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 everybody wants to be a cat (siem)

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Jem Bogart

Jem Bogart
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MessageSujet: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyJeu 7 Déc - 0:18

« Faut y aller putain, faut y aller », un cri, un ordre, y a ses paupières qui frissonnent dans son sommeil, tremblement trop discret, parfaitement invisible à l’œil non averti. Les doigts qui se resserrent autour de la télécommande qui est devenue un fusil dans ses fantasmes belliqueux, le lieutenant Dan dans la télé qui lui beugle des vrais ordres, le bruit des bombes, comme y a un an, comme y a dix ans, un son si familier qu’il fait désormais office de berceuse. Il veut pas y retourner, se gaver de sang dans les tranchées, il veut plus bouffer de la boue ni revoir le soleil cuisant de Bagdad. Pas que ça lui ferait du mal s’il s’agissait d’une visite de courtoisie, il aurait bien besoin d’un bronzage pour couvrir son teint trop laiteux de ne pas avoir suffisamment vu le jour ces derniers mois, mais il a pas envie de retourner là-bas avec son membre fantôme. Il voudrait le gueuler d’ailleurs, il me manque une jambe, m’envoyez pas, j’vais me faire défoncer, mais y a pas de place pour le marchandage dans son rêve tordu, dans ses chimères dévastatrices, pas de place pour les lamentations surfaites du petit américain qui rêve de sa mère patrie. Ils le renvoient là-bas, lui demandent pas son avis, c’est ça ou l’enfer du retour à la base, la dure réalité, les cent-trente mètres carrés dans lesquels il tourne toute la journée comme un lion en cage. Il ne se rend pas compte qu’il est le seul à qui ça pose problème, le seul à voir qu’il lui manque un truc, impossible de le deviner sous ses vêtements sauf que lui sait, y a cette chose en moins qui fait qu’il se tient de façon plus bancale, qu’il a besoin d’une troisième jambe pour le supporter. Les touches de la télécommande deviennent gâchettes, ça se bat dans Forrest Gump et dans son fauteuil, sourcils froncés et paupières toujours closes. Juste qu’à ce qu’il se casse la gueule sur le parquet dans un mouvement de panique et qu’il ouvre brutalement les yeux, s’aperçoive qu’il n’est ni sur le champ de bataille ni au chaud dans son lit avec deux rotules fonctionnelles, mais que sa jambe de pirate s’est fait la malle au moment où il a touché le sol. « Putain de bordel de chiée connerie d’merde » il souffle, se redresse lentement, rattrape son membre artificiel d’une main tremblante et le remet en place. Une chance qu’il soit toujours en calbut chez lui, ça facilite le travail quand ce genre d’incident se produit et qu’il faut se rafistoler. Bon, ça empêche aussi, peut-être, d’oublier le merdier qu’est devenu sa vie, entre la rééducation et le psy, l’éclat d’obus qui balaye toute une vie. Pas facile d’oublier qu’on est infirme quand on a un bout de fer en permanence dans le champ de vision, pas facile, donc, de relativiser. Ajoutez à ça les cauchemars qui s’amplifient avec le temps (le docteur évite de répondre c’est normal depuis que Jem a répliqué en balançant son affreuse sculpture en coquillages dans son bocal à poissons, sous prétexte que ça aussi c’est normal) et vous avez le combo parfait pour rendre un homme fou. Ça, et la solitude, envahissante, dévorante. Ce n’était pas quelque chose qui le gênait, avant, quand il vivait de foyers en foyers avec toujours trop de frères et sœurs adoptifs prêts à lui casser les couilles, donnant corps à n’importe quel prétexte pour se retrouver seul. Il a toujours aimé ça, Jem, se foutre dans son coin et ne plus rien dire, ne plus rien faire, observer la vie comme une mouche sur un mur et se farcir des bouquins à longueur de journée. Il a toujours aimé ça même si on a souvent pensé qu’il était le simplet de base, dans chacune de ses soi-disant parfaites familles, il a toujours aimé s'isoler pour ne pas s’faire contaminer par les esprits putrides de ses congénères moins évolués alors qu'ils avaient toujours passé leurs vies entre quatre murs à l’abri de la misère. Il avait pas eu le choix, lui, pas eu d'autre choix que de survivre par ses propres moyens, existence en totale autarcie sans penser un seul instant qu’il pouvait être bon de se savoir entouré, puis y avait eu l’armée, les trop grandes chambrées et la vie les uns contre les autres, en permanence, pas de vie privée, on bouffe ensemble on chie ensemble on meurt ensemble. Seul, il est tout seul maintenant, et ça lui fait parfois peur, comme ce soir, alors qu’il se réveille en sueurs d’un rêve aux teintes trop proches du réel.
Deux heures du mat, putain, il est deux heures du mat et il n’a plus sommeil. Y aurait peut-être fallu qu’il mate un autre film, une connerie à la Bridget Jones, un truc pour pioncer tranquillement et ne pas s’imaginer au milieu du chaos. C’est trop tard, la fatigue a quitté son corps comme elle est venue, il dormira demain si sa tête se fait trop lourde. C’est pas comme s’il avait un planning super chargé, en vrai, il a pas grand-chose à faire dans la maison des grands-parents qu’il n’a jamais connus, héritage de merde foutu entre ses mains quand il avait à peine dix-huit ans, avec les taxes et obligations qui vont avec. « Amérique mes couilles », il maugrée en se levant, il ne se sent pas vraiment l’âme d’un patriote ce soir, Tom Hanks serait grave déçu s’il le voyait. Ou pas. Il a pas vu ses autres films mais il part du principe que la plupart des acteurs sont démocrates, donc, il l’applaudirait sûrement pour avoir le cran de dire ça en tant qu’ancien soldat. Haussement d’épaules, schizophrénie latente, il ferait peur à n’importe quel fou échappé de l’asile, à s’parler tout seul, à répondre en écho à ses propres pensées. Mécaniquement, il enfile un pantalon de survêtement et un sweatshirt qu’il ne prend même pas la peine de fermer, attrape une boite de bouffe pour chats à moitié entamée qui traine sur le bord de la table et sort de sa baraque. Nuit noire, y a pas un son à part la vague agitation de Tybee, bruit de fond qui l’accompagne depuis trop longtemps déjà, né et élevé à Savannah, les murmures de la fête foraine et le roulement des vagues pas si lointaines. « MINOUS MINOUS », il gueule, se fiche que ses voisins dorment, y a sa fourchette qui tapote violemment la boîte de conserve et cinq chats qui débarquent de nulle part et se postent sur son perron. A force, il leur a donné des noms à tous, Skittles, Simba, Senseo, Snoopy, Snitch, il avait la flemme de chercher ailleurs dans l’alphabet. « Salut mon bonhomme », il lâche à l’adresse de Simba, son préféré, les autres sont juste là parce qu’ils profitent de la cantine gratuite. Les morceaux de bidoche tombent dans les gamelles et les bestioles se jettent dessus en grognant, on dirait le repas des tigres au zoo. Et Jem qui regarde le spectacle d’un œil attendri, comme un fier papa contemplerait sa progéniture tout juste bonne à faire ses crottes sur la pelouse et à sentir la croquette.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMar 12 Déc - 16:46

Marre de passer tes nuits à rien foutre, marre de ce silence avec la rumeur de la ville au loin. Marre de passer tes nuits à rien foutre mais pas la moindre envie d’aller t’éclater la tête en boîte avec plein d’abrutis alcoolisés que tu ne supportes que si t’as quelqu’un avec toi pour te moquer d’eux. Au fond tu pourrais faire ça, enfiler une paire de chaussures et te lancer dans le club le plus proche, boire suffisamment pour pas trop être regardante et rentrer avec n’importe quel mec pas trop moche pour oublier que ça fait quand même un moment que t’as pas couché. Au fond tu pourrais faire n’importe quoi parce que malgré ton amour, t’en as marre de mater x-files en boucle, d’actualiser des pages internet de merde en espérant que quelque chose se passe, de harceler les gens que tu connais en anonyme parce que t’as rien d’autre à faire de ta vie.

Faut que tu sortes. Faut que tu bouges, faut que tu fasses quelque chose. Tu sautes sur le chat. « Donne-moi des idées le chat fais pas ta pute. » Le chat n’a pas d’idées. Le chat fait sa pute. Il proteste vocalement et tu gardes ton visage très loin de ses griffes. On peut tromper mille fois une personne mais pas... On peut tromper mille fois mille personnes mais… Bref, tu te referas pas avoir. Maintenant, tu sais, avec le chat la confiance règne et c’est ton p’tit chou à la crème. Il s’est laissé mater l’abruti, t’es hors limites, il essaie même plus de te coller de coups de pattes de temps en temps. Si y en avait d’autres qui pouvaient être aussi conciliants… Il miaule, plein de hargne, dans tes bras pendant que tu l’écrases à moitié. Et après on s’étonne qu’il se barre. Tu le gardes serré comme une peluche, sourde à ses protestations, réfléchissant. Pourquoi il a fallu que tu reviennes ? Pourquoi il a fallu que tu réatterrisses ici ? Si t’avais su… Tu serais revenue quand même, il faut arrêter de se voiler la face. En attendant tu te retrouves avec des frustrations que tu n’arrives pas à exprimer autrement qu’en abattant ton marteau sur le métal. T’aurais voulu être un chanteur, pour pouvoir crier qui tu es. Quoique non, t’aurais fait chier les voisins.

Tu relâches le fauve, qui bondit comme un diable hors de sa boîte et détale vers la fenêtre entrouverte. Lâcheur. Une ampoule grésille au-dessus de ta tête – c’est de l’halogène ça a du mal au début. Au final il en avait des idées le chat. Tu enfiles des baskets, et une veste par-dessus ton débardeur et ton pantalon de survêt, et toi aussi tu te glisses par la fenêtre, droit dans la sortie de secours. La bestiole est déjà en train de descendre, tu essaies de la suivre sans te casser la gueule. Tu n’as peut-être plus le plâtre mais il te reste une attelle alors suivre un chat en bonne santé c’est comme qui dirait un défi. Mais tu fais ce que tu peux. Tu cavales dans les marches, tu sautes, tu cours – trottines de façon un peu ridicule – pour ne pas le perdre de vue. Pourquoi il est noir ce putain de chat ? C’est super galère à repérer, ils sont pas censés tous être gris de nuit ? Vaillamment tu le suis, coûte que coûte, avec une drôle d’impression d’avoir déjà vu ça dans un film. Une histoire de nains et d’Uruk-Hai. Enfin, au tournant d’une rue, il a disparu. Le petit bâtard. Tu es sûre qu’il a fait exprès de traîner pendant trois quart d’heures juste pour te perdre ensuite. Tu t’apprêtes à faire demi-tour en pestant quand une voix t’interpelle. Enfin. Pas toi personnellement, vu que ça dit ‘minou minou minou’, mais cela attire ton attention. Alors tu te diriges vers l’origine du son. Il y a un mec, de dos, avec quatre ou cinq chats à vue de pif autour de lui, qui joue la mamie aux pigeons. Mais avec un peu plus de classe.

