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 what a day for a daydreamin' boy (praggart)

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Casper Pryce

Casper Pryce
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▹ signe particulier : un tatouage représentant une molécule d'endorphine qui fait le tour de son avant-bras gauche, la clope au bec, toujours un bouquin de Shakespeare pas très loin. les mains qui tremblent depuis le sevrage forcé, pâle comme un linge, austère et froid.
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MessageSujet: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyJeu 8 Mar - 19:38

Il caille, bordel.
Y a pas un moment dans l’année où il est censé faire plus chaud, où les filles se vêtissent de fringues plus fines, où les mecs commencent à ressortir leurs affreux bermudas, remisés au placard pendant une trop courte trêve du mauvais goût ? Y a pas une période où l’air devrait se radoucir, où on ne devrait plus avoir une épaisse buée autour de soi à chaque fois qu’on ouvre la bouche ? Y a pas un mois où l’hiver se dit qu’il ferait mieux de se barrer fissa pour éviter de transformer le monde entier en glaçon ? Pourtant il l’aime cette saison, pas tout à fait l’automne, les couleurs moins terreuses, moins pétantes, pas non plus le printemps et les roses qui bourgeonnent en même temps que les allergies, un moment d’accalmie au cœur du chaos, le froid qui mord, qui glace, les pieds qui glissent trop souvent sur les trottoirs, manquent de faire se rétamer le piéton lambda qui n’aura pas fait attention à la plaque de verglas.

Il caille, il se demande qui a ouvert cette putain de fenêtre.

Tic, toc. Plus que dix minutes avant la fin du cours, il en a déjà plein le cul, soupir au bord des lèvres alors qu’il observe silencieusement les gamins penchés à s’en péter le dos sur leurs copies. « J’vais fumer une clope j’reviens », il lance négligemment en enfilant son sweat, demande à la petite brune du premier rang de faire attention à ce que personne ne triche si elle veut pas voir sa note affleurer le zéro. Mauvais prof. Excellent prof. Il a déjà allumé sa cigarette avant même de sortir de l’enceinte du bâtiment, le froid lui fait pincer les lèvres plus qu’à l’accoutumée, ses lèvres gercées lui arrachent une grimace. Il a l’air d’un cadavre, Caz, avec ses cernes qui dévorent ses joues et son teint trop pâle. Il aurait bien besoin de quelques vacances, une semaine ou deux, pas grand-chose mais suffisamment pour avaler de l’air, pour ne pas s’asphyxier, pour respirer enfin, être libre un peu. Peut-être pour ça qu’il claque sa semelle contre le crépi jaune dégueulasse, fume sa cigarette aussi vite qu’il s’enfilerait un verre de whisky. Retourne dans la classe en trainant des pieds, attrape juste son portable avant de dire « vous pouvez rentrer chez vous. » Il reste cinq minutes à tirer, il s’en fout royalement. Cinq minutes, c’est suffisant pour lui laisser le temps de réfléchir à sa prochaine destination, le récif pointu contre lequel il ira se briser. Ou briser sa caisse.
Le musée. Un tour au musée. Il ignore pourquoi l’idée lui vient d’un seul coup, sans prévenir, pourquoi elle est aussi plaisante, pourquoi ça lui colle un putain de sourire sur le visage alors qu’il fonce dans les rues de Savannah, colle son majeur contre la vitre aux conducteurs discourtois. Ses pneus râpent le macadam, laissent une fumée blanche derrière eux alors qu’il s’arrête sur une place à quelques mètres de l’édifice, ne prend même pas la peine de fermer le bolide à clé. Il monte les marches quatre à quatre, arrive finalement dans une grande salle ronde.

Il y a passé un temps quand il était gamin, bon dieu.

À regarder les portraits, à s’imaginer au milieu de leurs scènes, à les accabler de dialogues appris par cœur, les sœurs Brontë, Shakespeare, Dickens, à bafouiller des tirades alors qu’il était à peine en âge de pisser debout. Ça plie une ride sur son front, le souvenir ému d’une enfance qui n’est plus, ça colle des éclats dans ses yeux, une lueur de gaminerie, les iris trop taquins. Ça lui donne envie de se prendre de nouveau pour un gentilhomme de la cour, de se percher sur l’une des banquettes qui trônent au centre de la salle pour s’imaginer capitaine d’un navire en pleine dérive. Mais il n’a pas le temps de rêver, pas le temps de s’imaginer à huit ans, le sourire édenté, pas le temps parce qu’il entend une voix et qu’elle lui est familière, parce qu’il ne pensait jamais la retrouver dans pareil environnement, parce que ça lui donne un petit coup au cœur, un petit coup de vieux. Eoin Taggart qui semble être devenu guide, qui explique avec une nonchalance à peine dissimulée les histoires derrière les tableaux qui meublent les murs. Eoin Taggart, l’élève qui lui a laissé le souvenir le plus vibrant, le plus vivant, putain de génie, putain de gâchis, s’il a fini par trainer ses os entre ces quatre murs.
Alors il approche, lentement, tend l’oreille, regarde le tableau, se retient d’éclater de rire. Y a deux gonzesses sur le pont d’un bateau, un pauvre mec en costume de marin derrière, rien de très passionnant si ce n’est la polémique qu’il est sur le point d’amener sur le tapis, histoire d’enflammer un peu le débat. Main qui se lève pendant un silence, sourire insolent, il avance de deux pas histoire qu’il le reconnaisse. « Selon vous, ces deux demoiselles représentent-elles un couple en vacances ? » Les regards qui se tournent vers lui, choqués. Le sourire qui croque Taggart tout entier.  Coucou c’est moi. Putain tu m’avais manqué.
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyVen 9 Mar - 0:04

