il se dit qu’c’est mieux, aussi, qu’elle sache pas, qu’elle capte pas. Parce que si elle comprenait, ça changerait quoi ? Elle l’aime sûrement pas comme ça, et il aurait l’air con. Et peut-être que ça ferait des histoires, parce que c’est merdique d’être pote avec quelqu’un qu’est grave amoureux d’soi. Et il veut pas de ça, il veut pas perdre Alice pour des sentiments à deux balles, le cœur qui vacille et les pupilles qui s’accrochent trop volontiers à elle. Ça vaut pas la peine, vraiment, il a jamais su aimer correctement.

Elle a ce sourire faiblard quand il pose l’assiette sur ses genoux, et ça l’angoisse, quelque part au fond de lui, une p’tite bestiole qui vient lui ronger un bout d’entrailles, parce qu’elle ne mange pas, pas tout d’suite, et qu’son regard s’accroche toujours pas là où il faut. Une partie d’lui aimerait bien qu’ça se termine, qu’il suffise de claquer des doigts pour ravoir une Alice en pleine santé. Il a pas envie de penser à l’avenir, de penser à c’qu’elle deviendra, à c’qu’ils deviendront, sans elle, avec juste une moitié d’elle. Il veut pas y penser, mais les crises d’Alice lui rappelle que ça leur pend toujours au-dessus de la tête, comme cette putain d’épée de Damoclès. Et ça lui donne comme une envie de tout casser. Mais elle parle, Alice, alors il tend l’oreille, soupir agacé lorsqu’elle se met à taper sa fourchette contre son assiette, comme lui, mais tout sauf dans son rythme, complètement à côté de la plaque, et ça trouble tout à l’intérieur de lui, bordel monstre qu’il peut pas calmer s’il arrive pas à caler les taktaktak dont il a besoin pour survivre. Pour pas péter les plombs. Soupir agacé pour ce qu’elle dit, aussi, à mâchonner sa tortilla nerveusement pour pas balancer des conneries, enfoncer le clou dans son propre cœur qui déconne. Oui t’es dégueu. Ce serait facile de répondre ça. Ce serait facile, si sa fourchette lui échappait pas des doigts quand elle mentionne Rhoan. Qui l’a pas trouvée dégueu. Tintement du couvert au sol, il sait qu’elle a entendu, il sait qu’ça passera pas pour un bête accident, pour des phalanges mal assurées – il est batteur, merde. Et Alice se met à manger, et il sait pas s’il doit être soulagé ou lancer son assiette et son contenu contre le mur. Il hésite, ravale sa bile et l’énorme bouchée de Tortilla qu’il a engloutie pour se calmer. Ça sert à rien de s’énerver. Ils devaient être bourrés, c’est tout. Doit rien y avoir de plus, entre eux. Ça l’empêche pas d’sentir la jalousie brûler dans ses veines, son regard qui s’assombrit alors qu’il opère un véritable massacre dans sa nourriture. « T’as embrassé Rhoan ? » Y’a un bref silence, mais il la laisse pas l’interrompre, voix monotone qui reprend son monologue. « ¿Por qué? On t’a payée pour ça ? » Dis oui, dis oui, dis oui. Mais il attend pas la réponse, se lève pour larguer son assiette dans l’évier avec trop peu de délicatesse, beaucoup trop de violence, le bruit de fracas. Ça casse pas, heureusement, c’est solide, d’la bonne qualité. Il ferme les yeux, inspire, expire, recherche sa mélodie dans son crâne, mais tout c’qu’il arrive à voir, c’est Alice embrassant Rhoan, Rhoan embrassant Alice. Et peut-être plus. Et peut-être plus. « Puta de mierda », qui filtre entre ses dents.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyDim 11 Mar - 18:59

Elle sait pas pourquoi elle fait toujours tout foirer Alice. Faut croire qu’elle est incapable de se contente de ce qu’elle a du bonheur minuscule qu’elle sert entre ses doigts. Elle doit toujours aller plus long, comme un besoin de tout dégueulasser avec sa peau tâchée, tirer sur les cordes sensibles, faire semblant qu’elle ne voit pas et que c’est innocent alors que ça ne l’est plus depuis longtemps.