Il se penche sur un roux mais ce n’est pas celui-là qui t’intéresse. Toi c’est celui couleur corbeau qui se tient un peu à distance pour chaparder au moment opportun. Tu te rapproches, jubilant. « C’est là que tu vas petit crevard ? Je t’ai suivi pendant tout ce temps pour que t’ailles te chercher de la bouffe sérieux ? » A chaque pas que tu fais vers lui il recule un peu, te narguant, et tu lui adresses un doigt d’honneur. C’est vraiment une sale bête ingrate ce truc. Alors tu te tournes vers l’inconnu qui a sa propre cour de félins. Charmeur de chats. Ce qui te permet de remarquer qu’il est plutôt carrément ton type et… Torse nu sous son sweat même pas fermé. Bien gaulé en plus. Finalement y a peut-être pas besoin d’aller en boîte pour rentrer avec n’importe quel mec. Y a comme un bug dans ta matrice quelques secondes avant que t’arrives à dire un truc. « Tu… Tu… T’as pas froid ? » On se les pèle quand même, c'est peut-être la Géorgie mais c'est plein décembre là.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMer 13 Déc - 23:29

Froid, encore un truc qu’il connait pas, pas inné, pas naturel pour lui, la chair de poule et les frissons dans le dos, froid, ça fait des mois qu’il connait plus, depuis qu’il est revenu, depuis qu’il a troqué l’orient contre l’occident, la terre brute contre le bitume, ici y a du goudron pour retenir la chaleur, les grands immeubles qui protègent les citadins de la frilosité, il fait étrangement plus frais là-bas la nuit, parce qu’il n’y a pas autant de villes en carton, parce qu’ils n’étaient pas souvent en plein centre mais plutôt dans des bases en périphérie. Il n’aime pas vivre avec des tonnes de couches de vêtements, Jem, il en porte trop en temps normal, dès qu’il doit sortir, faire prendre l’air à ses poumons, honteux de montrer son corps mutilé, sûrement car ça laisse trop percevoir d’où il vient et pas suffisamment où il va, et ça il le refuse, y a rien de pire que de laisser l’ennemi voir ses faiblesses. Raisonnement de soldat, vie de vermine, à se terrer entre quatre murs, sortir le bout de son nez la nuit tombée pour espérer ne croiser personne. Comme tous les soirs, comme ce soir, à attendre que le soleil se couche pour nourrir sa portée comme une mère poule. Et ce qui devait arriver fatalement arriva, face à face inattendu et brutal avec un autre loup solitaire. Un chat plutôt, elle semble être l’une des leurs, la mine renfrognée, les babines retroussées, l’air de n’avoir rien à faire là et d’y être pourtant, les pieds cloués au sol, refusant de bouger même lorsqu’elle se trouve à quelques mètres de lui, elle qui devait pourtant rêver de garder cette promenade secrète, d’en jouer la mélodie comme une confidence sur l’oreiller entre deux morceaux d’étoile. Et de bouffe pour chats. « Non. » Sauvage, méfiant, le félin qui crache, aux moustaches qui se tendent vers l’arrière comme pour le retenir, l’empêcher de s’approcher de son homologue, de le saluer poliment comme toute créature digne de ce nom. Non, j’ai pas froid, et toi l’inconnue, t’as pas chaud avec toutes ces fringues ? Même en plein mois de décembre, il fait tout juste suffisamment froid pour mettre un t-shirt, c’est son avis même s’il est minoritaire. Y a sûrement des tas de gens frileux ici, tous ceux qui n’ont connu que le climat de Savannah, qui ne sont pas allés se paumer ailleurs, aux quatre coins du globe. Y en a sûrement qui diraient qu’il est chanceux d’avoir vu du pays, y a rien qui le prédestinait à ça et surtout pas une éventuelle carrière. Il n’a rien du gosse qui réussit, de celui qui grille les étapes pour se frayer un chemin au sommet, qui parcourt le monde en classe affaire, beau costume, belle cravate, bel oiseau de fer, pas un qui bombarde des villages, brise des maisons. Il n’a rien du gosse qui réussit, il a plutôt tout du mec qui rate sa vie, qui la met aux orties, plus de jambe plus de bonheur, cette foutue prothèse qui pèse soudain trop lourd dès lors qu’il se trouve face à une fille. Cette fille, qu’a l’air de vouloir s’barrer en courant. A sa place il l’aurait sûrement déjà fait, pour avoir connu Savannah depuis toujours c’est clairement pas le genre d’endroit où il faut trainer une fois le soleil couché, particulièrement Tybee Island. « Qu’est-ce que tu fous là ? » C’est censé être gentil, à la base, pas vraiment aussi familier, pas vraiment aussi brut de décoffrage. Faut croire qu’il n’a pas vraiment à se forcer pour ça, ni pour la familiarité. « C’pas prudent de trainer là la nuit, y a… » y a des chats, pas grand-chose d’autre en réalité, c’est pas vraiment un coupe-gorge ce quartier là. Il fronce les sourcils et pince les lèvres en s’apercevant de sa connerie, qu’est-ce qu’on dirait pas pour garder son fief intact. Au moindre intrus, il sévit tel un seigneur en son royaume, sauf qu’il a que dalle, sauf que la rue ne lui appartient pas. « Y pourrait y avoir des gens louches, putain, on t’a jamais appris à faire gaffe ? » Comme toi par exemple, le mec qui donne à bouffer à des chats déjà gras comme des saucissons, qui se ramènent juste pour avaler quelques croquettes, lécher un peu de pâtée, et se barrent quand ils ont le ventre plein.
Il est sur la défensive, oui, comme avec beaucoup de monde. Avec quasiment tout le monde en réalité, y a que le pasteur à qui il ose faire un peu confiance, mais c’est parce qu’il le laisse venir prier aussi souvent qu’il le souhaite, même quand c’est pas le moment, quand y a la petite vieille amnésique qui vient lui hurler dessus et qu’il tente désespérément de la faire sortir de l’église. Comme y a toujours un paroissien, c’est jamais bien facile de trouver une excuse, mais il lui en veut pas et c’est bien cool. Donc ouais, y a qu’à lui qu’il fasse un peu confiance, lui et les jumeaux, qu’il a pas vus depuis un petit bail. Ils sont partis en Europe, parait-il, sur ses conseils en plus. Il ne se souvient plus exactement mais il sait qu’il leur a dit qu’il avait bouffé la meilleure pizza du monde à Berlin, bizarrement, et ç’avait été suffisant pour déclencher chez eux une furieuse envie de prendre le large. Tant pis, restent les chats, les seuls qui ne le lâcheront jamais, faut croire, à part pour des gamelles mieux remplies. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. Avec le mec dégingandé qui tapote comme un clodo contre sa vieille conserve en métal pour les attirer, leur demander de lui accorder un peu d’amour. Pitoyable, pathétique. Il ose pas bouger d’ailleurs, Jem, de peur de faire fuir les chats mais aussi la fille, pas suffisamment à l’aise avec sa fausse jambe pour tenter des grands écarts, pour s’asseoir ou se mouvoir aisément. Il se baisse pour choper Simba, sans aucune considération pour le repas qu’il interrompt alors, le serre un peu contre lui. Y a sa main qui caresse doucement sa fourrure rousse, putain de tranquillisant naturel, il a l’air chill mais il est littéralement paralysé par l’idée même que la fille inconnue remarque immédiatement son infirmité et ne s’en serve contre lui, pour s’foutre de sa gueule ou pire. « Tu vis par ici ? » Voix trop douce, on croirait presque qu’il s’adresse au chat mais non, c’est bien à elle qu’il parle, même si son regard est fuyant, même s’il croise pas vraiment le sien. Elle doit le prendre pour un fou, sûrement, c’est peut-être ce qu’il est d’ailleurs. Fou. Elle devrait prendre ses jambes à son cou, vu qu’elle peut encore l’faire.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyJeu 14 Déc - 1:28

Les rues tu ne les as jamais vues comme ça. Tu y as beaucoup traîné oui, y compris la nuit, mais toujours avec quelqu’un, déchirée ou défoncée, parce que c’est le genre de trucs que font les ados dans les petites villes quand ils peuvent pas rentrer en boîte. Mais seule en insomnie, c’est une nouveauté. Pas que tu aies toujours réussi à trouver le sommeil avant mais tu restais sur ton ordinateur ou tu te pointais chez Seven. Maintenant que tu vis chez lui et qu’il t’évite les distractions deviennent limitées. Je ne sais pas si on peut appeler cette balade une distraction, après tout ce ne sont que des successions d’allées de briques, la plupart entièrement vides, dans lesquelles souffle une bise désagréable. Ce n’est pas d’un intérêt capital. Encore qu’il arrive parfois que l’on tombe sur des spectacles qui valent le détour, par exemple sur des hommes en train de nourrir des chats au beau milieu de la nuit comme un mécène descendu de l’ombre. Un homme qui ne connait de froid que la définition du dictionnaire – et encore, pas par cœur. « Non. » Un homme qui a très bien intégré la signification de laconique, qui en a fait un art. Au final il vaut mieux qu’il soit avare de ses mots, généralement ils gâchent tout quand ils parlent. Tu le regardes droit dans les yeux, curieuse, c’est le premier mystère que tu aies croisé depuis longtemps. Envie de poser des questions autant que tu apprécies le silence qui plane, cet instant où chacun jauge l’autre comme deux animaux qui essaient de déterminer le danger de l’étranger. Sans doute que c’est son territoire ici, ici c’est toi l’intruse. « Qu’est-ce que tu fous là ? » Bonne question. Une histoire ni très longue ni très fascinante, tu ne sais pas si tu as particulièrement envie de lui dire que tu as juste suivi le chat mais d’un autre côté vu ton discours d’arrivée il pourrait vaguement s’en douter. Alors, sans quitter des yeux ses prunelles que tu devines claires dans la lumière du lampadaire, tu fais un vague signe vers la bestiole noire qui te toise toujours. « C’pas prudent de trainer là la nuit, y a… » Des mecs pas assez habillés pour la saison qui donnent à grailler à un régiment de chats et qui n’ont pas l’air de savoir parler aux filles ? T’as vu pire dans la vie, tu survivras à priori. Ce serait dommage de manquer l’occasion de croiser ses yeux bleus au détour d’une allée. « Y pourrait y avoir des gens louches, putain, on t’a jamais appris à faire gaffe ? » C’est pas qu’on t’a pas appris c’est que t’as toujours cru que tu pourrais te défendre. Tu sais bien maintenant que c’est un fantasme, que dans ce genre de situations on ne vaut rien mais quelque part un bout de ton crâne se dit que t’es déjà tombé sur l’impossible, que ça t’arrivera pas deux fois, que les statistiques te feront pas le coup à nouveau. C’est de l’espoir autant que du désespoir, l’impression que tu as déjà vu le pire. Un rire acerbe t’échappe, tu regardes le sol. Tu tends la jambe où t’as encore l’attelle comme pour preuve « T’façon j’ai déjà donné. Puis maintenant j’ai… » En remettant les mains dans les poches tu te rends compte que non, tu n’as pas ton flingue puisque tu es sortie sans sac. Un haussement d’épaules rien de plus. « … Ouais non j’lai pas en fait. Disons que je ferai de mon mieux mais que je m’inquiète plus trop, j’donnerai tout ce que j’ai. » Autre chose à faire que de vivre ta vie chaque minute en pensant à ce qu’il t’a fait, à ce qui pourrait te tomber sur le coin de la gueule. Tu refuses de survivre dans l’ombre de son cauchemar.

