Trixia | Samih

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Ses ongles bégayent sur le clavier, elle doit s'y reprendre à deux fois pour composer. Pourtant elle le connaît, même plus dans le cœur c'est dans les doigts, pour oublier son numéro faudrait les couper. C'est comme une fièvre qui l'habite, elle est malade de vérité. Ça c'est trop dur. Pour JJ elle a pas hésité, ça lui a même fait plaisir de coincer cet enculé. Il est lent à décanter alors dans son dernier message elle laisse rien qui puisse le faire douter. Je vais tout dire à Sam.
Appeler Sam.
Ça fait des semaines qu'elle ne lui a pas parlé. C'était à lui de la rappeler, de lui courir après. Y'a son cœur tout serré à l'idée qu'il ne l'ait pas fait, ça mâchonne sa fierté mais elle peut plus reculer. Ça sonne. Décroche. Dans un soupir elle l'entend presque respirer.
- Allo ?
Pourquoi sa voix tremble ? Pourquoi elle sent son ventre se retourner ? Des kilomètres les séparent mais quand elle ferme les yeux elle peut le voir accroché au combiné.
- Je..
Et pendant un instant c'est comme si elle ne se souvenait plus de pourquoi elle l'appelait. C'est tout qui revient. Leur dernier soir, les sanglants au revoir. Elle a le réflexe de passer sa main sur son nez cicatrisé. La rancœur dégueule et se déverse finalement dans ses mots.
- C'est gentil d'avoir demandé comment j'allais.
C'est complètement con, comme si ça pouvait aller, comme si Samih avait voulu que ça aille. C'était lui qui l'avait bousillée. Qui la bousille encore, parce qu'à entendre sa voix c'est sûr qu'elle va saigner. Elle sait pas comment faire autrement que de le lui reprocher.

Quand le téléphone se mit à sonner, Sam était avachit sur la caisse de la supérette en attendant désespérément qu’un client ne se pointe pas. Il évitait l’appartement au maximum, restait le plus clair de son temps dans son coin. Il avait sniffé deux cachets de codéine il y a une vingtaine de minutes. Tout semblait très lent, comme la sonnerie stupide de son téléphone.

Le prénom de Trixia, qui s’afficha en énorme sur son portable suffit à lui faire redescendre quelques étages. Il loupa le comptoir au moment de s’y accoudé et faillit s’exploser le nez contre le tiroir-caisse. Il décrocha la seconde suivante, ne prononça pas le moindre mot. Allo ? Encore trente longues secondes de silence. Il était paralysé.

Salut. Il se concentrait tellement pour que sa voix ne tremble pas qu’il avait une voix aussi froide que le pôle nord avant le réchauffement climatique. La voix de Trixia tremblait, elle aussi. Elle a peur ? De toi ? De moi ? Samih ferma les yeux en entendant cette voix qui rugissait à nouveau dans son crâne. Elles s’étaient tue quelques jours après ce qui s’était passé avec Trixia, elle avait fait une pause, l’avait laissé tranquille. Il avait presque eu le temps de souffler, presque.

C’est gentil d’avoir demandé comment j’allais. Qu’elle demanda subitement, comme si cette réflexion avait débordé de ses lèvres pour s’infiltrer dans le combiné. Sam resta sans réponse quelques temps. Comment elle allait? Aussi mal que lui, il imaginait. Pire même. Depuis cette altercation, il ne dormait plus le soir sans s’assommer avant. Il avait détruit celle qu’il aimait, elle l’avait détruit elle aussi. Ils n’étaient que des ruines maintenant. Je… sais déjà la réponse. Enfin… j’imagine. Il s’enfonçait. Nouveau silence qui lui prenait la gorge. Il se leva doucement, manquant de se casser la figure, il sortit de la supérette sans demander l’avis de son patron et s’adossa contre le mur extérieur. Pourquoi tu m’appelles ? S’il était encore plus froid maintenant, c’était parce que son coeur s’était remis à saigner.