Il a dit oui, cet après-midi-là. Oui, je ferais un remplacement, oui, je jouerais les guides, oui, j’assurerais ma ronde le soir, oui, oui, oui, n’importe quoi pour se changer les idées, n’importe quoi pour éviter d’y penser, n’importe quoi pour toucher un peu plus de pognon, n’importe quoi pour pas stagner. Il sait que s’il s’arrête, il ne pourra plus redémarrer, sent la dépression qui tiraille au quatre coins de sa peau, de tous les côtés de son être. C’est pas le moment, il le sait, pourtant, c’est pas le moment parce qu’il peut pas se permettre de montrer ça à Mihail, pas le moment parce qu’il sait pas, pas encore, parce que leur colocation est encore neuve, encore brillante, encore drapée d’une espèce d’excitation où l’on passe sous silence toutes les petites choses agaçantes. C’est pas le moment de se laisser rattraper, pas le moment d’être pitoyable, pas le moment de s’allonger pour ne plus se relever, pas le moment de se laisser abattre. Ça arrivera, il le sait, parce que la maladie a de longs doigts, parce que ses mains finissent toujours par s’enrouler autour de ses poignets, parce qu’il peut courir aussi vite qu’il le veut ça ne change rien à ça. Ça arrivera, ça arrivera, ça arrivera, il ne peut rien changer à ça, il peut juste retarder l’inévitable, transformer ses visites habituelles au musée en tour pour les visiteurs. Ça change pas grand-chose, en vérité : il passe son temps à marmonner à voix haute, lorsqu’il passe, habituellement. Ça change rien, vraiment, même quand il fait ça gratuitement y a des mecs qui se mettent à le suivre en faisant semblant de pas écouter. Il fait semblant de pas les avoir remarqué, souvent, parce que c’est plus simple comme ça, parce que ça lui permet de se montrer odieux sans qu’on ne puisse le lui faire remarquer, de cracher sur un coup de peinture en collant un coup de critérium furieux sur son calepin, de se moquer de la tronche d’un portrait parce qu’on est pas censé laisser ses oreilles traîner, non ? Il fait la même chose, ce jour-là, arpente les couloirs qu’il connaît par cœur, pas trop vite pour que mamie traîne pas trop la patte et manque de crever, suffisamment rapidement pour que Kevin, douze ans, ait pas le temps de chopper une érection en passant devant une meuf un peu trop dénudée. Il ignore deux trois questions à la con, parce qu’il suffit de lire le cartel pour y répondre, évite une poussette dans laquelle il manque de rentrer, tangue au détour d’un couloir, un sourire comme un couteau sur la bouche, étiré par une politesse feinte, par un mépris difficilement masqué. Ils sont cons, les visiteurs, ils pigent rien, les visiteurs. Ils savent pas qu’ils claquent leur thune dans des établissements qui maintiennent la culture au-dessus des moyens de tout un chacun. Ils savent pas qu’ils entretiennent le bon vieux sentiment de supériorité de classe. Ils savent pas, évidemment.

Il s’attend pas à la question qui fuse, près d’un tableau banal à en crever. Il s’attend pas à la voix, surtout, à la mélodie familière, aux tressauts connus. Il s’attend pas à ça, évidemment, s’attend tout à fait à ça, lorsqu’il fait volte-face. Il le vouvoie et c’est un jeu, peut-être, une distance, un défi, il ne sait pas. Ce qu’il sait c’est qu’il reconnaît ses yeux, c’est qu’il reconnaît la paresse dans la voix, l’absurdité de la question, ce qu’il sait c’est qu’il tente de le mettre au pied du mur et de le jeter hors de sa monture, de faire grincer les rouages d’une visite trop bien huilé. Ce qu’il sait, c’est que c’est une putain de surprise et qu’il adore ça. Il patiente, un instant, le temps que Kevin arrête de songer au fait qu’il se masturbe sans doute sur la catégorie lesbians de porhub et que mamie arrête de lâcher des « oh » outrés toutes les trois secondes, ménage son effet. Il pianote sur son menton et il sait très bien que Pryce saura reconnaître la réflexion feinte, la moquerie derrière le geste. Il a jamais eu besoin de temps pour lui répondre, Eoin. Il a jamais traîné à l’arrière de la classe, il a jamais répondu en dernier, il a jamais été moins que parfait. C’était même pas pour l’impressionner, il le détestait, à l’époque, supporte toujours pas le gâchis qu’il est, petit génie coincé en Georgie, des classes et des classes en pâmoisons à ses pieds qui voient pas qu’il a choisi la facilité d’une ville dont personne ne veut plutôt que le chemin des grandes occasions. Il l’aime pas, Eoin, mais il le respecte, parce qu’il reconnaît un esprit brillant quand il en voit un, parce qu’il se dope à la stimulations.

« Votre question manque de précision. » Il a les yeux qui se tintent de défi. « Je ne sais pas ce qu’elles représentent. Vous connaissez les artistes, non ? Elles pourraient représenter les affres de la solitude ou la tradition de la polka en Pologne, pour ce que nous en savons. La vraie questions c’est sont-elles un couple en vacances ? » Il le crucifie des yeux, hausse les épaules. « Probablement. Il y a peu de chance que ce soit des femmes de marins, elles sont trop bien habillées, peu de chance que l’une d’elle soit la femme du peintre, aussi. Elles pourraient être amies, mais ça nous priverait d’une belle histoire. »

Il y a l’amertume de sa voix qui traîne sur le belle, quelque chose plein de fiel. Il ne sait pas si l’art se fait sur de belles histoires. Ce qu’il sait, en revanche, c’est qu’artistiquement la peinture ne vaut rien. La mamie lâche un nouveau, oh, et sa voix se fait sirupeuse, finalement :

« C’est la lettre « p » qui vient après, Madame, je pense que c’est ce que vous cherchiez. »

Qu’elle aille se plaindre, après la visite, il ne risque rien, de toute façon : ce n’est pas comme si qui que ce soit voulait faire son boulot, de toute façon.
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyVen 9 Mar - 23:57