Tintement de fourchette sur le sol, ça lui fait redresser la tête, la certitude qu’elle a touché juste. Elle le connait trop bien Tito, même si elle prétend le contraire. Depuis trop de temps maintenant qu’ils se côtoient tous les trois, ça efface les barrières, y a personne d’autre qui en sait autant. Et inversement. Du moins c’est ce qu’elle penser Alice. Qu’elle est aussi la plus importante pour tous les deux, qu’elle a une place privilégiée, qu’ils ne la laisseront jamais tomber. T’as embrassé Rhoan ? Ca lui revient en flash, la soirée encore brouillée dans son esprit, surement qu’elle retrouvera jamais tous ses souvenirs. Elle se souvient de Rhoan, de l’alcool, des joints qui s’enchainent et de leurs rires débiles qui se meurent quand il vient l’embrasser. Elle se souvient du canapé, de ses ongles sur sa peau. Elle se souvient du matin aussi, de la peur au réveil quand ils ont compris ce qu’ils avaient fait, ce qu’ils risquaient. Mais finalement tout est bien qui finit bien et de cet écart il ne reste plus grand-chose, juste des remarques graveleuses de la part de Rhoan et des coup de poings paumés de la part d’Alice. ¿Por qué? On t’a payée pour ça ? Elle voudrait lui dire qu’on la paye pour faire d’autre choses, mais jamais pour coucher, elle voudrait lui dire que son argent elle le gagnera jamais en écartant les cuisses, elle voudrait lui dire de repenser à tout ce qu’elle lui a raconté, a ces années avec Darcy, la peau qui prend la couleur bleue nuit.
Ca la fait sursauter, un peu, l’impression encore une fois d’avoir dépassé les bornes quand elle entend le bruit de la vaisselle dans l’évier. Puta de mierda. Ca lui fait comme une brulure dans la poitrine, entre satisfaction et incompréhension, puis le regret aussi, un mélange des trois, trop perdue, comme toujours, elle sait jamais. Alors sagement elle continue de prétendre, avale un nouveau morceau de tortilla, mâche soigneusement avant de se décider enfin à ouvrir la bouche. « On a couché ensemble » voilà, c’est dit comme ça. C’est fait. Hop. Suivant. « Putain c’est bon là pourquoi tu prends ça aussi sérieusement ? » elle se recroqueville un peu plus sur elle, l’assiette en équilibre sur ses genoux qui retrouvent peu à peu leur sensibilité, ça lui permet de pas la faire tomber. « Non on m’a payé t’es vraiment con chui pas une pute. Et t’avise pas de me traiter de puta » la menace à peine voilé, si elle pouvait le fusiller du regard elle le ferait. Mais à la place elle ferme les yeux, c’est plus facile comme ça. « J’voulais te le dire avant qu’il ne te le dise lui-même, il va encore déformer le truc et raconter de la merde tu le connais » bien sur, ils le connaissent trop tous les deux, Rhoan aux mots trop faciles, la provocation comme seconde langue. « On avait trop bu, on avait trop fumé, ça nous a échappé voila c’est tout pas de quoi en faire tout un plat » elle marmonne tout bas, la fourchette qui vient piquer ce qui reste de nourriture dans l’assiette, un peu comme une gamine qui se fait engueuler par son père, elle a l’impression qu’elle risque la punition. « Tu connais Rhoan il couche avec tout ce qu’il bouge. Ca aurait été toi, il aurait aussi essayé ok ? » surement. Et l’idée la fait rire, parce qu’elle préfère oublier la mauvaise humeur et tout le reste, compenser la colère de Tito qu’elle connait par cœur. Brulante, violente, dévastatrice. Elle prie pour ne jamais être cible d’une colère pareille. Jamais. Ca la boufferait. « Merde détends toi Tito je blaguais, c’est toi aussi là à me chercher en disant que je suis dégueu ou je sais pas quoi, c’est pas sympa » reporter la faute sur les autres, tout un art, elle soupire et pose l’assiette à côté d’elle un peu trop fort, trop vite, le cœur qui perd le rythme.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyLun 26 Mar - 0:02