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Ça décroche et rien. La voix de Trix s'engouffre dans le blanc pour pas le laisser s'installer, blanc c'est la paix elle veut pas la paix. Elle sait pas ce qu'elle veut, d'ailleurs. Elle voulait lui dire mais maintenant elle voudrait que ce soit lui qui dise. Pardon j'ai déconné je te jure que je le ferai plus jamais. Pour ce que valent leurs promesses. De belles paroles sur un tas de bassesses.
- Salut ça a rien de salutaire peut-être qu'il aurait mieux valu se taire. Il est tellement loin. Trop pour qu'elle l'écharpe le serre de ses bras. Y'a comme des glaçons dans sa voix elle frissonne quand il parle. Alors elle attaque tout de suite pour pas prendre froid.
- Je… sais déjà la réponse. Enfin… j’imagine.
Il imagine. Imagine quoi, que c'est suffisant, que ça ira, qu'elle va se contenter de ça Trixia.
- Non, t'imagine pas.
La douleur la peine dans la voix qui se tend comme un arc. On imagine pas ce que c'est, de crever sous les coups de celui qu'on aime. Aimait. Tant pis, ça n'importe pas, le mal est là. Et même maintenant que son visage est redevenu le sien, c'est le cœur qui est tout broyé et le doc n'avait rien pour le réparer.
- Pourquoi tu m’appelles ?
C'est tout ? C'est ça ? C'est pas ça qu'elle avait imaginé. Ça correspondait à rien, ça valait rien. Avaler que c'était tout ce que Samih avait à lui dire c'est carrément indigeste.
- En fait je voulais prendre des nouvelles de JJ. Tu l'as tabassé, lui aussi ? Ou c'était juste pour moi ?
À cracher le nom de JJ elle se souvient pourquoi elle est là, pourquoi ils sont là, deux déchirures reliées par le fil des voix. Mais elle peut pas lui dire. Pas tout de suite. Pas alors qu'il s'en fout.
- Tu m'as laissée. Toute seule.
C'est tous les reproches du monde dans quelques maudits mots placés sur sa faiblesse. Solitude. Saigner oui, mais saigner avec toi.
- J'aurais pu crever.
Dans le fond c'était peut-être ce qu'ils voulaient.

Non, t'imagine pas. Non, il n'imaginait pas. En effet. Il ne pouvait pas savoir ce que c'était. Mais il était la moitié de leur couple, il était la moitié de leur amour qui avait été réduit en cendre ce jour-là. Et il se sentait si misérable qu'il avait l'impression de comprendre. Comprendre que c'était en se déchirant une ultime fois qu'ils avaient finit par se dégouter l'un de l'autre. Et que cette situation faisait encore plus mal que leur gueguerre habituelle. Mais il ne répondit rien, comme s'il voulait la laisser donner des coups, prendre de l'avance. Devrait-il remettre ça sur le tapis ? Impossible, c'était douloureux encore. Il en portait encore des bleus, pas sur la peau mais sur le coeur, dans la tête. Ils s'étaient tellement débattu, de toutes ses forces, de toute son âme, contre son lui intérieur pour essayer de contrôler la situation. Mais tout lui avait échappé, il devait encore se reposer laisser couler de l'eau sous le pont. Mais ça sonnait comme le coup de grâce pour Trixia, d'entendre ce silence assourdissant. En fait je voulais prendre des nouvelles de JJ. Tu l'as tabassé, lui aussi ? Ou c'était juste pour moi ? Ses boyaux se retournèrent au fond de son bide quand il l'entendit parler de JJ. Aussi bien à cause de cette trahison, que toutes les autres qui ont suivies en ce qui concernait JJ. Tous ces mensonges, toutes ces images marquées au fer blanc dans son esprit. Il n'était pas prêt à affronter cette conversation une nouvelle fois. Et, pour s'assurer de ne pas céder à la panique, il plongea sa main libre dans la poche de sa veste à capuche pour sentir la petite boite de médicaments qui l'attendait sagement, il s'y agrippa. T'as vraiment envie de reparler de JJ ? Il coupa court à la conversation au plus vite avec cette remarque acerbe qui aurait pu sonner presque comme une menace.

Tu m'as laissée. Toute seule. Qu'elle laissé s'échapper. Sam ferma les yeux du plus fort qu'il pu, mais les images, comme des flashs, n'arrêtaient pas de hanter. Des images dont il ne se souvenait pas. Des souvenirs qui n'étaient pas les siens. Un crime qui n'était pas le sien mais dont il devait tout de même assumer toutes les conséquences. Je sais. Couina-t-il d'une voix torturée. J'aurais pu crever. Je sais Répéta-t-il, et ça brûlait affreusement au fond de lui.

Il savait putain. IL SAVAIT. Et ça le foutait en l'air.