Joue.
Ça se presse trop dans les veines, ça ronge trop le derme collé à l’os, joue, les muscles qui se tendent en observant Eoin, en guettant sa réaction, les voix des autres qui lui parviennent en sourdine totale, pas le cœur à répondre aux indignations de la grand-mère grabataire. L’attente est trop longue, trop dur, le souffle retenu en l’air, dans l’attente du couperet, de la réplique qui enverra tout valser, y a quoi derrière ses grands yeux, à quoi dans sa tête. À une époque, ça semblait tellement facile de le deviner, il lisait en lui comme dans un livre ouvert, captait toujours son regard à travers la salle de classe, on pense à la même chose, évidemment putain. Évidemment, y a un goût de souffre sous sa langue, de fer, d’acide, évidemment il attend le rebond, chopera la balle du bout de la raquette, la renverra de l’autre côté du filet et attendra le prochain échange. Il ignore pourquoi c’est comme ça, pourquoi ses poumons semblent se ratatiner dans sa poitrine, pourquoi ça claque dans ses veines, pourquoi il pourrait dire ta gueule au premier inconnu qui l’empêcherai d’entendre la réponse d’Eoin.
Joue. Et les mots se délient, comme à la belle époque, le sourire qui grandit sur ses lèvres, creuse des fossettes dans ses joues, oui putain, oui, la question n’est pas précise, même si la réponse n’est pas à la hauteur et que les lèvres reviennent lentement à leur position normale, moment d’extase passé. Ça lui avait manqué, putain, l’entendre digresser en parlant d’art, l’entendre disserter de manière aussi intelligible, intelligente, même s’il sait que ce n’est pas fini, que ça ne fait que commencer. Il a avancé de deux pas dans la foule, encore, se détache de la masse physiquement comme mentalement, au-dessus, à des années lumières. Elle lui avait déjà dit, sa mère, qu’il tutoyait les étoiles quand il se trouvait en présence d’intelligences comparables. Premier de la classe. Fayot. Vantard. Tout ce qu’il déteste, tout ce qu’il kiffe. Ça fout des palpitations dans son myocarde même s’il reste impassible, même s’il croise mollement les bras, même s’il feint un manque d’intérêt manifeste. Menteur. Excellent menteur. « Étrange », comme s’il se parlait à lui-même, alors qu’il interrompt la pique lancée froidement par Eoin à la petite vieille. Les gens sont derrière lui, il n’en a rien à foutre. Y a que lui qui l’intéresse. Lui qui est à un mètre à peine, et ce putain de tableau qui s’étale en fond. « D’aucuns considèrent comme vous que les œuvres d’art ont nécessairement un sens caché, avis pertinent quoiqu’admirablement naïf. » Petit sourire attendri, il se fout de lui et le fait sans même se cacher, comme avant, comme y a cinq ans. Un bail. Une éternité. « Une œuvre d’art est là pour faire vibrer. Pour accrocher le cœur. Pour attirer l’âme. Elle n’est pas là pour », et il décroise les bras pour faire un geste vague en direction du tableau, « adresser un message plus complexe que celui qu’elle montre déjà explicitement. » Un pas de plus, il a carrément snobé le groupe maintenant, trop près d’Eoin, trop près du tableau, il se demande s’il y a des détecteurs qui sonnent en cas de présence indésirable. La sienne l’est, de toute évidence.
La sienne l’est parce qu’il a l’impression qu’Eoin est déstabilisé, qu’il a un pied en dehors du joli scénario qu’ils jouent actuellement, qu’il aimerait quitter la pièce à la vitesse de l’éclair pour ne plus lui faire face. Ce qui est con, c’est que Casper n’a jamais su s’effacer. Certainement pas quand le jeu est si doux. « Donc si le peintre avait voulu nous montrer une histoire d’amour, ne ressentirions-nous pas quelque chose en voyant ces deux femmes ensemble sur ce bateau ? » Son visage se départ de sourire, il a l’air le plus sérieux du monde à cet instant précis. Nez qui se plisse, main qui se tend en direction de la toile, l’index qui montre la première femme. « Vous voyez, celle-là se tient en position allongée, le regard dans le vague, la pose lasse mais aucunement lascive », les yeux qui se posent un instant sur Eoin, le geste qui s’oriente doucement vers l’autre silhouette. « Et celle-ci a gardé une main dans le dos et s’accroche au cordage. » Il s’est rapproché, juste le temps de montrer, ignore si ce qu’il dit est pertinent, part du principe que l’art se ressent plus qu’il ne s’explique. C’est pour ça qu’il a toujours détesté les guides dans les musées. Pour ça aussi qu’une partie de lui est déçue de voir qu’il en est réduit à faire ce boulot médiocre alors que l’avenir lui promettait de si belles choses. Il attend un instant, humecte ses lèvres, observe Eoin en guettant la moindre réaction. « Ces femmes ne sont pas amoureuses. Elles sont sur la défensive. Il n’y a aucune passion, aucune fougue, absolument rien. » Souffle lourd, il recule de nouveau, se mêle au flot du groupe. « Et s’il s’agit effectivement d’une histoire d’amour, soit ce peintre ne sait rien de l’amour, soit il ne sait rien de l’art. » Il ne l’a pas lâché des yeux. Le froid jeté sur l’assemblée est tel que ses paroles résonnent dans la pièce. « Dites-moi donc, par conséquent, laquelle de ces deux possibilités s’applique pour vous ? »
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyLun 12 Mar - 23:56

Eoin pourrait être vexé. Oh, il pourrait, vraiment, parce que Casper rebute ses idées une à une comme si elles ne valaient rien, parce qu’il joue avec les mots, valse avec les idées. Il pourrait être en colère, aussi, parce qu’il joue les électrons libres, parce qu’il vient foutre un bordel monstre au milieu de son boulot, parce qu’il sera sans doute pas payé. Il pourrait, bien sûr, ce serait juste, honnête, correct. Il pourrait évidemment, mais ce serait reprocher à Pryce de jouer à un jeu auquel Eoin aime bien trop participer. C’est pas important, ce qu’il pense, ce qu’il croit, à ce moment-là, pas important du tout. C’est un débat comme un autre, des suites d’idées destinées à faire taire l’adversaire, un match de tennis verbal qu’il est prêt à livrer. Il bouge pas et Casper valse, un pas en avant et dans sa zone de sécurité, une main vers le tableau, trop près, trop près, trop près, et Eoin qui penche la tête, qui l’écoute sans l’interrompre, feint l’ennui le plus parfait pour lui renvoyer l’appareil, les mains dans les poches et l’insolence au bout des cils, lorsqu’il étouffe un bâillement. C’est intéressant, en théorie, intéressant, s’ils avaient vraiment été en présence d’une œuvre d’art, intéressant peut-être et s’il avait eu le moindre doute sur la qualité d’œuvre de l’objet peut-être aurait-il fait mine d’apprendre quelque chose. Il n’a pas de doute. Pas vraiment. Il sait que c’est mauvais, banal, qu’il aurait pu acheter ça dans n’importe quel vide grenier des maisons de Tybee. Il sait, lui, qu’il n’y a rien d’exceptionnel, que c’est vide, vide d’émotion et vide de talent et vide de technique. Il sait, lui, et peut-être que Casper le sait aussi, Eoin n’a aucune idée d’à quel point il s’y connaît.

« Vous me parlez de naïveté, » Il commence, doucement, et il est condescendant à son tour, parce qu’il sait bien l’être, parce qu’il sait bien le jouer, parce que ça camoufle un peu trop bien l’amusement qui brille dans les yeux et la façon dont l’échange le remue et le réveille.  « Mais c’est vous qui décidez de considérer comme œuvre d’art n’importe quelle croûte accrochée dans un musée. » Il ne lui demande pas de faire de la philosophie sur ce qu’est l’art, pas vraiment, mais il cherche ses yeux, un instant, parce que c’est ça, le problème, parce que fondamentalement, c’est ça : est-ce que c’est la peinture sur la toile qui fait l’œuvre, l’intention, la technique, l’émotion, est-ce que c’est la place dans les galeries et les musées, est-ce que c’est le nom signé, est-ce que, est-ce que, est-ce que et il sent son public décrocher, entend le grognement de la vieille, lève les yeux au ciel. Il a pas fini, loin de là, et il tapote son coude, les bras pas tout à fait croisés et le regard tourné vers la toile. « Je trouve que c’est manquer de jugement critique. On peut débattre de ressenti pendant des siècles mais si vous ressentez quoi que ce soit devant cette toile, je pense que c’est un psy plutôt qu’un musée que vous devriez visiter. » Il marque un temps, avant de lui sourire, un peu trop largement, les dents dévoilées qui accrochent une seconde la lumière des plafonniers, un geste d’agression plus qu’un signe d’amusement. « Du reste, vous excluez l’art engagé en niant le sens que peut abriter une toile ; je trouve que c’est une vision extrêmement réductrice. »

Quelque chose de parfaitement absurde, aussi, comme le fait de réduire l’art au musée. Il a vu plus d’œuvres sur les murs de la ville que sur les murs des musées, a croisé plus de talent derrière les bombes de peinture que derrière les pinceaux. C’est réducteur, stupide, absurde, de contenir l’art dans un lieu aussi étriqué, de donner des lettres de noblesse à des toiles qui ont jamais rien apporté, ça le dépasse complètement et il secoue la tête, passe une main dans ses cheveux, plisse les yeux, renvoie la balle, finalement :

« Je serais curieux de savoir ce que vous pensez de Guernica, vous savez. Ou des installations d’art moderne de Boltanski. Ou des tags de Shepard Fairey. Je vous parle de Goya et de El Tres de Mayo, aussi, ou ça ira ? »