Il s’accroche au rebord de l’évier pour calmer les tremblements qui font danser ses doigts. Il s’accroche comme il peut, parce qu’en vérité il a seulement envie d’arracher l’évier du meuble et du mur et de le balancer par la fenêtre. Il sait pas pourquoi ça lui fait cet effet, il tente de continuer de se dire que ce n’est rien, qu’ils se sont seulement embrassés, mais y’a des pensées parasites qui s’incrustent, avec la langue ? qu’il veut demander, et l’image qui s’imprime contre sa rétine. Et puis Alice qui répond pas à cette question, qui dit pire, en vérité, bien pire, et y’a un flottement, d’un coup, deux battements de cœur trop éloignés l’un de l’autre, moment suspendu le temps qu’il assimile, le temps qu’il digère, murmure imperceptible du bout des lèvres : « puta ». Il digère pas. Ça lui reste en travers de la gorge, c’est coincé, il est en train d’asphyxier. Puta. Il a sa tête entre les mains, à présent, les yeux qui se ferment pour oublier, pour pas gueuler, à la recherche d’sa mélodie interne, celle qui le calme, celle qui l’apaise. Concentre-toi sur les bruits, Tito, mais il y arrive pas, mais les images reviennent, et il a envie de s’arracher les yeux, de cracher sa bile, de gueuler. Il écoute plus Alice, il entend pas ses justifications, sans doute qu’il voudrait pas les entendre, de toute façon, alcool, weed et fatigue, ça excuse rien, ça rattrape rien, ça change rien au fait qu’elle a baisé avec Rhoan, et il veut pas savoir, et il veut oublier. Ça hurle dans sa tête, et il entend plus rien, certainement pas quand elle lui dit de pas en faire tout un plat, encore moins que Rhoan aurait sûrement essayé de s’le taper, lui aussi. Ça a aucune importance, maintenant, aucune, c’est l’impression d’avoir été foutu de côté, que tout le monde s’est bien marré sauf lui, à pas capter comment il a pas pu empêcher ça, à pas pouvoir gérer la jalousie qui se glisse sous sa peau, martèle dans son crâne et dans sa cage thoracique. Il a pas entendu la menace d’Alice, y’a juste un détends-toi de trop, le silence dans l’appart qui suit, même si leurs cœurs battent beaucoup trop fort, à tous les deux. Il se rappelle plus qu’Alice est aveugle, qu’Alice peut pas marcher, qu’Alice a besoin de lui à ses côtés. Les souvenirs se sont envolés, effacés, y’a ses deux poings qui s’abattent sur le bord de l’évier, la cacophonie de la vaisselle pas faite qui attendait là, y’a sa voix qu’il reconnaît pas, lui échappe comme un fauve affamé s’échappe de sa cage : « FERME-LA, PUTA. » Il hurle beaucoup trop fort, plus tout à fait lui-même, son corps qui se recroqueville comme pour calmer l’orage qui le dévore, colère noire trop dirigée vers Alice. Il faut pas. Pas Alice. Elle doit pas le voir comme ça. « Puta », il répète, « puta, puta, puta, PUTA », ça explose en fin de phrase, le coup de pied qui part contre les meubles, et l’image qui le quitte pas, animal sauvage qui sait pas faire autre chose qu’attaquer pour se défendre, besoin d’un punching-ball. Mais pas Alice. Por favor, pas Alice. C’est la porte qu’il ouvre à la volée, qui se heurte violemment contre le mur, fracas de bois et de plâtre, il ferme même pas derrière lui. Tant pis.