J'contrôlais plus vraiment ce que je faisais à ce moment là Trixia. Il se cherchait des excuses, bien sûr. Parce que ça allait finir par le détruire de l'intérieur s'il ne faisait rien. Dis-moi pourquoi tu m'appelles. Il ne pouvait pas en parler, pas tout de suite. Il ne pouvait tout simplement pas. Et si elle l'appelait, c'était soit pour une urgence, soit parce qu'elle en avait besoin. Besoin de lui. Incapable de vivre dans un monde où ils ne se parleraient plus. L'un dans l'autre, Sam devait savoir.

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Elle arrive pas à s'exprimer. Aboyer oui. Aboyer en premier, mordre en premier, porter le premier coup toujours. Mais dire à Samih ce qui se passe dans les tempêtes de sa tête elle sait pas, elle a jamais trop su. Avant il comprenait sans les mots mais maintenant c'est comme si la connexion était rompue. Alors elle lui tire dessus ses phrases comme armes longue distance parce que de toute façon elle sait pas réparer, c'est pas dans ses capacités.
- T'as vraiment envie de reparler de JJ ?
Non. Oui. Bordel, il faut reparler de JJ. Elle l'a appelé pour ça. Elle s'assoit, laisser aller son dos sa tête contre le meuble sans réussir à lui crier que c'est exactement de ça, de lui, dont il s'agit. Pas tout de suite. Encore un petit peu. De venin deversé, de mots de Sam auxquels se raccrocher même si ceux-là lui rappellent de sales souvenirs qui donnent envie de gerber encore. La rancœur est réelle c'est vrai, mais il y a tellement plus, un tellement plus qui lui fait tellement mal qu'elle pourrait en crever.
- Je sais. Dis pas ça. Si tu savais, pourquoi t'es pas resté, pourquoi t'as rien fait, je sais il sait c'est encore plus douloureux que si il avait été trop aveugle pour s'en douter. Il a la voix tordue, ses tripes à elle font des nœuds, comme si ça pouvait effacer arranger les choses elle ferme les yeux.
- J'contrôlais plus vraiment ce que je faisais à ce moment là Trixia.
Qu'est-ce qu'on répond à ça ? Comme JJ et moi ? Mais même quand on est Trix on peut pas placer des mots sur ça. Pas même des mots durs, ils retombent tous en pierres dans son estomac.
- Dis-moi pourquoi tu m'appelles.
C'est toujours là, pressant. Sur le fond des paupières fermées elle voit Assia, c'est là, bien-sûr que c'est là, bien-sûr que ça ne la lâchera pas. Elle dit rien, il faut parler pourtant. Elle réalise pas à quel point ils manquent de temps. Elle inspire, expire, cherche n'importe quoi à balancer sans rien rien venir confier au combiné.
- C'était à toi de m'appeler.
C'est toujours des secondes de gagnées mais pas trop, au final tout est perdu il faudra bien avouer. Pas même pour lui, pas pour sa lourde conscience à elle. Pour Assia, qu'elle tente tant bien que mal de tenir éloignée de là.
- C'est à toi de t'excuser.
Elle marmonne, lointaine, comme une gamine à l'ego blessé. Qu'elle est.
- Tu regrettes ? Dis-le moi. C'est devenu trop dur de vivre sans savoir ça.

Ce sentiment, appelons ça de la culpabilité, prenait toute la place en lui désormais. Comme la fumée qui viendrait s'infiltrer dans chaque recoins, tout son être était étranglé. Il n'aurait pas pu prendre des nouvelles Trixia, car il ne pouvait plus la regarder en face. Il ne pouvait plus lui parler. Rien. Y avait une bataille terrifiante, entre la haine et le remord. Il la détestait encore, mais l'aimerait toujours. Trixia, sa Trixia. C'était à toi de m'appeler. Qu'elle ajoute. Samih se mit à trembler et plongea la main dans sa poche pour en sortir la boite orangée pleine de calmant, volée quelques jours plus tôt dans un hôpital. Il coinça le téléphone entre son épaule et son oreille pour essayer de l'ouvrir. Mais ses mains tremblaient tellement, qu'il n'y arrivait même pas. Trixia, je… Commença-t-il, rapidement coupé. C'est à toi de t'excuser. Il ferma les yeux, s'excita sur la boite qu'il parvint enfin à ouvrir. Ça fait moins mal de haïr que d'aimer. Ça sera plus facile de lui en vouloir que de t'en vouloir. Rappela l'autre dans un coin de sa tête. Avant de mettre le cachet dans sa bouche, Samih le somma de se taire, sans faire attention qu'il disait ça à voix haute. Ferme-la. C'était à peine chuchoté, à l'intention de cette voix qui lui martelait le crâne. Mais comment l'expliquer à Trixia, qui lui ordonnait au même moment d'avoir ses regrets.