L’inconnu n’a pas l’air particulièrement à l’aise d’être en ta présence, tu te demanderais ce que tu lui as fait si tu avais l’habitude de te soucier des tronches que font les gens. Ce n’est pas que ses ressentis t’indiffèrent, il n’a aucun mal à retenir ton attention, c’est que tu n’as juste pas l’habitude de les prendre en compte pour agir. Il s’est saisi d’un chat pour le caresser, alors tu lances un regard noir vers le squatteur de l’appartement, comme pour lui dire ‘tu vois que c’est censé faire un vrai chat ?’. « Tu vis par ici ? » On est où ici d’ailleurs ? Tu lèves la tête pour scruter vos environs. Ah, tu vois à peu près où vous êtes, c’est dans le coin de Tybee à priori. Vu le temps que tu as claudiqué de toute façon tu ne dois plus être dans le quartier. « Non. J’ai juste suivi le chat. » Tu as failli dire que tu vivais chez un pote mais tu t’es rendu compte que tu n’avais plus la moindre idée du qualificatif à appliquer à Seven, alors tu as préféré ne pas en parler. De toute façon tu ne le connais pas. Tu tends la main pour caresser la fourrure du chat, même si en chemin tes doigts hésitent à plutôt se poser sur sa peau. Mauvaise idée. Si tu peux éviter d’être étrange dans une ruelle envers un inconnu c’est toujours un bon point. Il t’a parlé comme on parle à un animal sauvage, de peur de l’effrayer ou peut-être de l’enrager. Tu ne te souviens plus de la dernière fois où tu as entendu ce genre d’intonations douces dans une voix. Dans tes connaissances c’est soit un vide de connerie soit de l’acide à en ronger la peau sous chaque mot. T’as pas trop l’habitude mais tu essaies de gommer de ta voix l’accent agacé qu’on y trouve toujours. « Qu’est-ce tu fais là toi ? Enfin à part nourrir les chats parce que bon, ça, je vois. » Tu plonges les mains dans tes poches pour y chercher une cigarette et l’accrocher à tes lèvres, en calciner l’extrémité. Pour une fois tu fais attention à ne pas souffler la fumée dans la tronche de ton interlocuteur. Ça pourrait ne pas lui plaire et celui-ci tu n’as pas envie de le faire fuir tout de suite. « Sinon outre ne pas avoir froid, tu te sens pas un peu exhibo ? » Il ferait rougir une mamie ou ces filles cathos qui portent un anneau ‘true love waits’. « Enfin, pas que ça me dérange hein… »
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyDim 17 Déc - 22:46

Un flingue. Elle parle d’un flingue et il hausse un sourcil, pas certain de vouloir la voir avec un pétard dans la main, la folle qui parle aux chats. Remarque, il a bien été militaire, lui, faut de tout pour faire un monde peut-être, même des dégénérés. Surtout que c’est un sujet qui le passionne, en fin de compte, le port d’armes, le fait de pouvoir l’accorder à n’importe qui ou pas, tous ces trucs qui déchainent les foules, qui suscitent autant réprobation que plébiscite au sein de la population. C’est intéressant, ouais, ça le captive sûrement autant que ça l’effraie, la simple pensée que le premier péquenaud puisse mettre la main sur un Colt et s’en servir en toute impunité. Il est pourtant pas contre, Jem, trop puritain, trop Amérique profonde pour pouvoir avoir une quelconque sorte de recul sur la question, bourlingué de foyer en foyer depuis qu’il est gosse, à pas savoir toutes ses tables de multiplications mais à savoir parfaitement vider un lapin. C’est pas parce qu’il lit qu’il est forcément au-dessus de la masse, non, il reste le yankee de base qui adore jouer des poings et qu’aurait même pu se la jouer white supremacy s’il n’avait pas eu plein de potes noirs et latinos en grandissant. « Ok, j’ai compris, t’en as une grosse. » Pas la peine de développer, Barbie, c’est plutôt clair. Elle en a peut-être même une plus grosse que lui, faudrait qu’il fasse gaffe à pas trop lui faire les yeux doux, juste au cas où elle décide de sortir sa bite et qu’il soit obligé de décliner ses avances. Humour.
C’est seulement maintenant qu’il remarque qu’elle boite elle aussi, alors qu’elle s’approche de lui. Seulement maintenant, aussi, qu’il regrette de ne pas avoir pris sa canne avec lui, parce que son équilibre est remis en question par l’approche soudaine de la jeune femme, les doigts qu’elle laisse glisser sur la fourrure du gros chat roux, trop proche, trop rapidement. Il a un mouvement de recul, l’espace d’un instant, un millième de seconde pendant lequel son corps se penche en arrière, les ongles qui se plantent presque dans la peau du félin qui ronronne contre lui. Une putain de vierge effarouchée, prise de panique devant le premier sexe qu’elle voit, les joues qui rosissent alors qu’elle parle. Elle lui fait de l’effet comme chaque nana qui lui prête un peu d’attention, comme chaque paire de cils qui bat devant des yeux trop intéressés, trop curieux. Alors qu’elle sait pas, alors qu’elle sait rien. Billie, la guerre, la jambe, la dépression, la psychanalyse, les cachets, elle sait rien et elle s’approche, y laisse la main, on dirait Esméralda qui vient au secours du sonneur de cloche alors qu’il se fait torturer en place publique. Faut dire, y a pas à chercher très longtemps la cohérence chez une nana qui passe ses nuits à écumer les rues à la recherche d’un chat. Et c’est con mais pour une fois, il a pas envie de la repousser, se contente de l’observer pour la jauger comme une bête blessée regarderait un soigneur qui s’approche, pas tout à fait certaine qu’il est pas là pour la piquer. « J’nourris juste les chats. » Ouais, tu l’vois, ouais, tu l’as dit. Il a pas grand-chose à ajouter, même s’il est presque sûr qu’elle voudrait savoir la raison pour laquelle il nourrit les chats au beau milieu de la nuit. Il n’a pas envie d’avouer qu’il a fait un cauchemar, qu’il a décidé que c’était mieux de sortir se geler les couilles en plein mois de décembre plutôt que de se faire une tisane et d’essayer de se rendormir. Elle n’a pas besoin de savoir tout ça, l’inconnue, pas besoin d’être au courant de ce qui le tracasse, de ce qui le maintient éveillé la nuit, le jour, tout le temps, de ce qui l’obsède au point qu’il ne puisse plus fermer l’œil. Elle n’a pas besoin de savoir parce que fatalement, elle va finir par le trouver étrange, par s’interroger sur la raison pour laquelle il a autant de problèmes, et elle va finir par tomber sur les antidépresseurs, les antidouleurs, la canne, et puis la jambe en métal. Il ne veut pas, même si elle est apparemment aussi handicapée de lui, avec sa guibole à la traine, même si elle a dû aussi en endurer pas mal de son côté. Il ne veut pas parce que dévoiler ces choses-là signifierait qu’il la laisse entrer dans sa vie et qu’il se moque des conséquences, et ça ne lui ressemble vraiment pas, y aura forcément des dommages collatéraux, entre deux fêlés du bulbe. « Exhibo ? » Le mot n’a pas été bien compris, visiblement, il lui faut quelques secondes pour se rendre compte qu’elle fait référence à son sweatshirt laissé ouvert et au t-shirt manquant en-dessous. Fuck. Il lâche le chat trop brusquement, remonte la fermeture éclair en laissant sortir un juron. « Je », il commence, pas sûr de savoir comment il devrait aborder les choses, recule de quelques pas. Y a sa prothèse qui fait un boucan terrible contre le gravier, c’est sûr qu’elle l’entend, sûr qu’elle le remarque, faut pas être un fin observateur pour voir que le survêtement traine au sol du côté de la jambe gauche, sans pied pour le retenir, faut pas être terriblement malin pour remarquer qu’il boite, qu’il est à deux doigts de se foutre la gueule par terre et se rattrape tout juste au mur du perron, la paume qui râpe contre le crépi et lui extirpe un petit gémissement. « D’habitude tout l’monde s’en fout d’moi, personne me voit. » D’habitude j’rencontre pas des jolies nanas à deux heures du mat alors que je donne à manger à mes petits protégés. Il avait pas prévu que ce soir-là, y aurait une emmerdeuse qui passerait juste pour lui dire qu’il ferait mieux de ne pas montrer trop de peau. Comme s’il était une salope, merde. C’est pas sa mère, putain. C’est quelqu’un qu’il ne connait pas, quelqu’un dont il devrait se foutre, dont il ne se fout pas du tout alors qu’il regagne toute sa superbe et bombe presque le torse, sa main esquintée qui ouvre de nouveau la porte, comme si tout était prémédité. « Tu veux venir boire quelque chose ? » Pas tellement d’autres moyens de s’en sortir maintenant, à part en lui offrant une bière et en priant pour qu’elle ne pose pas trop de questions sur lui, sur ça. C’est la première fois depuis longtemps que quelqu’un manifeste un intérêt pour lui, et c’est con mais il a pas envie qu’ça foire, cette fois.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyLun 18 Déc - 12:05