Curieux parce qu’il est sûr que Casper aurait quelque chose d’intéressant à dire là-dessus. Curieux parce qu’il se demande comment il va se tirer de ça, curieux parce qu’il y a quelque chose de stimulant dans leur désaccord, quelque chose qui vrombit, quelque chose qui crépite, quelque chose qui lui arrache un sourire plus sincère, finalement, un sourire qui pétille, un sourire un peu moins agressif, un peu plus joueur, pas parce qu’il sait qu’il a été pertinent mais parce qu’il sait que la situation est un jeu, des deux côtés, un échange de bons mots et de bons arguments, où l’un adopte une posture pour que l’autre défende l’inverse. Et s’ils devaient faire l’inverse, sans doute qu’Eoin parlerait de sentiments et de la façon dont Klimt l’émeu à cause de la douceur des visages et de l’utilisation des couleurs ou de la façon dont il n’arrive jamais à se défaire de la puissance dégagées par les statues de Michelangelo ou de la façon dont Bosch le paralyse à chaque fois. Il pourrait, évidemment, parce que c’est vrai, dans le fond, parce que c’est vrai mais pas totalement, parce que c’est superficiel, quelque part, parce que si Eoin s’était contenté de lui parler de sentiments en lui rendant une dissertation, il est presque certain que Casper aurait fait une crise d’apoplexie.

Il ouvre la bouche, pour le dire, se retient, finalement, esquisse un geste pour passer à un autre tableau, espère que Casper suivra.
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Casper Pryce

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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyMer 14 Mar - 20:32

De l’esbroufe, rien que de l’esbroufe. Les yeux qui partent au ciel et la bouche qui forme un ô dans un bâillement silencieux alors qu’il fait mine de s’endormir, alors qu’il ne s’endort en réalité pas du tout. De l’esbroufe, Eoin comme lui, deux idiots qui s’adonnent à leur activité préférée de celui qui aura la plus grosse culture, à vendre leur savoir au moins offrant, se donner en spectacle au beau milieu d’un musée. Il y aurait quelque chose de pathétique à leur mise en scène si elle n’était pas belle, au fond, si leur tennis verbal n’était pas étonnamment précis, léché, le moindre geste pensé, la moindre parole réfléchie, les yeux dans les yeux et plus rien autour. Il aimerait le pousser dans ses retranchements, Casper, l’obliger à aller plus loin qu’il n’a jamais été, ne laisser qu’à peine de place à leurs égos démesurés. Fuir les mots qu’il lui balance, se retourner et répliquer, lâcher les phrases comme des comètes et attendre qu’elles crament dans leur stratosphère. Qu’elles foutent le feu à la lumière, qu’elles anéantissent le toujours, le jamais, flambent les étoiles comme des feux follets. Ça lui perce le cœur quand il entend ses mots, les comprend, quand les phrases prennent sens et qu’il s’aperçoit qu’il est intelligent, qu’il ne le déçoit pas, qu’y a pas une seule de ses répliques qui ne soit pas pensée au millimètre, sculptée dans son esprit, présentée comme la plus belle des œuvres du musée. Ce serait mentir que de dire qu’Eoin a tort, que cette œuvre est belle, mentir que de prétendre qu’elle lui inspire autre chose que de l’indifférence, parce qu’elle n’a pas les ombres d’un Degas, parce qu’elle n’a pas l’originalité d’un Van Gogh, parce qu’elle est bien loin du travail de Goya, Rubens, parce qu’elle n’insuffle rien, parce qu’elle ne signifie rien, image plate et sans saveur, sans sel, sans piment, photo délavée, bonne à jeter. Il n’a jamais été très bon pour prétendre, Casper, pas même lorsqu’il l’avait pour élève, pas même lorsqu’il l’exaspérait, pas même lorsqu’il lui rendait les meilleurs devoirs qu’il n’ait jamais lus, le cœur au bord de l’extase à chaque paragraphe, à chaque ponctuation, le A toujours poinçonné comme une évidence sur le coin supérieur droit. Il n’a jamais été très bon pour feindre, l’intérêt ou le désintérêt, l’amour ou la haine, jamais très bon pour cacher ses émotions et aujourd’hui ne déroge pas à la règle, large sourire qui s’étale sur ses lèvres lorsque l’ancien élève a mis fin à sa litanie. Capte le petit geste qui intime le reste de la foule de le suivre jusqu’au prochain tableau. Et c’est plus fort que lui. « C’est donc la première. » Tu ne sais rien de l’amour. Il s’y connaît trop en art, ça ne peut être que ça. Et l’affirmation sonne un peu trop fort dans la salle un peu trop vide, les gens amassés autour de lui comme des pions inanimés, les yeux qui vadrouillent de l’un à l’autre. C’en est presque indécent, la façon qu’à Casper de le regarder, le regard comme un fusil, à se demander qui va shooter l’autre en premier. Le cœur qui se soulève à l’idée qu’il le plombe, lui tire dans les ailes. « On ne saurait donc rêver meilleur guide. » Ce n’est pas un compliment, il saura le dire. Ce n’est pas un compliment parce qu’il sous-entend qu’Eoin est étranger à l’amour, qu’il a le cœur trop froid, trop vide, il parle de choses qu’il ignore, souffle un vent glacial sur leur petite assemblée. Trop fier, pas suffisamment. Il aimerait le bousculer, lui demander de nouveau de parler d’art, de parler de littérature, de parler de musique et de danse, de toutes ces choses dont il doit tant savoir et qu’il garde jalousement dans son cœur. Des sentiments qu’il ne laisse pas transparaître alors qu’il le regarde fixement, comme s’il avait commis le pire des impairs. C’est Casper qui indique la marche à suivre d’un signe de la tête, se dirige de lui-même dans la direction suggérée par Eoin quelques instants plus tôt. C’est lui qui prend les devants et qui reste silencieux devant le nouveau tableau, prêt à se saisir de la première occasion qu’il aura de le faire enrager, doucement, gentiment, les crocs à peine sortis. « Pouvez-vous nous expliquer le sens de cette toile, s’il vous plait ? » Le regard soudain intéressé, langage pas moins châtié. Il pourrait l’écouter parler pendant des heures.
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyMer 14 Mar - 23:35

Casper Pryce joue le coup bas. Ce n’est pas étonnant, Eoin se demande pourquoi il n’en est pas arrivé là plus tôt. Casper Pryce joue la pique, la remarque assassine, trois gouttes de citron dans la plaie et un sourire bien trop acéré. Il a l’habitude, Eoin, et il redresse la tête, lorsqu’on l’accuse de ne rien savoir de l’amour, feint de ne pas avoir entendu le camouflet, feint de ne pas avoir été touché. S’il était de mauvaise foi peut-être qu’il prétendrait ne pas comprendre de quoi il parle. S’il était de mauvaise foi peut-être qu’il se mentirait à lui-même. Tu ne connais rien à l’amour, balance avec tranquillité Casper, entre les lettres soigneusement découpées des phrases taillées sur mesure qu’il assène. Tu ne connais rien à l’amour, et sans doute que c’est vrai, parce que ça fait trop longtemps qu’il est cadenassé, trop longtemps qu’il ne sort plus sans bouclier. Tu ne connais rien à l’amour et y a sa mâchoire qui se crispe, une seconde, qui se relâche, qui laisse couler. Il veut pas lui donner de prise, pas là-dessus, pas maintenant, il veut pas reculer, il veut pas lui laisser le plaisir de savoir qu’il est touché. Tu ne connais rien à l’amour, putain, et ça tourne dans sa tête, une fois, deux fois, trois, quatre, parce que y a tous ces gens qu’il a aimé et qui sont partis, tous ceux qu’il aime et qui ne l’aiment pas, tous ceux qu’il déteste mais qui ne le comprennent pas. Il connaît rien à l’amour, évidemment, on lui a pas laissé le choix, il a attrapé une armure pour mener une guerre, il a jamais eu le temps pour ça.

