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 look what you made me do (toad)

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MessageSujet: look what you made me do (toad)   look what you made me do (toad) EmptyLun 18 Sep - 16:10

Elle a trop bu, Eanna.
Bu à s'en exploser le coeur, bu à s'en noyer, bu jusqu'à l'overdose qui n'est pas venue de bar en bar, de connards notoires en abrutis finis. Elle n'a rien payé la gamine, battant des cils ou jouant des coudes, chipant des verres et se servant parfois elle-même comme si les lieux lui appartenaient.
Elle a bu pour oublier, pour effacer les hématomes visibles mais surtout les fantômes invisibles qui criblent un palpitant fatigué de battre. Elle a bu comme autant de lames affûtées pour affronter ses démons, pour combattre ce JJ tatoué partout à l'encre de sa peau, gravé dans ses chairs, accroché partout où elle essaye de le déloger. Mais ça ne suffisait pas, l'alcool. Alors Eanna, elle a accepté les mots doucereux et une langue inconnue pour glisser un buvard contre la sienne. Mais elle a les poches vides et le dealer se montre faussement bienveillant, voix caresse et doigts colons qui glissent déjà contre ses cuisses. Elle acquiesce, Nana, consciente que le voile de coton de la drogue rendra le tout supportable. Elle titube entre les tables, debout grâce à la seule poigne un poil trop ferme contre sa taille ridicule et rejoint les chiottes crados le coeur au bord des lèvres, dans l'attente. Pas de lui, mais d'elle, de ce qui est supposé fleurir à l'intérieur et chasser les voix qui murmurent déjà des mots qu'elle ne veut pas entendre. Mais il est pressé, l'animal, et au lieu de se détendre sous ses doigts, elle se tend, se cabre et s'échappe. C'est une drôle de danse désarticulée, une traque où la proie finit par devenir prédateur. Eanna mord la nuque à sa portée jusqu'au sang alors qu'il baise ses reins à une cadence qui lui file la gerbe. Elle lâche pas, comme un clébard enragé, déchire la chair et goûte au sang pourpre jusqu'à sentir un crac funeste quelque part entre ses côtes bourrées de coups. Il hurle, il gesticule mais elle n'entend plus rien Eanna. Ses doigts tremblants sont refermés sur le cran d'arrêt qui dort toujours dans sa poche et puis elle se souvient qui lui a offert et refuse de l'utiliser.
De toute façon, elle n'a plus envie.
Parce que ça vient.
Ça monte enfin en elle, ce sentiment inconnu et Nana abandonne le regard noir du dealer et les toilettes en lambeaux pour se casser d'ici et laisser son palpitant monter au firmament. Eanna se sent assommée par un sentiment d'extase rarement ressenti, elle éprouve un amour profond pour le monde et l'univers, quelque chose de fort et de cosmique qui la traverse comme si pour la toute première fois de son existence, elle était englobée dans la course folle de la vie au lieu de rester sur le bas-côté. Elle s'extirpe péniblement du bar bondé et autour d'elle, tout lui semble vivant et coloré. Les objets les plus inanimés sont entourés d'une aura brillante, scintillante et sa perception du temps, de l'espace, s'efface au profit des sensations qu'elle ressent. Un bonheur indicible, aux couleurs violettes et chaudes. Eanna ne le réalise pas, mais elle abandonne ses baskets. Ses pieds nus effleurent l'herbe et elle sent le moindre brin qui carillonne sous ses pas et le froid glacial de la nuit ne gèle pas ses os. Elle flotte dans son t-shirt débraillé, trop large, mais s'en fiche. Nana n'est plus là et extrêmement présente à la fois, comme un élément connecté à tout ce qui l'entoure, pourvu d'une conscience accrue de tout et de tout le monde. Là-haut, les étoiles dansent pour elle et certaines rient, elles éclatent d'un rire d'allégresse et d'en-bas, la gosse rit de concert de sa voix cristalline et ébréchée. Euphorique et insouciante, elle tourne sur elle-même et s'émeut de la beauté de ses gestes, réalisant que ses bras laissent de longues traînées roses ou vertes derrière eux, comme des centaines de lucioles minuscules pour accompagner ses courbes, pas plus grosse que des têtes d'ampoule mais si luminescentes, si belles, elle dont les visions sont toujours ténèbres et rouge sang. La Lune aussi est superbe, elle apparaît distordue et gigantesque, nimbée d'une aura plus dorée que celle du soleil qui l'éblouit. Les heures filent au rythme de ses pas écorchés effleurant le macadam et Nana a l'impression qu'un seul battement de coeur s'est écoulé lorsque petit à petit, elle s'éveille.
Nana ne vibre plus au rythme de la ville, elle n'est plus un tout, un ensemble d'atomes cohérent et magnifique. Elle redevient pas après pas, elle-même et ce constat lui écrase les épaules. Ce sont les sensations qui reviennent en premier. La morsure du froid sur sa peau laiteuse, les frissons et les tremblements et une douleur indicible, qui irradie partout et nulle part à la fois. Elle a du tomber, à plusieurs reprises, sous les coups d'une émotion trop forte ou de la beauté du monde, elle l'ignore. Mais outre ses pieds écorchés, son bras gauche l'élance et du sang séché strie son visage de poupée déjà bien abîmé, le long de sa tempe. C'est là qu'elle l'aperçoit, brillant sous ses prunelles défoncées : une église. Une putain d'église en ruines qui la nargue de toute sa grandeur passée. A fleur de peau, les souvenirs viennent éclore à la surface, sous sa peau, comme autant de rongeurs : Nana, elle revoit sa petite main serrée dans celle de sa mère, traînée contre son gré dans une grande cérémonie parlant d'amour et de prochain quand chez elle, on oubliait bien tout ça. Elle revoit le vieux monsieur toucher son ventre et parler de bénédiction, elle entend jusqu'à son timbre qui cogne ses os de verre et elle reste là, fascinée, poings serrés et silhouette fluette tremblant de rage, de désespoir, et d'un marasme acide, brûlant, difficile à définir. C'est comme si une main de géant s'amusait à tout déranger à l'intérieur, fouillait et laissait derrière lui un chaos monstre.
Alors Nana, elle s'assoit sur les marches, se pelotonne et imagine férocement ce dieu qui lui crache à la gueule constamment. Elle le voit distinctement, sur une marche, sourire goguenard et air satisfait. Entre le rêve et l'éveil, elle serre son couteau qu'elle rêve mitraillette contre elle et esquisse dans l'air des déchirures qui font pleuvoir sang et viscères sur ses genoux déchirés d'être tant tombés. Ça dure longtemps, comme un rêve, une hallucination à rallonge, jusqu'à ce qu'une silhouette pénètre dans sa bulle et la fasse exploser en plein vol. Le matin a chassé la nuit et Eanna peine à s'habituer à la lumière du jour, comme si elle venait seulement de l'apercevoir dans son champ de vision. Des nuées de poudre circulent encore dans son corps peu habitué à l'acide qui brûle le coeur et rien ne lui semble réel. Rien. Cette église décrépie, cet homme de Dieu et son besoin à elle, impérieux, pressant, de pénétrer dans cette antre qui la dégoûte pourtant toujours. Nana s'avance, silhouette hallucinée et vient se planter devant l'homme en noir. Quelque chose de dérangeant scintille dans son regard perdu, fuyant. Une forme de rage mal contenue, un mélange toxique, hautement versatile. "Je veux qu'il se confesse. J'veux l'entendre s'excuser pour tout ce qu'il m'a fait. J'veux qu'il me supplie à genoux de pas t'envoyer l'rencontrer trop tôt." Elle siffle, Nana, poumons comprimés par sa propre folie, par la drogue, par la douleur constante qu'est sa putain d'existence. Elle a les muscles bandés à l'extrême, prête à mordre, prête à trancher, crever des yeux ou dessiner sur la gorge à nu un sourire béa(n)t. "Tu crois que tu pourrais faire ça ?" La douceur velours se substitue à la violence contenue, les lèvres autrefois closes esquissent un simulacre de sourire éphémère, qui n'a rien de rassurant. Eanna oscille entre la gosse privée d'amour et la jeune femme instable dans une confusion dangereuse, illustrée par le sang qui la macule, la lame argentée qui scintille entre ses phalanges, et son corps sous tension jusqu'à l'électrocution.
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MessageSujet: Re: look what you made me do (toad)   look what you made me do (toad) EmptyMer 20 Sep - 22:42