« Ok, j’ai compris, t’en as une grosse. » Une grosse épée bien sûr, t’en as même plein c’est ta spécialité. Pour une fois que ce n’était pas un sentiment de supériorité que tu essayais d’exprimer ça a l’air d’être mal passé, faut croire que t’as la poisse ou que c’est le karma pour toutes les fois où la situation a été inversée et où tu t’es comportée comme une putain de sorcière. Tu pensais pourtant qu’avec la magie noire on n’avait pas besoin de suivre les lois de l’univers, qu’il s’agissait de s’envoler dans la nuit vers les étoiles et de faire pleuvoir les malheurs sur la terre. Si seulement. T’ aurais pas besoin de traîner la nuit dans les ruelles si tu pouvais juste grimper sur un balai ou n’importe quel autre ustensile de ménage pour t’enfuir. Pas le moment de réfléchir à ce genre de choses ou surtout pas envie, tout plutôt que t’enfoncer dans tes réflexions pour te rappeler que tu es seule, seule, encore seule. Au final il vaut même mieux faire mauvaise impression qu’être abandonné dans cette putain de mélasse de pensées.
Quand tu t’approches il se raidit, recule maladroitement, l’impression d’être face à une bête abandonnée. C’est une manie dans les gens que tu connais ? Avec Seven, animal blessé, qui mord quand on tend la main ; avec toi, animal méfiant, qui reste hors de portée hors de contact ; avec lui, animal effrayé, qui frissonne et se pétrifie face à l’humain. Putain de dysfonctionnels, c’est peut-être pour ça que vous traînez tous la nuit pour éviter les écueils. Une seconde tu agis en miroir, fais un pas en arrière face à sa réaction. C’est que quelque part ça fait mal quand on est de ce côté-là de la balance. T’as passé tellement de temps à repousser les gens que maintenant quoi ? Tu leur fais peur ? Tu les dégoûtes ? C’est lui ou c’est toi ? C’est difficile à dire, c’est sans doute un peu des deux, mais dans le mouvement en arrière c’est comme si ton égo était resté accroché, que ça le déchirait un peu, que ça tire d’un coup sec. « J’nourris juste les chats. » Et toi tu les suis. Ou plutôt t’en suis un. Pourquoi c’est si étrange ? T’es pas la seule dehors à cette heure-ci. Dans son langage corporel tout te hurle de partir, d’abandonner, de le laisser tranquille. Peut-être bien que t’es en train de ruiner sa nuit, ou son seul moment de tranquillité. Le truc c’est que tu n’as aucune envie de partir. Tu te sens bien sous l’astre des lampadaires, sous la morsure du vent, avec cet étranger qui te donne envie de partager une nuit. Braver le silence, braver le froid, te faire un compagnon d’infortune, un compagnon d’humanité. L’espoir que tu viens de rencontrer quelqu’un de suffisamment imprudent pour rencontrer une inconnue dans une allée sombre et l’emmener dans son lit. Aucune envie de partir, non, même si vous semblez chacun sur une planète différente.

« Exhibo ? » C’est que tu ne peux pas t’empêcher d’insulter les gens, de les mettre mal à l’aise, de les faire douter d’eux-mêmes, et ce également quand le status quo te convient parfaitement et que tu n’y changerais rien. Comme un vase qu’on laisse se fracasser par effet dramatique, il lâche le chat qui a le bonheur d’être plus solide que de la porcelaine et s’ébroue simplement, vexé. Bien sûr il referme son sweat, ce n’était pas le but de la manœuvre mais tu aurais dû t’en douter non ? Visiblement plus vieux que toi, il a ces rougeurs de lycéen, ou peut-être juste des gens qui ont un peu de décence. « Je » Il trébuche mais tu ne fais pas un geste, parce qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi, qui brise tous les instincts humains, quelque chose de contre-nature. Parce que quand les autres titubent aucun élan ne te pousse à leur rescousse. Parce que les connexions se font pas, parce que l’ampoule reste grillée. Il y a comme une raideur dans une de ses jambes, il a un peu de mal à bouger ça se sent mais ça ne te choque pas tant que ça, tu remarques juste une certaine gaucherie. Au final c’est peut-être juste la honte ou il a une entorse. « D’habitude tout l’monde s’en fout d’moi, personne me voit. » Eh ben putain y a comme une résonnance. Quoique. C’est pas entièrement vrai. Au final c’est plus le contraire, plus toi qui ne vois jamais les gens, qui te fous de chaque personne qui te regarde, et que le monde a fini par te le rendre pour trouver une espèce d’équilibre. C’est sacrément triste ce qu’il dit, en d’autres soirs tu te serais sans doute foutu de sa gueule parce que t’es pas là pour écouter les problèmes des gens. Mais putain on peut pas tout ignorer. On peut juste essayer. Comme tu occultes les implications solitaires de sa phrase, comme tu te dis juste que c’est bien dommage de ne pas voir un mec comme ça parce qu’il te donne des envies païennes. L’hérésie vaut mieux que se perdre dans la solitude. « Il y en a qui savent pas ce qu'ils perdent alors. » Il y a un défi dans ses prunelles, quand il change enfin d’attitude, quand il tente de reprendre sa superbe. Il est mieux comme ça. « Tu veux venir boire quelque chose ? » Ben putain c’est pas trop tôt. L’invitation est sacrément bienvenue. Tu lui souris, c’est authentique, il ne le sait pas mais il vaudrait mieux qu’il en profite tant que ça dure. Tu rentres chez lui sans vraiment prêter attention au décor, de toute façon y a pas grand-chose à regarder. Derrière la fenêtre le chat te jette un dernier regard et se casse. Sans te soucier de si ça le dérange tu continues à fumer, pas l’intention d’abandonner une clope à peine à moitié consumée. Tu lui tournes le dos, avançant dans la pièce. « Tu sais t’étais pas non plus obligé de refermer ton sweat c’était pas une plainte. » Parce que tes intentions sont claires, parce qu’il n’y a qu’une chose qui te motive ce soir, parce que tu serais pas contre un peu de chaleur humaine, parce que t’as pas envie de parler de ses angoisses existentielles d’être invisible. Toi tu le vois, il te plaît bien, ça te suffit. Volte-face, tu plantes tes iris noirs dans les siens, clope toujours au coin de la bouche. « Au pire si tu trouves ça injuste je peux me mettre à égalité. »
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyJeu 21 Déc - 0:24

Lorsqu’il avoue qu’il n’a pas l’habitude qu’on le regarde, ce n’est pas pour qu’on le plaigne ou qu’on ait pitié de lui, loin de là. La pitié, c’est déjà ce que ressentent 90% des gens qui le croisent dans la rue, qui remarquent son infirmité, qui détournent les yeux par pudeur ou pas gêne, petits gémissements au bout des lèvres alors qu’ils ne le connaissent pas, comment diable en est-il arrivé là, regards compatissants lorsqu’ils osent enfin l’affronter directement. Tout ça, cette marmite de bons sentiments à la sauce samaritain modèle qu’on lui ressort à chaque fois, ça lui donnerait plutôt envie de se terrer dans un trou, de se faire encore plus discret, d’aller jusqu’à disparaître en actes, en mots, devenir transparent et muet, se transformer en mouche sur le mur. Il est trop accoutumé à ça, Jem, à ne pas être remarqué ni remarquable, à ne pas ressortir au milieu de la foule, à se fondre plutôt comme un caméléon, une bestiole qui changerait de couleur pour être un peu moins criarde, un peu moins aberrante, carrément plus crédible. Ton sur ton. C’est ça, sa vie, essayer d’être le plus invisible possible parce que c’est toujours mieux qu’être le centre d’attentions. Ça, elle ne peut pas le comprendre, la jolie blonde avec son chat, parce qu’elle ressort dans la nuit noire, parce qu’on ne pourrait pas la louper même en clignant des yeux en permanence, parce qu’elle est lumineuse là où lui est sombre, chaude là où il est froid. Elle ne le remarque sans doute pas, il faut être un chef d’œuvre de bizarrerie comme Jem pour que l’œil soit attiré sur ce genre de détail. Mais elle brille, ouais, elle brille suffisamment fort pour qu’il s’en trouve aveuglé, pour qu’il l’invite chez lui sans le moindre préalable, présentations inutiles, introduction superflue. Ça pourrait être bien, pour une fois, de prendre du recul sur les choses, de ne pas analyser plus qu’on ne le devrait, de s’en tenir aux faits. Clair, simple, concis. Y a une nana qui passait dans la rue, qui s’est arrêtée, qui a fait une remarque sur son torse nu et qui est maintenant là, au milieu de son salon, juste à côté de sa TV cathodique, elle fait tâche, trop bien dans ce décor minable, à lui parler de lui encore, du fait qu’elle aimait bien quand on voyait ses pectoraux, qu’il n’aurait pas dû refermer son sweat. ET, il se fout du fait qu’elle fume dans la maison, lui qui habituellement refuse de partager sa bulle avec qui que ce soit et déteste, par-dessus tout, l’odeur de la cigarette.
Non, vraiment ?
Il s’arrête un instant, ne tilte pas tout de suite, se demande s’il devrait répondre quelque chose, flirter en retour. Ça fait dix putain d’années qu’il a pas fait ça, qu’il n’a pas éveillé le moindre intérêt chez la gente féminine, qu’il n’a pas vu une paire de seins pour de vrai, touché on n’en parle même pas, dix ans qu’il a laissé ça de côté pour l’armée, qu’il a troqué ses crayons de lycéens contre des armes. Il ne sait pas ce qu’elle espère de quelqu’un comme lui parce qu’ils ne se connaissent pas, parce qu’elle ignore à quel point il est profondément esquinté, à quel point il bataille à chaque instant pour maintenir les morceaux bien assemblés, pour que le puzzle ne s’effondre pas. Une bière, ouais. C’est pour ça qu’il lui a dit de venir, de toute façon, la boisson gratuite. Elle parlait sûrement pas d’un thé, de toute façon, alors autant aller jusqu’au bout, se trainer le plus naturellement jusqu’au réfrigérateur pour en extirper deux bouteilles de bière, en tendre une à la jeune femme après l’avoir décapsulée. Il lui a même pas demandé son prénom, putain, ça craint de demander ça maintenant non ? Faire comme si ça n’avait pas eu d’importance ces dernières minutes ? Première gorgée, deuxième, wow toute la moitié de la bouteille y est passée, pas bravo. Et le sous-entendu mortel de la deuxième manche qui lui saute aux oreilles, lui faisant presque regretter de ne pas avoir fini sa bouteille d’un coup. « Je », toujours aussi éloquent, les yeux dans ceux de l’inconnue, c’est peut-être pas la pire idée qui soit, même s’il y a toujours la probabilité qu’elle soit en réalité une tueuse en série. Mais dans ce cas-là, il a toujours quelques notions de corps à corps, donc ça peut l’faire, au pire il lui arrachera une oreille avec les dents, façon Tyson.
Il y a un peu de provocation et un peu d’humour aussi lorsqu’il descend de nouveau la fermeture éclair, exhibant son torse de la même façon qu’il l’avait fait plus tôt mais cette fois sciemment, des arrière-pensées plein la tête, à se demander s’il est totalement fou ou sauvage à vouloir se montrer comme ça devant une femme qu’il ne connait pas, sans même connaître ses intentions. Les yeux qui la dévisagent, deux lagons bleus dans lesquels il pourrait la noyer si elle le laisse faire, si elle tend sa main vers l’eau jusqu’à boire la tasse dans son reflet, un minuscule sourire sur les lèvres, ça lui fait du bien quelque part, de désirer et d’être désiré, du bien même si ça lui fera sans doute mal dans quelques minutes. Il sera toujours le temps d’y penser s’il voit que l’envie est toujours partagée, s’il sent qu’elle voudrait davantage. Ce sera retour au mode tombe, pas de machine arrière possible, tous les signaux au rouge. « J’comprends pas », il ose alors qu’il s’est rapproché d’elle, s’appuyant discrètement contre l’un des murs du séjour pour ne pas risquer de s’effondrer au sol avec sa gambette morte. « J’te plais ? Vraiment ? » La voix trop discrète, trop basse, trop douce, j’te plais alors que j’suis pas digne d’intérêt, que j’ressemble pas à grand-chose, que j’ai rien de grandiose à te montrer et que j’risque surtout pas d’enlever mon pantalon devant toi, ça elle le sait pas mais elle le saura suffisamment tôt. Il aimerait s’excuser parce que ça semble stupide, l’idée qu’elle puisse le trouver attirant, qu’il y ait quelque chose qui la touche chez lui ou simplement qu’elle ait envie qu’ils baisent, ça semble déraisonné, impossible à assimiler, mâcher, recracher, alors il a besoin de se le faire confirmer, histoire d’être sûr qu’il n’est pas vraiment en train de devenir fou.