« Il faut bien un guide à la hauteur des visiteurs, n’est-ce pas ? » Et il creuse un trou dans le crâne de Casper, les yeux lasers, le regard acéré, moins joueur, moins amusé, moins, moins, moins, même s’il le camoufle bien, même s’il valse vers le tableau d’après sans se poser de question. Ça le fait marrer, parce qu’il reste plus que la vieille, au bout du compte, parce que les autres ont déserté. Faut croire qu’ils volent trop haut pour le visiteur lambda, faut croire que ça plaît pas, les échanges de piques et les échanges d’idées, peut-être qu’ils sont trop prétentieux, en réalité, trop condescendants, trop concentrés. C’est possible, ce serait pas la première fois qu’on lui reproche ça et il ravale un rire sec lorsque Casper l’interroge sur le tableau d’après. « Je pensais qu’on ne parlait pas de sens, qu’on s’interrogeait sur l’émotion. » C’est mesquin, petit, et il secoue la tête, lance un regard suffisamment glacial à la mémé pour la faire décamper. Elle a mis du temps à saisir mais elle finit par se casser, finalement, loin, loin, loin, d’un pas tellement traînant qu’il se demande si elle irait pas plus vite s’il la faisait rouler. Sans doute que si, mais il tient à son poste, il va pas le tenter.

« Trêve de plaisanteries. » Il lâche, les yeux rivés sur le tableau. « J’en ai rien à carrer de ce tableau et je pense que tu n’en as rien à foutre aussi. Je pourrais te parler des influences et de l’utilisation des couleurs mais il n’y a rien de suffisamment frappant pour que ce soit digne d’intérêt. Quant aux émotions. » Son sourire s’étire en quelque chose d’un peu méprisant. « Tu peux constater comme moi que le sujet souffre d’apathie. Je refuse de perdre mon temps. » C’est une façon polie de la comparer à une vache qui regarde passer les trains, oui, une jolie tournure de phrase, ni plus ni moins, et il croise les bras, incapable de détacher ses yeux de son visage, incapable de battre en retraite alors même qu’il pourrait à tout instant lui faire perdre pied. C’est ce qu’il tente, après tout. C’est ce qu’il cherche. C’est ce qu’il veut, de toute façon. C’est comme ça que ça se passe, avec Casper, il pousse, il pousse, il pousse, il surprend, il soulève. Eoin l’aime pas, mais il l’estime assez pour savoir qu’il n’y a rien qu’il n’aime plus que de voir les gens se dépasser ; peut-être que c’est pour ça qu’il le respecte, finalement.

« Qu’est-ce que tu fiches ici, Pryce ? » Il demande, finalement, le tutoiement facile et le nom de famille qui chatouille sa langue. « Je pensais que tu serais loin d’ici depuis le temps. »

Enfin non, il rectifie. Il espérait pour lui qu’il avait fini par réussir à foutre le camp.
Apparemment pas. Tag arrive pas à savoir s’il est déçu.
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Casper Pryce

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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyJeu 22 Mar - 19:33

Il y a des regards qui veulent tout dire. Des qui s’adressent l’un à l’autre à force de bonjour, au revoir, des qui s’attisent, s’amourachent d’un échange informel, iris réceptifs, récepteurs, entre deux tirs croisés, d’autres qui signifient la fin d’un voyage, le début d’une aventure. Et puis il y a les regards qui percent, qui agacent une blessure déjà piquante, urticante, les dents en premier pour se briser sur la plaie, embrasser la lymphe. Ceux qui ont pour simple but de formaliser un échange déjà fort, déjà terrible, déjà agaçant, agacé, ceux qui n’ont pour but de n’être qu’un bras de fer dont le gagnant se désignera de lui-même. Ce regard, précisément, celui qu’Eoin adresse à Casper alors qu’il comprend, évidemment, alors qu’il perçoit la dureté des mots, leur approximation voulue, le sous-entendu à peine caché, ce regard qui brise le sourire qui avait frôlé les lèvres du professeur parce qu’il n’a jamais eu l’intention de le blesser et qu’il se demande, un instant, s’il serait allé trop loin. Ce n’est pas dans son habitude parce qu’il aime rudoyer, conscient que c’est pour cela que ses élèves l’aiment, pour cela qu’ils reviennent chaque jour, parce qu’ils manquent souvent le préambule de sa colère, n’en comprennent pas toujours les tenants et aboutissants. Pas Eoin. Eoin sait, Eoin le connaît, suffisamment pour savoir qu’il ne fait jamais cela simplement pour blesser mais pour susciter une réaction, un engagement, un changement, une folie, pour implanter un grain de déraison dans un esprit trop sage, pour forcer un retour de bâton, une gifle, une insulte, pour pousser à se dépasser. Et ça marche, Eoin chasse les âmes indésirables, celles qui risqueraient de se prendre une balle perdue, ça marche et Casper sourit, pince un peu sa lèvre inférieure du bout des dents parce que ça a un effet sur son rythme cardiaque, sur sa déglutition, feu d’artifice physiologique, les yeux qui dévient sur la petite vieille qui s’éloigne avant que toute son attention ne se reporte sur le guide. Quel putain de guide.
Trêve de plaisanteries, il commence, pas sûr que Casper comprenne parce que la vie n’est-elle pas que ça ? Une succession de blagues plus ou moins drôles auxquelles on se sent obligé de rire pour ne pas risquer son cul sur un siège éjectable ? C’est ce qu’il pense et ça fait plusieurs putain d’années, plusieurs siècles sûrement, à slalomer entre les pavés, à essuyer les plâtres des blessures infligées par un tournant mal négocié, une situation mal anticipée, c’est ce qu’il pense parce que s’il n’en riait pas, ça ferait une bonne paye qu’il en aurait chialé, seul le soir ou dans les bras de Nova. Ça ferait un bon petit bail qu’il aurait perdu espoir, sans plaisanteries. Il suppose que tout le monde ne peut pas être comme Eoin, à se refermer, à se construire un mur de pierre pour s’épargner la dureté du monde, à garder un visage impassible pour qu’on ne puisse pas lire son jeu, bluff à grande échelle. « Tu t’y connais en apathie, non ? » Et c’est à peine camouflé, cette pique, à peine déguisé en blague, le sourire trop absent et les yeux comme deux billes claires qui le scrutent, attendent une réaction, le cœur qui se meut à une vitesse déraisonnable, qui écorche sa poitrine en battement sourds, ininterrompus. Recule, Pryce. Recule, arrête. Sa conscience, à deux doigts de lâcher prise, alors qu’il fait trois pas en arrière, davantage, se laisse tomber dans le canapé qui meuble le centre de la pièce. Il croise les jambes, cheville droite sur genou gauche, décadent à l’extrême, prince de la désinvolture, l’attitude un peu trop leste alors qu’un sourire effleure de nouveau sa bouche, se cale là pour venir chatouiller le regard d’Eoin. Suffisamment loin pour ne pas perdre pied devant quelqu’un qui vient convoler avec lui, se frotter à son soleil, approcher son voisinage. Trop malin pour son bien. « T’ai-je déjà donné l’impression que j’avais envie de partir ? » Se mentir à lui-même, c’est un truc qu’il sait bien faire, ça. Aux autres, ça vient dans un second temps, après qu’il ait suffisamment élaboré le stratagème, appliqué la pommade, après qu’il se soit assuré que le leurre fonctionnerait, serait vraiment convaincant. Peut-être que ça prendra, sur Eoin. Sûrement pas. Il est trop intelligent pour vraiment penser que finir ses jours à Savannah était l’une de ses ambitions premières. « Tu t’ennuierais, si je n’étais plus là. » Il souffle, mielleux, se permet des libertés qu’il n’aurait jamais prises quatre ans en arrière alors qu’il était son élève, trop conscient que plus la limite était mince, plus il était facile de la franchir. La vérité, c’est qu’Eoin l’a toujours fasciné, à sa manière, dans son regard et dans ses mots et dans ses gestes, passion dans chaque sursaut, chaque intonation. Et à chaque travail rendu la même putain de vérité, d’authenticité, le même souffle et la même grâce, les A même pas forcés sur le haut de la feuille, l’admiration à peine dissimulée mais toujours la même sévérité, toujours la même rigueur. Celle qui les pousse à se retrouver aujourd’hui, si proches, si éloignés, lui sur son canapé et le guide à quelques mètres. Combat d’yeux, son cœur flanche. « Et toi alors ? C’était ton rêve, ça ? » Ça, ce boulot chiant, cette vie monotone, les blancs délavés sur des œuvres à peine bonnes à être affichées dans des chiottes. Tête un peu penchée sur le côté, il fait disparaître ses dents, redevient sérieux. « Tu te plais, ici ? » Sois honnête, ne le ménage pas.
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyVen 27 Avr - 5:02