Samih avala le cachet, mais la panique avait déjà pris trop de place en lui. Et toi, tu regrettes de t'être fait JJ ? Il répondit du tac au tac, sans même savoir si c'était lui ou l'autre en fait. Il en était arrivé à un moment, où il ne savait plus vraiment ce qui était vrai ou pas. Ce que faisait l'autre, ce qu'il faisait lui. Tout semblait faux, tout semblait vrai. Il n'était jamais réveillé, jamais endormi. Ni l'un ni l'autre. Tu m'as jamais aimé, hein ? Cette fois, c'était l'autre qui rappelait les propres mots de la brune, quelques jours auparavant. Des mots dont Sam n'avait même plus le souvenir. Tu me détestes, et je n'suis qu'un monstre ? C'est bien ça ? Il en avait les larmes aux yeux. Bon sang, fallait que le calmant fasse effet. Tu r'grettes ces mots ? Tu r'grettes de m'avoir quitté ? Tu r'grettes de m'avoir menti, encore et encore pendant cinq putains d'années ? Silence, au téléphone. Dans sa tête, c'était le vacarme. Comme si l'autre voulait crier avant de devoir se taire, assommé par le médoc. Me fais pas passer pour celui que je ne suis pas Trixia. Et inverse pas les rôles.

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Elle écoute pas les sursauts de voix de Samih, les mots qui hésitent. Elle elle doit pas hésiter. Si elle hésite elle aura de la peine, les sentiments comme charognards qui déchiquettent à la moindre faiblesse. Elle veut plus avoir de la peine. Elle en a consommé déjà consumée de détresse et ça change rien. Ça protège pas, ça épargne pas, ça ruine juste les fondations des murailles qu'on a mis tant de temps à construire. Alors excuse toi Sam, que ça aille mieux, qu'elle puisse colmater les brèches et rassurer Ego.
- Ferme-la.
C'est un murmure qui hurle dans sa tête, elle a l'impression qu'il l'a crié.
- C'est pas vrai.. Tu peux pas dire ça..
C'est tellement absurde, c'est tellement pas ce qu'elle voulait, ce qu'elle exigeait de lui. Alors y'a comme un éclat de rire moche dans sa voix. Elle y croit pas. Ça peut pas être tout ce qu'il a à lui donner.
- Et toi, tu regrettes de t'être fait JJ ?
Dans sa tête un haut-le-cœur. Ou bien c'est peut-être physique, elle sait pas. JJ. Les mains de JJ sur Assia. Les mains de JJ sur Trixia. Il faut qu'il brûle. Qu'il brûle, qu'il emmène toutes les images souvenirs avec lui.
- MAIS OUI l'aigreur déborde dans sa voix. Oui, je regrette putain. Tous les jours. Comment tu peux croire que c'est pas le cas ?!
Comment tu peux. Elle a toujours détesté JJ. Dès la première minute. Parce que c'est un connard et plus le temps passe plus il est laid comme si la pourriture intérieure attaquait la façade, des cafards qui courent sur son visage. Elle l'a jamais aimé.
- Tu m'as jamais aimé, hein ?
C'est pas vrai. Pour lui c'est pas vrai.
Elle a jamais su arrêter.
- Tu me détestes, et je n'suis qu'un monstre ? C'est bien ça ?
C'est pas vrai.
- Tu r'grettes ces mots ? Tu r'grettes de m'avoir quitté ? Tu r'grettes de m'avoir menti, encore et encore pendant cinq putains d'années ?
C'est pas vrai.
L’étau est si serré. Elle réalise qu'en fait elle a arrêté de respirer.
C'est pas parce qu'elle a pas de souffle qu'elle peut pas le contredire. C'est peut-être parce qu'elle a pas de cœur. C'est peut-être parce que la seule chose qui la fait fonctionner c'est orgueil, que c'est lui son organe vital.
- Me fais pas passer pour celui que je ne suis pas Trixia. Et inverse pas les rôles.
Et toi Sam, me fais pas passer pour celle que je suis.
- Ça excuse rien.
Pas les coups. Pas les poings. Mais rien ne peut excuser ça, même quelque pardon balancé qu'il est de toute façon incapable de lui donner.
Pendant un instant, elle dit plus rien. Elle essaye d'entendre. Entendre si il respire bien. Entendre si tout va bien. Parce qu'elle pas du tout.
- T'en a plus rien à foutre, hein ?
De quoi ? De tout. De moi. D'eux deux. De savoir si elle s'est relevée de Sam venu se défouler. Elle l'a compris, petit à petit. Quand il rappelait pas. Qu'il revenait pas. Y'a une part d'elle qui refuse qui veut pas mais s'il le dit, peut-être qu'elle comprendra. Qu'elle cédera enfin.
- T'aurais préféré que je revienne pas.