Dernière édition par Jem Bogart le Mar 6 Fév - 18:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMar 6 Fév - 14:00

La nuit tous les chats sont gris. La nuit tous les éclopés ont des sentiments de borgnes au pays des aveugles. La nuit tous les circuits grillés de vos cartes mères cherchent désespérément le conducteur qui rétablira les connexions. Electrique, solide, liquide, n’importe quoi fera l’affaire, une étincelle, qu’importe. Tout pour voir enfin un visage dans la foule, même dans une foule d’ombre et d’absents. Ce n’est pas un chat que tu poursuis c’est un peu de compagnie, parce que t’es un château fortifié mais que t’es pas une île, parce que quand les derniers amis se sont barrés ils ont claqué le pont-levis derrière eux et que cet état de siège commence à t’affamer. La dignité humaine empêche de se rendre à l’ennemi mais quelle dignité y a-t-il à rester quand même les rats ont déserté ? T’as ouvert les portes à la solitude qui te taraudait mais ce soir c’est la fuite effrénée. Pas bien vaillante l’échappée, à boitiller derrière un greffier, mais les grandes aventures personnelles commencent rarement par une révolution. Sous couvert de l’obscurité tu es sûre de ne croiser dans les ruelles que des candidats à la cour des miracles ou bien quelques autres monstres que tu éviteras tant bien que tu peux. Ce n’est pas que le jeu en vaille la chandelle mais tu n’avais plus le choix, si le soleil se levait encore une fois sans que tu aies bougé il t’aurait sans nul doute réduite en cendres ou poussée à la folie. Face à l’inconnu, tu as envie de tendre la main, désespérée, priant pour trouver un lien, fusse-t-il plus éphémère que tous les insectes qui se brûlent les ailes sur les lampadaires. Comme une compulsion de mettre la main dans les flammes et de voir ce qui va se passer. Requin dans le piège duquel tu tombes ou bien simple autre handicapé, il ne recule plus, il ne cherche pas à te chasser.
Dans son antre tes yeux vadrouillent sans vraiment se poser nulle part. Bien piètre château mais si on voyait là où tu crèches on se croirait dans un véritable palais. Y a la télé à l’écran plus profond que large, le genre de trucs où vous pouviez regarder la neige quand vous étiez gosse, ou bien une espèce de trip vaguement multicolore. Y a le frigo dont émane un bourdonnement constant, qu’est plus vraiment blanc, qui a dessus quelques traces d’un accident précédent, d’un jus renversé peut-être. Y a les murs dont la couleur originelle est difficile à identifier, non pas qu’ils soient recouverts d’une quelconque crasse, mais parce qu’ils portent le poids des années qui les ont effacés peu à peu. Y a tellement de choses à regarder mais tes iris fuient les détails, revenant encore et toujours à la même chose. Lui. La bière qu’il te tend a cet arrière-goût amer des alcools les moins chers sur l’étagère, le seul que tu connaisses vraiment, celui qui te rassure. Tes mots le font encore hésiter, à croire que c’est sa réaction par défaut à chaque phrase que tu lui adresses. Mais finalement le blond se prend au jeu. Ton sourire en coin s’étire au fur et à mesure qu’il fait descendre sa fermeture éclair, qu’il se prête à tes désirs futiles. Une interrogation te traverse un instant, intruse, comme un parasite dans le programme. Tu te demandes s’il a un beau sourire. Mais qu’est-ce que t’en as à foutre de son sourire ? T’es pas le genre de personne qui demande aux autres d’avoir l’air heureux, t’es plutôt de celles qui font un bon gros doigt d’honneur quand on le leur demande.
Taffe après taffe tu ne le quittes pas des yeux, incapable d’effacer ce rictus qui réhausse tes lèvres, incapable de cacher le défi et l’excitation qui t’ont fait sortir de ta torpeur. Lorsqu’il s’approche de toi ce n’est que l’impression d’être plus proche encore du feu, sans arriver à savoir si c’est un feu de camp salvateur ou un brasier destructeur. « J’comprends pas. » Y a rien à comprendre, y a rien à réfléchir, parce que sans doute que si t’y pensais deux secondes tu te rendrais compte que ce que tu fais c’est ridicule, de suivre un inconnu la nuit comme ça juste parce que ça fait trop longtemps que t’es en manque et que celui-ci était beau. Tu ne connais même pas son nom et si t’as jamais été du genre romantique c’est clairement pas dans tes habitudes de jeter tous les protocoles par la fenêtre. Généralement c’est plutôt le lendemain que tu oublies leur prénom parce que l’alcool s’était trop immiscé dans la rencontre. « J’te plais ? Vraiment ? » C’est un euphémisme. Même son odeur te donne envie de tout jeter par la fenêtre pour une nuit de sexe. Tu quittes un instant le lac dangereux de ses iris pour parcourir sa peau, des yeux puis du bout des doigts, sentant encore la fraîcheur de la nuit sur son torse. « Crois-moi je serais pas là sinon. » D’une gorgée tu finis ta bière et y jettes ton mégot. Tu t’éloignes pour poser la bouteille sur la table et profites de lui tourner le dos pour jeter ta veste sur une chaise, puis finalement ton débardeur. Tant qu’à mettre le main dans le feu, autant y plonger, se réchauffer avant la douleur. « Il commençait à faire trop chaud avec toi torse nu dans la pièce. » Smooth. Loin de cacher tes intentions, tu les affiches comme pour te dédouaner de toute sensibilité. Faisant comme chez toi tu sors une autre bière du frigo et te l’ouvres, t’appuyant sur la table pour l’entamer. Tu restes ancrée dans ses pupilles, y braquant la mutinerie qui t’anime. A quelques mètres de lui tu attends la suite, espères un mouvement. Une connexion.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMar 6 Fév - 20:07

Il y a une grâce féline dans la façon qu’ils ont de se mouvoir dans l’espace, un style emprunté à leurs amis à quatre pattes, les yeux qui se scrutent un peu trop, poils toujours dressés le long du dos, manquerait plus qu’un geste un peu trop brusque pour qu’ils feulent au museau de l’autre, qu’ils sortent les griffes, babines retroussées. Manquerait un rien. Un souffle. Une fille qui se déshabille au milieu de son salon. C’est un allumeur, Jem, le défi dans les yeux et l’envie d’en découdre même si ce n’est que pour la soirée, un allumeur, jusqu’à ce que ça aille trop loin, jusqu’à ce que son corps refuse, jusqu’à ce qu’il se déplace à pas de velours jusqu’à la table et qu’il l’agrippe, discrètement, le cul soudain posé sur une chaise, les os qui tremblent trop pour encore parvenir à le soulever et le cœur à l’orée d’un bois trop hostile et inhospitalier, incapable de comprendre comment il en est arrivé là, c’est un allumeur qui jette de l’eau sur les flammes dès que l’incendie devient trop grand, dès qu’il craint ne plus pouvoir le contenir. Elle a retiré son débardeur et elle est en soutien-gorge devant lui, ça fait dix ans qu’il n’a pas vu le corps d’une nana d’aussi près, dix ans qu’il aurait pu enchaîner les aventures pendant ses permissions mais qu’il avait décidé d’accorder tout son temps à ses cadets, dix ans qu’il se demande si ça frémit encore sous sa carcasse. Ça frémit, ouais, davantage même, ça pulse, ça hurle, ça tremble, coup d’accélérateur alors qu’il fonce droit sur un mur, il détaille un peu trop sa poitrine même si elle n’est pas opulente, même si ça ne déborde pas des deux demi-lunes de tissu, les lèvres pincées alors qu’il se fait violence pour ne pas bondir hors de sa cage. Dix ans, c’est vraiment du gâchis, s’il avait su qu’il finirait avec une jambe en moins et l’assurance de ne plus jamais se foutre à poil devant qui que ce soit, il en aurait profité avant, mille fois, il aurait baisé toutes les putes de Savannah et il aurait tenté de récupérer Billie. Il n’aurait pas fermé toutes les écoutilles, ses bras, ses yeux, son cœur, il n’aurait pas pris la pelle pour enterrer son bien-être sous la terre âpre et rugueuse du devoir, les ongles fichés dans l’armée comme des racines dans de l’engrais, à ne pas vouloir lâcher tant qu’il considère qu’il n’a pas fini, encore plus, toujours plus, l’obus qui explose et les débris dans le mollet. Boum. Rideau.
Plus rien, rien à part un sentiment déroutant de ne plus savoir où il se trouve, d’avoir erré trop longtemps et de voir un minuscule semblant de lumière. C’est mauvais l’espoir pour les gens comme lui, pour les nécrosés de la vie, ceux qui ont le cœur rafistolé avec du fil de pêche, ceux qui ont des étoiles éteintes dans les iris et des rêves déçus dans les songes, ceux qui se targuent de vivre dans un igloo pour finalement s’apercevoir qu’il fait bon quand y a du feu, quand y a du contact, quand les peaux se découvrent et se désirent. C’est mauvais l’espoir pour les cadavres. « Arrête », il souffle, c’est pas méchant, c’est pas désagréable, juste arrête, les yeux qui tombent sur elle alors qu’elle se sert une bière, le mate comme un bout de viande, y a de la douleur et de la plainte dans sa voix, on dirait le gémissement d’une bête qui attend juste qu’on lui tire une balle entre les deux yeux après s’être foutu la patte dans un piège. Elle le pense pas, elle joue. Comme toutes, comme Billie, comme les putes sur le quai de la gare qu’attendaient juste que les soldats rentrent pour les allumer, les doigts trop collants, magnésie sur les paumes. « On s’connait pas. » C’est une affirmation lâchée sans brutalité, comme il lui parlerait de la météo, de la nouvelle série d'HBO, le ton nonchalant, roulant sur des vagues monotones de sympathie, ça ne lui ressemble pas vraiment, il est plutôt orage, plutôt du genre à ne plus parler ou à balancer des phrases assassines lorsque le cœur y est, lorsqu’il n’y est plus, lorsqu’un nouvel espoir s’est paumé en chemin, a pris la poudre d’escampette, s’est carapaté loin, bien loin. Ses ongles tapotent machinalement le goulot de la bouteille qu’il tient toujours entre ses mains, courage liquide qui ne fait absolument pas effet, ç’aurait été une potion minable dans le monde des sorciers. « On s’connait pas. » Répété, cette fois beaucoup plus froidement, la tête qui dévie, se pose sur des éléments du décor. La dualité de Jem dans toute sa splendeur, la main qui caresse et celle qui gifle, deux faces d’une même pièce. « Fais pas comme si je t’intéressais. J’intéresse pas les gens. J’les rends curieux, c'est tout. T'es curieuse et tu t’fous d’moi, et j’aime pas ça. » Il aime pas ça, balancé comme un gosse capricieux en plein milieu d’une crise de nerfs, il aime pas ça sauf qu’il adore, sauf qu’y a sa peau qui fait tellement de chair de poule qu’il en a mal, sauf qu’elle est belle et qu’elle est toujours en soutien-gorge et qu’il a toujours son hoodie ouvert. Elle se fout de lui, pourtant. Elle se fout de lui et ça l’emmerde d’y croire, quelque part.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMar 6 Fév - 22:27