Il se demande à quoi ressemblerait le visage de Casper si son poing rencontrait sa mâchoire. L’idée l’arrête une seconde alors qu’il le dévore des yeux, imagine l’os qui bouge, la façon dont tout son visage encaisserait l’onde de choc, les vibrations dans les os et la douleur contre son poing, l’excitation de se bastonner entre des pseudos œuvres d’art pour abruti pédant du dimanche. Il y pense, longuement, en silence, au milieu des phrases que balance Casper, au milieu du bruit du musée, dessine dans l’air son poing contre sa mâchoire, ferme les yeux, finit par sourire. Il sourit trop large, trop grand, trop brillant. Il sourit de façon toxique, comme un avertissement, peinturluré de rouge et de jaune et de noir, un serpent venimeux qui montre les dents. Il lui sourit et ça veut dire qu’il va mordre, il sourit et ça veut dire qu’il attaque, cette fois-là, ou tout du moins qu’il pourrait, trop intelligent pour asséner le premier coup mais suffisamment gonflé pour y songer, les yeux rivés dans ceux de Casper et une tranquillité presque surnaturelle dans les veines. Il est à bout. Il est épuisé. Il ne peut pas le dire, il refuse de l’avouer. La conversation glisse vers des sujets qu’il voudrait ne jamais aborder. Casper est trop insouciant pour le réaliser, pas assez concerné pour le comprendre et Tag refuse de lui laisser une prise, refuse de le laisser trouver un point d’appui. Rien ne touche Eoin Taggart, rien ne l’affecte, tout glisse, tout coule, rien ne s’accroche. Rien ne reste. Il est apathique et ça lui fait hausser les épaules, parce qu’il connaît trop bien le sentiment, c’est un fait, parce que ça ne discrédite pas ce qu’il disait, loin de là. Il n’est pas plus digne d’intérêt que le tableau auquel il jette un regard méprisant. Il daigne pas s’adresser à Casper, au final, pas tout de suite, fourre les mains dans ses poches pour aller s’installer sur un des sièges en cuir qui se tient au milieu de la salle pour que les ploucs qui visitent l’endroit puisse passer des heures à faire semblant de comprendre ce qu’ils regardent. C’est pratique, pour le coup, parce qu’il a mal aux pieds, déjà, parce que ça lui permet de croiser les jambes, parce que ça lui donne une espèce de dégaine un peu trop nonchalante, un peu trop décontractée, pas du tout calculée. C’est dommage que ce soit qu’une façade, dommage que rien ne soit spontané, pas le regard qu’il lance à Casper en-dessous de ses cils, pas l’inclinaison de sa tête, pas le mouvement de menton pour désigner la place à côté de lui, pas la façon dont il s’appuie contre le dossier. Y a rien de naturel, chez Eoin, rien qui n’ait été fabriqué, rien qui ne soit vrai, pur produit industriel, gamin grandi hors sol.

« J’sais pas si je m’ennuierais, Pryce, tu sais, je me suis passé de toi tout ce temps, j’ai pas trouvé que ça avait changé grand-chose. » Il inspecte ses ongles sans réellement moufter. C’est cruel, sans doute, il en sait rien, il flirte habilement entre l’insulte et la plaisanterie, échange de couteaux balancés par des artistes de cirque un peu trop adroit. Il ment pas, il exagère peut-être un peu. Casper lui a traversé l’esprit, quand il a fait ses cartons pour son nouvel appartement, lorsqu’il a balancé les livres qu’il avait bouffé lorsqu’il l’avait eu comme prof. Il peut pas prétendre qu’il a pensé à lui plus que ça, peut-être parce qu’il avait pas spécialement de raisons, peut-être parce que même les récits de Rowan sur le lycée suffisait pas à attirer son attention. Maintenant qu’il le revoit, il attend patiemment de voir qui versera le premier sang. Ça ne peut finir que comme ça, de toute façon, non ? C’est mathématiques. Ça va exploser, péter à la gueule de quelqu’un, parce qu’ils titillent les limites, parce qu’ils jouent, parce que ça ne peut pas finir bien. Ils sont trop intelligents pour les fins heureuses, trop à couteaux tirés malgré les sourires voilés. C’est un échange de bons mots autant qu’un échange de balles ; peut-être qu’Eoin prend ça trop au sérieux. C’est ça son problème de toute façon, ça a toujours été un peu ça. Il prend tout au sérieux, tout à cœur, tout personnellement, navigue dans des eaux troubles parce que les mots l’accrochent, parce qu’il leur prête du sens, parce qu’il s’attarde dessus Les jeux ne sont plus des jeux mais il y participe quand même, prêt à s’écorcher au milieu des rires des participants.