Y’a le soleil qui m’éclate les rétines, même à travers les paupières que je ferme trop fort comme pour grappiller une minute de sommeil en plus, alors que je suis déjà réveillé depuis longtemps. J’ai oublié de tirer les rideaux, la nuit dernière. Le sol dur et froid me signale que je suis tombé du lit en dormant, mais j’ai quand même pas envie de bouger. J’ai mal partout, le moindre mouvement fait office de torture. C’est ce qui arrive souvent quand on dort par terre, je sais. J’me demande comment j’ai pas pu remarquer que j’ai roulé du lit pour atterrir là, mais c’est fort possible que j’me sois endormi à même le sol, parce que j’ai une putain de gueule de bois. Lendemain de match de basketball au café du coin. Mais on va faire comme si j’étais rentré dignement la nuit dernière, sans me cogner sur tous les meubles et sans réveiller Ezra. J’espère que j’ai pas réveillé Ezra. Il est déjà parti quand je pointe le nez hors de ma chambre, en faisant craquer mes os un à un histoire de retrouver toute ma hauteur. Bon, douche froide. Faut que je prépare mon sermon pour demain, même si y’aura sans doute que la vieille Magda, comme d’habitude. Mais j’me dis qu’au moins, quand j’aurais des paroissiens, j’aurais des sermons prêts à servir. Eh, j’suis pas si con que ça. Mais du coup, douche froide, sinon tout ce que j’arriverai à écrire c’est des gribouillis. Déjà que l’orthographe et la grammaire j’y comprends rien, j’écris en phonétique, la plupart du temps. Je prends pas la peine de me sécher les cheveux en sortant, parce que je suis à peu près sûr de rencontrer personne dans l’église. J’enfile ma tenue de pasteur plus parce qu’elle gisait sur le carrelage de la salle de bains que parce que j’en ai vraiment l’utilité, et puis un peu parce que j’aime bien me mater dans le miroir avec le col blanc. Un peu comme on aime se regarder quand on s’est déguisé.

