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 guess my race is run ; ft. taffy

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MessageSujet: guess my race is run ; ft. taffy   guess my race is run ; ft. taffy EmptyDim 21 Mai - 7:59

Elle a le téléphone coincée entre l’épaule et l’oreille et un pli soucieux sur le front. « Minnie ? » interroge la femme au bout du fil. « Tu m’écoutes ? » Elle a envie de dire non. Elle pourrait dire non. Peut-être qu’elle devrait. Elle ne sait plus très bien pourquoi elle a repris contact avec cette nana en vérité, elle ne sait pas très bien pourquoi elle a accepté. Elle vient de loin, beaucoup trop loin, dans son passé, d’un temps révolu, d’une page tournée, et elle n’est pas sûre d’avoir envie de rouvrir le livre et d’en reparcourir les chapitres, pas sûre du tout de vouloir se replonger dans cet espèce de vie qui lui colle aux baskets. Farah vient aux Etats-Unis le mois prochain. Farah veut la voir, évidemment, Farah veut lui présenter ses enfants, Farah veut lui parler de sa vie, Farah veut, veut, veut, et Minnie n’est pas sûre d’avoir quelque chose à lui offrir, pas sûre même d’avoir envie de la revoir, parce que Farah côtoie encore ses parents, parce que Farah est un lien vers des gens dont elle ne veut plus rien savoir, vers des gens qu’elle n’est plus certaine de savoir aimer. Elle fuit, Minnie, quand elle répond qu’elle est occupée et qu’elle rappellera, elle prend la poudre d’escampette, Minnie, quand elle raccroche et qu’elle descend dans sa boutique, à la recherche de Meredith ou de Mia ou d’Ivory, à la recherche de quelqu’un qu’elle pourrait ennuyer, de quelqu’un avec qui elle pourrait plaisanter. Elle aurait voulu pouvoir appeler Asher. Elle aurait voulu pouvoir lui téléphoner et lui dire qu’elle a envie de le voir, débouler chez lui sans prévenir et coller les pieds sur la table basse du salon, boire une bière et jouer avec les oreilles de Dalek en écoutant les Rolling Stones. Elle aurait voulu pouvoir lui parler, faire comme si rien n’était arrivé, faire comme si elle n’avait pas dérapé, faire comme si elle n’était pas une ratée. Elle peut pas. Elle peut pas, là, parce qu’elle arrive plus à mentir après le coup de fil, parce qu’elle est fatiguée et qu’elle peut pas continuer à feindre.

C’est pour ça qu’elle appelle Taffy. Elle appelle pas souvent Taffy en général. C’est pas qu’elle l’aime pas mais elle lui envoie des sms, des photos de cookies et puis des images du curry qu’elle est en train de préparer. Elle lui téléphone pas trop parce qu’elle aime pas vraiment les appels, parce que ça oblige à contrôler sa voix et à pas laisser filtrer comme elle se sent. Elle appelle pas trop Taffy parce qu’elle a l’impression qu’il a des perfusions de joie de vivre et que parfois ça lui donne envie de crier, parce que parfois c’est trop, parce que parfois ça la frotte pas dans le bon sens du poil. Elle l’aime bien, pourtant, parce qu’il a une descente honorable et parce que c’est un des rares flics qu’elle craint pas, parce qu’il connaît les stigmates, quelque part, les regards de travers et les contrôles d’identités, parce que s’ils n’ont pas la même origine, ils ont du partager un temps les mêmes préjugés qui collent à la peau. Elle l’aime bien, parce qu’il lui parle de son ex-mari, parce qu’il pose des questions, parce qu’il a pas l’air de la soupçonner, lui, pas comme le flic d’avant, qui pensait qu’elle cachait quelque chose, qui pensait qu’elle avait commandité la mort de son mari, qui a tout fouillé, tout retourné, tout chamboulé, parce qu’il avait un doute. Elle sait très bien pourquoi, elle sait très bien ce qu’il cherchait, ce sur quoi il tentait de mettre le doigt, ce qu’il comprenait pas. Elle sait très bien qu’il avait perçu qu’elle l’aimait pas, le mari mort qu’elle enterrait. Elle sait très bien aussi qu’il n’a jamais compris. Taffy est différent. C’est pour ça qu’elle l’invite à boire un verre ce soir, parce qu’elle a besoin de vider des verres plutôt que son sac, parce qu’elle veut vomir de la bile mais pas ses sentiments.