« On se fait tous niquer par le capitalisme, t’en as conscience. » Il finit par lancer à Casper. « J’ai pas de rêves qui impliquent pas de me faire péter devant la Maison Blanche, bosser ici me permet de payer les explosifs. »

Il fait un doigt à un visiteur qui lui adresse un regard noir. Bien sûr, qu’il a des envies d’attentat. Évidemment. Peut-être qu’il est fiché pour ça, d’ailleurs, il en sait rien. Peut-être que le FBI a des intérêts à ficher les jeunes suicidaires opiniâtre du fin fond de la Georgie. Peut-être. Il sait pas trop, et il s’en fout, finit par étendre les jambes devant lui.

« J’espère que ton rêve à toi c’était d’armer des bombes humaines. » Y a le muscle de sa mâchoire qui joue à force de serrer les dents. « Si c’est le cas, c’est réussi. »

Tu me fais péter les plombs, il souffle entre les mots, déjà à l’époque et maintenant plus encore, comme un incendie sous la peau, la colère dans le ventre, quelque chose d’autre au milieu. Il a les yeux qui tanguent, Eoin, au milieu des tableaux pas assez beau, la bouche qui se tord en un rictus moins calculé.

Peut-être qu’il est moins apathique qu’il ne le pensait.
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyDim 29 Avr - 14:05

Depuis quand. Depuis quand il est devenu ce gars qui s’octroie des droits qu’il n’a pas, se permet d’importuner à son bon vouloir ses anciens étudiants, leur infliger un ultime supplice avec celui de l’avoir eu comme professeur. Depuis quand il sèche ses propres cours pour aller flâner dans le pire endroit de Savannah, où les croûtes s’entassent plus que sur un plateau de fromage. Depuis quand il essaie de jouer les gros bras, de départager un ex-aequo qui dure depuis quatre ans, depuis la première fois qu’Eoin Taggart a mis les pieds dans sa salle de classe. Suicidaire, un détonateur à la place du crâne, à croire qu’il a envie de se faire sauter lui aussi et d’emporter le gamin dans son ultime carnage. Depuis quand, depuis quand, depuis quand, ça pince ses maxillaires, force le sourire alors qu’il le suit des yeux jusqu’à un bout de canapé à quelques places de celui qu’il occupe, l’oblige à tourner la tête pour ne pas perdre une miette de ses élucubrations. Il y a quelque chose qui vibre dans l’espace entre leurs deux corps et ce n’est pas seulement l’écho de leur joute verbale, pas seulement le séisme provoqué par les souffles qui espacent deux réparties, pas seulement les lasers imaginaires que leurs yeux se lancent en silence, pas seulement les allitérations avec lesquelles son esprit jongle. Ce n’est pas seulement ça, c’est davantage et il n’arrive pas à le situer, c’est davantage et ça le rend malade, maniaque du contrôle qu’il est, incapable de comprendre pourquoi Taggart le manipule à ce point-là et pourquoi il ne lâche pas tout simplement l’affaire. Sûrement car il a toujours aimé le défi, Pryce, entre deux enjambées gargantuesques pour passer de l’enfance à l’âge adulte, sûrement car il a ce sang trop souvent teinté de blanc, cette tête trop souvent remplie d’idées, ce cœur trop souvent acharné, à s’emparer du moindre combat pour ne pas laisser la routine poser ses bagages. C’est avec attention qu’il écoute Eoin, comme il l’a toujours fait en cours, ailleurs, partout où il pouvait le voir et l’entendre. Il a cette aura terrible, Taggart, sans s’en rendre vraiment compte, ce petit truc qui fait qu’on ne peut pas en décoller les yeux une fois qu’on a commencé à l’écouter, une fois qu’on essaie de comprendre ce qu’il veut dire, ce qu’il pense, ce qu’il ambitionne, parce qu’il a un cœur encore vert mais qui menace d’exploser comme un fruit trop mûr et que c’est quelque chose que Casper, malgré lui, trouve incroyablement fascinant. Tellement fascinant. Tellement fasciné. Il se lève pour venir s’asseoir à la place qu’il a désignée, acceptant - une fois n’est pas coutume - de laisser sa fierté de côté pour accéder aux requêtes d’un autre. De cet autre.
Il s’installe de biais, Casper, rogne malgré lui sur le siège occupé par Eoin, le genou qui entame un contact avec sa cuisse. Le coude replié sur le dossier du siège, il écoute, toujours, avec l’attention d’un bon élève captivé par un cours à l’intérêt inédit, aucune émotion ne lui traversant le visage si ce n’est une fascination totale. Ses yeux tracent le moindre de ses gestes, du doigt d’honneur dont il gratifie un visiteur malchanceux à la façon dont son regard vrille sur les tableaux, pas loin de lui montrer un semblant de l’émotion dont il l’a accusé d’être dépourvu. « Mon rêve, c’était de changer des vies. » Il se rend compte après avoir prononcé ces mots dans cet ordre précis qu’il s’agit d’un rêve présomptueux, pompeux, arrogant, qu’il faut sûrement beaucoup d’estime de soi pour prétendre qu’on peut repeindre un tableau qui ne nous appartient pas. Mais ça a marché avec Eoin. Trop bien, même. Ça a marché et il n’a pas tort, c’est Casper qui l’a armé, Casper qui lui a donné l’envie de se faire exploser quelque part, Casper qui n’a jamais cherché à réfréner les instincts révolutionnaires qu’il sentait déjà gronder en lui à l’époque. « Si tu veux me blâmer pour avoir changé un peu la tienne, sache que je le prends plutôt comme un compliment. » Sache, oui, sache que ça lui tort le cœur quand il mélange les mots dans sa tête, quand il prend conscience que tu es à deux doigts de te mettre une ceinture d’explosifs et que tu ne le regretterais sans doute pas. Sache que ça lui fait quelque chose, il n’y a qu’à voir la façon qu’ont ses yeux de se plisser, sa bouche de se tordre en un sourire désagréable, ses doigts de tapoter contre le cuir du canapé. Il n’y a qu’à voir tout ce qu’il espère te cacher. « Même si je pense qu’il y a autre chose à faire avec ta cervelle que l’éparpiller sur les murs de la maison blanche, Eoin. » Et ça hurle, quelque part, l’envie de lui dire qu’il est abruti, qu’il n’arrivera à rien en faisant péter une bombe devant la maison blanche, que ça ne servirait pas à grand-chose de toute façon à part faire flamber deux-trois arbres. Il est trop intelligent pour son bien, sans doute, trop intelligent pour croire encore en une issue qui leur serait favorable, à lui, à eux, à l’humanité, trop intelligent pour ne pas voir qu’on a atteint le point de non-retour et que ça va sûrement finir par un impérieux sauter ou se faire sauter. Et oui, ça fait peur, et oui, ça paralyse, ça glisse des frissons d’angoisse sous l’épiderme et des nuits d’insomnie là où on voudrait dormir, mais se battre est une solution, un choix, qui n’implique à aucun moment qu’Eoin Taggart finisse en hachis sur du marbre et en une des journaux locaux. L’image se martèle entre les os de la boite crânienne de Casper, s’imprime derrière sa rétine. Il le hait. Il le hait parce qu’il le pense, parce qu’il le veut, parce qu’il lui dit et aussi, un peu, parce qu’il le blâme. Il le hait parce qu’il a l’impression d’être celui qui lui a directement attaché la ceinture d’explosifs, d’être celui qui a soufflé sur la mèche, d’être celui qui a mis le feu aux poudres. Il le hait parce qu’il est son reflet le plus pessimiste, le plus sombre, parce qu’il est ce qu’il cache derrière tous ses sourires et qu’il refuse d’être confronté à une image moins vernie, moins lissée que celle qu’il a mis des années à se fabriquer dans son atelier, à additionner les sourires pour simuler l’insouciance. Il le hait et il ne sait pas pourquoi il se rapproche en une fraction de seconde, pourquoi il pose ses lèvres sur les siennes, pourquoi il ne s’en détache pas, pourquoi il ne se pose pas une seule fois la question de savoir si c’est correct, si c’est bien, si c’est réciproque, cette haine qui le brûle de l’intérieur, le consume totalement. Et le cœur qu’il met dans ce baiser est tout celui qu’il ne met pas dans leurs échanges, tout celui qu’il se refuse à lui accorder, comme un énième rempart à la souffrance pour éviter les coups, éviter les bleus, éviter de lui montrer qu’il préfèrerait crever plutôt que l’imaginer en train de se faire exploser. Quand il décolle ses lèvres de lui et recule pour pouvoir le regarder, ses yeux lancent des couteaux, son sourire a disparu. « Ne t’avise pas de dire que j’arme des bombes humaines. » Et le corps qui se remet droit dans le siège pour lui permettre de détacher enfin son attention de lui, l’attirer sur le tableau foncièrement banal qui leur fait face. « Tu fais ça tout seul, et tu le fais très bien. »
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MessageSujet: Re: what a day for a daydreamin' boy (praggart)   what a day for a daydreamin' boy (praggart) EmptyDim 29 Avr - 23:34