Oui, je regrette putain. Tous les jours. Comment tu peux croire que c'est pas le cas ?! C'était comme si plus rien n'avait de sens avec cette nana. Tout ce qui était vrai hier, est faux aujourd'hui. Tout est faux, de la beauté fragile de son visage de poupée de porcelaine à ses promesses rompues depuis longtemps. Tout est faux. Et c'est exactement ce qu'il lui répondit, du tac au tac, sans même lui laisser le temps de prendre sa respiration. J'en sais rien putain ! Je sais plus ce que je dois croire avec toi. Et puis il continua, doucement, comme un serpent, il sifflait, l'autre sifflait en fait. Sifflait toutes ces choses dont Samih n'avait plus conscience mais qu'il avait très bien retenu. Ça c'était encré sous sa peau, comme un tatouage qu'on regrette immédiatement le lendemain. Je te déteste, tu n'es qu'un monstre. Trixia ne trouvait plus les mots pour s'expliquer, sans doute qu'elle n'en avait pas l'intention en fait. Ils avaient tous les deux fait mal, trop mal. Et maintenant, il ne restait plus que la haine. La haine, féroce, qui grignotait tout le reste comme une gangrène. Ça excuse rien. Finit-elle par lâcher. Rien ne sera excusé de toute manière. Ils en étaient incapables. Plus capables. Et un silence s’installe où il n’y a plus l’échos de leur rancoeur qui bat sur les ondes. Comme le battement de coeur d’un mourant. T’en as plus rien à foutre, hein ? un léger rire s’échappa des lèvres de l’égyptien. Si seulement, Trix. Si seulement il n’en avait plus rien à foutre. si seulement ça ne brulait pas autant dans ses entrailles. Si seulement les mots qu’elle avait eu à son encontre pouvaient arrêter de tourbillonner dans son crâne. J’en aurais toujours quelque chose à foutre, c’est bien ça mon problème. qu’il avoua sans honte. Parce que c’était clair dans sa tête. Elle était encore à lui, il était encore à elle. C’est pour ça que ça faisait trop mal. Toutes ces petites trahisons, ces mensonges. C’est pour ça qu’il était incapable de s’excuser. Parce qu’il lui en voulait trop. Parce qu’elle avait encore une telle emprise sur lui qu’il ne pouvait plus penser, respirer, vivre, dormir sans avoir l’impression de se faire poignarder en plein coeur. Et c’était un éternel recommencement, depuis des mois et des mois. Cette guerre qu’ils se menaient était partie trop loin désormais, elle avait échappé à leur contrôle et ils en subissaient les conséquences. Et ce n’est qu’apres avoir été étouffée par ce silence glacant que Trixia s’avoua vaincue. T’aurais préféré que je revienne pas. non. Oui. On sait pas. Samih ne savait pas quoi répondre, car la seule raison pour laquelle il n’avait pas rappelé le premier c’était la honte. Y avait un coté masochiste à leurs échanges, mais la conclusion la plus cohérente, c’était que le silence était plus violent que les cris, les coups, le sang. Il inspira profondément, et il finit par lâcher, sentant les calmants faire leur travail : La seule raison pour laquelle t’as besoin de revenir, encore et encore, à chaque fois, c’est que tu m’as laissé tomber un jour. il en arrivait à oublier comment c’était, avant. Quand ils vivaient ensemble, s’aimaient, se parlaient, se défonçaient, faisaient l’amour, jour après jour. Ça lui serrait la gorge rien que d’y penser. J’aurais préféré que tu ne partes pas. avoua-t-il, mais c’était trop tard maintenant. Samih avait franchi la ligne, il était allé trop loin. Y avait plus de retour en arrière. Mais il refusait encore de s’excuser. Il ne pouvait plus le faire. À la place, il conclut, la voix tordue de remords : C’est toi qui m’a rendu comme ça. Tu m’as transformé en monstre. Tu l’as transformé en moi.