Elle est en avance, quand arrive l’heure dites, même place que d’habitude, même verre à la main, un peu trop élégante parce qu’elle avait rendez-vous à la banque avant et que son banquier est sensible à ses charmes, un peu trop bien coiffée, un peu trop bien habillée pour la fatigue qui maquille son visage d’un masque qui creuse les cernes sous ses yeux. Elle sourit, pourtant, quand il arrive, enfonce son menton dans sa main pour se pencher un peu vers lui. Il y a quelque chose comme de la taquinerie dans ses yeux, quelque chose comme du plaisir et peut-être que c’en est, et peut-être qu’elle a commencé à boire, que c’est un verre de plus sur une liste d’alcool déjà consommé, parce qu’elle a le cœur en miette et qu’elle essaye de noyer les restes comme on a englouti l’Atlantide.

« J’aime plus les mecs, Taffy. » qu’elle lui lâche en trinquant avec lui, plutôt que de demander bonjour, ça va, comme toute personne civilisée. « Je deviens nonne et j’ai besoin de boire. »

C’est un mensonge, quelque part, mais pas vraiment. Elle peut pas devenir nonne, évidemment, mais plus le temps passe, plus elle se demande si l’abstention serait pas le meilleur choix. Moins de douleur et moins de tracas.

« Qu’est-ce que tu fais, en ce moment ? »

Elle aime bien quand il lui raconte des histoires, Taffy, parce qu’il y a toujours un rayon de soleil dans ses mots, quelque chose qui lui rappelle la maison et la sérénité, même lorsqu’il lui raconte les trucs les plus affreux du monde. Peut-être que c’est à cause de la lumière de ses yeux ou peut-être que c’est parce qu’il y a un rire dans sa voix ou peut-être que c’est parce qu’il est reposant. Elle sait pas trop. Elle a peut-être pas trop envie d’y réfléchir.
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MessageSujet: Re: guess my race is run ; ft. taffy   guess my race is run ; ft. taffy EmptyDim 4 Juin - 15:39