Merde, il pense, une seconde avant qu’on le pousse dans le vide. Merde, merde, merde, il a pas de testament, merde, merde, merde, il est pas préparé. Merde, putain, fais chier, bordel, bordel, bordel, difficulté à penser et sa respiration qui s’entrave une seconde dans sa gorge, les yeux un peu trop écarquillés. Il arrive pas à penser. Il arrive pas à penser, merde, sa mère la pute, c’était quand la dernière fois que c’est arrivé, c’était quand la dernière fois que tout était pas prévu, calculé, étalé, c’était quand, quand, quand, y a pas si longtemps, sans doute, il sait pas, il sait plus, y a la bouche de Casper contre la sienne et tous ses synapses qui bégayent, incapable de songer droit, incapable de réfléchir, incapable de le faire passer pour plus intelligent qu’il ne l’est, cette fois. C’est sûr, Casper va repérer la supercherie, lire quelque chose dans ses yeux, qu’il ferme instinctivement, pour mieux cacher, camoufler, dissimuler, pour ignorer un peu la vérité. Il est pas ce que Pryce fait de lui, pas un génie, pas même un étudiant brillant, c’est pas des mots sur un bout de papier qui le rendront exceptionnels, pas les notes dispensées, pas l’illusion qu’il maintenait. Pour être exceptionnel, il aurait fallu qu’il soit un peu vrai, un peu palpable, un peu réel. C’est pas le cas, évidemment pas. Casper le sait pas alors Casper l’embrasse et ça fait tout exploser. C’est par colère, peut-être, Eoin sait pas bien, pour se venger, sans doute, ou peut-être parce qu’il pense que son patron le regardera de travers après ça, il en a aucune idée. C’est pas sincère, sans doute pas, c’est l’adrénaline, probablement, comme les lèvres d’Alice contre les siennes au Nouvel An pour célébrer l’incendie qui rongeait le pavé, comme tous les corps qui se jettent les uns contre les autres comme pour prouver à la vie qu’elle a pas besoin de les niquer ; ils font ça très bien tout seul. C’est un jeu, probablement, mais tout le reste s’efface et lorsque Casper recule, Eoin reste là, les paupières closes et le cœur battant, incapable de faire face, incapable d’affronter.

Eoin ne joue jamais. Il ment rarement, même, en réalité, habille la vérité, transforme les mots, dirige les pensées. Ce n’est jamais outrancièrement faux, jamais réellement un mensonge. C’est un silence bien placé, une inflexion dans la voix qui provoque un sous-entendu, une tournure de phrase habilement amenée. Eoin ne joue pas mais il a le sentiment qu’on se joue de lui, au moment où il rouvre les yeux, pupilles rivées sur la bouche de Pryce et la gorge impossiblement nouée. C’est pas juste. C’est pas juste parce qu’il n’a rien à part une aisance naturelle à s’exprimer, pas juste parce qu’il a travailler bec et ongle pour son éloquence, arraché chaque bout de sa timidité jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien qu’une capacité clinique à porter ses idées, pas juste parce que personne ne devrait pouvoir lui faire ça, pas même ce mec un peu trop beau qui parle un peu trop bien, surtout pas ce mec-là qui l’embrasse pour le faire taire, qui l’accule contre un mur, l’empêche de reculer. Il n’est pas prêt pour ça. Il n’est pas prêt pour la plupart des contacts physiques qui n’impliquent pas d’enfoncer son poing dans la mâchoire de quelqu’un, pas prêt à être pris par surprise, pas prêt à être distrait comme ça. Il devrait être en colère, parce que c’est ce qu’il fait de mieux, élever la voix, rire, se moquer. Il devrait, évidemment qu’il devrait, ça permettrait de sauver la face, d’ignorer la rougeur qui guette sous la peau de ses joues. C’est cruel, putain. Il devrait protester.

« T’inquiète pas, c’est pas ton nom que j’écrirais avec mon sang quand je me ferais sauter. » C’est ce qu’il dit à la place, porte machinalement ses doigts contre ses lèvres avant de rabaisser la main sèchement. C’est une provocation gratuite, machinale, terrible. C’est pas vrai, de toute façon, il écrira rien le jour où il explosera, parce qu’il aura déjà tout écrit avant, parce qu’il aura déjà tout tenté avant. C’est pas vrai mais Casper a pas besoin de le savoir. Eoin comprend même pas pourquoi il ouvre la bouche à nouveau, à cet instant, trop perturbé pour réfléchir, trop secoué pour réfléchir.

« Taggart ! » appelle une voix, à l’autre bout du hall, et il se lève, geste sec, bond sur les pieds, une main qui traîne sur l’épaule de Casper lorsqu’il fait le tour du siège pour s’éloigner, comme un au revoir qu’il est incapable de formuler.

Il a encore du boulot.
Merde, il pense, lorsqu’il rejoint le conservateur.
La tête dans les nuages et les lèvres contre les siennes.
Il avait oublié.
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