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MessageSujet: Re: cathéter (alto)   cathéter (alto) EmptyMar 27 Mar - 11:18

FERME-LA, PUTA. C’est violent. Un peu trop. Comme une gifle en pleine gueule. Ça lui coupe la respiration. C’est que des mots pourtant, mais faut croire qu’elle aurait préféré qu’il la frappe plutôt qu’il l’insulte comme ça. Puta. Elle déteste ça. Ce mot. Foutu mot. Et ça résonne encore dans son crâne. Puta. Le dégout dans le regard de sa mère, quand elle lui ferme la porte au nez, y a juste ça, en guise d’adieu. Puta. A coucher à droite à gauche pour un rien, pour un joint, comme un défi quand elle avait provoqué Nash, quand elle avait provoqué Darcy aussi. Puta. Les poings qui se ferment, l’assiette qui dévale la pente de ses jambes pour aller s’écraser au sol alors que Tito explose un peu plus. puta, puta, puta, PUTA. Pas besoin de voir pour imaginer son visage, ses lèvres serrées, les yeux plissés de colère. Non. Pas besoin de voir pour ça, elle la connait sa colère à Tito. Elle la connait que trop bien. Elle connait ses vices comme il connait les siens, c’est une sorte de marché à eux trois. Pourtant, elle pensait pas que ça serait contre elle un jour qu’il hurlerait, elle pensait être au-dessus de ça.
Bruit de porte. Il s’envole.
« TITO » ça lui échappe, comme une supplique, un bruit cassé dans la gorge, animal blessé, elle sait pas où aller. « TITO REVIENS » Les jambes qui vacillent alors qu’elle se lève un peu trop vite, se rattrape comme elle peut au vide, à rien, à l’absence. Vite. Vite. Il est surement déjà loin. Et ça lui fait mal.
Alors elle force Alice, fait comme elle peut pour se redresser, l’appartement elle le connait que trop bien, les mains sur les murs alors qu’elle sort, cherche la rampe d’escalier. « TITO REVIENS TOUT DE SUITE » Peut être même qu’elle pleure un peu Alice. Elle a l’impression qu’elle fait que ça en ce moment, pleurer comme une gamine. Faut croire que c’est la saison. Elle se déteste. Elle le déteste. Elle les déteste. Tous. Tous. Pour porter de l’importance sur des gestes qu’elle ne comprend plus, comme si s’envoyer en l’air avec Rhoan avait cassé quelque chose, alors que c’était juste une blague. Trois ans d’abstinence pour cette connerie, elle en vomirait presque. Presque. Et comme à chaque fois ça revient dans sa tête : Plus jamais Alice, plus jamais. Pour qu’on arrête de la traiter de puta à tout bout de champ, pour laver la saleté de sa peau, pour qu’on cesse de la mettre dans une poubelle qui je ne lui correspond pas. « T’es tellement égoiste putain. Tellement, tellement, tellement égoiste » c’est plus gueulé, ou peut être un peu, elle espère juste qu’il est pas loin, qu’il entend. « Vous êtes tous les même, à nous traiter de pute quand vous faite pas mieux, à serrer à droite à gauche dans les bars, en soirée. Tu crois que je vois pas Tito ? » c’est amer, craché, alors que le noir continue de l’oppresser. « C’est ça casse toi putain. CASSE TOI MERDE. T’es pas mieux que les autres, alors me fait pas la putain de morale » finalement c’est sur la dernière marche qu’elle se laisse tomber, tête dans les mains, elle finit par tout lacher, chialer comme une môme qu’a perdu son jouet. « T’es pas mieux que lui » que Darcy. Et c’est salaud elle le sait. Putain. Bien sur qu’elle le sait. Mais elle en peut juste plus.
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