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Se faire la guerre avec la passion qu'ils ont mis un jour dans l'amour. Et ils se couchent à distance, l'enchaînement des coups pas enchevêtrement de corps, parce qu'ils s’approchent plus sans s'envoyer au tapis. Tant pis. Tant qu'il ne raccroche pas. Elle est accrochée à Sam Trix, comme une sangsue, elle est sa sale maladie. Sans lui c'est elle qui meurt.
- J'en sais rien putain ! Je sais plus ce que je dois croire avec toi.
S'il pouvait croire à tout. Simplement acquiescer à ce qu'elle dit. C'est vrai qu'elle prône le faux Trix. Elle ment juste pour que ce soit plus joli. C'était plus beau avant qu'il ne sache pour JJ, moins moche du moins, y'avait quelques teintes de bleus tâches de sang en moins. Elle sait pas dire la vérité. Elle sait pas s'excuser. Y'a rien que Samih veuille qu'elle puisse lui donner, pas plus qu'il ne semble capable d'articuler un pardon. Peut-être que c'est trop tard, qu'elle l'a cassé pour de bon. Est-ce que ça lui fait quelque chose, à lui ? Parce que pour elle ça défait tout.
- J’en aurais toujours quelque chose à foutre, c’est bien ça mon problème.
C'est comme une grande baffe qui réveille, un massage cardiaque qui ranime, une décharge en plein la déchetterie de son cœur. S'il est condamné elle vit. C'est leur mécanique infernale, danse macabre, un moment elle l'a cru disparu, elle tombait. Elle respire mieux Trix. Un grand souffle quand elle l'étouffe. Elle sait plus quand elle a eu besoin de lui faire mal pour aller bien, mais lui faire du mal c'est déjà lui faire quelque chose. Elle sait pas avancer dans un monde où elle ne lui fait rien. Elle est sa peine. Assurément il serait mieux sans elle. Elle elle ne serait rien du tout.
- La seule raison pour laquelle t’as besoin de revenir, encore et encore, à chaque fois, c’est que tu m’as laissé tomber un jour.
Elle les laisse tous tomber. Autant qu'ils sont, peu importe à quel point ils ont pu compter. C'est seulement pour éviter de tomber en premier, un abandon par peur d'être abandonnée. A ce moment y'a le regret, sans doute que tout serait plus simple si elle était restée. C'est trop tard. Ça se serait mal terminé.
Ils ne le sauront jamais.
- J’aurais préféré que tu ne partes pas.
Moi aussi. Elle ne le dira pas. Ça n'a pas de sens, si elle le laisse échapper elle regrettera.
- C'était mieux.
Pour lui ? Pour moi. Pas sûr qu'il y ait un jour eu de la place pour deux dans le cœur creux de Trixia.
- C’est toi qui m’a rendu comme ça. Tu m’as transformé en monstre.
Il peut pas. Il a pas le droit.
- Dis pas ça !
Mens Samih. Mens-lui. Elle t'a toujours dit que c'était plus joli.
- Fais pas comme si c'était de ma faute.
Elle veut pas qu'il l'accuse. Elle a peur d'y croire. Elle a peur de s'y voir quand il dépeint un portrait noir. C'est pas moi, j'ai rien fait, si je l'ai fait j'y peux rien. C'est plus facile de se dire que les choses sont ainsi plutôt que d'avouer que c'est elle qui les a précipités dans le vide, pendus au bout d'une corde commune.
- J'ai jamais rien voulu de tout ça.
Elle crache dans le « ça » tout le dégoût, ça les trucs dégueulasses, ça la guerre, être mêlée aux coups de clans qui la détestent, ça la violence de Samih, ça qu'il la délaisse.
Trop tard. Trop tard pour eux.
Pas encore trop tard pour Assia. Pour balancer la bombe. J'y vais. J'y vais à trois. J'y vais après avoir entendu ce qu'il répondra. Elle se demande à force de repousser si elle ira, si elle pourra. Parce que c'est de loin la vérité la plus laide qu'elle ait jamais eu à affronter.