® tumblr
those who trespass against us


Anca et ses sourires compresse. Dani, beauté sauvage et coeur farouche. Ivory et ses éclats de rire. Asher, l'autre flic fourbu, un peu raté, cabossé. Amitié naissante. C'est à eux que Taffy pense lorsqu'il pénètre dans le bar. Tous ces gens qui gravitent autour de lui à Savannah. Ces personnes qui comptent et ne le savent sans doute pas. Minerva aussi. Elle l'a gentiment invité ce soir. Cette pensée allume un joyeux éclair dans ses yeux d'un brun d'agate. Un sourire se perd sur sa bouche.
Il la surprend alors, attablée déjà, un verre à la main. Il la voit fondre, souriante, tout occupée à disparaître en silence, sans gêner personne, poliment. Quand il la rejoint, elle tend vers lui son sourire tendre et douloureux. Elle mentionne les hommes, un soupçon de déception dans l'écorce de sa voix. « Tu vas faire des heureuses alors. » répond-il tout d'un coup. Il lui offre un mouvement de sourcils entendu, une lubricité factice en filigrane dans l'expression. Impossible de réprimer ses taquineries. Il la regarde doucement. Ses cernes violacés tranchent avec sa peau dorée. Il y a quelque chose chez elle qui lui griffe un peu le coeur. Le chagrin digne et feutré des gens usés ; ceux que la vie n'effraie plus. Même sa peine a quelque chose d'élégant. Une réserve, une tendresse qu'il n'arrive pas trop à décrire. Une femme qui a connu la vie, les ecchymoses de l'existence en étendard, les sentiments en bandouilère, qui tangue ou vacille sous les coups, mais qui se relève, encore, toujours, sans armistice ou abandon. « T'as raison, les nonnes c'est bien aussi. » Il rit et s'enquit de sa tâche, endosse sa veste de thérapeute des coeurs blessés. Il l'enrobe d'un regard soucieux. Ses iris s'attardent sur le port altier de son visage. Sa beauté noble, ineffable, soulignée par la finesse de sa tenue. Elle est fascinante, Minerva. Elle dégage le charme capiteux de l'orient, un parfum floral de sa boutique dans son sillage. D'habitude, elle lui fait penser à ses pivoines, fraîches et pimpantes. Ce soir, elle balance vers les chrysanthèmes, qui s'agitent sur les tombes dans la brise de novembre. Il ne lui demande pas ce qul ne va pas, elle y a répondu. Idylle blessée, sentiments répudiés. La magnifique abnégation de l'amour.
« Eh ben figure-toi que c'est la folie sur Savannah. » il s'arrête, comme pour ménager son suspense. « J'ai surpris un jeune en train de pisser au pied de la cathédrale. Il s'en est même foutu sur les pieds. » Taffy s'esclaffe en repensant à sa drôle d'altercation avec Sil. Un drôle de sourire demeure sur sa bouche un moment et creuse une petite fossette sur sa joue. « J'te jure, c'est pas une blague. » Il ricane un peu, hilare encore. Il attrape sa pinte et trempe ses lèvres dans la mousse liquide. Une gorgée fraîche coule sur sa langue et dévale son gosier. Il ferme les paupières pour savourer.
« Faudra que tu m'expliques, ce qu'une fille comme toi fait avec un type comme moi. » Un petit rire chaud et bref le secoue tout entier, avant qu'il recouvre son sérieux. Il marque une pause, une seconde, peut être plus. Il se penche un peu et ses dents mordillent la pulpe de sa lèvre. « Tu mérites bien mieux que moi comme ami, Minnie. » On le sait tous les deux, pense-t-il ensuite sans le dire. Il sait bien qu'il n'est pas souvent le premier choix. Plutôt le troisième ou le quatrième ; le dernier même. L'ultime recours. Celui que l'on invite quand on veut oublier la vie et ses soucis. Il s'en doute et cela l'amuse un peu. Il est de ceux qui préfèrent célébrer ; pour le reste, il ne sait pas trop comment faire. Il accroche son regard. Ses grand yeux bruns sondent ceux qui le contemplent. Il pense chaque mot qui s'échappe de sa bouche. Tu mérites mieux que moi Minerva. Un fragment d'instant, il dépose sa main sur la sienne et la serre. Effleurement fugace et charmant. Une sorte d'affection compatissante, maladroite, sourde mais réelle ; une solidarité pleine de pudeur. Puis il la retire tout aussitôt et son air doux s'estompe un peu. Ses yeux retrouvent alors toute leur lumière.
« Mais pourquoi le coup, tes jolies fesses sont coincées ici. Alors on va boire et manger ! À TABLE. » À l'évocation d'un repas, son oeil joyeux s'embrase. Il fait un grand signe au serveur pressé qui trottine à côté d'eux et lui décline sa commande : une grande barquette de frites et quatre Tek paf. Lorsque ce dernier revient à la hâte avec quatre shots, salière et rondelles citronnées, Taffy se verse tout aussitôt du sel sur le dos de la main. « À la tienne ! » Il lui offre un sourire immense qui lui découpe le visage en deux. Un petit air espiègle danse sous ses cils quand il ajoute : « et ... à nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent ! » Les verres tintent gaiement. Après un clin d'oeil complice à son amie, il avale d'un grand coup de langue le monticule salé et étouffe son rire dans une gorgée goulue. La tequila dégringole d'une traite dans sa gorge et enflamme ses entrailles. Il repose d'un coup sec son verre vide sur le comptoir avant de mordre avidement dans une tranche de citron. L'éraillement de la tequila se conjugue à l'acidité de l'agrume, il jubile. Un délicieux frisson lui parcoure l'échine. Ses joues brunes s'empourprent, à peine. Ses yeux pétillent un peu plus fort. La chaleur de l'alcool réchauffe son sang, sa peau, son foie et embrume son cerveau ; et ceux de Minnie, il espère, aussi.
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