Il y a toujours eu quelque chose d’un peu bancal dans ta façon d’approcher les relations, sans doute parce que l’amour t’y crois pas ou alors c’est que tu l’attends toujours. L’amour ça existe bien sûr, et il y a bien qu’à Seven que ça puisse s’appliquer mais c’est pas pareil, c’est pas comme dans les films, ça n’a rien de beau ou de romantique, ça n’a rien de sexuel ou de désirable. C’est de l’amour parce que quoi qu’il se passe, tu te pointeras à sa porte chaque matin, et peut-être que c’est une définition suffisante. Mais à part ça t’as rien, tu n’as jamais rien trouvé, jamais eu de copain, jamais trouvé d’intérêt dans les autres. Une copine pendant deux semaines au lycée mais ça n’a pas duré et il n’a jamais été question d’un quelconque amour. Les hommes, le sexe, ça n’a jamais été plus qu’un besoin physique passager. C’est presque les utiliser en un sens mais puisque chacun y trouve son compte es-tu vraiment à blâmer ? Tu n’as jamais eu à te poser la question, tout ce que tu as jamais eu à faire c’est en trouver un qui faisait danser tes hormones, l’aborder, obtenir gain de cause puis passer à autre chose. Les inatteignables, les compliqués, ça n’a jamais été ton truc. Il y a toujours eu quelque chose d’un peu bancal dans ta façon d’approcher les relations, tu t’y jettes comme dans une rivière mais en sors toujours sans t’être mouillée. Et il y en a que ça dérange, il y en a qui veulent un feeling, qui veulent un protocole, qui veulent de l’émotion. Mais avoir envie de l’autre c’est pas suffisant comme émotion ?
« Arrête. » Non c’est pas suffisant apparemment. Il aurait peut-être fallu que tu le rencontres dans de meilleurs circonstances ou que vous dîniez ensemble ou juste que tu fasses semblant de faire la conversation pendant au moins une heure comme si ce n’était pas le sexe qui t’intéressait et que ça ne venait que parce que vous aviez découvert une vraie connexion. C’est tellement hypocrite. C’est tellement inutile. Tu es patiente, pas prête à perdre ton temps là où ce n’est pas nécessaire. Bien sûr tu aurais dû te douter que certains s’attachent encore aux protocoles. Mais ça te donne l’impression d’avoir pilé trop tard à un feu rouge, qu’il ait pris part au jeu et que finalement ça ne l’intéresse pas. « On s’connait pas. » Et alors ? C’est ça les histoires d’un soir. Peut-être que si tu le connaissais tu n’aurais pas envie de passer la nuit avec lui. Peut-être qu’il est chiant, ou con, ou insupportable, ou peut-être que ça deviendrait juste trop compliqué. « On s’connait pas. » Être juste des inconnus parfois c’est plus beau. Le souvenir de la silhouette d’un étranger ne sera jamais teinté de rien d’autre que le contact de sa peau, ni de haine, ni d’amour. Corps contre corps c’est la vraie pureté de l’ignorance. « Mon nom c’est Siam, comme ça on se connaît. » Pourquoi y aurait-il besoin de plus qu’un nom à crier pendant la nuit ?
Tu l’as mis en colère presque, sans comprendre comment, sans comprendre pourquoi, sans le vouloir cette fois-ci ; cette fois-ci où tu essayais de bien faire. « Fais pas comme si je t’intéressais. J’intéresse pas les gens. J’les rends curieux, c'est tout. T'es curieuse et tu t’fous d’moi, et j’aime pas ça. » C’est pour ça que c’est beau l’inconnu, pour ne pas s’écorcher les dents sur les insécurités de l’autre, sur ses failles, sur ses cicatrices. Dans ses mots du fiel qui ne devrait pas t’être adressé. T’es pas là pour participer à son petit délire de persécution. Tu ne le laisseras pas te donner un rôle dans le petit théâtre de sa vie. « Qu’est-ce qui te donne l’impression que tu as de quoi me rentre curieuse ? Tu nourris des chats la nuit ? J’ai vu plus étrange. T’es timide ? Pas de quoi me mettre en soutif chez toi pour découvrir je ne sais quel grand mystère. » Tu t’es redressée et tu t’es rapprochée de lui, la bière toujours en main, nullement joueuse cette fois, mais agacée, cette impression que c'est lui qui s'est foutu de ta gueule. « T’es pas dans un grand complot, tout le monde se fout pas de ta gueule, et tout le monde est pas motivé par une curiosité malsaine de je ne sais quoi, faut que tu redescendes sur terre, cool down. » Tu appuies sans violence la bière encore trop froide contre sa tempe, avec l’intention de le refroidir au sens le plus basique du terme. Retour naturel des choses après la douche froide de sa méfiance. « Moi j’ai juste envie de coucher avec toi, mais si ça t’intéresse pas ça sert à rien de monter sur tes grands chevaux je peux repartir. » Repartir avec toujours un peu plus de solitude en gangrène quelque part dans la poitrine, survivre en autarcie jusqu’à la prochaine occasion, t’en as pas envie, mais tu le ferais. Tu le ferais parce que t’aurais pas le choix.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptySam 10 Fév - 23:30

Il n’est pas l’être le plus aimable au monde, Jem, c’est rien de le dire. Y a ses yeux qui lancent des couteaux et son cœur des roquettes, manquerait pas beaucoup pour qu’il explose lui-même, pour qu’il ravage tout ce qui pousse autour de lui, les forêts et les boutons de roses, le monde dans son absolue entièreté et Siam aussi. Siam. Le nom qui s’immisce dans ses oreilles, transperce le moindre foutu neurone, Siam, ça chante et ça berce, il y aurait trop de choses à demander s’il osait parler de nouveau, s’il n’encaissait pas les répliques comme autant de coups au moral, l’envie d’hurler qu’elle a tort, que ce n’est pas ça, pas ce qu’elle pense. Il n’a jamais pensé qu’il était spécial ni intéressant, jamais cru qu’il exerçait une quelconque sorte d’attraction sur les gens comme l’objet curieux qu’il n’est pas vraiment, il laisse ça aux gens qui rayonnent, qui ont suffisamment confiance en eux pour repousser les limites du commun, pour s’auréoler d’une aura particulière. Il n’est pas comme ça, Jem, parce qu’il est timide, certes, il nourrit des chats, évidemment, mais il y a quelque chose de substantiellement différent chez lui lorsqu’il parle, lorsqu’il vit, lorsqu’il respire ou qu’il regarde droit dans les yeux. Il y a quelque chose de stellaire, quelque chose d’inarrable et il a l’impression qu’il ne devrait pas l’expliquer, pas se justifier, surtout vis-à-vis d’une inconnue qui s’est introduite chez lui par la force des choses, mais les mots qu’elle lui lance au visage le font réfléchir et il y a des pourquoi pas qui naissent dans son esprit, des dis-le, tout ce qui ne passe que trop rarement la barrière de ses lèvres. La dernière fois qu’il a ouvert son cœur, c’était avec le petit Taggart. Ça ne s’était pas bien passé, pas bien du tout, trop de fiel et trop de rancune, trop d’envie malsaine d’appartenir à cette famille en apparences parfaite, les souvenirs d’enfance piquants, doux-amers, le regard trop lointain sur un univers irréprochable. Lui gosse des rues, lui orphelin, tous les autres tellement plus heureux, timide, qui nourrit des chats, qui n’a pas de parents, ça lui colle à la peau comme un chewing-gum à la semelle d’une vieille basket, ça s’attache sans vouloir en démordre la trace des dents trop visible dans le bonbon déjà mâché.
Elle s’est rapprochée et ça brûle, malgré la bouteille trop fraîche contre sa tempe, malgré le regard glacial de Siam sur lui, ça crame les entrailles et ça lacère, l’instinct qui prend presque le dessus, qui aimerait s’exprimer, lui demander de partir, de le laisser, de ne pas lui laisser croire certaines choses trop irréelles, trop inédite, j’te plais pas j’te plais pas j’te plais pas, le cerveau qui se répète, qui radote, puis la confession de la jeune femme et le menteuse qui menace de se faire la malle. Menteuse, tu veux pas coucher avec lui, t’as juste rien d’autre à faire ce soir, personne d’autre à voir, t’avais juste aucune idée d’où traîner tes vieux os et t’as atterri ici, et c’est pas normal, et tu devrais partir. C’est comme s’il était hors de son corps quand il attrape la main de la jeune femme et qu’il la plaque contre son genou artificiel sans la moindre délicatesse, les ongles presque plantés dans la peau de son poignet, l’oblige à rester là quelques instants pour bien comprendre le problème, pour bien se rendre compte qu’il n’est pas seulement un timide qui nourrit des chats. Y a quelqu’un de cassé sous le survêtement, quelqu’un de bousillé, quelqu’un qui ne tient plus droit du tout, quelqu’un qui ne pense certainement pas qu’on puisse vouloir de lui et qui n’a pas aimé depuis trop longtemps, qui n’a pas essayé depuis des années. Le cœur en friche, le cœur blasé, le cœur brisé. « Tu veux coucher avec moi hein », un air de moquerie sous les mots, contre lui, contre elle, contre le monde qui lui a cravaché le squelette. Elle ne le connait pas, non, elle ne sait pas que s’il répond aux avances, il n’est pas prêt à surenchérir lorsque les choses deviennent sérieuses, lorsqu’elles deviennent concrète, une femme sous son toit ou dans son lit. Ses doigts lâchent enfin la main de Siam, sèchement, les yeux dans les siens, envie de l’embrasser, envie de laisser tomber les barrières, de se dire que ce n’est que du sexe, qu’il n’y a rien d’autre, rien qui ne puisse lui donner une raison d’avoir peur, d’être en colère, rien qui ne justifie son comportement digne d’une reine des glaces. « J’aimerais te croire, et j’aimerais pouvoir. Mais j’te crois pas, et j’peux pas. » Trop de pensées parasites, trop de souvenirs douloureux, la piqûre au creux du cœur, le nid de douleurs dans l’âme, les bleus sur la peau et les épines dans le palpitant. Il aimerait, il ne ment pas, il aimerait se perdre un moment avec elle, oublier qu’il est estropié, qu’il se déteste, ne plus penser au fait qu’il ne soit plus totalement un homme, qu’il ne suscite plus vraiment le désir, trop souvent la pitié, une pitié abjecte et acide qui le fait se déliter comme de la poussière semée au vent. Et dire que c’est la vision de son corps qui l’a foutu dans cet état, la réalité soudain trop palpable, trop évidente, la crainte d’être ridicule, de la faire rire, de la faire pleurer, de ne pas être cet étalon qu’elle semble penser qu’il est depuis qu’elle a croisé son regard dans la rue mal éclairée. « Tu d’vrais peut-être partir si c’est ce que tu veux, parce que j’suis pas ce genre de type. » Pas le genre à coucher le premier soir, pas le genre à coucher du tout. Juste le genre à aguicher, faut croire.
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyLun 12 Fév - 0:22