C’était mieux. et ça lui arracha le coeur d’entendre ces mots. Il contracta sa mâchoire, et son poing autour du téléphone se crispait. Comment elle pouvait dire ça ? Comment ça, cette putain de situation, pouvait être mieux que tout ce qu’ils avaient vécu ensemble ? Toutes ces années à s’apprivoiser l’un et l’autre, toutes ces années à réparer l’âme cabossée de Trixia, au détriment de sa propre santé mentale : tout ça n’avait été qu’une vaste blague. Tout ça n’avait servi à rien. Juste à se prendre une boule de démolition en pleine gueule. Pas pour moi ! se défendit Sam d’un air mauvais, pas pour eux. Et on parle bien sûr de Sam et de sa voix intérieure qui crépitait sous sa peau. Alors que le calmant commençait à embrouiller ses pensées, il déliait aussi sa langue, le rendait bavard -trop peut-être. Tu l’savais ? Quand on s’est rencontré, tu savais déjà que tu m’foutrais en l’air ? Ça faisait partie du plan ? sa voix se tordait de colère et de chagrin à chaque fois qu’il prononçait un mot de plus. elle t’a jamais aimé, c’est ce qu’elle a dit. et ça tournait en boucle dans son crâne maintenant. Ça résonnait trop fort, trop vrai. Est-ce que Sam n’était qu’un abruti de plus, arnaqué, condamné d’avance par le coeur trop vide de Trix. Un ultime tour, sa plus belle mise en scène. La plus vraie, celle qui détruit tout sur son passage. Surtout lui. Celle qui l’aura transformé en monstre. Brisé le peu de raison dont il disposait. Car ce qui était arrivé au jeune Samih c’était elle. Elle lui était arrivée. Dis pas ça ! Si. Il le dira, il le hurlera si c’est nécessaire. Tout est de ta faute Trixia, il faut que ça le soit, Sam supportera jamais que ça soit de la sienne ou de la mienne. Chacun se perdait des ses propres démons, ses propres erreurs et personne ne voulait lâcher un bout de terrain. Il semblait que c’était comme ça qu’il voyait l’amour, la haine, un petit mélange des deux qui servait de pansement. Car sans l’un et l’autre il ne leur restait plus rien. J’ai jamais rien voulu de tout ça. qu’elle finit par souffler, la voix chargée d’émotion. Alors qu’est-ce que tu veux ? silence. Pourquoi tu m’appelles ? Qu’est-ce que tu veux trixia ? Sa voix était soudain pressante, violente, colorée de rancœur. Il voulait la faire parler, sans même savoir à quoi d’attendre. Bon sang ! Dis-moi c’que tu veux ! le voilà qui criait, à bout de nerfs, à bout de tout.

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Le souci des mensonges à soi-même c'est qu'on n'y croit pas. Elle a beau le dire, ça va, c'était mieux, tu me manque pas, y'a le goût du faux sur sa langue, une amertume sur son palais. Elle veut qu'il y croit fort Sam, fort assez fort pour deux, pour plus porter le poids des erreurs, pour lui laisser le fardeau d'eux.
- Pas pour moi !
Bien sûr que ça l'était. Tu sais pas Sam que si on ampute pas le membre gangrené tout finit par pourrir ? C'est un service qu'elle lui a rendu Trix. Partir avant de le crever. Dans le fond, c'était ce qu'elle pouvait lui faire de mieux. S'arracher à lui. Fâner seule.
- Tu l’savais ? Quand on s’est rencontré, tu savais déjà que tu m’foutrais en l’air ? Ça faisait partie du plan ?
Gamine se boucherait bien les oreilles à défaut de lui clore la bouche, mais c'est pas la solution. Il n'y a pas de solution. Chacun des reproches de Samih restera logé dans son crâne c'est bien plus douloureux qu'une balle, elle elle a jamais su s'amputer de Sam.
- Arrête ça ! Y'avait pas de plan.
C'était pas un choix de tout foutre en l'air, juste son lot, être un monstre sans attendre le crépuscule. Répandre le malheur dont elle dégouline et faire boire la tasse à d'autres pour plus être la seule à se noyer. Elle veut rien avouer Trix. Lui avouer à lui se serait se l'avouer à elle, signer le duel à mort avec son reflet dans la glace, pour Narcisse ce serait comme s'attacher à une pierre et plonger dans le lac. Trixia n'est rien sans les apparences, cachée derrière les « tout va bien ». Alors elle prétend qu'elle n'y est pour rien.
-Alors qu’est-ce que tu veux ?
Te dire
- Pourquoi tu m’appelles ? Qu’est-ce que tu veux Trixia ?
Pardon. Pardon, pardon, et recommençons. Excuse-moi d'être comme ça, j'y peux rien si j'suis moi, promet-moi que cette fois on se quittera pas, que tu me laissera pas me foutre nous foutre en l'air, que t'arracheras de mes mains le revolver que mes mensonges tu les feras taire. Jure moi de plus m'envoyer à terre, moi je promet de plus te planter de couteaux dans le dos, et mon venin j'en ferai de l'eau rien que pour plus t'empoisonner la vie à nouveau.
Non ?
- Bon sang ! Dis-moi c’que tu veux !
C'est coincé. Comme toutes les vérités, c'est rien qui puisse passer. C'était même pas pour ça qu'elle l'appelait, elle savait. Ignorait pourtant que s'il y avait un moment pour le dire, c'était sans doute maintenant. Qu'après il n'y aurait peut-être plus de moment du tout.
- Sam je
Dans un souffle l'aveu meurt. Des grands coups à la porte, des grands coups de son cœur. T'as rien dit Trix. C'est trop tard, c'est trop tard et t'as rien dit.
- Putain
Elle raccroche.
Dernières paroles d'une condamnée.