Je quitte la maison en m’allumant une cigarette, un bloc de feuilles et la Bible que Skeeter m’a offerte pour mon diplôme de théologie sous le bras, mais je m’arrête quelques secondes en voyant quelqu’un planté sur les marches. Une SDF ? J’devrais peut-être aller lui chercher un truc à manger. Boh, autant lui demander ce qu’elle veut. Je m’approche avec un air avenant : « Bonj… » Mes sourcils se froncent en notant le sang sur son visage, puis la lame qui vient luire sous le soleil. Fuck. « …jour. » Je termine quand même, pour pas la vexer. Elle a l’air enragée, se dressant devant moi comme si elle avait l’ascendant sur un type d’un mètre nonante-cinq. Bon, ouais, elle a l’ascendant, elle a un cran d’arrêt et j’ai… Une Bible. Je tente le vade retro satanas ou elle risque de le prendre mal ? Elle lance qu’elle veut qu’il se confesse et je me mords la langue pour ne pas l’interrompre en demandant qui, au final, la pièce finit par tomber. Elle parle du Créateur, la gamine. Et elle me menace de le rejoindre. C’est pas tout à fait comme ça que j’envisageais mon samedi matin.

Tu crois que tu pourrais faire ça ? « Eeeuh... » Elle est droguée, je le sais, les mois de désintox qui me reviennent en tête et la grimace désolée sur la gueule. « C’est un déguisement. Je suis pas vraiment... » Mouvements de sourcils pour voir si elle comprend ce que j’essaye de sous-entendre. J’ai pas délibérément choisi d’être lâche, c’est plus une tactique pour la faire réfléchir, et pouvoir choper son couteau pendant qu’elle médite sur mes paroles. Sauf que. Je suis putain de maladroit et de con et j’arrive à saisir le truc par la lame au lieu de lui tordre le poignet pour la faire lâcher, je tire quand même, la désarme, mais belle coupure dans ma paume alors que j’envoie balader le canif plus loin. Elle ira le chercher plus tard. « PU-TAIN. » Ça peut paraître agressif comme ça, mais je me l’adresse à moi-même en vérité, en collant ma paume sur ma chemise, sans savoir quoi faire d’autre. J’ai l’habitude de pisser le sang, de mon ancienne vie, mais ça m’empêche pas d’avoir mal et de pas spécialement kiffer l’expérience. Faut dire qu’avant, j’étais trop défoncé pour trop sentir la douleur. « Pardon. C’est mieux comme ça, non ? On est plus détendus. J’ai capté que t’étais en colère après Dieu, et j’suis vraiment désolé pour ça, mais j’ai pas de ligne directe pour l’appeler, tu vois. Sinon, tu comprends bien, il aurait tout le temps des réclamations. » Est-ce judicieux de faire de l’humour avec une camée en furie ? Moi j’me serais frappé. « Mais on peut discuter, s’tu veux, parce qu’en vrai je suis vraiment… Fin j’ai dit que je l’étais pas pour le couteau, c’est juste ça. Tu veux entrer ? Y’a de quoi te nettoyer un peu dans la sacristie. » Je fais un cercle de l’index autour de ma tronche, pour désigner son visage légèrement ensanglanté, aussi doux et précautionneux que possible quand je lui ouvre la porte de l’église.
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