Les problèmes des autres ça ne te concerne pas, tu les fuis comme la peste à vrai dire. Tu dirais que tu n’as pas le temps pour ça même si chacune de tes heures était entièrement libre. On pourrait prétexter qu’il y en a assez de ton côté, ce n’est pas entièrement faux. Pourtant les temps les plus légers de ta vie n’ont jamais eu le courage de se soucier de ce que tu pouvais apporter aux autres non plus. L’empathie tu l’as achetée en DLC mais tu ne l’utilises jamais que pour l’extension ‘animaux’ des Sims. C’est peut-être bien que t’es comme le coach de sport aigri dans les films, que dès que tu vois quelqu’un pleurer ou s’apitoyer sur leur sort ta seule réaction c’est de leur foutre un coup de pied pour qu’ils dégagent de ta vue et aillent gérer leur merde là où tu ne les entendras pas. En grandissant la leçon que tu as retenue c’est ‘souffre en silence’, parce que de toute façon quand tu cries personne ne t’entend donc il vaut mieux conserver son énergie. Tu es quasiment incapable d’écouter ceux que tu apprécies se plaindre alors mieux vaut ne pas parler des étrangers.
Son complexe de persécution, ses histoires de martyr, tu ne veux pas les entendre. T’es pas du genre à rejoindre son système solaire pour tourner autour de lui, rester collée à la lumière de sa tragédie, le pousser à se complaire dans son mélodrame. Les gens qui doutent toujours qu’on ait une intention positive à leur égard ça te donne des envies de claques, sans doute parce que tu as si peu souvent une telle intention que tu te sens vexée quand les gens ne l’acceptent pas. Hypocrisie de la part d’une fille comme toi qui ne croit pas au bon samaritain et répond à tout acte par un regard au mieux dubitatif au pire méprisant. Quand il te repousse il te jette ses névroses au visage, c’est la douche froide que tu n’avais pas envie de prendre. Il peut pas jeter son bagage par la fenêtre et t’épargner les détails pour une nuit ? Tu ne cherches pas l’amour putain. « Tu veux coucher avec moi hein » Un sarcasme qui tranche avec la douceur de ses yeux jusque-là, une acidité qui ne dépareillerait pas dans ta bouche. Pourtant c’était bien l’idée, il n’y a pas d’étranges machinations qui t’ont poussée à te retrouver dans ce salon à deux heures du matin à moitié à poil parce que tu aurais sans doute la flemme d’y participer. Sa poigne est autoritaire. Premier contact et il est loin de tes attentes. Pendant quelques secondes tes doigts restent posés là où il le désire sans que tu comprennes, ta peau ne parvenant pas à retransmettre les sensations, mais un réflexe te fait saisir l’objet de son intérêt et enfin tu comprends. La forme n’est pas la bonne, la surface trop solide. « J’aimerais te croire, et j’aimerais pouvoir. Mais j’te crois pas, et j’peux pas. » Il laisse sur ton épiderme des traces pâles, tranchant avec la rougeur de tes vieilles brûlures. Tu fais un pas en arrière, digérant l’information. « Aaaaaaah c’est ça ton problème ? » Immédiatement te vient la classique question, tu te demandes où s’arrête sa jambe. Au-dessus du genou donc. Puis ce qui lui est arrivé. Guerre, accident, cancer ? Sa démarche hésitante s’explique mieux, il n’est pas simplement maladroit. En pleine réflexion tu retournes vers la table pour t’y asseoir. Tu réalises que ses ongles ont laissé des marques dans ta peau mais tu n’as aucune idée de leur profondeur, tu n’avais rien senti. « Tu d’vrais peut-être partir si c’est ce que tu veux, parce que j’suis pas ce genre de type. » Quel genre de type ? S’il n’aime pas les one night stand il n’avait pas besoin de cette révélation, ça ne change pas grand-chose à son refus. Tu soutiens son regard et peu à peu un sourire monte sur ton visage jusqu’à-ce qu’un rire y naisse. « Sérieusement, t’as pas besoin d’être aussi dramatique, c’est juste une prothèse c’est pas comme si t’avais deux bites ou je sais pas quoi. » Y en a à qui ça plaît. Enfin, il y en a sans doute aussi qui fantasment sur un homme avec deux pénis mais ça semble quand même relativement extrême pour le coup. « T’inquiète pas va t’es quand même beau gosse. » Tu reprends ta bière pour en boire quelques rasades. Un bout de plastique ou de métal à la place d’une jambe ne suffit pas à étouffer cette aura qu’il dégage, qui manque de te faire vaciller quand tu soutiens son regard un peu trop longtemps, qui rallume un feu entre tes hanches. Tu n’as pas envie de l’écouter, pas envie de prendre tes affaires et partir, tu as toujours été du genre à faire exactement le contraire de ce que l’on te conseille. Alors au lieu de tourner les talons tu te rapproches tranquillement, prends place sur ses genoux et passes une main dans ses cheveux. « J’ai pas envie de partir en fait, va te falloir une meilleure excuse. »
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyDim 18 Fév - 11:31

Ce serait bien, de faire comme s’il n’y avait rien de spécial, comme s’il ne vivait pas avec quelque chose qui commence à peser un peu trop lourd sur ses épaules. Marche arrière, on retourne sur le passé comme on rembobinerait une cassette, arrêt sur image là où les jolis sourires s’entassent, sur différentes photos avec différentes familles et différentes teintes de haine, plus de cinquante faut croire. Plus de cinquante parce qu’on l’a trop souvent renvoyé, parce qu’on lui a trop souvent fait croire qu’il était de trop, qu’il n’était pas suffisant, des parents soi-disant stériles qui se mettent à enfanter comme pas possible après son séjour chez eux, comme un vrai médicament pour forcer les gens à pondre leurs propres gosses plutôt qu’à élever la mauvaise graine des autres. Ce serait bien, oui, de faire comme si ça ne l’atteignait pas d’affronter le regard de Siam comme un taureau fait face au toréro dans l’arène, seul contre tous, un adversaire mais une myriade d’yeux braqués sur le sable, le cœur qui bat un peu trop vite, attend le premier coup dans le flanc, la première saignée. La trainée rouge au milieu de tout le jaune. Et ça vient vite, trop vite. C’est juste une prothèse elle dit, et y a sa respiration qui se coupe juste une prothèse comme s'il venait de lui dire qu'il avait un rhume, juste une prothèse comme s’il n’y avait pas eu les mois de rééducation, de douleur, d’impression de patauger dans les limbes sordides d’un cauchemar, juste une prothèse et le syndrome du membre fantôme, ses paupières qui se ferment un instant et s’imaginent que sa jambe est toujours là, qu’y a pas un bout de métal à la place. Doux rêve. Illusion. Juste une prothèse, comme quoi les mots peuvent tuer, comme quoi ça marche mieux que de se faire défoncer la gueule au moindre coin de rue par le premier mec qui le regarde de travers. La phrase tourne, nourrit la rancune, engrange la souffrance, tiens bouffe, pour tout le temps où t’as pas su assumer, pour toutes les heures que t’as passée à vouloir rejeter le monde entier avant qu’il ne te rejette, mange et n’en laisse pas une miette. Mérité. C’est mérité, pour toutes les fois où il s’est lamenté, pour toutes les fois où il a pris peur avant même que les choses n’arrivent, toutes les fois où il a pensé sonner chez Billie depuis son retour mais n’a jamais osé par simple crainte de ce qu’elle pourrait le dire en le voyant tenir une béquille. Juste une prothèse, c’est juste une prothèse, et c’est pas tant le dire qui est difficile, c’est s’apercevoir qu’elle a raison, au fond, que c’est que dalle.
Pour le monde entier, sauf pour lui.
Elle a déjà pris place sur ses genoux lorsque son cerveau se remet à fonctionner correctement, remet les pièces dans l’ordre. Elle s’en fout, c’est ce qu’il devrait se dire, elle s’en fout et elle lui a dit explicitement, elle sait et elle s’en fout, remets les mots dans l’ordre, essaie de les comprendre pour une fois. Elle s’en fout, y a que lui que ça perturbe, que lui qui se dit qu’elle doit avoir sacrément mal au cul, assise sur du dur, pire qu’un tabouret de bar. Elle s’en fout, il devrait en profiter, remettre le pied à l’étrier, ça fait trop longtemps qu’il n’a pas baisé, qu’il n’y a même pas songé, trop longtemps qu’il s’est collé dans le crâne l’idée absurde qu’il ne connaîtrait plus jamais ça, avec personne. Trop proche, trop belle, elle lui tirera une balle en plein cœur avant qu’il ait le temps de se dire que c’est une mauvaise idée. Là, tout de suite, il aurait plutôt tendance à penser que ce n’est pas si nul que ça, que ce n’est pas si insensé. Comme s’ils n’étaient pas deux inconnus qui ne se connaissaient pas dix minutes plus tôt. « Bon », il commence, les yeux paumés dans le vague de la cuisine. Il ne sait pas où mettre ses mains, où mettre son regard, où mettre ses lèvres. « Si on baise ça sera juste ça, hein ? » Il a besoin qu’elle lui fasse la promesse, quelque part, qu’elle ne s’engage pas sur du long terme. Il n’est pas bon pour ça, pour les promesses et les sentiments, y a un instant le visage d’Anca qui se colle à ses rétines, l’oblige à revoir son jugement. Il n’est bon pour ça qu’avec elle, au final, qu’avec elle qui ne pourra jamais lui rendre la pareille, trop de mecs qui tournent autour d’elle comme des abeilles autour de leur ruche, trop de cœurs qui attendent qu’elle les raccommode. Le pansement. Son pansement. C’est pour elle, au final, qu’il a besoin que Siam lui promette que ça ne sera rien de plus que du sexe. « J’veux pas qu’on s’embrasse trop et j’veux pas qu’on attende des choses l’un de l’autre. » Il sait comment elles sont, les nanas, à toujours vouloir davantage. Comme Billie qui lui en a voulu de partir à la guerre, sans se douter qu’il n’aurait jamais pu faire autrement. Instinct, bêtise. Destinée. Il était né pour ça, pour avoir un fusil entre les doigts, pour paumer sa jambe dans le sable de Syrie. « Et tu dors pas ici. » Tu dors pas chez moi, avec moi, tu me laisses seul avec moi-même. Pas besoin d’une auxiliaire de vie, d’une présence. Il est trop habitué à sa solitude, il l’a trop apprivoisée. C’est devenu une vieille amie maintenant. « Bon donc on y va ? » Simplet, idiot, quand ses yeux se plantent dans ceux de l’asiatique et qu’un sourire s’étale sur ses lèvres. Simplet, idiot, la peur au creux du ventre, sensation trop familière. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyMer 7 Mar - 5:08