Il n'entendait plus Trixia. Peut-être parce qu'elle avait la gorgée nouée par la culpabilité, peut-être encore parce que la voix dans la tête de l'égyptien parlait plus fort qu'elle, plus fort que tout le monde. Elle avait toujours le dernier mot, car elle ne s'arrêtait jamais de parler. Calmant ou pas. L'automédication, ça ne marchait plus. Est-ce que ça avait vraiment marché un jour ? Où est-ce que la folie avait commencé à se répandre depuis longtemps, depuis toujours, sans un bruit, à pas de loup, pour au final finir par le contrôler complètement, faire écraser ses phalanges contre l’arrête du nez de Trixia hier, lui tenir tête aujourd’hui, la buter demain ? Un frisson parcouru Sam, qui avait fermé les yeux maintenant et, d’une main, massait son front comme si cela arrangerait quoi que ce soit.

Fallait qu’elle parle maintenant Trix, fallait qu’elle dise où elle voulait en venir. Mais le constat était clair : ils ne pouvaient plus parler, ils ne pouvaient plus se comprendre. Ils étaient là, d’un côté et de l’autre d’une vitre. Fallait abandonner ou exploser. Mais rien. Ni l’un, ni l’autre. Ils restaient pendus au téléphone sans pour autant se parler, sans pour autant s’avouer. Ils oscillaient entre l’amour et la haine, la violence ou la paix, la rédemption ou le péché.

Et puis.

Sam je… Tu ? Sa voix éclata dans le silence sourd. Il avala sa salive, Sam, et les dernières parcelles de son corps encore lucides étaient pendues à ses mots, à Trixia. Quoi, dis-moi, dis-le avant le collapse. La paix, faisons la paix. Faisons l’amour aussi. Panse mes blessures avant qu’elles ne m’achèvent. Avant qu’il ne gagne. Sam restait silencieux, de peur de la faire fuir, de peur qu’elle ne se taise. Donnons-nous une dernière chance, une chance de ne pas mourir. Hein, on fait comme ça ?

Putain. Qu’elle lâche dans un souffle. Et puis plus rien, juste la tonalité du téléphone qui bip dans le vide intersidéral. Il en comprit pas tout de suite, Sam, il resta accroché à son portable quelques secondes, jusqu’à ce que le bruit lui perce les tympans. Trixia ? Trop tard, elle avait déjà abandonné. T’as perdu. Qu’il dit, l’autre. TRIXIA ? Mais non, rien, que dalle. Elle est partie, rendu les armes. Il n’y a pas d’armistice pour Samih aujourd’hui. Y a pas de happy end non plus. Y en a jamais. Raccroche pas. Qu’il murmurait au combiné, pour donner tord à l’autre. Mais c’est trop tard. Trop tard ou trop tôt. Il dû se rendre à l’évidence, ouais, il raccrocha à son tour, d’un geste si lent, le regard vague, les idées anesthésiées par la morphine.

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Trixia | Samih

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