C’est bien toi ça, de rire de la douleur des autres quand il te devient impossible de l’ignorer. Balayer les inquiétudes, les complaintes, les traumatismes, regarder les gens droit dans les yeux et leur rappeler que tout le monde s’en fout, qu’ils sont vivants et qu’ils peuvent pas demander mieux parce que l’univers ne doit rien à personne. Cours ou crève, marche ou crève, boite ou crève, rampe ou crève, parce qu’il faut avancer quoi qu’il arrive pour ne pas se faire dévorer. Tout le monde est dans la merde, c’est loin d’être une compétition. Une jambe en moins sans doute que ça fait mal, terriblement mal même, des mois ou des années à se demander si on s’en remettra jamais, mais une jambe en moins c’est toujours mieux que la tombe. Rire des malheurs du monde évite de les ressentir. Quelque chose passe dans l’azur de ses yeux, comme une déchirure, et tu sais très bien que c’est de t’avoir entendue rire et ignorer ses blessures mais t’es pas un psy toi, tu lui mettras la vérité sous le nez qu’il veuille l’avaler ou non. Un instant tu te demandes s’il va te jeter dehors, se cloîtrer et se complaire dans sa triste histoire. Son regard fuit sur le fil de la décision, tu attends. « Si on baise ça sera juste ça, hein ? » Le sourire renaît à la commissure de tes lèvres, malicieux, parce que ce soir au moins tu as gagné, pour la première fois depuis longtemps. Ce sera juste ça oui, mais ce sera déjà tellement. Juste un soir pour remplir le vide, juste une nuit pour oublier la solitude. Sans répondre tu hoches simplement la tête. Ce ne sont jamais des sentiments que tu recherches, pas plus maintenant que n’importe quel autre jour de ta vie. « J’veux pas qu’on s’embrasse trop et j’veux pas qu’on attende des choses l’un de l’autre. » Tu laisses flotter un léger silence, jouant encore un instant avec ses cheveux. « Moi j’attends plus rien de personne cow-boy. » A part peut-être de Seven. De lui encore, malgré les mois de haine, tu attends un signe, une preuve de ce qui a été là il y a bien trop longtemps. Déjà toute petite tu as abandonné l’idée que les gens ne te décevraient pas, oublié les espoirs irréalisables dans les absences de tes parents, noyé les réciprocités dans ton refus de communiquer avec les autres. La seule personne que tu sais capable de toujours être au rendez-vous c’est toi, et tu te sufis amplement, sans avoir besoin des déceptions des autres. Tu ne tomberas pas amoureuse ce soir. « Et tu dors pas ici. » De toute façon tu aimes te balader dans les rues vides d’une ville au bord de l’éveil. Il n’y a pas meilleur sentiment que regarder les couleurs que prend le ciel, en traînant des pieds sur le pavé, profitant de l’ivresse ou de la plénitude de la chair qui servira de compagnon jusqu’à la maison. Tu n’as jamais dormi chez personne, et tu n’as jamais invité quelqu’un chez toi, les draps vides sont ta spécialité, ton royaume. « Bon donc on y va ? » Son sourire gagne ses iris. Malgré ses recommandations tu te penches vers ses lèvres, cueillant sa bouche comme un avant-goût des réjouissances à venir, te poussant contre lui jusqu’à faire vaciller la chaise. Parce qu’embrasser tu aimes ça et que de toute façon c’est contagieux, parce que c’est un truc de prostituée de refuser ça, parce que tu n’as pas l’intention de l’embrasser pendant des heures, juste initier un contact avant de rapprocher vos corps. « On y va. » Tu t’éloignes de lui, te relèves un instant, le temps de jeter tes baskets dans un coin et de galérer avec le lacet de ton jogging. Ta main n’arrive pas à trouver de prise, engourdie, tremblante, faisant des siennes au moment approprié comme d’habitude. Sans rien laisser paraître tu te sers de l’autre, parvenant à te débarrasser du pantalon, révélant les nœuds de cicatrices sur ta cuisse gauche, là où on croirait voir l’œuvre d’un requin bourré. Retrouvant ta place sur ses genoux tu fais glisser le sweatshirt de ses épaules, parcourant du bout des doigts son torse, pressant ta peau contre la sienne. Une fois de plus tu lui voles un baiser. « T’as une chambre je suppose non ? » Non pas que tu aies quelque chose de particulier contre les chaises mais celle-ci ne te semble ni suffisamment stable ni suffisamment confortable. C’est juste de la baise mais quand on s’en sert pour repousser le néant, autant faire ça dans les règles de l’art.
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Jem Bogart

Jem Bogart
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MessageSujet: Re: everybody wants to be a cat (siem)   everybody wants to be a cat (siem) EmptyDim 11 Mar - 17:00

C’est bizarre.
Bizarre parce qu’il avait oublié la sensation d’être avec quelqu’un d’autre que lui-même, d’ouvrir sa porte autrement que pour faire rentrer des chats, de parler plus de cinq minutes sans qu’on l’interrompe pour lui dire de reprendre ses cachets. Bizarre parce que longtemps, il a vécu seul, parce qu’encore plus longtemps il a prié pour que ça reste comme ça, lui et personne d’autre, pour le juger, pour l’ouvrir, le disséquer, essayer d’analyser la moindre de ses réactions. Bizarre parce qu’il pensait s’en contenter, parce que ça semblait naturel maintenant, habitude malsaine mais fermement ancrer, comme se brosser les dents après avoir avalé son petit-déjeuner, parce que c’était devenu une routine, qu’il avait besoin d’un cap précis et que ça répondait parfaitement à ses exigences. C’est bizarre, Siam contre lui, Siam qui ne recule pas, qui ne demande pas son prénom. Qu’il reste l’étranger d’un soir, c’est ce qu’il souhaite de toute façon, non ? C’est ce qu’il veut au fond, pas vrai ? Demeurer une vague silhouette, visage flouté, présence en trompe l’œil, rester dans un coin, quand elle en aura besoin, si seulement elle a de nouveau besoin de lui. Violence, désir, ça se mélange, se distille dans les veines. Lui faire mal, l’aimer, pas trop l’aimer, un soupire s’exhale quand elle lui vole un baiser qu’il lui rend, évidemment, trop tendre, trop entier, trop avide. Il n’a pas tenu un corps contre lui depuis des années, trop d’années, il n’y aurait pas fallu trop s’attacher quand il risquait de se faire sauter la cervelle.  Il n’a pas tenu un corps depuis des années et ça lui donne faim, comme s’il n’avait pas bouffé depuis trois siècles et qu’on lui filait la clé du garde-manger. Quand elle se barre, il a froid, plus habitué à ne rien avoir sur les genoux, à laisser l’oiseau s’échapper, hésite à laisser échapper un grommellement de protestation mais se ravise quand il s’aperçoit qu’elle se déshabille, que les vêtements tombent un à un. Sourcils froncés quand ses yeux dévient vers la cuisse, remarquent les traces qui la creusent. Il pourrait poser la question mais ignore si le sujet est délicat, si elle veut en parler. Lui n’aimerait pas qu’elle lui demande de raconter son histoire de guerre, d’amputation, de dépression et de calmants. Ne rien demander pour se préserver lui-même, pour éviter le retour de flamme. C’est terriblement égoïste mais il acceptera de l’être, pour une fois, il acceptera de privilégier sa sécurité à celle d’une autre personne, animal blessé, farouche, bestiole qu’on aurait dû abattre dès son retour, plus bon à rien, même pas à se reproduire tranquillement. Ou pas.
Putain. Il n’a pas de capotes. Putain, ça tourne très, très vite, il devrait le dire, demander si elle en a. Vu qu’elle a l’air de chercher à se faire tringler, c’est possible qu’elle ait tout prévu à l’avance. Possible, mais pas certain, et il y pense tout le temps où elle jette ses sapes dans la pièce, revient vers lui, dégage son sweat de ses épaules jusqu’à le faire tomber au sol dans un bruit sourd et l’embrasse de nouveau. T’as une chambre, elle demande, il n’est plus tout à fait là, perdu dans les méandres de son esprit entre un paquet de capotes invisible et une vie de solitude, à se demander ce qu’il vaudrait mieux choisir, entre l’omission et la vérité. Plus tard. Pour l’instant, faut faire comme si de rien n’était, se relever et marcher lentement jusqu’à la chambre, le pas hésitant, pas habitué à se déplacer sans une canne même après des mois de rééducation, a guibole de chair qui tremble un peu. Faiblesse. Angoisse. Elle est là, la chambre, derrière la porte qu’il pousse lentement, le papier un peu jauni, le mobilier vieillot, c’est loin d’être l’endroit le plus sexy du monde. Mais elle l’a voulu, au fond. Elle l’a voulu et elle n’a posé aucune condition. « Attends, juste », il souffle, n’allume pas la lumière, se contentant de l’éclairage public qui filtre à travers les persiennes, s’assied sur le bord du lit et entreprend d’enlever son pantalon de survêtement, son boxer. Sa prothèse. Elle ne le voit sûrement pas totalement et ça le rassure, quelque part, terrifié comme il est à l’idée de dévoiler son corps esquinté. Il sait pourtant qu’elle a dit que ça ne la dérangeait pas, qu’elle est sûrement la moins bien placée pour lui faire des remarques à ce niveau-là. « Viens », murmure, il tend la main pour attraper la sienne, l’attire contre lui, les doigts qui viennent dégrafer son soutien-gorge, glisser jusqu’à ses hanches pour arriver jusqu’au dernier vêtement, la culotte. Dis-lui, dis-lui pas. Paumes contre la pulpe de ses fesses, les lèvres qui viennent s’appuyer dans son cou, y glisser des frissons. Dis-lui. « J’ai pas d’capote. » Ça semble idiot, stupide, maintenant qu’elle est assise à califourchon sur lui, maintenant qu’il est à poil, y aurait fallu que ça sorte un peu plus tôt, que la confession se fasse moins désirer, révélation glaçante, givrante. « J’sais pas c’qu’on fait du coup, si t’as quelque chose. » Il aimerait ajouter que si elle prend la pilule ils peuvent y aller, il n’est porteur d’aucune MST et dans l’éventualité où elle le serait, elle, il utilise tellement peu sa bite que ça ne changerait rien à sa vie. Il aimerait mais ça se bloque dans sa gorge. Trop d’envie, trop de peur. Elle va s’envoler, il le sent, s’évaporer comme un rêve, aussi vite qu’elle est venue. Comme toujours, il se retrouvera seul.
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